Eugen Varga aborde la France dans La période du déclin du capitalisme en expliquant sa situation assez paradoxale. Voici ce qu’il en dit, annonçant de manière tout à fait juste, en 1922, l’effondrement de 1940.

« Les rapports économiques de la France sont plus avantageux que ceux de l’Angleterre dans la mesure où elle dispose d’une plus grande base agricole, et qu’elle peut s’auto-approvisionner en denrées lors d’une récolte normale.

Le caractère paysan du pays la rend plus insensible aux aléas du marché mondial.

Par contre, une partie de son appareil productif n’est pas remis en place, l’appareil productif du point de vue humain est amoindri par les pertes lors de la guerre et le militarisme gigantesque. Les finances publiques sont dans un état déplorable, le cours de la monnaie est tombée à 40 % par rapport à l’or à parité.

De l’autre côté, la France est devenue un pays exportateur de l’industrie lourde par son annexion de l’Alsace-Lorraine. Ce fait, en relation avec ses possessions coloniales étendues, son militarisme et son nationalisme, en font – malgré la banqueroute des finances publiques et de la monnaie – une des puissances impérialistes dominantes avec les États-Unis, l’Angleterre et le Japon.

Elle a étendu sa zone d’influence à toute l’Europe bourgeoise à l’Est du Rhin. Elle menace l’Allemagne par les exigences de réparation, elle contrôle la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Hongrie et la petite Entente par les investissements capitalistes et les unions militaires,

Elle aspire à transformer en zone coloniale toute l’Europe à l’Est du Rhin, et même au-delà jusqu’en Turquie et le proche-Orient, tous les territoires qui sont économiquement devenus coloniaux à la suite de la guerre mondiale [il s’agit d’une référence à l’effondrement de l’empire ottoman].

Toutefois, la base économique de la France, sa population peu considérable et s’amenuisant, l’appareil de production peu réellement développé et abîmé qui plus est pendant la guerre, l’accumulation toujours faible de moyens de production à l’intérieur des frontières et ce malgré l’apparence d’une forte accumulation sous forme monétaire, l’effondrement de la monnaie et le mauvais état des finances publiques, n’est pas approprié pour porter une telle énorme superstructure de pouvoir politique.

La contradiction entre l’infrastructure économique, faiblement développée, et la superstructure militaire et du pouvoir politique, sur-développée, va s’exprimer sous la forme d’un grand effondrement, dans une période proche (vraisemblablement à la suite d’une nouvelle guerre) et la fausse apparence de floraison de la France sera pour toujours anéantie. »

Il est à noter qu’Eugen Varga considère que la Pologne est dans une situation tout à fait similaire, et cela s’avérera tout à fait juste également, l’État polonais s’effondrant lui aussi comme un château de cartes.


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