[novembre 2006]

Le Bloc est un espace de discussion et de confrontation (dans le débat et dans la pratique) des expériences des différents courants marxistes-léninistes. C’est au fil des débats et des pratiques que se forge, notamment, la ligne syndicale du Bloc ML. Les progrès dans la définition de cette ligne ont généralement fait l’objet d’un article dans Clarté. Le texte qui suit fait la synthèse des thèses discutées et adoptées par le Bloc ML. Il n’embrasse par tout le champ de la discussion. Il est évolutif et s’enrichira des conclusions issues des prochaines discussions/engagements/bilans du Bloc.

Sommaire :
1. Introduction
2. Les Comité de lutte syndicale
2.1. Introduction
2.2. L’expérience des Comités de Lutte Syndicale
2.3. Les leçons de l’expérience des CLS
3. Lutte de classe et justice de classe
3.1. Les astreintes, nouvelle tactique patronale
3.2. Les astreintes, une arme de la justice bourgeoise
3.3. L’état juridique de la grève
3.4. L’offensive bourgeoise et le droit bourgeois
3.5. Le droit et la justice : phénomènes de classe
3.6. Exploiter les contradictions internes
3.7. La lutte contre les astreintes
3.8. La complicité des appareils syndicaux réformistes
3.9. Nouvelles formes d’organisation, nouvelles formes d’action
4. Sur le sabotage
4.1. Introduction
4.2. Antécédents historiques
4.3. Le sabotage aujourd’hui

1. Introduction

La lutte syndicale est un garde-fou nécessaire contre la pression des capitalistes, mais en finir avec le capitalisme exige une lutte spécifiquement politique, c’est-à-dire une lutte pour le pouvoir politique.

La position du Bloc ML quant à la lutte syndicale en général repose sur une rigoureuse distinction entre le syndicalisme compris comme moyen de défense des intérêts immédiats des travailleurs et, d’autre part, l’option qui prétend faire du syndicalisme l’alpha et l’oméga du progrès social, en l’inscrivant dans le projet réformiste. Cette distinction est donc avant tout politique. Des prolétaires peuvent lutter de la même manière et pour un même objectif partiel (salarial, par exemple) dans des perspectives radicalement différentes : les uns considérant que la satisfaction de leur revendication constituera un petit pas de plus accompli dans le sens d’une transformation progressive et progressiste de la société, les autres jugeant qu’elle constituera seulement un acompte dans l’attente de l’essentiel, à savoir le pouvoir politique et la propriété sociale des moyens de production. Ces deux conceptions opposées reflètent dans leur domaine la divergence entre le projet réformiste et le projet révolutionnaire. L’activité syndicale constitue naturellement un espace de lutte politique et idéologique entre ces deux projets.

Les révolutionnaires doivent pleinement soutenir les luttes syndicales pour la défense des intérêts immédiats des travailleurs, en s’engageant tant que faire se peut à leur côté. Mais ensuite, indissociablement, ils doivent porter la bataille politique et idéologique dans chaque lutte syndicale, en y défendant ouvertement le projet révolutionnaire contre le projet réformiste, en y appuyant toutes les tendances favorables à l’émergence ou au renforcement de la conscience de classe, de l’unité et de la solidarité prolétariennes, de la rupture avec les normes politiques, idéologiques, juridiques, etc. du régime bourgeois. L’accomplissement correct de ce travail nécessite une approche lucide et responsable du mouvement syndical en Belgique. La difficulté à ce propos réside dans le fait que les deux grandes organisations syndicales, comme toutes les autres d’ailleurs, sont irrémédiablement réformistes, corporatistes et étrangères aux intérêts historiques du prolétariat, en même temps qu’elles constituent — malgré leur carences et compromissions — les seuls remparts capables de protéger (relativement) la classe des exactions patronales.

Les militants du Bloc ML effectuent donc un travail syndical sur leur lieu de travail, tout en mettant en garde les prolétaires sur les limites de ce travail. Sur le front de la lutte du prolétariat et de la défense d’une ligne de classe dans le mouvement syndical, les militants du Bloc ML participent en outre aux activités des forces qui, dans le monde syndical, tendent directement ou indirectement en ce sens (comme ce fut le cas du Mouvement pour un Renouveau Syndical, comme c’est le cas de certains courants du Mouvement Pour une Démocratie Syndicale, etc.)

Nous rejetons comme droitière la pratique du MAS ou de PTB qui consiste à faire de l’entrisme dans la C.S.C. ou la F.G.T.B. (car cela revient à prendre place dans l’attelage de l’un ou l’autre char réformiste dont l’appareil est conditionné depuis des décennies par le projet social-démocrate). Nous rejetons comme gauchiste la déviation qui consiste à déclarer une guerre à outrance aux organisations syndicales, sur le mot d’ordre «Organisons-nous hors et contre les syndicats !» (car le mouvement révolutionnaire est actuellement incapable de remplir l’insuffisante mais néanmoins indispensable fonction de défense des intérêts immédiats les plus vitaux des travailleurs, — fonction que les syndicats trade-unionistes, par obligation et nécessité, continuent d’assumer).

C’est un problème très complexe et délicat. Même entièrement déterminées par le réformisme et la collaboration de classe, les organisations syndicales en place représentent un garde-fou contre les exactions patronales et les mesures gouvernementales les plus brutales, en même temps qu’elles sont un agent de stabilité pour l’exploitation capitaliste dans son ensemble. Cette dualité exige donc beaucoup de subtilité et de circonspection et deux soucis doivent être gardés à l’esprit. D’abord, il faut éviter de renforcer l’emprise idéologique et politique des grandes organisations syndicales sur les masses. Les révolutionnaires communistes doivent mener une lutte idéologique et politique ferme contre les orientations réformistes que la F.G.T.B. et la C.S.C. défendent et incarnent. Ensuite, il faut éviter d’exercer une influence dissolvante sur les structures syndicales de base, parce qu’elles sont indispensables à la défense des intérêts immédiats des travailleurs et que le camp révolutionnaire, dans l’État actuel des choses, est incapable de mieux protéger le monde du Travail.

Les communistes ont pour responsabilité de répandre au sein du prolétariat la claire compréhension de la nature de la lutte syndicale et de ses limites, des syndicats institutionnels et de leur rôle. Il existe indiscutablement un vif ressentiment à l’égard des organisations syndicales dans de nombreux secteurs d’avant-garde de la classe, mais ce ressentiment se cristallise encore trop souvent sur des problèmes secondaires si pas inexistants. Ainsi, par exemple, l’incapacité des organisations syndicales à garantir les intérêts authentiques et globaux du monde du Travail ou à répondre à la combativité des masses est généralement imputée à la corruption des dirigeants, à la division du mouvement — à la difficulté de former des «fronts communs syndicaux» — , au caractère de syndicat jaune de la C.S.C. (qui souvent, il faut le reconnaître, se montre digne de la créature patronale et cléricale qu’elle fut à sa naissance), etc. Or, si tout cela est bien réels, le fond du problème n’est pas là. Le fond du problème, ce sont les limites inhérentes à la lutte économique qui, seule, ne pourra jamais assurer les intérêts généraux et historiques du prolétariat. La corruption, la division, les trahisons, le corporatisme, etc. du monde syndical sont des maux bien réels, mais même épuré des traîtres et des corrompus, uni et homogène, le mouvement syndical resterait toujours structurellement incapable d’autre chose qu’une défense plus ou moins efficace (selon les périodes) des intérêts immédiats du prolétariat, dans le cadre d’un système répondant objectivement à l’intérêt général de la bourgeoisie et du capitalisme.

Les militants du Bloc ML fournissent donc un travail constant d’agitation et de propagande pour démontrer aux prolétaires combatifs légitimement déçus par l’action syndicale que la lutte économique et réformiste s’inscrit par nature dans un cadre tel qu’elle ne peut en toute hypothèse suffire à l’organisation et au triomphe du monde du Travail. La lutte économique subordonnée à la lutte politique, le syndicat subordonné au Parti de classe, telle est la clé du problème, telle est la base sur laquelle il s’impose de construire — ou plutôt : reconstruire — une opposition syndicale révolutionnaire susceptible non seulement d’assurer les intérêts immédiats des travailleurs (tâche spécifique qui garde toute son importance et qu’il n’est permis en aucune façon de négliger) mais aussi surtout de contribuer activement à la réalisation des intérêts généraux et historiques du prolétariat

2. Les Comité de lutte syndicale

2.1. Introduction

Concrètement, en tenant compte de la répression qui frappe les syndicalistes de lutte de classe, tant de la part de la justice bourgeoise (à laquelle le patronat a de plus en plus systématiquement recours) que de la part de la bureaucratie syndicale (comme en témoignent les purges de 2002-2003 dans la F.G.T.B.), nous pensons que l’expérience des Comités de Lutte Syndicale, qui connurent un grand succès sous l’occupation nazie, doit recueillir une attention particulière.

Un Comité de Lutte Syndicale regroupe dans une même entreprise ou secteur : primo les syndicalistes de lutte de classe de tous les syndicats,

secundo les travailleurs conscients et combatifs non-syndiqués (c’est le cas de nombreux travailleurs dégoûtés des syndicats),

tertio les pensionnés, prépensionnés et chômeurs actifs sur le front de la lutte des classes et ayant fait partie de l’entreprise ou du secteur dans le passé.

En raison des répressions du patronat, de l’État bourgeois et des bureaucraties syndicales, les Comités de Lutte Syndicale ont une vie semi-clandestine (leurs tracts peuvent être distribués aux portes de l’entreprise par des camarades travaillant ailleurs). Ils dénoncent les accords passés entre les patrons et la bureaucratie syndicale et proposent leurs propres mots d’ordre, en liaison étroite avec la réalité de l’entreprise ou du secteur, et en évitant soigneusement de tomber dans des travers corporatistes.

Les communistes ont pour responsabilité de répandre au sein du prolétariat la claire compréhension de la nature de la lutte syndicale et de ses limites, des syndicats institutionnels et de leur rôle. Il existe indiscutablement un vif ressentiment à l’égard des organisations syndicales dans de nombreux secteurs d’avant-garde de la classe, mais ce ressentiment se cristallise encore trop souvent sur des problèmes secondaires si pas inexistants. Ainsi, par exemple, l’incapacité des organisations syndicales à garantir les intérêts authentiques et globaux du monde du Travail ou à répondre à la combativité des masses est généralement imputée à la corruption des dirigeants, à la division du mouvement, à la difficulté de former des  » fronts communs syndicaux « , au caractère de syndicat jaune de la C.S.C. (qui souvent, il faut le reconnaître, se montre digne de la créature patronale et cléricale qu’elle fut à sa naissance), etc. Or, si tout cela est bien réel, le fond du problème n’est pas là. Le fond du problème, ce sont les limites inhérentes à la lutte économique qui, seule, ne pourra jamais assurer les intérêts généraux et historiques du prolétariat. La corruption, la division, les trahisons, le corporatisme, etc. du monde syndical sont des maux bien réels, mais même épuré des traîtres et des corrompus, uni et homogène, le mouvement syndical resterait toujours structurellement incapable d’autre chose qu’une défense plus ou moins efficace (selon les périodes) des intérêts immédiats du prolétariat, dans le cadre d’un système répondant objectivement à l’intérêt général de la bourgeoisie et du capitalisme.

2.2. L’expérience des Comités de Lutte Syndicale

En 1938, Henri de Man devient le président du Parti Ouvrier Belge (actuel PS). De Man, qui avait écrit Au-delà du marxisme, est une des principales figures du socialisme « moderne » de collaboration de classe. Depuis de nombreuses années, les communistes dénonçaient la nature de ce « socialisme » comme le frère jumeau du fascisme qui triomphait alors en Allemagne et en Italie. Dès I’invasion de la Belgique, le président du POB se démasque : il dissout d’autorité son parti et les syndicats, et invite les travailleurs à construire le socialisme dans le cadre de l’Ordre nouveau hitlérien ! Quelque temps après, lui et quelques autres lancent le manifeste de constitution de l’Union des Travailleurs Manuels et Intellectuels, l’UTMI, syndicat de collaboration avec l’occupant. Les promoteurs de l’UTMI, qui niaient la lutte de classe et la conscience de classe, spéculaient à la fois sur le vieux désir d’unité des travailleurs et sur le dégoût que leur inspiraient les dirigeants syndicaux sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens d’avant-guerre. L’opération fut un échec et quelques-uns des signataires du manifeste virèrent de bord. Cependant, on assistait à la mise en veilleuse de la CGTB (socialiste) et de la CSC. Ces organisations syndicales n’ont joué aucun rôle sous l’occupation.

Le Parti Communiste, qui était alors essentiellement marxiste-léniniste, comprit que son devoir était de relancer la lutte syndicale, dénoncer le syndicat collabo UTMI, surmonter l’attentisme des dirigeants de la CGTB et de la CSC. II fallait faire triompher l’unité à la base et dans l’action, contre l’occupant hitlérien, contre le grand capital. La direction clandestine du Parti confia ce travail à un de ses secrétaires, Constant Cohn, ouvrier verviétois, grand dirigeant et remarquable organisateur, qui fut assassiné par I’occupant.

C’est en mars 1941 qu’apparaissent dans les entreprises de la région liégeoise les premiers noyaux des Comités de Lutte Syndicale (CLS). Durant l’hiver 1940 et le printemps 1941, la population souffrit de la disette (conséquence du pillage du pays par les nazis). Le Parti appela à lutter, à faire grève, à manifester. Les CLS reprirent ces mots d’ordre. Il y eut des grèves dans les bassins miniers du Centre, du Borinage, de Charleroi. Mais l’action la plus spectaculaire fut la grève des 100.000 mineurs et métallurgistes de Liège qui s’étendit entre les deux dates symboles du Premier Mai et du 10 mai 1941 (premier anniversaire de l’invasion du pays). Cette grève était conduite par un autre secrétaire du Parti, Julien Lahaut. Elle affola les nazis qui ripostèrent par des arrestations massives. Rien n’y fit, la grève ne faiblit pas, et l’occupant dut accorder une augmentation générale de 8% de tous les salaires. Il était prouvé que la lutte de classe continuait et qu’elle pouvait être payante.

Les CLS s’organisèrent dans les entreprises. La lutte était conduite pour des augmentations de salaires, pour un meilleur ravitaillement et contre les déportations de travailleurs en Allemagne. Les CLS alliaient les méthodes de luttes légales et illégales. Cela allait de simples délégations jusqu’à la constitution, en liaison avec l’Armée Belge des Partisans, de groupes de sabotage très efficaces. Une véritable unité à la base se constitua dans les entreprises dans ces organisations syndicales de type nouveau. Et le bilan des CLS est extraordinairement positif. La direction d’après-guerre du PCB a tenu caché ce bilan remarquable, n’a rien fait pour le populariser. Pourtant certains faits majeurs sont connus. En 1942, les mineurs ont fait grève, sous la direction des CLS, contre le travail du dimanche. II y eut encore les grèves des métallos et mineurs de Liège en novembre 1942; celle des cheminots de Verviers en novembre 1943; celle de 10.000 ouvriers liégeois encore en janvier 1943; celles de 10.000 travailleurs de Charleroi en février 1943. II faut également signaler les campagnes pour les salaires en automne 1943 avec grèves des mineurs et des métallurgistes, la campagne pour une plus grande sécurité dans les usines au moment des bombardements anglais du printemps 1944. II y eut aussi d’importantes grèves des dockers à Gand, des ouvriers du lin dans le Courtraisis, etc.

Celui qui menait une grève pendant l’occupation risquait les camps de concentration ou la peine de mort, et pourtant l’activité syndicale fut intense. Aussi à la libération, les CLS jouissaient d’un prestige, d’une autorité et d’une popularité immenses. Les adhésions se multipliaient car les travailleurs voulaient évidemment que le bon travail de classe soit continué, dans des circonstances nouvelles, selon d’autres méthodes mais avec le même dévouement, la même efficacité. Dans de nombreuses entreprises, de véritables syndicats uniques se sont constitués et il n’était pas rare de voir la totalité du personnel y adhérer.

Au sortir de l’occupation, la classe ouvrière, tous les travailleurs de Belgique se trouvent donc dotés à la base d’organisations syndicales de lutte de classe d’un type nouveau, rompues au travail illégal. Cela a été possible parce que le Parti a su faire preuve d’audace créatrice. II a évidemment très bien compris que la nécessité de travailler même dans les syndicats réactionnaires comme le recommandait Lénine ne postulait pas de militer à l’UTMI, à la solde d’un impérialisme étranger. Il a très bien compris que ce serait une trahison d’estimer qu’il n’est de possible en notre pays que des syndicats sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens ; il a compris qu’à condition d’être lié aux travailleurs, d’être à leur écoute, de se mettre à leur tête franchement, entièrement, il est possible de créer de nouvelles organisations syndicales, fut-ce dans des conditions difficiles. Mais ce n’est pas par en haut qu’il faut agir. C’est à la base. D’abord de petits noyaux, puis des groupes plus grands. Ainsi sont nés et ont grandi les CLS.

Quand on considère ce qui s’est passé depuis, les erreurs commises et comment cet acquis magnifique a été liquidé, on a trop tendance à croire que l’origine des erreurs se trouve dans un mauvais processus de fusion des syndicats après la libération. Mais il faut remonter plus haut. En juillet 1943, le Parti eut l’immense malheur de voir sa direction clandestine tomber en entier aux mains de la Gestapo à la suite de la trahison de Pierre Nothomb et de ses comparses. Ce fut un coup très dur et la nouvelle direction, celle de Lalmand et de Terfve, fit triompher dès ce moment ses conceptions opportunistes, fondées sur un esprit de collaboration totale avec la grande bourgeoisie belge.

Ainsi, dès la fin de 1943, sans avoir demandé l’avis des ouvriers intéressés, des militants clandestins, ni même des responsables du Parti concernés, la direction Lalmand-Terfve a provoqué la fusion des CLS de la métallurgie liégeoise avec les noyaux dirigés par André Renard. A cette époque — en pleine occupation — les CLS ont 75.000 affiliés. Ils ont servi de masse de manœuvre à Renard pour former son Mouvement des Métallurgistes Unifiés qu’il baptisa à la libération Mouvement Syndical Unifié (MSU).

Le courant unitaire à la base était puissant. La classe ouvrière voulait un syndicat unique, de type nouveau, de lutte de classe. Aussi, la Conférence Nationale des CLS convoquée en octobre 1944 se déroula dans un grand enthousiasme et donna naissance à la Confédération Belge des Syndicats Uniques (CBSU). Mais la direction du Parti ne croyait pas à la possibilité de réaliser l’unité des travailleurs sur des positions de lutte de classe. Les Syndicats Uniques la gênaient, et dans un rapport présenté au Comité Central, le 21 octobre 1944, Lalmand abattait ses cartes: « Ce n’est pas CONTRE les anciennes organisations qu’il faut réaliser l’unification, mais autant que possible AVEC elles ». En d’autres termes, Lalmand, Terfve, Burnelle et quelques autres allaient sauver les anciens syndicats de collaboration de classe, complètement discrédités, dont plus personne ne voulait. Ils allaient en particulier sauver les dirigeants de la CGTB.

Les dirigeants syndicaux sociaux-démocrates (en particulier Finet et Major), ravis de l’aubaine, manœuvrèrent pour faire monter les enchères. Impatientée, la direction du Parti provoqua une nouvelle fusion : celle des Syndicats Uniques des Services Publics avec les débris de la Confédération Socialiste des Services Publics. Cinquante mille membres étaient ainsi fournis à la CGSP aux mains de Janssen, un proche d’André Renard. Aux ACEC de Charleroi, le Syndicat Unique était sommé d’entrer au MSU dirigé par Clercy, autre lieutenant de Renard. Le Syndicat Unique était privé de deux de ses places fortes : la métallurgie et les services publics. Enfin, au Congrès de Noël 1945, c’était la fusion par le haut de la CGTB de Finet-Major, du MSU de Renard, de la CGSP à forte influence renardiste et du Syndicat Unique. Cette fusion (comme les fusions partielles qui l’avaient précédée) s’était faite de la plus déplorable façon — par le sommet, bureaucratiquement, sans consultation ni collaboration des travailleurs. En fait ceux-ci n’en voulaient pas, parce qu’ils ne voulaient plus des anciennes organisations discréditées. La direction du Parti imposa la fusion et ceux qui faisaient preuve de restriction étaient sanctionnés.

La fusion a été un simple marchandage entre dirigeants. Il s’agissait d’un partage de fonctions grassement rétribuées, d’un dosage des responsabilités. Les dirigeants de la CGTB n’avaient plus guère d’adhérents mais savaient manœuvrer. Spéculant sur l’unitarisme à tout prix et sans principes des dirigeants de la CBSU et de ceux du Parti qui les inspiraient, ils faisaient mine de se retirer sous leur tente. Ils ont pu ainsi, par une sorte de chantage, se tailler la part du lion dans l’organisation unifiée. Les méthodes de direction et d’organisation employées à l’intérieur de la CBSU étaient les plus déplorables. On avait parachuté à sa tête des militants issus de la social-démocratie (les adhésions au Parti d’Avaux et de Noël étaient toutes récentes). Dans l’état-major, il y avait très peu d’ouvriers : ni Dejace, ni Avaux, ni Noël, ni Crèvecoeur, ni Roger Lefèvre, ni Vandenbergh n’étaient issus des entreprises. Mais les deux premiers étaient membres du Bureau Politique, les autres (sauf Noël) du Comité Central. Par leur intermédiaire, comme à l’échelon régional, par l’intermédiaire des membres du Comité Fédéral, la direction du Parti imposait sa politique aux Syndicats Uniques.

On avait ainsi tôt obtenu des organisations caporalisées que les travailleurs ne reconnaissaient plus pour leurs. On peut se demander comment de telles pratiques dénaturées ont pu voir le jour. La vérité est que, tournant le dos aux principes du marxisme-léninisme, le Parti avait adopté une politique de collaboration de classe, une politique d’intégration au régime démocratique bourgeois. Dans son rapport au Comité Central du 12 août 1945, Jean Terfve disait : « Le problème central autour duquel se rassemblent tous les autres, c’est l’augmentation de la production. C’est pourquoi notre Parti lance aux travailleurs le mot d’ordre : production d’abord. Mettons tout en œuvre pour accroître la production ». Toute grève était considérée comme… réactionnaire, d’inspiration trotskyste puisqu’elle nuisait à l’augmentation de la production.

Pour participer au gouvernement, pour quelques fauteuils de ministres et de chefs de cabinet, la direction du Parti accepta le désarmement des Partisans. Le rapport du Comité Central pour le VIIIe Congrès déclare ingénument : « Le Parti s’est opposé aux mesures de blocage de salaires prises par le Gouvernement Van Acker. Ses représentants au Gouvernement se sont trouvés dans l’impossibilité de faire prévaloir leur point de vue sur ce point Ils ont estimé — à juste titre — que ce n’était pas une raison suffisante pour rompre la coalition gouvernementale à un moment où la concentration démocratique s’imposait contre les menées léopoldistes ». Pour rester ministres, on acceptait le blocage des salaires ! Le reste fut évidemment à l’avenant. Dans ces conditions, la liquidation des Syndicats Uniques était dans la logique d’une politique déjà étrangère aux intérêts de la classe ouvrière, mais au service de la grande bourgeoisie. Ce n’était d’ailleurs là qu’une étape. Car même vis-à-vis de la FGTB, on fit toutes les sottises possibles. Dejace était resté secrétaire national. Voulant le remplacer par un Avaux plus docile, la direction du Parti provoqua son éviction à un congrès de la FGTB, donnant ainsi aux Finet, Major, Debock, Gailly, Renard une magnifique occasion de liquider tous les militants issus des S.U. ! Au fil des temps, tout devint clair. Les Avaux, Crévecoeur, Roger Lefèvre, Black, réintégrèrent le Parti Socialiste. La FGTB redevenait une des formes de la social-démocratie.

Neuf ans durant, les camarades du Syndicat Unique des Mineurs (surtout) et ceux de la Pierre ont tenu bon. Mais ils gênaient. Les dirigeants ne cachaient pas la volonté de les liquider, prétendant que leur disparition entraînerait automatiquement l’adhésion des membres du Syndicat Unique à la Centrale Indépendante et un bon travail au sein de celle-ci. Terfve, Claude Renard, Noël, Leemans, Burnetle, Beelen, et les autres sabotèrent le travail des Syndicats Uniques des Mineurs et de la Pierre. Au lendemain du XIe Congrès, un Comité Central réalisa le mauvais coup : les Syndicats Uniques étaient purement et simplement liquidés.

2.3. Les leçons de l’expérience des CLS

De la magnifique expérience des CLS et du bilan syndical désastreux de la direction révisionniste Lalmand-Terfve-Burnelle, quelques leçons générales peuvent être dégagées.

Primo : Chaque fois qu’il a pratiqué à fond et sans restriction l’unité à la base, le Parti a progressé. C’est pourquoi les CLS ont été un grand succès car c’est le Parti qui a voulu les CLS et c’est sa juste politique qui a permis de les développer. Par contre, chaque fois qu’il a pratiqué l’unité au sommet, l’unité avec les organisations réformistes, sociaux-démocrates, le Parti s’est coupé de la classe et subit des défaites, au point de perdre à la fois tout caractère révolutionnaire, toute légitimité, toute force et toute influence.

Secundo : Il n’est pas inscrit une fois pour toutes que les seules organisations syndicales qui peuvent exister en Belgique doivent être ou sociaux-démocrates ou démocrates-chrétiennes. Mais un juste travail syndical des travailleurs communistes ne doit pas viser à créer du haut, bureaucratiquement, une nouvelle centrale. C’est à la base, si possible dans ce qui existe, que le communiste milite. Il doit viser à unir, à constituer des comités d’action, des comités de lutte syndicale. Il doit faire preuve d’initiative, varier les tactiques selon les circonstances.

Tertio : Il ne faut pas hésiter à dénoncer les trahisons actuelles comme les trahisons de l’UTMI ont été dénoncées à l’époque. Faire croire qu’un redressement de la démocratie est possible à la FGTB et à la CSC, comme disent les révisionnistes et les trotskystes à travers le Mouvement pour une Démocratie Syndicale (MPDS) par exemple, c’est se payer de mots. Seule l’unité à la base, dans la lutte, avec comme perspective la création de CLS, sans jamais compter sur l’appui des directions des syndicats de collaboration de classe, est garante de l’avenir.

3. Lutte de classe et justice de classe

3.1. Les astreintes, nouvelle tactique patronale

Depuis le précédent de l’usine de verre automobile ACV de Fleurus (ex-Splintex), dont les patrons) avait obtenu en janvier 2005 du président du tribunal de Charleroi une ordonnance décrétant une astreinte de 5.000 euros par personne qui serait empêchée d’entrer dans l’usine, le nombre des luttes de travailleurs attaquées par la justice bourgeoise au moyen du système des astreintes va été croisant.

Chez AIS, une petite entreprise de peinture de Genk, un travailleur a été licencié car il avait osé se rendre auprès du syndicat avec une série de plaintes du personnel relatives aux conditions de travail. Huit travailleurs de la PME, sur onze, ont alors débrayé pour s’opposer au licenciement. Le patron a introduit une requête unilatérale au tribunal pour imposer des astreintes aux grévistes. Ceux-ci doivent payer 750 euros si l’accès à l’entreprise est refusé aux non-grévistes. Le 13 avril 2005, lors d’une action de soutien aux travailleurs en grève, menée par la FGTB, le patron a foncé à toute allure avec sa voiture sur le piquet de grève. Quatre travailleurs ont été blessés.

Les patrons de la FNAC Belgique ont concocté un « plan de relance » prévoyant une suppression d’emplois équivalent à 25 temps plein, une nouvelle grille salariale basée sur le mérite au lieu de la grille basée sur l’ancienneté, et un horaire de travail comprenant 25 jours par an où l’employeur peut imposer l’horaire de travail sans l’accord du travailleur. Le 21 avril 2005, les travailleurs du dépôt d’Evere, directement visés par la restructuration ont cessé le travail et ont mis en place des piquets de grève. La direction de la FNAC a immédiatement réagi en faisant appel au tribunal, par une procédure en référé. Le juge a décidé d’infliger une astreinte de 5.000 euros par heure à chaque gréviste présent au piquet, ce qui a mis fin au piquet.

Le 28 octobre 2006, une grève a paralysé la papeterie gantoise Stora Enso, située à Langerbrugge. L’enjeu était une majoration salariale. La Centrale Générale (FGTB) revendiquait une augmentation de 0,3 euro. 98% des ouvriers s’étaient prononcés contre une première proposition patronale, 78,6% contre une deuxième qui déclencha la grève. Le deuxième jour, un courrier était envoyé à tous les travailleurs les informant que la restructuration mondiale annoncée par la firme mère finnoise, pourrait également frapper le site à Langerbrugge (alors qu’il n’en avait jamais été question auparavant). Le troisième jour, un huissier se pointait au piquet de grève et le jour suivant la direction faisait état du jugement d’un tribunal imposant une astreinte de € 1000 par volontaire et par camion bloqués par le piquet de grève. Chaque travailleur a d’ailleurs trouvé un courrier à ce sujet dans sa boîte aux lettres. Mais les ouvriers ont poursuivi leur action.

Le 8 décembre 2005, pendant la grève contre le « pacte des générations », des huissiers envoyés par les patrons Carrefour Belgium sont venus au piquet du supermarché carrefour d’Auderghem avec un jugement stipulant que le préavis de grève n’avait pas été déposé dans les 15 jours précédant l’action et que la grève ne pouvait avoir lieu. La menace d’astreinte était là de 500 euros par client que la grève empêcherait d’entrer dans le magasin. Cette menace et l’intervention de la police qui embarqua certains grévistes a eu raison de la grève.

Le 13 janvier dernier, les AMP (Messageries de la Presse) annonçaient avoir lancé une procédure en référé visant à l’interdiction des piquets sous peine d’astreinte. L’offensive contre la grève pris différentes aspects ; ainsi le groupe Sud Presse qui allait trouver une « alternative pour faire distribuer ses journaux » allait en être empêché in extremis par les grévistes qui mirent tout bonnement le feu aux 27.000 exemplaires de la Nouvelle Gazette qui sortaient de presse…

Et le phénomène n’est pas spécifique à la Belgique. Le 3 novembre 2005, après 32ème jours de grèves, un tribunal marseillais a déclaré illégale au motif qu’elle est politique la grève des travailleurs de la Régie des Transports Marseillais luttant contre la privation ! Les syndicats se sont vu infligé une assignation de 10.000 euros par jour de grève supplémentaire, ce qui a amené les grévistes a suspendre le mouvement…

3.2. Les astreintes, une arme de la justice bourgeoise

Cette systématisation du recours aux astreintes (immédiatement demandées par les patrons, immédiatement accordées par la justice) témoigne d’une évolution dans la tactique> de la justice de classe — et certes pas dans sa nature. La justice de classe a pu faire l’expérience que les astreintes étaient autrement plus efficace pour briser un piquet que les matraques, dans la mesure où les ouvriers en lutte font généralement face avec courage et détermination à une confrontation violente avec les flics, mais hésitent à s’enchaîner pour le restant de leur vie à des dettes judiciaires énormes. De plus, ces condamnations se font avec la complicité totale de la presse du régime, qui est un peu plus gênée lorsque les flics chargent les travailleurs défendant leur emploi.

Si l’on peut considérer les astreintes comme un phénomène nouveau, l’intervention de la justice dans les conflits sociaux ne l’est certainement pas.

Rappelons-nous du procès Clabecq. Même si la plupart des concernés et de leurs proches se réjouissent du fait qu’il n’y a pas eu de condamnation pour les treize camarades syndiqués, les effets de ce procès ont été catastrophiques pour le développement de la lutte des classes en Belgique. Pendant la grève, des centaines de travailleurs du pays tout entier se réunissaient aux Forges pour discuter d’une alternative syndicale — ce qui a donné naissance au Mouvement pour un Renouveau Syndical (M.R.S.). Des débats très animés se menaient régulièrement. Une fois le procès arrivés, les militants se sont retrouvé à devoir investir sur ce front de lutte particulier, et à mener une bataille d’usure avec l’appareil judiciaire. La dynamique de lutte et de mobilisation de classe en a tellement souffert qu’après cinq ans d’audiences et d’escarmouches procédurières, la bourgeoisie n’avait même plus besoin de condamner les treize camarade pour remporter la victoire. Le M.R.S. avait dépensé toutes ses capacités de mobilisation dans un procès qui ne lui permettait pas de les renouveler : de nombreux camarades avaient décrochés, la dynamique de lutte s’était épuisée. À une échelle moindre mais dans le même esprit, l’asbl HIW veut faire comparaître le dirigeant de la FGTB, Xavier Verboven dans une tentative de lui faire payer les dommages occasionnés par la grève du 7 octobre 2005, et a ouvert une procédure contre des grévistes ayant bloqué l’accès à un zoning avec leur véhicule.

Le patronat et ses hommes-liges préparent déjà l’étape suivante, qui les dispensera de passer par les huissiers et par la procédure des astreuintes. Rik Daems (VLD) et Daniel Bacquelaine (MR) ont rendu public leur volonté de déposer à la Chambre une proposition de loi pour «protéger» les travailleurs volontaires lors d’une grève. Cette loi instaurerait une sanction pénale spécifique en cas de voie de fait entravant l’accès au lieu de travail. La sanction irait de 15 jours à 2 ans de prison et pourrait être assortie ou remplacée par une amende. Sur base de cette loi, la police interviendra directement pour arrêter les auteurs du délit que constituera un piquet de grève.

3.3. L’état juridique de la grève

Il n’y a pas, en Belgique, à strictement parler, de « droit de grève » ; tout au plus peut-on la considérer comme une « faculté licite ». Il n’existe en effet aucune disposition légale abordant la question du droit de grève, mais, il est implicitement reconnu depuis l’abrogation, en 1921, de l’article 310 du Code pénal sur l’atteinte à la liberté du travail. Diverses propositions de loi ont cependant été déposées par des parlementaires libéraux et socialistes, avec des visions différentes.

Le patronat n’est évidemment pas absent de ce débat et, en avril 1949, il fait du lobbying pour un « Projet de lois sur la suspension du contrat de louage en cas de grève » (qu’il expose dans le n°156 de son Bulletin Social des Industriels), son discours, depuis, n’a pas varié : « L’exercice du droit de grève doit être organisé par la loi et ce, préalablement à la réglementation des conséquences éventuelles de la grève déclarée. Les principes ci-après doivent être pris en considération :

1° Respect et garantie de la liberté du travail; nul ne peut être contraint à cesser le travail;

2° Le bénéfice de la suspension du contrat de louage de services n’a lieu qu’en cas de grève juste et régulièrement déclenchée ;

3° La grève juste présuppose :

a) que griefs et revendications soient définis avec précision et clarté ;

b) que tous moyens de conciliation soient épuisés et que l’échec des tentatives de conciliation soit expressément constaté ;

c) qu’après constatation dudit échec, un préavis spécial soit notifié avec délai de sept jours francs pour les ouvriers et de six semaines pour les employés (délais à titre simplement indicatif) ;

d) que par scrutin secret, la majorité des travailleurs se soit prononcée pour la grève ;

e) que l’application de la loi du 19 août 1948 sur les prestations d’intérêt public en temps de paix soit assurée.

4° Ces conditions n’étant pas remplies, la grève sera considérée comme irrégulière et légalement interdite; le contrat de louage de services sera tenu pour rompu unilatéralement avec recours possible aux sanctions conventionnelles ou légales; l’autorité doit être habilitée à mettre fin à la grève par toutes voies légales. »

La polémique sur question de la rupture ou de la suspension du contrat de travail n’a trouvé son épilogue juridique qu’en 1981 : la Cour de Cassation a déclaré que la grève impliquait la suspension du contrat de travail et non sa rupture, entérinant ainsi une tendance au sein des tribunaux remontant à l’après-guerre.

Il importe de voir que le discours patronal sur la grève date de l’après-guerre. C’est à ce moment que s’est mis en place le dispositif de concertation sociale généralisé, avec achat de la paix sociale par une amélioration du pouvoir d’achat. Le patronat veut alors voir le droit de grève (sévèrement) réglementé et être libre de faire appel à la justice s’il estime cela nécessaire, et d’abord quand les syndicats remettent en question la signature d’un accord professionnel (ce sont pourtant les commissions paritaires qui déterminent en grande partie le déclenchement et le déroulement des grèves entérinées par les directions syndicales). L’exigence d’un recours aux tribunaux et d’une répression judiciaire est encore plus fort pour les grèves décidées et/ou menées indépendamment des syndicats.

Le discours patronal (plus ou moins radical selon la virulence de la lutte des classes et/ou de la chute du taux de profit) est fondamentalement constant quant à la nécessité de définir un cadre légal dans lequel le droit de grève s’insérerait, et aux critères de reconnaissance d’une grève « légitime ».

Quatre critères reviennent régulièrement :

1° La grève ne peut remettre en question une convention collective, ni même avoir lieu quand une concertation sociale en cours. D’illégitime (en attendant d’être illégale), elle devient aux yeux du patronat « anarchique » si le débrayage est décidé par les masses indépendamment des structures syndicales, à qui le patronat demande de contrôler leurs troupes.

2° La grève ne peut perturber l’ordre public ni de l’ordre économique, (et spécifiquement pas d’interruption de services vitaux comme ceux de l’énergie et des transports « pour ne pas faire supporter par l’ensemble de l’économie les exigences ou les velléités de quelques-uns »).

3° La grève ne peut être utilisé à d’autres fins que professionnelles : le patronat veut interdire tout grève « politique ». Et encore le terme « politique » est-il utilisé de manière fort large, puisque pour le patronat toute action contre l’Etat est assimilée à une grève politique. Pourtant, à partir du moment où le Parlement légifère en matière économique et sociale, il est logique que parfois la volonté des travailleurs se heurte aux intentions gouvernementales : la distinction grève politique/grève professionnelle est devenue oiseuse. De nos jours, toutes les grèves importantes sont politiques.

4° Les moyens utilisés dans le cadre de la grève doivent être « moralement admissibles », ce qui exclu toute menace contre le « droit au travail » [des jaunes], les menace (et plus encore la pratique) de sabotage de l’outillage ou de la production, etc…

3.4. L’offensive bourgeoise et le droit bourgeois

L’offensive bourgeoise actuelle suit pas à pas tous ces axes présents dans le discours patronal dès l’après-guerre. C’est le cas du projet de loi contre les piquets de grève déjà évoqué, mais c’est aussi le cas du « service minimum en cas de grève » mis en avant dans le nouveau contrat de gestion (2005-2010) de la Société Régionale Wallonne des Transports (la société qui chapeaute les TEC). Remarquons que tous les partis du gouvernement wallon ont approuvé ce « service minimum » mis à l’ordre du jour, dès le gouvernement précédent, par l’Ecolo José Daras. Les vieux procédés d’achat de la paix sociale réapparaissent ici puisqu’en échange de ce « service minimum », le gouvernement wallon proposera aux syndicats le 26 janvier que 30% des augmentation des recettes liées au trafic des TEC soient reversés aux travailleurs à titre de « prime d’intéressement ».

L’offensive bourgeoise en général, et particulièrement l’offensive patronale à l’aide des astreintes, relève donc du changement de tactique plutôt que du changement de nature du patronat ou de la justice. Car la justice a toujours été une machine au service des classes dominantes, dont la fonction était de perpétuer le statu quo social. Et les racines de ces caractères plongent très profondément dans la société. Il ne s’agit pas simplement du fruit d’un « déséquilibre » sociologique du système judiciaire. Les bourgeois ou les éléments de cette petite-bourgeoisie intellectuelle qui, dans les écoles, les rédactions et les palais de justice, sert de courroie de transmission entre la puissance capitaliste et les masses exploitées, représentent certes la grande masse du « personnel judiciaire ». Mais il serait erroné de croire qu’il suffirait de modifier cette réalité sociologique pour changer la réalité politique de la machine judiciaire. Un afflux de magistrats issus (par quel miracle ?) du prolétariat en ayant conservé (par quel miracle ?) une identité de classe prolétarienne ne changerait rien à la nature réactionnaire de l’appareil judiciaire.

Le problème n’est pas dans la manière dont la justice est exercée, ou dont les lois sont interprétées. C’est le phénomène juridique tout entier qui est problématique. En effet, contrairement à ce que les idéologies dominantes (passées ou présentes) ont toujours prétendu, le droit n’est pas la codification plus ou moins réussie, sans cesse améliorée, d’un principe supérieur ou immanent, indépendant de histoire, de la Justice humaine. Le droit n’a rien à voir avec on ne sait quelle normalité supérieure ou immanente. En lui-même le droit n’est pas une norme, il est un produit socio-historique transitoire qui est imposé comme norme.

3.5. Le droit et la justice : phénomènes de classe

Le caractère socio-historique du phénomène juridique est manifeste quand on le considère dans sa manifestation concrète. Pensons à sa complexité (il se détaille dans un nombre infini de textes constitutionnels, de lois, d’arrêtés royaux, d’actes de jurisprudence, etc.), à son étendue (il faut pour l’animer des dizaines d’organismes tels que tribunaux, parlement, cour d’arbitrage, conseil d’Etat, etc. et plusieurs professions spécifiques : juristes, juges, magistrats, législateurs, etc.) et à sa violence (il lui faut des polices, des prisons, des huissiers, etc. pour se faire un tant soi peu respecter).

Si le droit était l’expression d’une idée de justice plus ou moins transcendante, les éventuelles frictions internes à la société se résoudraient spontanément, sous la pression des citoyens qui partageraient tous cette idée de justice. D’ailleurs, quand il existe une idée de justice propre à une société homogène et harmonieuse (ainsi quelques sociétés primitives), les infractions à la norme collective sont littéralement accidentelles. Le phénomène juridique n’apparaît et ne se développe que dans les sociétés caractérisées par des oppositions et des contradictions permanentes d’intérêts en leur sein. En d’autres mots, le droit n’apparaît et ne se développe que dans les sociétés dont les parties constitutives, les classes sociales, s’opposent, s’affrontent avec chacune leur propre raison de ce qui est juste et de ce qui est injuste.

Le phénomène juridique est apparu tardivement. Les sociétés primitives ne connaissaient ni l’Etat, ni le droit, ni l’appareil judiciaire pour le faire respecter. Elles n’en avaient aucune nécessité parce qu’elles n’étaient pas basées sur des contradictions d’intérêts permanentes, elle n’était pas divisée en classes sociales antagoniques. Au contraire d’être divisées en fractions inconciliables, en classes sociales, les sociétés primitives étaient fondées sur la communauté d’intérêt de toutes leurs différentes composantes. Cette communauté d’intérêt se basait sur la propriété collective des moyens de production (la terre que l’on cultive, la forêt où l’on chasse, etc.).

Dans ces sociétés harmonieuses, non-antagoniques, la règle sociale naturelle, spontanée, respectueuse des intérêts de la collectivité, suffit amplement à régulariser les petites crises et ruptures forcément accidentelles surgissant en son sein. Les rapports sociaux primitifs n’avaient donc nul besoin d’être codifiés pour exister, et n’avaient donc pas besoin d’être l’objet de sanctions judiciaires pour se maintenir, dans certains cas, jusqu’à aujourd’hui.

La rupture de la communauté d’intérêt qui caractérisait la société primitive fait suite à l’apparition de la propriété privée des moyens de production. L’accaparement privé des moyens de production est le produit du développement économique. Sans propriété privée sur les sources de richesses, il n’y a pas de division de la société en classes, pas de contradiction interne et inhérente à la société, pas de lutte de classes, pas d’Etat et pas de droit. La propriété privée est donc en elle-même le droit fondamental et premier, le droit d’où dérivent tous les autres, y compris le Droit lui-même en tant que concept philosophique.

Puisque le droit est finalement un corollaire, un produit des sociétés fondées sur la propriété privée, il devient évident que le passage d’un de ces modes à un autre implique le passage d’un droit approprié à un autre. Le droit antique trouvait juste l’esclavage parce qu’il était le produit de la société esclavagiste. Le droit médiéval trouvait juste le servage parce qu’il est le produit de la société féodale. Et ainsi le droit bourgeois trouve juste l’exploitation du travail salarié parce qu’il est le produit de la société capitaliste.

Le droit ne fait que consacrer après coup un système socio-économique déterminé. Il reste conforme à ce cadre particulier dont il est issu. Les changements successifs de droit dans l’histoire n’indiquent pas une évolution du droit. En tant que produit historique entérinant les systèmes sociaux, le droit joue un rôle forcément négatif dans la marche de l’histoire. Le droit féodal, par exemple, n’a pas évolué vers le droit bourgeois : ils sont radicalement opposés. Il fallut que les rapports de production capitalistes aient supplanté les rapports de production féodaux, après une féroce lutte de classes entre les bourgeois et la noblesse, pour que le droit bourgeois supplante le droit féodal. Le droit n’est pas évolutif, il est, à proprement parler, réactionnaire. Le droit s’est toujours opposé à la marche en avant, authentiquement progressiste de l’Histoire.

Consacrant des sociétés basées sur des antagonismes de classe, le droit ne peut être qu’oppressif. Il n’a de raison d’être qu’en tant que codification des intérêts de la classe dominante, permettant au système de perdurer. Le droit antique codifiait les intérêts des propriétaires d’esclavages dans le système esclavagiste, c’est-à-dire organisait l’oppression des esclaves. Le droit médiéval codifiait les intérêts des seigneurs dans le système féodal, c’est-à-dire organisait l’oppression des serfs. Le droit bourgeois codifie les intérêts des bourgeois dans le système capitaliste, c’est-à-dire organise l’oppression des prolétaires.

Dès le moment où l’on cesse de considérer le droit et les lois comme une norme sacrée et intouchable, dès le moment où on les soumet à l’analyse, beaucoup de paravent idéologiques de la bourgeoisie se démasquent. Ainsi le concept d’ »Etat de droit » ne signifie strictement rien d’autre qu’un Etat se pliant aux règles d’un droit bourgeois codifiant le pouvoir et les intérêts de la bourgeoisie contre le prolétariat dans le cadre du système capitaliste.

Il faudra attendre le régime socialiste pour qu’apparaissent un droit et des lois au service du peuple. Comme tout droit et toute légalité, le droit et la légalité socialistes sont au service de la classe dominante : le prolétariat révolutionnaire. Ils apparaissent dans la foulée de la prise de pouvoir politique et militaire par le prolétariat. Mais le droit et la légalité socialistes se différencient fondamentalement des droits esclavagistes, féodaux et bourgeois, en ce que leur exercice supprime peu à peu leur raison d’être. En effet, plus la société socialiste se développe, c’est-à-dire plus elle progresse dans la liquidation des contradictions d’intérêts inhérentes (donc de la division en classe), moins elle doit faire l’objet de sanction judiciaire pour se perpétuer. La société communiste reviendra au schéma de la société primitive où toute infraction à la norme est réellement accidentelle, mais avec des forces productives incomparablement plus puissantes, qui donnent à l’humanité les moyens de sa liberté, de son bien-être et de son progrès.

3.6. Exploiter les contradictions internes

La révolution prolétarienne est ainsi la seule voie praticable pour qu’apparaisse un système judiciaire au service du peuple. En système capitaliste, le droit n’est pas réformable. Est-ce à dire qu’il faille renoncer à toute lutte « partielle » sur le front du droit ? Par exemple renoncer à mener campagne contre les astreintes parce qu’il est logique, normal et même inévitable que, par le moyen des astreintes ou par un autre, la justice soit l’ennemie des travailleurs en lutte ? Certainement pas.

La lutte contre les astreintes est une lutte nécessaire. L’ennemi n’est pas sans contradiction, l’ensemble de la petite-bourgeoisie intellectuelle reste persuadée de son autonomie de son indépendance idéologique. Elle croit réellement à « sa » démocratie, elle se retrouve entièrement dans ce système social : c’est à la fois son gagne-pain (elle est payée pour que les écoles, les tribunaux et les médias servent à perpétuer ce système), son identité, son idéal. Ses intérêts idéologiques (en terme de bonne conscience, de conformité à sa vision du monde conciliatrice et réformiste) sont presque aussi importants que ses intérêts économiques.

Il n’est pas rare de voir une part importante de cette classe croire à ses propres mensonges, puis se mettre à les dénoncer quand ils deviennent insoutenables. Le changement de ton des médias à propos de l’occupation en Irak ou en Yougoslavie est symptomatique. Tant qu’ils pouvaient croire (et ils aimaient tellement le croire) que cette guerre allait remplacer une dictature par une démocratie, ils ont servis la propagande de guerre de l’OTAN comme un seul homme. Maintenant que les intérêts impérialistes qui motivaient ces guerres sont évidents même pour eux, le ton change.

Le propre et le ridicule de cette classe de jouer avec entrain et enthousiasme sa fonction de rouage du système capitaliste tant qu’elle peut croire (et faire croire) qu’elle est au service de valeurs telles que la démocratie, la culture, l’état de droit, l’épanouissement des individus, la citoyenneté, l’antiracisme, etc. Même les membres de cette classe qui sont (à des degré divers) conscients du rôle qu’ils jouent sont coincés entre cette fonction globale et les problèmes particuliers auxquels ils sont confrontés chaque jour. Un travailleur social (et l’exemple peut valoir, mutatis mutandis, pour un avocat, un instituteur, un animateur socio-culturel, etc.) peut avoir conscience qu’il est un rouage d’une machine du calibrer du prolo en fonction des besoins du marché de l’emploi, dans la pratique, il est face à X, Y et Z qui a réellement besoin d’un emploi pour sortir de la merde. Et ainsi, tout à fait sincèrement, il peut s’estimer avant tout au service de X, Y et Z ; il utilisera même la marge de manœuvre dont il dispose, non pas pour calibrer la personne pour le seul marché de l’emploi, mais pour l’aider à s’épanouir socialement, culturellement, etc. Telle est la contradiction dans laquelle le système place les éléments les plus sains et les plus conscients de la petite-bourgeoisie intellectuelle.

Mais lorsque cette contradiction ne joue plus, lorsque la petite-bourgeoisie intellectuelle est purement et simplement réduite, sans marge de manœuvre, crûment et nument, à celle d’auxiliaire direct du capital, alors la machine grince. Alors cette contradiction se résout, pour les éléments les plus avancés, les plus authentiquement attachés aux valeurs affichées par leurs classes, dans un affrontement au système. On a vu en 2004 à Paris 10.000 travailleurs sociaux, éducateurs, assistants sociaux, magistrats, médecins de PMI, formateurs, étudiants en travail social manifester contre un projet de loi sur la prévention de la délinquance qui les oblige à livrer toute information sur les situations qu’ils ont en charge, sous peine de sanction. A Paris mais aussi à Bordeaux, à Toulouse, à Marseille, et ailleurs, les manifestants ont scandés des slogans comme : « Educateur, pas délateur », « Éduc pas indic », etc.

3.7. La lutte contre les astreintes

Dénoncer avec vigueur les astreintes pèse sur cette contradiction. Cela ne changera ni le système, ni la justice, mais cela pourra en rendre le fonctionnement problématique. En obligeant l’ennemi à choisir entre le maintien de l’image démocratique qui contribue tant à la stabilité de son système, et l’efficacité brute de la répression de classe, nous pouvons jouer d’une contradiction qui, quelle que soit le choix de l’ennemi, servira la cause des travailleurs : soit la répression devra adopter un profil un peu plus bas, soit l’ennemi se trouvera démasqué idéologiquement et des contradictions naîtrons dans ses relais.

On sait qu’une des raisons du recours de plus en plus systématique aux astreintes est qu’il offre une image bien moins « choquante » de la répression qu’une meute de flics dispersant un piquet par la violence. Les astreintes passent inaperçues, alors qu’elles représentent une violence terrible. On sait ce que peut signifier d’énormes amendes dans un système où les services publics sont soit liquidés, soit transformés en marchandises au profit des opérateurs publics. D’énormes amendes signifie renoncer à un logement décent, à des études supérieures pour les enfants, etc. Il faut dénoncer cette violence là, moins sanglante mais infiniment plus profondément blessante et redoutée qu’il simple passage à tabac. Il faut dénoncer les astreintes. Il faut dénoncer le fait qu’elles soient systématiquement accordées aux patrons, qu’elles leur permettent de casser la résistance ouvrière. La généralisation des astreinte, ce n’est ni plus ni moins que la carte blanche accordée aux patrons. Sûrs de bénéficier des astreintes pour casser les luttes, ils peuvent imposer n’importe quel plan de licenciement, réduction de salaire, dégradation des conditions de travail.

Dénoncer les astreintes implique, naturellement, la plus grande clarté politique et idéologique. Il faut absolument éviter les mots d’ordre qui entretiendraient une illusion sur la nature de classe du système, du pouvoir, de la justice. Il n’y a pas de « droits démocratiques », de « droit de grève » ou de « droits syndicaux » inscrits dans les astres, que la justice devrait servir ou respecter. Il y a une ligne de front, fonction du rapport de force entre les classes, entre les travailleurs luttant pour leurs intérêts et toute une superstructure sociale, politique, judiciaire, médiatique, au service des intérêts du capital. Il n’y a rien d’autre que la lutte. C’est grâce à la lutte que le prolétariat a pu faire évoluer cette ligne de front. Ainsi, ce sont les grèves insurrectionnelles de 1886 à Liège, dans le pays de Charleroi et dans le Borinage qui sont à l’origine de la protection sociale en Belgique. Et ce qui a été acquis par une victoire peut être perdu par une défaite.

3.8. La complicité des appareils syndicaux réformistes

Les centrales syndicales, FGTB et CSC, leur appareil et la majorité des délégués sont étroitement liés à l’appareil d’Etat et aux partis bourgeois. Ces centrales sont indispensables à la gestion capitaliste de la main-d’œuvre et au contrôle de la classe ouvrière, à la fois dans ses revendications et dans sa lutte politique. A l’image de la législation du travail qui existe en Allemagne, où les grèves de solidarité sont interdites, les appareils des syndicats réformistes s’emploient à prévenir et à contrôler les grèves, qu’elles soient économiques ou qu’elles aient un caractère politique.

Qu’est-ce qui caractérise la pratique de ces appareils ?

1° ils entretiennent l’illusion que l’Etat et les gouvernements bourgeois sont des intermédiaires entre les organisations syndicales et le patronat.

2° ils ont répandu l’idée que l’Etat et les gouvernements bourgeois sont les défenseurs d’acquis sociaux, dont la sécurité sociale, alors que toutes les mesures gouvernementales constituent un vol systématique, « légal » et planifié des cotisations des travailleurs soit une formidable concentration de capitaux spoliés et reversé au patronat.

3° ils ont pour rôle essentiel de garantir la « paix sociale », c’est-à-dire de maintenir les revendications de la classe ouvrière, et des travailleurs en général, dans un cadre strictement économique, et parfois uniquement défensif (« limiter le nombre des licenciements »)

4° ils entretiennent, au niveau des directions, de multiples liens avec les organisations patronales, par le biais d’organismes gouvernementaux, à l’occasion de « négociations » pour la conclusion de conventions collectives qui répondent aux exigences du patronat.

5° ils participent à la mise sur pied de « comités d’urgences », en collaboration avec la police, les politiciens locaux ou fédéraux, des responsables gouvernementaux et des partis bourgeois quand se développent des luttes ouvrières potentiellement radicales.

6° ils forment des militants coupés de la base, étrangers aux réalités sociales, étrangers à l’histoire du mouvement ouvrier et a u socialisme ignorants du fonctionnement de l’économie capitaliste, convaincus qu’ « il n’y a pas d’autre système », et rompus aux « techniques de négociations ». Ils renforcent ainsi une « aristocratie ouvrière » et un appareil bureaucratique dont les agents se cooptent entre eux et deviennent complices de pratiques antidémocratiques et souvent mafieuses.

7° ils renforcent le corporatisme le chauvinisme et la division entre les travailleurs (cf. le projet d’éclatement de la Centrale des Métallurgiste entre une centrale flamande et une centrale wallonne)

Beaucoup de délégués et d’affiliés revendiquent l’ « indépendance syndicale » et un fonctionnement démocratique comme réponse au réformisme. Cette revendication peut sembler légitime mais elle entretient l’illusion de l’abandon du réformisme et d’une possible réforme, d’un renouveau syndical, qui ne pourront jamais intervenir quel que soit le niveau de mobilisation et de combativité. C’est sur la base de ces critiques fondamentales que se présente la nécessité de militer dans les syndicats réformistes et de créer des alternatives d’organisation de la lutte syndicale.

3.9. Nouvelles formes d’organisation, nouvelles formes d’action
Dénoncer les astreintes ne suffit donc pas. Il faut aussi explorer les formes d’organisation et de lutte qui ne prêtent pas le flanc à la répression bourgeoise et qui échappent aux mécanismes de neutralisation des appareils syndicaux réformistes. En ce qui concerne la forme d’organisation, nous avons déjà eu l’occasion d’exposer la formule des Comités de Lutte Syndicale. En ce qui concerne des formes d’action, il suffira dans ces lignes de mentionner les formes d’attaques aux intérêts patronaux qui préservent l’anonymat des travailleurs qui les pratiquent, comme la sabotage. Les piquets de grève à l’ancienne doivent être remis en question, dès que la menace des astreintes se profile, au profit de formes d’actions plus mobiles et imprévisibles. Chaque entreprise représente un cas particulier, offre des solutions particulières pour bloquer la production (ou la commercialisation des produits) en appui à la lutte.

Et pour cela, il faut résolument affronter la question de l’illégalité. En effet, lorsque l’on a conscience de la nature réelle du droit, des lois, du phénomène juridique et des appareils judiciaires, c’est-à-dire quand on a conscience de leur inévitable nature de classe, on comprend que, selon que l’on soit bourgeois ou prolétaire, on aura une perception radicalement différente du système juridique et judiciaire en place. Tous ceux qui ont intérêt à la perpétuation du système feront tout pour que le droit, (leur propre droit !), continue à régir les rapports sociaux. A l’inverse, tous ceux qui ont intérêt et qui aspirent à un changement de système considèrent comme étranger et hostile un droit qui organise leur oppression.

Les opprimés doivent tout faire pour être victorieux dans la lutte des classes, et cela ne peut que les mener à l’illégalité. Comme le droit est la codification systématique des intérêts de la classe dominante, toute initiative visant sérieusement ses intérêts, et plus encore tout lutte visant finalement à son renversement, devra forcément, tôt ou tard, enfreindre la légalité en vigueur. Lutter contre le système esclavagiste imposait une rupture avec la légalité esclavagiste ; lutter contre le système féodal imposait une rupture avec la légalité féodale ; lutter contre le système capitaliste impose une rupture avec la légalité bourgeoise.

Le rapport des révolutionnaires à la loi est un rapport purement tactique. Le choix et la décision de développer telle ou telle stratégie, d’engager telle ou telle activité de lutte n’est jamais prise au regard de son caractère légal ou illégal. La situation objective détermine les choix dont le seul but est de contribuer au progrès de la lutte révolutionnaire. La question de la légalité ou de l’illégalité n’intervient qu’ensuite, et de manière purement pratique : des choix contraires à la loi exigeront des mesures particulières (telles le secret et l’anonymat), pour qu’ils puissent être menés malgré la réaction de l’appareil policier. Car le droit appelle nécessairement à un appareil répressif capable de l’imposer au corps social. Sans cet appareil répressif et le terrorisme qu’il exerce, il serait en effet impossible d’imposer aux classes dominées les règles du jeu de dupes fixées par la classe dominante: des croix pour les esclaves de la révolte de Spartacus aux quartiers d’isolements pour les révolutionnaires des pays impérialistes.

4. Sur le sabotage

4.1. Introduction

En août 2005, la Libre Belgique publiait un entrefilet sous le titre Sabotage dans une usine à Seraing dont voici l’essentiel: « Un acte de sabotage a été commis à l’entreprise d’aciers spéciaux ESB à Seraing. Il a été constaté, lundi, lors de la reprise des activités après les vacances. La police a prévenu, vendredi, le parquet de Liège. Des produits polluants, qui devaient être refroidis et ensuite recyclés, ont bouché deux silos. (…) L’enquête se dirige vers l’intérieur de l’entreprise, qui avait été secouée par un conflit social en février dernier. De tels faits peuvent être punis d’un emprisonnement de huit jours à trois ans. »

Ce sabotage pourrait donc un fait de lutte de classe, mené de façon déterminée et en-dehors du cadre réformiste des syndicats — quelque chose de positif et d’encourageant. Cependant il faut noter que l’information nous provient de canaux qui sont loin d’être objectifs (outre la Libre, elle a été commentée fin août par Solidaire qui l’a condamné). En l’absence de revendication, l’action chez ESB peut tout aussi bien être un simple vandalisme, comme il s’en produit partout. La police, ou la direction, auraient alors à gagner à coller cet acte sur le dos des travailleurs politisés pour essayer de leur donner mauvaise presse (c’est le cas de le dire dans la Libre Belgique …).

Alors de trois choses l’une :

— Si il s’agit d’un acte de simple vandalisme, nous communistes ne devons pas nous en réjouir parce que les personnes qui agissent de cette façon agiront de même lorsque les moyens de production seront collectivisés et nuiront donc à la collectivité. Le vandalisme est un simple témoignage de la dégradation générale des rapports sociaux dans le cadre du capitalisme.

— Si il s’agit d’une vengeance individuelle contre l’entreprise, la condition salariée, tel décision patronale, etc. notre position ne sera ni d’approuver (car ces réactions individuelles ne sont pas porteuses d’avenir), ni de condamner (les capitalistes récoltent ce qu’ils sèment). En dernière analyse, ce genre de réaction isolée est préférable à la morne soumission : elles constituent un « signal d’alarme » pour les capitalistes qui les inviteront, si la pratique se reproduit ou se généralise, à réfléchir à deux fois avant de prendre de nouvelles mesures agressives à l’encontre des salariés.

— Si il s’agit d’une action individuelle ou collective motivée par le contexte social, donc une action s’inscrivant dans la lutte des classes, et destinée à influencer le rapport de force entre les travailleurs et les capitalistes (ne serait-ce qu’à l’échelle de cette entreprise), le problème est différent et mérite d’être creusé.

4.2. Antécédents historiques
L’hégémonie réformiste est tel dans les syndicats qu’il semble aller de soi que le sabotage soit à l’opposé de l’action syndicale. C’est là méconnaître l’histoire de cette forme de lutte qui a connu son heure de gloire au début du siècle.

Le sabotage est aussi vieux que l’exploitation. Le plus souvent individuel, il a connu néanmoins des applications collectives d’une ampleur remarquable. Émile Pouget rapporte qu’en 1881, les employés du télégraphe parisiens, qui s’étaient vu refuser l’augmentation du service de nuit, sabotèrent si astucieusement le réseau que les ingénieurs de la compagnie ne purent y remédier. Les lignes refusèrent de fonctionner pendant cinq jours. L’augmentation finalement accordée, et comme par enchantement, toutes les lignes étaient rétablies le lendemain matin. Ni les auteurs ni le procédé nez furent jamais découverts.

C’est le 23 juin 1895 que, pour la première fois en France, nous trouvons trace d’une manifestation théorique et consciente du sabotage. Le Syndicat national des chemins de fer menait alors campagne contre un projet de loi qui visait à interdire aux cheminots le droit au syndicat. La question de répondre au vote de cette loi par la grève générale se posa et, à ce propos, Guérard, secrétaire du syndicat, prononça un discours catégorique et précis. Il affirma que les cheminots ne reculeraient devant aucun moyen pour défendre la liberté syndicale et qu’ils sauraient, au besoin, rendre la grève effective par des procédés à eux ; il fit allusion à un moyen ingénieux et peu coûteux : « … avec deux sous d’une certaine matière , utilisée à bon escient, déclara-t-il, il nous est possible de mettre une locomotive dans l’impossibilité de fonctionner… ».

C’est au congrès syndical confédéral qui se tint à Toulouse en 1897 que le sabotage allait recevoir sa consécration théorique et prendre rang parmi les moyens de lutte avérés, reconnus, approuvés et préconisés par les organisations syndicales. Le rapport que la commission du boycottage et du sabotage soumettait à l’assemblée syndicale définissait, expliquait et préconisait le sabotage. Elle envisageait plusieurs forme de lutte comme le boycottage, la sabotage par travail exécuté maladroitement et lentement (« à mauvaise paie, mauvais travail »), la malfaçon systématique, et le sabotage sur l’outillage. En conclusion de ce rapport, la commission proposa au congrès la résolution suivante : « Chaque fois que s’élèvera un conflit entre patrons et ouvriers, soit que le conflit soit dû aux exigences patronales, soit qu’il soit dû à l’initiative ouvrière, et au cas où la grève semblerait ne pouvoir donner des résultats aux travailleurs visés : que ceux-ci appliquent le boycottage ou le sabotage – ou les deux simultanément – en s’inspirant des données que nous venons d’exposer. »

La lecture de ce rapport fut accueillie par les applaudissements unanimes du congrès. Ce fut plus que de l’approbation : ce fut de l’emballement. Pas une voix discordante ne s’éleva pour critiquer ou même présenter la moindre observation ou objection.

Le congrès confédéral suivant, qui se tint à Rennes en 1898, confirma l’adoption de la tactique nouvelle. Le rapport qui clôtura la discussion et qui fut adopté à l’unanimité disait notamment : « ce qui serait à souhaiter, c’est que les travailleurs se rendent compte que le sabotage peut être pour eux une arme utile de résistance, tant par sa pratique que par la crainte qu’il inspirera aux employeurs, le jour où ils sauront qu’ils ont à redouter sa pratique consciente. Et nous ajouterons que la menace du sabotage peut souvent donner d’aussi utiles résultats que le sabotage lui-même. Le congrès ne peut pas entrer dans le détail de cette tactique ; ces choses-là ne relèvent que de l’initiative et du tempérament de chacun et sont subordonnées à la diversité des industries. Nous ne pouvons que poser la théorie et souhaiter que le sabotage entre dans l’arsenal des armes de lutte des prolétaires contre les capitalistes, au même titre que la grève et que, de plus en plus, l’ orientation du mouvement social ait pour tendance l’action directe des individus et une plus grande conscience de leur personnalité… »

Une troisième et dernière fois, le sabotage subit le feu d’un congrès : ce fut en 1900, au congrès confédéral qui se tint à Paris. L’influence du réformisme, du légalisme et du « ministérialisme » (comme on disait alors), incarnée par Millerand, était marquante. L’antagonisme, qui s’accentua dans les années qui suivirent entre les syndicalistes révolutionnaires et les réformistes, pointait. De cette lutte intestine la discussion ainsi que le vote sur le sabotage furent une première et embryonnaire manifestation. La discussion fut courte. Après que quelques orateurs eurent parlé en faveur du sabotage, une voix s’éleva pour le condamner : celle du président de séance qui déclara considérer le sabotage « comme plus nuisible qu’utile aux intérêts des travailleurs et comme répugnant à la dignité de beaucoup d’ouvriers ».

Un vote eut lieu sur cette question spéciale qui donna les résultats suivants : pour le sabotage 117 ; contre 76 ; bulletins blancs 2. Depuis ce vote, le sabotage n’a plus été évoqué aux congrès syndicaux.

Il a pris rang au nombre des moyens de lutte préconisés et pratiqués dans le combat contre le capitalisme. En voici deux exemples, toujours fournit par Émile Pouget.

Entre 1902 et 1906 que les ouvriers coiffeurs ont obtenu la fermeture des salons à des heures moins tardives et la généralisation de la fermeture des boutiques un jour par semaine grâce au « badigeonnage » : un récipient quelconque, tel un oeuf préalablement vidé, était emplit d’un produit caustique et lancé sur la devanture du patron réfractaire. Sur les 2.300 boutiques de coiffeurs à Paris, 2.000 au moins avaient été badigeonnées au moins une fois.

Une campagne pour la réintégration de 650 postiers révoqués pour faits de grèves se basa sur le sabotage systématique des fils télégraphiques et téléphoniques. Voici le communiqué d’un des groupes les plus actifs de cette lutte.

« Septième bilan du groupe révolutionnaire secret de la région de Joinville et de ses succursales :

Fils télégraphiques et téléphoniques couper pour protester contre l’arrestation arbitraire du camarade Ingweiller, secrétaire de l’Union syndicale des ouvriers sur métaux, les poursuites scandaleuses engagées contre le comité de grève du Bi-Métal et les condamnations prononcées le 25 juillet 1910.

« Opérations faites par le comité révolutionnaire secret de la région Joinville et le comité de Seine-et-Oise du 8 au 28 juillet 1910 :

Région de Montesson, Le Vésinet, Pont-du-Pecq 78 lignes

25 juillet. Route de Melun à Montgeron 32 lignes

25 juillet. Route de Corbeil à Draveil 24 lignes

28 juillet. Ligne du PLM (Porte de Charenton) 87 lignes

Total 221 lignes

Report des six précédents bilans 574 lignes

Total 795 lignes »

Mais une opposition de plus en plus marquée des courants réformistes a peu à peu marginalisé la pratique du sabotage, qui se manifesta à nouveau dans les conditions particulières de l’occupation nazie.

4.3. Le sabotage aujourd’hui

Toute recrudescence de la lutte des classes s’accompagne d’une recrudescence d’actions de sabotage. Le sabotage est alors le fait de travailleurs conscientisés. C’est une arme d’autant plus inquiétante pour le patronat qu’elle peut être menée méthodiquement et discrètement, donc sans offrir de prise à la répression. C’est un avantage indiscutable du sabotage sur d’autres formes de luttes radicales (séquestrations de patrons dans l’entreprise, par exemple).

Le sabotage peut servir à atteindre un objectif partiel (la réintégration d’un délégué, l’exigence d’un nouvel acquis social ou –comme c’est hélas plus dans le ton aujourd’hui- la défense d’un acquis menacé). Il peut donc espérer faire fléchir le patronat qui risquera de perdre davantage en campant sur ses positions qu’en acceptant une revendication.

Cette forme de lutte est d’autant plus efficace qu’elle fait partie d’une stratégie consciente, avec une analyse constante de l’affrontement en cours. Telle ou telle situation particulière peut faire que le sabotage peut se révéler payant indépendamment d’une organisation de lutte des travailleurs dans l’entreprise (du type des Comité de lutte syndicale), mais il est incontestable qu’une telle organisation est précieuse d’abord pour analyser correctement et dans son ensemble la situation de l’entreprise et du rapport de force salariés/capitalistes ; ensuite pour « doser » les formes de lutte ouvertes ou secrètes en fonction de cette situation et de son évolution.

De plus, la lutte des travailleurs n’a pas pour horizon l’atelier, l’entreprise, le secteur ou le pays. C’est une lutte de classe internationale qui doit être comprise et menée comme telles. Le sabotage, comme la grève, comme n’importe quelle forme de lutte, peut dans la conjoncture actuelle se retourner contre les intérêts immédiats des travailleurs (en cas de surproduction, un groupe peut décider de fermer une usine dont les ouvriers sont trop combatifs). Une lutte doit donc, d’un côté, tenir compte de ce paramètre, et d’autre part tenir compte du fait que capituler sans lutter à chaque diktats patronal est suicidaire. Les travailleurs en lutte doivent donc à la fois élargir les formes de lutte et élargir la lutte en essayant de l’étendre aux autres usines du groupe. Tout cela nécessite une force politique révolutionnaire et une force syndicale révolutionnaire.

A Seraing et ailleurs, aujourd’hui, un tel syndicat, un tel parti n’existent pas. Les syndicats actuels monnaient la « paix sociale », et permettent au système de se perpétuer. Les partis qui se réclament du communisme ont versé dans l’opportunisme, et s’obstinent, malgré l’évidente stérilité de leurs efforts, à poursuivre dans la voie du légalisme et de l’électoralisme. Le Bloc Marxiste-Léniniste aspire à jouer le rôle d’avant-garde révolutionnaire, mais il n’en a pas encore les moyens ni le crédit.

Il serait cependant ridicule aux communistes de dire aux travailleurs en lutte : « attendez ! Nous ne sommes pas prêt ! Le véritable parti n’existe pas, attendez qu’il existe parce qu’alors, nous pourrons ensemble donner aux luttes la force et l’ampleur dont elles ont besoins pour vaincre durablement ! » D’abord parce que les forces se développent en s’employant, en s’exerçant. Le meilleur moyen de ne jamais voir la fondation d’un authentique parti révolutionnaire, c’est d’attendre sa fondation. On peut toujours décréter sur papier la fondation d’un parti. Mais le nouveau parti communiste révolutionnaire naître réellement sur le terrain, dans la rencontre des luttes prolétariennes et du capital d’expériences politiques, théoriques et organisationnelles accumulé par les communistes.

Dans cette mesure, et dans l’hypothèse (purement théorique ; en vérité nous n’en savons rien) où le sabotage à ESB résulte réellement du conflit social, il s’agit d’une pratique volontaire, courageuse et porteuse d’avenir. Elle est certes insuffisante, mais elle explore les nouvelles formes de lutte qui s’imposent lorsque les anciennes se révèlent impuissantes. L’important est alors que ces initiatives se multiplient et, surtout, se qualifient, d’abord sur le plan politique, ensuite sur le plan organisationnel.

Ce n’est pas les moyens employés qui, en définitive, donnent un caractère réformiste ou révolutionnaire à une lutte. Le sabotage ne relève pas, par nature, du syndicalisme révolutionnaire. Ceux qui le pratiquent peuvent poursuivre des objectifs partiels en s’imaginant que le capitalisme peut être modifié, amélioré. Le sabotage comme poursuite d’objectifs partiels est une façon radicale d’améliorer son sort propre au sein du système sans viser au changement de système. Ce n’est pas du réformisme collabo (comme celui du PTB ou du PCB qui ne soutiennent pas les travailleurs dans leurs actions les plus radicales, toujours qualifiées de « dangereuses provocations ») ; c’est au mieux de l’autodéfense (qui ne se pose pas la question du changement de système), au pire du radical-réformisme (qui refuse de se poser cette question, ou qui y répond en renonçant à l’objectif révolutionnaire).

Reposer partout la question de l’alternative révolutionnaire, signifie reposer partout la question de l’organisation révolutionnaire et de la stratégie révolutionnaire. C’est à cette tâche que s’emploie le Bloc Marxiste-Léniniste. C’est à cette tâche que doit s’employer tout travailleur conscient, dans son cadre de travail et au-delà de celui-ci.


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