La kabbale puise ses racines dans le néo-platonisme, à partir du mysticisme juif, dont la religion juive disposait déjà d’une solide base.

Elle était déjà elle-même issue de rituels de type païens élémentaires, comme en témoigne ces passages de la genèse (8, 20-21) et de l’exode (24, 4-8) qui témoigne des restes du culte « sacrificiel » propre aux premières religions :

« 20. Noé bâtit un autel à l’Éternel; il prit de toutes les bêtes pures et de tous les oiseaux purs, et il offrit des holocaustes sur l’autel.

21. L’Éternel sentit une odeur agréable, et l’Éternel dit en son cœur : Je ne maudirai plus la terre, à cause de l’homme, parce que les pensées du cœur de l’homme sont mauvaises dès sa jeunesse; et je ne frapperai plus tout ce qui est vivant, comme je l’ai fait. »

« 4. Et Moïse écrivit toutes les paroles de l’Éternel, et il se leva de bon matin, et bâtit un autel au bas de la montagne, et dressa douze colonnes pour les douze tribus d’Israël.

5. Et il envoya les jeunes gens des enfants d’Israël, qui offrirent des holocaustes, et sacrifièrent des sacrifices de prospérité à l’Éternel, savoir de jeunes taureaux.

6. Et Moïse prit la moitié du sang, et le mit dans les bassins, et il répandit l’autre moitié sur l’autel.

7. Puis il prit le livre de l’alliance, et il le lut au peuple qui l’écoutait et qui dit: Nous ferons tout ce que l’Éternel a dit, et nous obéirons.

8 Moïse prit donc le sang, et le répandit sur le peuple, et dit: Voici le sang de l’alliance que l’Éternel a traitée avec vous selon toutes ces paroles. »

Qu’est-ce que le kabbalisme ? Le kabbalisme regroupe de nombreux auteurs, mais tous ont le même but : expliquer l’origine du monde, tout comme Maïmonide.

Leur direction va toutefois à l’opposé donc de Maïmonide, celui-ci considérant qu’on ne peut pas comprendre pourquoi Dieu agit (ni au fond ce qu’est Dieu réellement), et que l’origine du monde se tient dans la « sagesse » de Dieu.

Ici, Maïmonide suit clairement la vision d’Aristote selon laquelle le moteur divin, tourné vers lui-même, a « produit » par sa bonté une certaine vision de lui-même, ce qui a amené par conséquent quelque chose en plus, d’où découle le monde, etc. etc.

Femme juive de l’empire ottoman, illustration de Jean-Baptiste Vanmour, 1707

Femme juive de l’empire ottoman, illustration de Jean-Baptiste Vanmour, 1707

Les kabbalistes, eux, ne se tournent pas vers Aristote, mais vers Platon et ses « successeurs » appelés néo-platoniciens. Ils puisent massivement dans les néo-platoniciens, reprenant directement leurs thèses.

Rappelons les deux principales :

a) l’origine des êtres humains repose dans l’émanation d’une âme unifiée totale dans le Ciel ; chaque humain doit quitter son corps pour faire en sorte que son âme « retourne » à son point de départ initial. Le grand théoricien est ici Plotin.

b) le monde matériel est composé d’une sorte d’émanation multiple depuis en haut, et on peut donc saisir, de manière magique, les forces régissant cette descente, afin de se les approprier, de les modifier, etc. (c’est le principe de la magie, des mages, etc.).

Les kabbalistes puisent donc toutes leurs conceptions dans le néo-platonisme, qu’ils vont mélanger avec le judaïsme. Le terme de kabbale signifie ainsi « réception » en hébreu : c’est la réception de l’émanation divine.

Citons ici un texte kabbaliste, sur la réception de la lumière divine et sur la manière de la faire resplendir en lui « obéissant » :

« Un des principes auxquels l’homme doit croire est que tout ses actes « font impression » en haut, qu’ils soient bons ou mauvais.

En accomplissant les commandements que le Seigneur son Dieu a ordonnés, il illumine, fait resplendir et met en lumière la dimension [supérieure] dont dépend le commandement qu’il a accompli.

Selon la grandeur du commandement qu’il aura accompli et la qualité de son intention lors de cet accomplissement, ainsi sera l’intense irradiation qui l’éclairera par son biais.

L’épanchement s’accroîtra dans les canaux pour faire prospérer le monde et le monde se nourrira par son intermédiaire, en ce qu’il l’illuminera et le fera resplendir quand il fera remonter [les canaux] vers la source pour qu’ils reviennent à leur état de subtilité et de pureté qui était le leur là-bas à l’origine, avant l’émanation. »

R. Salomon Alkabets, Liquouté haqdamot le-Hokhmat ha-Qabalah, texte du 16e siècle

Rappelons au passage que ce néo-platonisme est une bricolage mélangeant de manière erronée les thèses de Platon et d’Aristote (en faveur d’un Platon « religieux »).

Et rappelons, comme cela a été vu, que Maïmonide puise lui dans Aristote et en fait surtout Avicenne (expliquant Aristote), pour mélanger ces conceptions avec le judaïsme (tout en étant donc influencé par Platon, puisque la pensée d’Avicenne est elle-même marquée par celle de Platon, pour la dimension religieuse, ce qu’on a plus chez Averroès).

Tout cela forme un savant bricolage au vocabulaire très technique, ainsi que des concepts mystiques ; on ne peut donc être étonné de la dimension fascinante pour des esprits religieux comme il y en a au Moyen-Âge.

Voyons maintenant la vision kabbaliste du monde.


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