ksc-1949.jpgIl est bien connu que le symbole communiste est le drapeau rouge frappé du marteau et de la faucille. Le drapeau rouge est le drapeau historique du mouvement ouvrier, qui a versé son sang pour la cause du socialisme. Le marteau représente la classe ouvrière, la faucille la paysannerie, ces deux classes étant unies pour diriger l’URSS à la suite de la révolution de 1917.

Il y a ici quelque chose de très important à saisir : on ne peut pas séparer abstraitement le marteau et le faucille du drapeau rouge, afin de célébrer abstraitement le travail.

En effet, si le travail est ce qui compte, c’est sa nature qui détermine comment il compte. Le rapport travail-capital forme un ensemble dialectique et on ne peut pas séparer abstraitement le travail du capital.

C’est cela la grande erreur historique du syndicalisme dit révolutionnaire de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, qui considère que le travail serait en soi une valeur suprême, en tant qu’activité concrète suffisante en soi.

Le fascisme et le national-socialisme ont précisément utilisé cette interprétation erronée afin de célébrer la figure du « travailleur », en gommant totalement la question de la réalité de la production.

Il est, en effet, vrai que le travail modifie le monde, cependant la manière dont c’est fait est déterminante et cela change tout pour la notion de travail.

Si l’on formule de manière abstraite cela, on en arrive à dire que le capitalisme donne du travail aux travailleurs, qui alors travaillent : dire cela revient à tourner en rond et perdre de vue l’aspect essentiel de la question, qui est de savoir comment et pourquoi il y a ce travail.

Le travail de l’artisan au Moyen-Âge et de l’ouvrier d’industrie des années 1960, ou encore celui de l’ouvrier d’une usine robotisée de 2016, ne peuvent pas être intégrées abstraitement dans une catégorie « travail ».

Comment saisir la complexité de la question ?

Karl Marx, dans Le Capital, formule de la manière suivante cette problématique et sa résolution :

« Ce qui sur le marché fait directement vis-à-vis au capitaliste, ce n’est pas le travail, mais le travailleur.

Ce que celui-ci vend, c’est lui-même, sa force de travail.

Dès qu’il commence à mettre cette force en mouvement, à travailler, dès que son travail existe, ce travail a déjà cessé de lui appartenir et ne peut plus désormais être vendu par lui.

Le travail est la substance et la mesure inhérente des valeurs, mais il n’a lui-même aucune valeur.

Dans l’expression : valeur du travail, l’idée de valeur est complètement éteinte.

C’est une expression irrationnelle telle que par exemple valeur de la terre. Ces expressions irrationnelles ont cependant leur source dans les rapports de production eux-mêmes dont elles réfléchissent les formes phénoménales.

On sait d’ailleurs dans toutes les sciences, à l’économie politique près, qu’il faut distinguer entre les apparences des choses et leur réalité. »

On a ici un paradoxe, qui tient au double aspect du travailleur : celui-ci travaille, mais dès qu’il travaille, le travail effectué lui est arraché.

Deux erreurs sont alors possibles, qui ont la même base : tout d’abord, considérer le travailleur comme séparé de son travail. C’est l’idéologie du travailleur individuel qui vendrait à un moment donné son travail, pour être totalement un autre à un autre moment. L’individu serait producteur d’un côté, consommateur de l’autre, comme coupé en deux dans son existence.

Ensuite, considérer le travail comme séparé de ce qui est travaillé, ce qui amènerait à concevoir un travail abstrait, qui pourrait arbitrairement être lié à telle ou telle production.

Dans les deux cas, il y a une incompréhension de ce qu’est un mode de production. Un individu appartient toujours à l’espèce humaine dans son ensemble, qui reproduit sa vie réelle au moyen d’un mode de production.

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Cette incompréhension amène tant l’existence du travailleur individuel « mercenaire », vendant sa force de travail en se désintéressant totalement de la production en général, n’ayant en tête que sa vie de « consommateur » qu’il imagine « indépendante »…, que celle du travailleur faisant un fétiche de son activité personnelle dans la production, basculant dans le corporatisme de sa fonction, de son statut, etc.

Il est aisé de voir que de multiples déviations ont existé dans le mouvement révolutionnaire, tentant justement de s’orienter uniquement par exemple vers la nature « mercenaire » du travailleur individuel précarisé, ou bien de s’appuyer unilatéralement sur une catégorie de travailleurs avec un statut identitaire bien particulier, comme les cheminots ou les postiers par exemple.

Il ne s’agit pas de nier l’existence de catégories au sein des travailleurs, mais l’incapacité à concevoir que ces catégories ne sont qu’un aspect de l’activité travailleuse en général est erroné, tout comme l’oubli de la question du mode de production.

Il est évident que si les bouchers, les policiers, les chauffeurs privés, les gardiens de prison, les travailleurs des centrales nucléaires, etc. travaillent, non seulement leur rapport à la production demande à être explicité (ainsi une prostituée, au sens strict, ne travaille pas, car ne produisant rien), mais en plus il est évident que leur identité individuelle – si on peut la séparer abstraitement de leur emploi – subit une aliénation de par le type d’activité exercée (esprit réactionnaire, obséquiosité, fétichisme hiérarchique, etc.).

Le travail n’existe jamais en tant que valeur abstraite, séparée de son emplacement dans le mode de production. C’est le capitalisme qui croit que le travail a une valeur en lui-même (ce que le calvinisme dira), c’est le fascisme qui fait un fétiche du « travailleur » comme figure individuelle.

Le communisme célèbre le travailleur comme élément de la classe des travailleurs ; il célèbre le travail comme transformation de la réalité conforme aux modes de production socialiste et communiste.


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