Eugen Varga écrivit également au sujet de la révolution hongroise L’organisation économique de la république hongroise des conseils, ainsi que La question agraire dans la révolution prolétarienne hongroise. Il le fit cependant en Russie, où il dût émigrer.

Le gouvernement hongrois menant le procès des commissaires du peuple de juillet à décembre 1920, en leur absence et exigeant donc leur présence pour leur condamnation (à mort), les communistes hongrois réfugiés durent en effet quitter l’Autriche et allèrent alors en Russie soviétique. Eugen Varga y fut immédiatement considéré comme étant un cadre de valeur.

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Il assuma d’ailleurs un rôle dès son arrivée, en tant que délégué du Parti Communiste de Hongrie lors du second congrès de l’Internationale Communiste en juillet-août 1920, bien qu’il n’arriva qu’à la fin de celui-ci.

Au début des années 1920, le régime soviétique ne faisait encore que se mettre en place dans le cadre d’une guerre civile non terminée ; il y avait le besoin d’un aperçu général de l’évolution du monde, alors que la vague de la révolution avait ébranlé le monde et notamment l’Europe.

Il était très pratique d’avoir un économiste capable d’étudier par exemple en profondeur l’économie américaine, voyant que l’utilisation des machines y était systématique et bien plus avancée qu’en Europe, que l’immigration amenait une population ouverte rétive à tout conservatisme, que l’agriculture s’étendait toujours davantage, etc.

Eugen Varga, qui avait alors quarante ans, prit donc la citoyenneté soviétique et rejoignit dans la foulée le Parti Communiste de Russie, changeant son nom de Jenö Varga en Evgeni Varga. C’est pourtant sous le nom d’Eugen Varga qu’il sera surtout connu, étant donné qu’il parlait mal le russe et qu’il écrivit ses plus importants documents des années 1920 en allemand, une langue essentielle de par le poids central de la question allemande pour l’Internationale Communiste.

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Eugen Varga rejoignit d’ailleurs bientôt l’Allemagne, Lénine lui ayant donné une tâche très particulière, considérée comme d’une très grande importance. Son rôle était d’accumuler des données et d’en tirer les tendances générales, afin de les fournir à l’Internationale Communiste. Un institut fut fondé en ce sens à Berlin, de manière relativement discrète, afin de faciliter l’obtention de documents et de former une équipe d’analystes.

Lénine avait formulé ce principe d’un bureau d’études de « l’impérialisme international » ainsi que du « mouvement ouvrier international » en août 1921, dans une lettre à Zinoviev, en copie à Staline, Radek, Kamenev et Trotsky ; le même mois, l’Internationale Communiste valida le projet.

Dans la lettre, Lénine y soulignait qu’il n’était pas possible de le former en Russie, de par le manque de personnel, de bibliothèques, etc. Il voyait comme langues à connaître au départ l’allemand, l’anglais, le français, l’italien et le tchèque ; le travail devait se faire en allemand (« pour le continent européen sans aucun doute maintenant la langue la plus internationale »), avec des traductions à réaliser en français et en anglais, ainsi qu’en russe.

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L’idée était de former une structure relativement neutre d’accumulations d’informations et de données. Il s’agissait de cumuler les informations à ce sujet et de les diffuser, pour l’Internationale Communiste d’un côté, de manière payante à qui le voudrait de l’autre.

Eugen Varga fut donc le dirigeant de l’Institut d’information statistiques du Comité exécutif de l’Internationale Communiste formé en 1921, qui exista sous une forme masquée à Berlin. Il fut également responsable de la mission commerciale de l’ambassade soviétique, alors que le traité de Rapallo de novembre 1922 permettait la mise en place de rapports économiques entre l’Allemagne et la Russie soviétique.

Cette position d’Eugen Varga dura jusqu’en 1927, le temps que la Russie soviétique soit en mesure de s’organiser. Il rejoignit alors l’Institut de l’économie mondiale et de la politique mondiale basé à Moscou.

À partir de 1931, cet institut fut considéré comme un centre de recherche et de développement dans l’évaluation de la situation économique mondiale et des problèmes politiques afférents, suivant une décision du Comité Central du PCUS (bolchévik). Cet Institut fournissait des données en particulier à Staline, Molotov, le Comité Central du PCUS (b), le conseil des commissaires du peuple, le commissariat au peuple pour les affaires étrangères, le commissariat au peuple du commerce extérieur.

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Parallèlement à cette activité au sein de l’Institut dans les années 1920, Eugen Varga s’était lancé dans une double activité. La première était la constitution des rapports extrêmement denses et longs sur l’économie capitaliste et sa situation. Écrits de manière trimestrielle, ils étaient publiés dans la revue Internationale Presse-Korrespondenz (Inprekorr), la correspondance internationale de presse, organe de l’Internationale Communiste publié en russe, en allemand, en anglais, en français et en espagnol.

La seconde était la constitution de rapports sur la situation économique pour les congrès de l’Internationale Communiste. C’est cela qui allait le placer au cœur des grands débats sur la situation politique et économique internationale et faire de lui une figure alors extrêmement connue.

Eugen Varga fournissait les données et présentait le cadre général, et ensuite il y avait les grands débats, avec les grands conflits idéologiques émergeant alors, qui s’ensuivaient.


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