Dans La période du déclin du capitalisme, Eugen Varga visa à faire le portrait général du schéma caractérisant la crise capitaliste en cours. Son objectif était d’autant plus complexe que, comme il le reconnaît lui-même alors, le capitalisme ne se redresse pas, malgré une amélioration certaine de l’économie des États-Unis, de l’Angleterre, du Japon et de la France.

Or, l’enjeu était énorme, car il s’agissait de savoir s’il était la preuve que le capitalisme se restructurait et était en mesure de redémarrer, avec les classes dominantes se renforçant d’autant, ou si au contraire ce n’était là qu’un intermède dans un processus d’effondrement général. Toute la stratégie de l’Internationale Communiste dépendait pour ainsi dire de l’évaluation de la situation ; l’importance d’Eugen Varga ne doit ici pas être sous-estimée.

Eugen Varga, qui est à ce moment-là très proche de Léon Trotsky avec qui il collaborait, justifia son interprétation de la manière suivante. Auparavant, les crises cycliques ne modifiaient pas la croissance générale de l’économie capitaliste. Le capitalisme s’étendait de par le monde et supprimait les restes féodaux dans les pays capitalistes ; l’étalon-or se généralisait comme base des échanges monétaires.

De plus, les monopoles rationalisaient l’économie et les exportations vers les colonies soulageaient les besoins de profit. Par le système des crédits et des actions pouvant être achetées individuellement, la part des personnes impliquées dans les intérêts du capitalisme augmentait également.

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Eugen Varga prenait ensuite la situation en 1921-1922 et constatait que les possibilités de crédit avaient disparues, que le marché mondial s’était disloqué avec l’émergence du Socialisme d’un côté, les mesures protectionnistes des autres pays de l’autre, à quoi s’ajoute la formation de nouvelles entités étatiques par ailleurs (Autriche, Hongrie, Tchécoslovaquie, etc.).

La production avait reculé et il y a, dans la période 1919/1922 en comparaison à la période 1909/1913, moins de seigle qui est produit, moins d’orge, moins d’avoine, moins de patate, moins de café, moins de coton, moins de jute, etc.

Il y a, en 1921 par rapport à 1912, moins de charbon de produit, moins de fer, moins d’acier, moins de zinc, moins d’étain, moins de cuivre, etc. Il y a moins de cochons, moins de chevaux, moins de moutons.

Les seules productions augmentant le sont en-dehors de l’Europe par ailleurs, avec le maïs, le cacao, le thé, le pétrole. L’économie de la débrouille et du troc réapparaît parfois de manière même officielle (impôt payés en céréales en Hongrie…), etc.

Le niveau de vie des ouvriers s’effondre, le taux de chômage augmentant de manière brutale et atteignant un part importante (en 1922, 20 % en Norvège, 28 % en Suède, 10 % aux Pays-Bas, 15 % en Angleterre ainsi qu’en Belgique, etc.).

Certaines monnaies s’effondrent : un pound anglais vaut fin 1920 258 marks allemands, ainsi que 1500 couronnes autrichiennes et 2250 marks polonais, puis, en septembre 1922, 6300 marks allemands, 335 000 couronnes autrichiennes, 35 000 marks polonais.

Les États sont en déficit ; l’instabilité gouvernementale se retrouve souvent et correspond à des affrontements au sein de fractions de la bourgeoisie sur les intérêts à privilégier (les industriels s’opposant aux grands propriétaires terriens, l’industrie de transformation ayant besoin d’importation à celle produisant des matières premières localement, etc.).

Les besoins de satisfaire la quête de profit obligeaient inévitablement les pays capitalistes à aller vers la domination des pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie ; la concurrence inter-impérialiste ne s’est pas tarie malgré que l’Allemagne ait disparu du groupe des pays les plus puissants et que toute l’Europe centrale et de l’Est est devenue une sorte de colonie de ceux-ci.

C’est la situation révolutionnaire seulement qui empêche l’Angleterre, les États-Unis, le Japon et la France d’en arriver pour l’instant à un conflit ouvert.

L’amélioration actuelle n’est donc que secondaire par rapport à l’aspect principal qui est la crise ; Eugen Varga résume cela de la manière suivante :

« Nous ne trouvons plus dans une phase de crise – comme à l’époque du IIIe congrès [de l’Internationale Communiste] – mais dans une phase de conjoncture s’améliorant, mais cela de manière inchangée au sein de la période de crise du capitalisme. »

La période de déclin du capitalisme a ainsi des phases. Cette thèse, selon Eugen Varga, correspond aux faits et a par conséquent deux ennemis : la social-démocratie qui affirme qu’il n’y a pas de période de crise du tout, les gauchistes qui affirment qu’il n’existe pas de phase au sein de la période de crise.


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