Allocution de Monsieur le Ministre Fernand Demany – Prononcée au micro de la Radiodiffusion Nationale Belge, le 7 novembre 1944

Le 7 novembre 1917, les canons du cuirassé « Aurora » braqués sur le Palais d’Hiver, à Petrograd, annonçaient au monde la naissance, dans la douleur et le combat, de l’Union des Républiques Socialistes et Soviétiques. Cette journée d’épopée et de légende est devenue pour nos Alliés soviétiques, une fête nationale à laquelle s’associent tous les pays en guerre contre l’Allemagne nazie.

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Nous nous souvenons, comme si c’était hier, de cette chaude journée du 22 juin 1941 qui apporta à la Belgique souffrante et prisonnière, une bouleversante nouvelle : les hordes d’Hitler venaient de pénétrer en Union Soviétique, la marche sur Moscou commençait.

Le monde assistait, dans une extraordinaire tension, à l’énorme bataille qui s’engageait sut le front de l’Est. Dominant le tumulte des combats, la voix de Staline disait au peuple soviétique : « Aux armes ! Défendez la Patrie menacée ! Disputez à l’ennemi chaque pouce de terrain ! Ne lui laissez ni un tracteur, ni un outil, ni une goutte d’essence, ni un épi de blé ! »

La consigné fut respectée. A l’énorme marée nazie, le peuple soviétique opposa le farouche tactique de la terre brûlée. Lentement, pesamment, la Wehrmacht s’acheminait vers son destin terrible. C’est à cela que nous pensons en cette journée, à ce sursaut magnifique de tout un peuple, à cette lutte à outrance qui se continua, des années durant, au milieu des pires conditions matérielles et morales.

Rappelons-nous ces épisodes glorieux et tragiques, ces villes incendiées, ces populations civiles martyrisées, le barrage de Dniepropetrovsk, orgueil de la Russie nouvelle, détruit, orgueilleusement, par ceux-là mêmes qui l’avaient édifié, et puis la sublime épopée de Moscou, de Leningrad, encerclée et toujours vivante, et enfin et surtout Stalingrad, page d’héroïsme et d’incomparable gloire.

Cette guerre qui n’est pas finie fut toujours et demeure indivisible. Nous n’oublierons jamais en quelle étroite communion d’esprit nous avons vécu avec nos lointains alliés soviétiques. Leurs victoires étaient nos victoires. Leur exemple nous animait. C’est en nous inspirant d’eux que nous avons créé, sur notre sol, ces magnifiques cohortes de partisans qui ont si splendidement contribué à notre libération.

Nous écoutions avec passion les voix de Moscou comme celles de Londres et de New-York. C’est l’immense coalition des peuples libres − coalition où la Russie soviétique joua un rôle de premier plan − qui a hâté notre libération. Nous ne l’oublierons jamais.

De la trilogie des grands hommes d’Etat alliés, nous voulons aujourd’hui détacher la haute et puissante figure du maréchal Staline, chef d’Etat, chef d’armée, magnifique conducteur de son peuple. Jamais il n’a douté de la victoire. Mais jamais non plus il n’a caché la vérité à l’Union Soviétique.

Cette vérité fut souvent atrocement cruelle. Peu de peuples ont autant que celui-là de l’horrible guerre imposée au monde par le nazisme. Mais, stimulé par le clairvoyant courage de Staline, le peuple de l’Union Soviétique a su transformer ses poignantes retraites du début en une victoire éclatante, le plus grand triomphe militaire de l’histoire.

La guerre n’est pas finie, mais nous avons le droit cependant de songer à l’heure où les peuples auront enfin déposé leurs amies. Ce jour-là encore, ils auront besoin de guides et d’exemples. Ils se tourneront tout naturellement vers les vainqueurs d’hier.

Dans la bouche de Joseph Staline, ils entendront cette phrase qui mérite de passer à la postérité : « De tous les capitaux existant dans le monde, le plus précieux, le plus décisif, ce sont les hommes ». Une telle profession de foi mérite d’être inscrite au fronton des édifices que demain nous reconstruirons. C’est pour sauver l’homme, c’est pour sauver la dignité humaine que nous nous sommes battus, que nous avons souffert, que nous continuons à grouper tous nos efforts.

En m’associant aujourd’hui, avec émotion à la fête nationale de l’Union des Républiques Socialistes et Soviétiques, en apportant au maréchal Staline le tribut d’hommages qui lui est dû, qu’Il me soit permis d’exprimer aussi à nos grands alliés, la reconnaissance de la Belgique, enfin libérée.

Nos destins se tiennent, et, dans cette guerre énorme, tous les hommes libres se sont rapprochés, compris et aimés. Puisse la fête nationale de notre grande alliée être l’occasion d’un rapprochement plus étroit encore et d’une amitié belgo-soviétique plus agissante, plus efficace plus féconde pour nos deux peuples.

M. Gerlo, chef du Cabinet de M. le Ministre Demany, a prononcé une allocution en flamand.


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