La journée des huit heures et la ratification de la Convention de Washington
Avant-propos

Le but de cette petite brochure ?

Faire pour les travailleurs soucieux de la défense active des intérêts de classe du prolétariat, la lumière sur une question à propos de laquelle les chefs réformistes, qui soutiennent le gouvernement Francqui-Jaspar, ont tenté de tromper la masse.

A plusieurs reprises, des déclarations publique et des articles publiés par la presse réformiste, des hommes qui se disent « socialistes », ont affirmé que les députés communistes, au Parlement belge, avaient voté contre la ratification de la Convention de Washington, contre la journée de huit heures.

Ces affirmations sont mensongères. Les documents OFFICIELS que nous publions dans cette brochure le prouvent.

Les députés communistes ont voté POUR la ratification de la Convention de Washington.

Cela signifie-t-il qu’ils l’ont votée les yeux fermés ? Non. Leur devoir était de mettre tout à fait clairement les travailleurs en garde, en dénonçant, comme cela a été fait, les espoirs que la bourgeoisie met dans la ratification de la Convention de Washington, c’est-à-dire d’y trouver le moyen de saboter, légalement, la journée maximum de huit heures.

Au surplus, peut-on dire qu’en toute circonstance et dans n’importe quel cas, des députés ouvriers doivent voter pour la journée maximum de huit heures ? Non !

Et une telle affirmation pouvant troubler certains de nos lecteurs, nous voulons prendre immédiatement un exemple pratique, un exemple vécu.

En Angleterre n’existait aucune loi sur la journée maximum de huit heures dans les mines, mais par leur forme organisée, par leur lutte sociale, les ouvriers mineurs ont conquis, de haute main, la journée maximum de SEPT heures.

Le patronat minier britannique a déclenché, le 1er mai 1926, le lock-out général des travailleurs de la mine pour leur imposer la prolongation d’une heure de la durée du travail, soit la journée maximum de huit heures et une réduction des salaires.

Depuis le 1er mai 1926, depuis près de quatre mois, plus d’un million de mineurs anglais résistent héroïquement contre cette attaque patronale.

Le gouvernement conservateur anglais, aux ordres du capitalisme, a déposé un projet de loi établissant la journée de huit heures maximum dans les mines.

Les mineurs, unanimement, se sont dressés contre le projet de loi instituant la journée de huit heures dans les mines, parce que cela signifiait un recul pour les travailleurs, une aggravation de leur exploitation au profit du capitalisme.

Et, au Parlement anglais, les députés ouvriers ont voté CONTRE la loi des huit heures dans les mines. Les députés réactionnaires ont voté POUR.

Cela signifiait-il que les députés réactionnaires, les élus de la bourgeoisie devenaient les défenseurs des ouvriers ? Non ! Au contraire !

Le discours prononcé au Parlement belge, à la séance du 3 juin 1926, par le député communiste de Bruxelles, Joseph Jacquemotte, montre, de la manière la plus évidente, que la proposition du vote de la ratification de la Convention de Washington par le gouvernement Francqui-Jaspar est surtout inspirée par la volonté de la bourgeoisie de trouver une formule « légale » pour saboter la loi du 14 juin 1921.

Le Parti Communiste, par la déclaration de ses mandataires à la Chambre, a voulu mettre les travailleurs en garde contre les manœuvres que la bourgeoisie développera pour atteindre son but : maintenir « en principe » la journée légale maximum de travail à huit heures, mais prolonger d’une heure ou de deux heures, dans « la pratique » le temps de travail journalier.

D’ailleurs, le sabotage de la journée maximum de huit heures est fait, par le patronat, sur une grande échelle – parfois, malheureusement, avec la complicité d’ouvriers ignorants de leurs véritables intérêts, avec, aussi, la complicité de l’Inspection gouvernementale du travail.

La journée maximum de huit heures doit être maintenue !

Elle ne le sera que par un contrôle direct des travailleurs ; par leur lutte contre le sabotage de la journée de huit heures !

N’oublions jamais que les longues journées de travail marchent de pair avec les bas salaires !

Vive la journée maximum de huit heures ! Lutte contre tout sabotage, légal ou non, de la journée maximum de huit heures !

Extrait des Annales Parlementaires

(Pages 1479 et suivantes)

Séance du 3 juin 1926

M. Le Président – La parole est à M. Jacquemotte.

M. Jacquemotte – Dans le rapport présenté par M. Soudan, au nom de la section centrale, nous lisons le passage suivant : « La loi » – il s’agit de la loi du 14 juin 1921 – « comme il arrive presque toujours, n’a fait que sanctionner une volonté incompressible des populations ouvrières qui, dans la grande industrie surtout et dans tous les pays, s’était déjà exprimée dans les conventions collectives de travail. »

Il ne s’agissait pas seulement, en l’occurrence, d’une volonté incompressible des populations ouvrières, mais d’une lutte menée par les travailleurs de l’industrie lourde et de l’industrie moyenne et les travailleurs en général pour que, au lendemain de la guerre, les journées de 10, de 12 et de 14 heures disparaissent.

Nous pourrions rappeler, à ce propos, que, notamment dans le bassin de Liège, les travailleurs sidérurgistes, qui, pendant les quatre années de guerre, avaient vécu dans la misère la plus profonde, eurent recours à une grève qui dura de longs mois, au moment où l’industrie fut remise en activité.

Il s’agissait, en l’occurrence, des Aciéries d’Angleur 1. Les travailleurs, en recourant à la grève, voulaient imposer immédiatement le système des trois équipes, car ils refusaient de travailler aux conditions d’avant-guerre, c’est-à-dire avec des équipes de 12 heures.

On a rappelé ici les conditions dans lesquelles le Parlement vota la loi du 14 juin 1921. Elle fut adoptée quasi à l’unanimité par les libéraux, les socialistes et les catholiques.

Mais, messieurs, nous pouvons constater qu’à ce moment déjà les bourgeois, en votant la loi, avaient bien plus la préoccupation de codifier des dérogations légales que de maintenir et d’établir la journée maximum de huit heures. On sait qu’avant l’application de la loi du 14 juin 1921, les travailleurs, de l’industrie lourde surtout, exerçaient eux-mêmes le contrôle de l’application de la journée maximum de huit heures.

Par leur action directe, ils empêchaient la prolongation de la durée du travail. Nous pouvons donc dire que l’intention de la bourgeoisie belge, en votant la loi limitant à huit heures la durée quotidienne du travail, n’était nullement d’améliorer la situation de la masse ouvrière. Au contraire, la bourgeoisie était animée du désir d’obtenir une législation qui, par des dérogations légales à la journée maximum de huit heures, permettrait légalement de saboter cette journée maximum.

La proposition actuellement en discussion part, pouvons-nous dire, du même état d’esprit, c’est-à-dire que, tout en déclarant vouloir maintenir le principe de la journée de huit heures, on veut faire le sabotage de cette loi.

M. Strauss – Ce sont les ouvriers qui sabotent, puisque après la journée de huit heures ils travaillent pour leur compte.

M. Jacquemotte – Monsieur Straus, ce sont les patrons qui imposent aux ouvriers, sous la menace de renvoi ou sous les menaces d’autres répressions, le sabotage de la journée de huit heures. Mais si même existe dans la masse ouvrière une petite minorité qui ne comprend pas son devoir de classe et qui est animée d’un esprit de soumission et d’esclavage aux ordres de la bourgeoisie et du patronat, ce ne serait pas encore une raison qui pourrait nous faire considérer que ces ouvriers agissent comme ils doivent le faire.

M. Straus – Ils sont plus prévoyants que les autres ; ils travaillent pour leurs enfants.

M. Jacquemotte – Les ouvriers qui se mettent à la disposition des patrons pour servir les intérêts du capitalisme sont des déserteurs et des traîtres à leur classe.

Messieurs, dans l’exposé des motifs signé par le ministre des Affaires étrangères et par le ministre de l’Industrie et du Travail, deux leaders de la social-démocratie de notre pays, nous trouvons, sous la signature de ces ministres, une indication et une explication de l’esprit dans lequel ils proposent la ratification de la Convention de Washington.

Tout d’abord, signalons que, selon les déclarations officielles, la ratification de la Convention de Washington ne peu en rien améliorer, du point de vue ouvrier, les dispositions légales existant actuellement et que, par conséquent, demain comme aujourd’hui, ce sera la loi du 14 juin 1921 qui continuera de jouer. La ratification de la Convention de Washington ne peut donc, au point de vue pratique immédiat, rien apporter pour les ouvriers belges. Voici, à cet égard, quelques lignes caractéristiques que j’extrais de l’exposé des motifs du projet de loi :

« La loi belge du 14 juin 1921 va au-delà des prescriptions de la convention sous de multiples rapports ; la ratification ne peut donc entraîner aucune modification dans la législation existante. »

Il ne peut donc être question pour les ouvriers d’avantages nouveaux en Belgique. D’autre part, les patrons attendent le vote de la ratification de la convention dans l’espoir d’aboutir à un sabotage plus étendu de la journée des huit heures. C’est pourquoi nous verrons sur les bancs de cette Chambre une série d’adversaires de la journée de huit heures voter la ratification dans l’espoir que cette ratification amènera les ouvriers à adoucir leur opposition à des dérogations nouvelles. Cet esprit qui règne dans la grande masse de la bourgeoisie est clairement exprimé dans le passage suivant de l’exposé des motifs, signé de MM. Vandervelde et Wauters :

« Sans conséquence appréciable au point de vue économique, la ratification de la convention en produira par contre d’excellents au point de vue social. Les craintes qui se sont manifestées dans le monde des travailleurs quant aux atteintes possibles qui seraient portées à la réglementation légale de la durée du travail seront définitivement annihilées. Certaines de voir maintenir la réforme qui lui est si particulièrement chère, la classe ouvrière consentira plus volontiers aux dérogations prévues par la loi et qui, sans toucher à son principe, rendront son application plus conforme à certaines nécessités locales immédiates. Il en résultera une observation plus loyale des règles en vigueur. »

Il est impossible de se tromper sur l’interprétation à donner à ce passage caractéristique de l’exposé des motifs. Et pour bien montrer qu’il est impossible de s’y tromper, j’attire encore l’attention sur le passage suivant de la déclaration ministérielle de l’actuel « gouvernement des banquiers ».

« Le gouvernement, dit-on dans cette déclaration, proposera aux Chambres d’approuver la Convention de Washington et de faciliter ainsi, par la consolidation de la journée légale de huit heures, les accords entre ouvriers et chefs d’entreprises, qui peuvent en favoriser une sage et loyale application. »

Une sage et loyale application ! Qu’est-ce que le gouvernement entend par-là ? Nous aurons l’occasion de constater par la lecture des déclarations qui ont été faites par tous ceux qui, en ces derniers temps, se sont occupés de la Convention de Washington, tant sur les bancs socialistes que sur les bancs des démocrates-chrétiens et sur les bancs du parti libéral, qu’on a mis en lumière ce point que la ratification de la Convention de Washington va permettre d’élargir les dérogations à la loi des huit heures.

La ratification de la convention va permettre, espère-t-on, d’élargir les dispositions d’application de la journée de huit heures, en ce sens qu’on amènerait les ouvriers, le principe étant sauvegardé, à prolonger pratiquement la durée du temps de travail. Voici ce qu’écrivait à ce propos, dans Le Soir, organe officieux de tous nos gouvernements, depuis l’armistice, M. Tschoffen, ancien ministre :

« La loi des huit heures est devenue pour les travailleurs le signe sensible de toute législation sociale.

Et pourtant notre situation financière, qui, répétons-le une fois de plus, domine tout le problème et impose ses nécessités à toutes les écoles, exige impérieusement de nos industriels une production plus grande à moindres frais.

Ceci n’implique-t-il pas un assouplissement, une adaptation temporaire de la loi aux difficultés de l’heure présente ?

Je le crois, et le discours de M. Vandervelde laisse entendre que les socialistes le pensent également. »

Il ajoutait :

« Les ouvriers se prêteront d’autant plus aisément à l’assouplissement de la loi que le principe auquel ils sont justement attachés sera plus garanti et plus sûrement protégé. »

Quel est ce discours de M. Vandervelde auquel M. Tschoffen faisait allusion ?

Dans une déclaration du ministre des Affaires étrangères faite au Sénat récemment, M. Vandervelde disait :

« Un homme d’affaires me demandait dernièrement s’il ne serait pas possible d’assouplir notre législation à cet égard ? (C’est-à-dire en ce qui concerne l’application de la journée maximum des huit heures de travail.)

Je lui au répondu que bien des choses seraient possibles lorsque la confiance serait revenue dans la classe ouvrière et que la réforme aurait été consolidée par une convention internationale.

Quand cette ratification sera chose faite, l’assouplissement sera plus facile, notre législation le permet par la voie des dérogations ».

Egalement dans Le Soir, un autre ancien ministre, qui appartient à la fraction libérale de cette assemblée, n’a pas caché son sentiment : c’est M. Devèze, auteur d’un projet de sabotage légal de la loi du 14 juin 1921 . M. Devèze a dû prendre la fuite avec pertes et fracas devant l’opposition violente des travailleurs du pays contre cette menace dirigée contre la loi des huit heures.

Or, il y a quelques temps, M. Devèze écrivait également dans Le Soir ( je n’ai pas le texte sous les yeux, mais je crois que les indications que je donne de mémoire correspondent bien à l’esprit de ce qu’il écrivait) :

« Nous allons aboutir à un accord. Jamais, disait-il dans mon projet qui a soulevé tant de protestations je n’avais l’intention de supprimer des dispositions légales maintenant la journée de huit heures ; j’ai simplement désiré assouplir la loi, permettre que celle-ci ne soit pas appliquée avec la rigidité, la rigueur que d’aucuns considèrent comme indispensables. Et, ajoutait-il, le projet Wauters-Vandervelde, le projet du gouvernement démocratique, le projet du gouvernement Poullet-Vandervelde reçoit ma complète adhésion. »

Et pourquoi ? Mais précisément parce que sur la base des déclarations dont je viens de vous donner lecture, M. Devèze pouvait être rallié à cet assouplissement de la loi par la ratification de la Convention de Washington, parce qu’il y trouvait lui aussi, l’occasion d’amener les ouvriers à relâcher le contrôle sur la journée de huit heures. Qu’importe le principe de la journée de huit heures si en même temps les ouvriers sont amenés à devoir, par un sabotage direct ou indirect, prolonger la durée du travail jusqu’à neuf ou dix heures ?

Qu’importerait, par exemple, le principe si demain on décrète que la journée de travail sera de sept heures en Belgique, mais que jamais ce principe ne sera appliqué ? Cela ne servirait à rien du tout et naturellement les travailleurs préfèrent de beaucoup une réalité vivante, une journée maximum de huit heures, maximum qu’ils vivraient dans la pratique, qu’un principe écrit dans votre législation sociale, mais qui, dans la pratique, se traduirait par une journée de neuf ou dix heures. Notre intervention dans la discussion du budget du ministère de l’Industrie et du Travail nous a permis au surplus de marquer combien il existe en Belgique un incontestable sabotage de la loi du 14 juin 1921.

M. le ministre des Affaires étrangères nous dit que bien des choses seraient possibles lorsque la confiance serait revenue dans la classe ouvrière. C’est précisément le gouvernement actuel, le gouvernement de la Ligue de l’Intérêt public, le gouvernement Francqui, le gouvernement Houtart, le gouvernement du Comité central industriel, le gouvernement de la Société Générale et de la Banque de Bruxelles, le gouvernement des affameurs du peuple, c’est précisément ce gouvernement qui serait représenté comme celui qui va ramener dans nos masses ouvrières la confiance au point de permettre à cette même classe ouvrière d’accepter une prolongation du temps de travail, un assouplissement de la loi du 14 juin 1921, permettant de répondre à ce que M. Tschoffen appelle « les nécessités de l’heure actuelle » !

Messieurs, dans l’exposé des motifs, il est indiqué que la ratification de la convention ne peut entraîner aucune modification de la législation existante. Qu’est-ce que cela veut dire ? Sinon que les dispositions de la loi du 14 juin 1921 doivent rester intangibles.

Cela veut dire que le refus opposé par les ouvriers à une prolongation, même légale, de la dure du travail reste dans le cadre de la loi du 14 juin 1921, dans le cadre même de la législation après la ratification de la Convention de Washington de 1919.

Cela veut dire que la ratification de la convention brise, dès le moment où la convention est votée dans l’esprit que j’indique, les espoirs que MM. Devèze et Housiaux attendent également d’une proposition de sabotage de la loi de 1921 et d’autres membres réactionnaires de cette assemblée ; brise, dis-je, les espoirs qu’ils formulent. Les travailleurs continueront de résister à toute prolongation du temps de travail et continueront de lutter pour le maintien strict de la journée maximum de huit heures.

Et pour qu’il n’y ait à ce point de vue aucune équivoque, puisque l’exposé des motifs lui-même, signé par MM. Vandervelde et Wauters, indique que la ratification de la Convention de Washington ne peut, en ce qui concerne la législation belge, apporter aucune modification à la législation existante, nous nous permettons de demander au Parlement de préciser sa position dans la question ; dans ce but, nous proposons l’amendement suivant :

« La ratification de la Convention de Washington ne peut être interprétée comme permettant une atteinte quelconque aux dispositions de la loi du 14 juin 1921. »

La loi du 14 juin 1921 autorise une série de dérogation. Il est clair que les travailleurs ont la plupart du temps parfaitement compris que leur devoir était de combattre ces dérogations. Aussi, dans différentes industries, avons-nous assisté à ce spectacle : le gouvernement, influencé par les organismes patronaux, se prononçait pour les dérogations ; les ouvriers s’y opposaient avec la dernière énergie. Ce fut le cas par exemple dans l’industrie de la chaussure.

Les industriels de la chaussure avaient obtenu une dérogation et, très heureux, ils annoncèrent à leurs travailleurs que dorénavant la journée de travail serait prolongée. Les ouvriers de la chaussure ont envoyé les patrons coucher ; ils leur ont répondu que, malgré l’arrêté royal, ils continueraient à faire un maximum de huit heures par jour.

La position prise par ces ouvriers était d’autant plus justifiée que l’industrie de la chaussure est incontestablement une industrie où le chômage permanent frappe, à certaines périodes de l’année, l’ensemble des ouvriers, que fréquemment des crises de surproduction frappent cette industrie et que les ouvriers sont parfois amenés à ne travailleurs que deux, trois ou quatre jours par semaine. Malgré cela, les patrons avaient obtenu du gouvernement un arrêté royal prolongeant, sous prétexte d’industrie saisonnière, la durée du travail dans ces ateliers.

Les ouvriers de cette industrie, qui sont fortement organisés, ont naturellement refusé de s’incliner. « Que le gouvernement lance des arrêtés royaux, qu’une commission décide contre nous la prolongation du temps de travail, peu nous importe ! » ont dit ces travailleurs. Ils ne se sont pas soumis, et ils ont bien fait. La journée maximum de huit heures doit être une base intangible. Chaque ouvrier doit comprendre qu’une prolongation du temps de travail ne conduit pas à une augmentation des ressources. Au contraire ! Elle est synonyme de bas salaires horaires.

La Belgique était connue avant la guerre comme le pays des longues durées de travail et des bas salaires. Si la bourgeoisie belge, par incapacité, par impuissance, par inertie, est incapable de développer le machinisme de son industrie, de développer ses moyens de production, si elle base sa lutte dans le domaine de la concurrence internationale sur le retour de la journée de neuf et dix heures, nous disons aux ouvriers : Défendez votre existence, défendez vos conditions de vie familiale, luttez afin que la journée de huit heures soit non pas un principe inscrit dans une législation bourgeoise quelconque, mais une réalité de l’existence quotidienne du prolétariat de ce pays.

Nous voulons, par notre amendement, faire ressortir qu’il doit être bien compris qu’il ne pourra pas être permis à n’importe quel gouvernement d’aujourd’hui ou de demain ou à n’importe quelle association patronale, au comité central industriel, d’obtenir demain un arrêté royal de dérogation à la loi, imposant aux ouvriers une journée de travail plus longue, disposition contre laquelle il leur serait déclaré impossible de résister.

Il faut que la loi du 14 juin 1921 soit un maximum et non un minimum. Pour nous, la journée de huit heures est un maximum, en attendant que nous allions à la journée de sept heures.

En Belgique, les mineurs travaillent huit heures, en Angleterre sept seulement. On veut aujourd’hui leur imposer, à ces mineurs anglais, la journée de huit heures. Plus d’un million de mineurs mènent une lutte héroïque pour résister aux exigences du monde patronal. On veut aussi leur imposer une réduction de salaire. Pour la même raison, les mineurs anglais, au nombre de plus d’un million, luttent avec la dernière énergie pour défendre les salaires acquis.

Les ouvriers de ce pays doivent, non point considérer la ratification de la Convention de Washington comme un progrès vers la consolidation de la journée maximum de huit heures, mais utiliser la ratification de la Convention de Washington pour développer la lutte internationale du prolétariat pour la journée maximum pratique de huit heures, pour faire en sorte que, sur la base de la lutte internationale des travailleurs, la journée maximum de huit heures – maximum j’y insiste – devienne une réalité et que la libération des travailleurs de l’esclavage des longues journées dans les mines, dans les usines, dans les ateliers, dans les bureaux, dans les magasins, leur permette de préparer plus fortement leurs armes de lutte contre la bourgeoisie, pour engager contre elle la combat décisif.

Vote de la ratification de la Convention de Washington

D’après le compte rendu analytique de la séance du vendredi 4 juin, le vote sur la ratification de la Convention de Washington s’est exprimé comme suit :

Sur 187 membres de la Chambre, 126 sont présents – dont 49 sur 78 que compte le groupe socialiste

Sur 126 votants, 117 ont voté pour( dont les deux communistes : Jacquemotte et Van Overstraeten); 4 ont voté contre et 5 se sont abstenus.

Les mensonges de réformistes

Les documents parlementaires officiels, dont le lecteur a pu prendre connaissance, démontrent à toute évidence, que les mandataires communistes au Parlement ont voté POUR la ratification de la Convention de Washington, tout en dénonçant le but que poursuit la bourgeoisie : profiter de cette ratification pour saboter, dans la pratique la journée maximum de huit heures.

Or, les chefs réformistes n’ont point craint de dire et d’écrire, dans l’espoir de tromper les travailleurs sur l’activité réelle du Parti Communiste, que des députés communistes avaient votre CONTRE.

C’est ainsi qu’à un meeting organisé à Wasmes, dans le Borinage, les députés Piérard et Delattre ont, publiquement, apporté cette affirmation mensongère.

« L’Avenir du Borinage », donnant le compte rendu de ce meeting, où le député communiste Van Overstraeten prit la parole pour la contradiction, écrit :

« Et lorsqu’à propos de la ratification à la Chambre de la Convention de Washington sur la journée de huit heures, Delattre s’écria en se tournant vers le député communiste : « Vous n’avez pas voté en faveur de la ratification et c’est là, de votre part, un ACTE CRIMINEL ! », la salle croula sous un tonnerre d’applaudissements.

Vraiment, ce pauvre Van Overstraeten faisait alors pitié ».

L’on a vu la valeur de cette affirmation du député social-démocrate Delattre !

L’organe quotidien du Parti Communiste, « le Drapeau Rouge » a, immédiatement, relevé ce mensonge, mais cela n’a pas empêché des dirigeants réformistes de continuer à le colporter.

Le 19 août, le député communiste de Bruxelles, Jacquemotte, donnait une conférence publique aux ouvriers de l’arsenal à Cuesmes-Etat.

Un rédacteur de « l’Avenir du Borinage », nommé René Bedaux, mais mieux connu sous le nom de Louis Darmont, prit la parole pour la contradiction.

Nous n’insisterons pas sur la fantaisie qui présida à la rédaction de ce compte rendu ! Reprenons simplement la conclusion de et article de René Bedaux, dit Louis Darmont :

« Notons en passant qu’à la question précise posée par moi « Avez-vous voté POUR la ratification de la Convention de Washington ? » Jacquemotte a répondu à deux reprises : « OUI ».

Or, c’est faux, il a voté contre

De quelle épithète se sert-on pour désigner un monsieur qui, sciemment, dit le contraire de la vérité ?

Je laisse à Jacquemotte le soin de répondre à cette question-là. »

Notre réponse est simple et claire : l’épithète dont on se sert pour désigner un monsieur qui, sciemment, dit le contraire de la vérité est : Menteur !

Mais nous posons aux travailleurs qui liront cette brochure la question : Où sont les menteurs ? Les chefs réformistes, les rédacteurs des journaux social-démocrates ou les députés communistes ?

Nous ne doutons pas de la réponse !

Et lorsque l’Avenir du Borinage s’est ainsi enfoncé dans le mensonge jusqu’au cou, il refuse d’insérer un droit de réponse que lui a adressé, par lettre recommandée, le député communiste Jacquemotte !

Nous reproduisons ici cette lettre que l’Avenir du Borinage n’a pas insérée.

Nous ne nous adresserons pas à la justice pour obtenir l’insertion refusée. Nous laissons les travailleurs juges entre l’Avenir du Borinage et nous !

Bruxelles, le 16 août 1926
Au citoyen Jean Duhot,
Directeur de l’Avenir du Borinage
Mons

Citoyen,

« L’Avenir du Borinage publie, dans son numéro du 14 août, un soi-disant compte rendu de l’exposé que j’ai fait, en public, aux travailleurs de l’arsenal de l’Etat, à Cuesmes, à la suite de la visite que je fis, de ces ateliers, le jeudi 12 août.

Il n’entre nullement dans mes intentions de relever, point par point, les erreurs, les contradictions, les affirmations inexactes dont fourmille ce compte rendu.

Que votre rédaction ait pris pour système et pour habitude de renseigner d’une manière tout à fait fausse ses lecteurs sur l’activité du Parti communiste et de ses militants, est une chose depuis longtemps établie.

Mais l’occasion nous étant donnée de démontrer d’une manière absolument irréfutable, à vos lecteurs, ce que vaut votre méthode d’information, nous reprenons simplement de ce compte rendu, signé René Bedaux, le passage suivant :

« Notons en passant, qu’à la question précise posée par moi : avez-vous voté POUR la ratification de la Constitution de Washington ? Jacquemotte a répondu à deux reprises : oui. Or, c’est faux. Il a voté contre.

De quelle épithète se sert-on pour désigner un monsieur qui, sciemment, dit le contraire de la vérité ?

Je laisse le soin à Jacquemotte de répondre à cette question… »

Mon droit de réponse n’a pas d’autre but que de répondre à cette question-là. Et ma réponse est : un monsieur qui dit, sciemment, le contraire de la vérité est un menteur !

Et c’est le nom qu’il faut donner à votre rédacteur René Bedaux, quand il affirme, sciemment, que j’ai voté contre la ratification de la Convention de Washington. J’ai, tout comme mon ami Van Overstraeten député communiste de Liége, voté POUR. Voir les Annales parlementaires de la Chambre des Représentants, séance du vendredi 4 juin 1926. p.1533

Je vous prie, citoyen Duhot, de publier le présent droit de réponse dans votre plus prochain numéro de l’Avenir du Borinage, à la même place et dans les mêmes caractères que l’article incriminé et, au besoin, vous en requiers.

Recevez mes salutations communistes.
(s) J. JACQUEMOTTE

Député de Bruxelles.

Les menaces réactionnaires contre la journée des huit heures

Le mot d’ordre du gouvernement des Banquiers, auquel la Chambre, dans se presque unanimité, a accordé les « pleins pouvoirs », est : « Pénitences ! Restrictions ! Produire plus et consommer moins ! »

Et déjà, des journaux capitalistes posent la question d’une « adaptation » de la loi des huit heures aux « nécessités nationales pour le salut du franc »

L’on sait ce que parler veut dire !

La bourgeoisie entend faire supporter par le prolétariat toutes les conséquences économiques et financières de la guerre impérialiste.

Le coût de la vie augmente sans arrêt. Le pain gris, sous prétexte d’économies, est imposé aux pauvres, tandis que les riches continuent à manger du pain blanc. Le droit d’exploitation des chemins de fer de l’Etat est remis à une société privée pour une durée de 75 ans. L’on prépare la remise du droit d’exploitation des téléphones et télégraphes à une autre société privée. Au Parlement, catholiques, libéraux et « socialistes » unis, ont voté en six mois de temps, plus de deux milliards d’impôts nouveaux.

Le privilège de la Banque Nationale, rapportant des millions de bénéfices aux actionnaires, a été renouvelé pour 25 années. Les impôts sur les opérations bancaires et boursières ont été réduits de 50 % par les mêmes partis politiques qui ont taxé et surtaxé tous les produits nécessaires aux masses. La misère des travailleurs s’aggrave constamment.

La majorité ministérielle à porté à plus de 40.000 fr. la pension des hauts fonctionnaires et généraux, dans le même moment où le gouvernement catholique-libéral-socialiste refusait catégoriquement d’améliorer la situation si misérable et si tragique des vieux travailleurs pensionnés.Mais nous devons arrêter cette énumération des caractéristiques de la politique gouvernementale dont les conséquences influencent si terriblement la situation des larges masses populaires.

A tout cela, la bourgeoisie entend encore ajouter une prolongation du temps de travail, afin d’aboutir, à plus ou moins bref délai, à la destruction de la journée maximum de huit heures.

Contre ces attaques multipliées de la bourgeoisie, le Parti communiste se dresse et appelle les travailleurs à la résistance !

Renforçons nos organisations syndicales, tout en faisant d’elles, es armes de la lutte sociale contre le patronat et non point des organes de collaboration de classe !

Renforçons le Parti communiste en constituant, sur chaque lieu de travail, un groupe du Parti du prolétariat révolutionnaire !

Unissons tous nos efforts pour lutter contre la vie chère, contre le pain gris, contre les attaques de la réaction, contre le gouvernement des banquiers !

A bas le fascisme de la Banque !

Vive la lutte prolétarienne pour la libération de la classe ouvrière de l’exploitation capitaliste !

  1. La grève des sidérurgistes contre la reprise du travail à deux équipes de 12 heures s’étendit à tout le bassin de Liège et gagne même le bassin de Charleroi.

Revenir en haut de la page.