Comment et pourquoi l’arrestation à Benidorm a-t-elle pu se produire?
L’arrestation du Comité Central du Parti est le point final d’une gigantesque opération policière qui a commencé il y a déjà longtemps à laquelle ont participé, en plus des Brigades de la police politique, des Services d’Intelligence de l’Armée.
Il n’y a eu aucun « mouchardage », ni même une infiltration, comme on a pu l’insinuer. Contrairement à ce que certains « savants » semblent le supposer, il n’est pas aussi facile de s’infiltrer dans notre Parti, bien qu’il soit exact que cela nous soit déjà arrivé.
Il y a déjà longtemps que nous étions au courant des plans de la police dont le but était la désarticulation du Parti avant la fin de l’été (ils avaient appelé cette opération « vacances 77 »).
C’est pourquoi, je veux vous assurer que nous avions pris toutes les mesures à notre portée pour l’éviter. Nous avons cependant été arrêtés. Et c’est ce qui importe maintenant.
La première et principale cause de cette arrestation, il faut la rechercher en Algérie, voilà la vérité. Notre Parti avait confiance dans les Algériens et ceux-ci nous ont vendus pour 30 deniers.
Depuis un certain temps, le gouvernement algérien est en train d’essayer de rompre l’accord tripartite sur le Sahara et Madrid a profité de ce fait pour obtenir des Algériens les contacts dont ils avaient besoin pour nous trouver.
Le Gouvernement espagnol avait une impérieuse nécessité d’en finir le plus rapidement possible avec le mouvement démocratique et révolutionnaire.
A la longue, la police serait bien parvenue à nous arrêter, mais il lui aurait été difficile de le faire en peu de temps.
Les infiltrations qu’ils ont tenté et les nombreuses arrestations de ces derniers temps ne leur ont donné que des maigres résultats.
D’autre part, nous savions par des arrestations antérieures que la police était très sûre d’atteindre ses objectifs dans le délai fixé. Il ne fait aucun doute pour nous que cette assurance était cautionnée par la confiance excessive que nous avions mis dans les « amis » d’Algérie.
Nous ne pouvions pas nous méfier des dirigeants d’un pays progressiste. Nous avions confiance en eux, ils ne pouvaient pas nous trahir… et ils nous ont trahis !
C’est là le piège dans lequel nous sommes tombés. Nous pourrions donner quelques détails précis, mais nous ne le considérons pas opportun ni nécessaire.
C’est là une leçon que nous les communistes d’Espagne, n’oublierons jamais.
Quant à la manière dont se réalisa l’arrestation, elle vaut la peine d’être narrée.
Imaginez -vous un appartement d’environ cent mètres carrés, quinze personne y dormant entassées, l’explosion dans la maison de nombreuses bombes de gaz et de bombes lacrymogènes, le tout accompagné de rafales de mitraillette…
Il ne restait plus un centimètres cubes d’oxygène, on ne voyait plus rien du tout et on ne savait pas s’il y avait des blessés ou des morts.
On entendait seulement des tirs, des toux asphyxiées et les paroles inquiètes de certains camarades. Et la police était au courant de la présence d’un enfant qui, à ce moment, devint la préoccupation majeure de tous.
Quelques secondes passèrent et comme il était impossible de rester dans la maison, nous avons décidé de sortir, absolument persuadés de ne pas atteindre la porte vivants.
Là nous fûmes frappés, mais nous avons gardé la la tête haute, disposés au pire.
Est-il vrai que dans l’appartement se trouvaient les plans du palais de la Moncloa et que l’on y préparait un attentat contre Suarez?
Dans la maison, il n’y avait que des documents et des rapports politiques du Parti et nous n’étions qu’en train de préparer un plan d’agitation en faveur du boycottage aux « commissariats » d’entreprises (élections syndicales) et pour développer le mouvement de solidarité envers les prisonniers politiques. Rien de plus.
L’histoire des plans de la Moncloa et d’autres semblables ont été inventées, avec l’accord de Suarez, cela ne fait aucun doute, par une revue qui depuis déjà longtemps mène une campagne de calomnies et de désinformation sur le PCE(r) et les GRAPO.
L’intention de cette revue n’est pas seulement de nous cataloguer parmi les « terroristes » et les « fous », alors que leur tentative de nous faire endosser l’étiquette d’extrême droite a échoué, mais encore d’alimenter la campagne de crainte du « coup d’état militaire » au moyen duquel ils menacent afin de faire reculer encore plus la gauche domestiquée pour qu’elle accepte, sans rechigner, les décisions du Gouvernement ultra-réactionnaire de Suarez.
Et l’histoire du fusil de précision, du dispositif infra-rouge, ainsi que les uniformes militaires?
Je ne vois pas, à moins qu’ils aient confondu avec le balai ! car là-bas ils n’ont pu trouver la moindre « arme », si ce n’est le fusil de plastique dont nous avions fait cadeau à Daniel, le fils de Cerdan Calixto et de Encarnacion Martinez.
L’histoire des uniformes est un autre mensonge de la police.
Vous comprendrez facilement que si le Parti avait ces uniformes en sa possession, nous ne les garderions pas dans un appartement loué pour y tenir une réunion.
A Benidorm, chacun ne portait que les habits habituels de « vacanciers ».
La réunion en question était-elle un Plénum élargi du Comité Central, du Comité Executif ou des GRAPO?
Il s’agissait d’une réunion ordinaire du Comité Central.
Comme au bon vieux temps, la presse espagnole s’est faite le porte-parole des notes et informations de la police sans y ajouter une seule référence de sa part, sans manifester le moindre doute, malgré les nombreuses et profondes contradictions que contenaient ces nouvelles.
Ils parlèrent de l’arrestation de «l’état-major des GRAPO », mais ils ne publièrent pas de photos de l’arsenal qui accompagne généralement les rapports de la police; les preuves de « terrorisme » ne sont apparues nulle part.
Peut-être n’ont-ils pas voulu exploiter plus à fond leur brillant service ? Le Gouvernement savait très bien, tout comme les directeurs des journaux, qu’à Benidorm on venait d’arrêter le Comité Central du PCE(r) et que là-bas, la police n’avait pas trouvé une seule arme, ni rien qui soit en relation avec les actions militaires que l’on nous attribue.
C’est également pour cette raison qu’ils ont pu nous arrêter aussi facilement, car les GRAPO, d’après ce que je crois savoir, et l’expérience l’a prouvé, ne se laissent pas arrêter, ils opposent de la résistance et ceci parce qu’ils sont armés.
J’imagine que lorsque quelqu’un est armé, c’est pour quelque chose, ce ne sera pas pour user de son arme comme d’un ornement.
C’est là une preuve de plus qui confirme ce que j’ai déjà dit : à Benidorm, c’est le Comité Central du PCE(r) qui a été arrété et il est totalement faux de dire que nous étions « I’Etat Major des GRAPO ».
Cette réunion était la première que célébrait le Comité Central élu lors du IIè Congrès du Parti, qui a eu lieu en juin.
A partir de l’arrestation, comment se déroulèrent les événements?
Bon. De la façon dont nous avons été arrêtés, certains d’entre nous s’étaient déjà fait à l’idée qu’ils avaient monté toute une mise en scène pour nous faire effectuer la « promenade ».
Cette impression a été en se réaffirmant, au fur et à mesure que le temps s’écoulait, jusqu’au moment où nous sommes entrés dans les geôles de la DGS [Direction Générale de Sécurité, à Madrid].
Jusqu’à ce moment, de nombreuses heures s’écoulèrent dont la police profita pour faire avec nous une espèce d’expérimentation de torture psychologique, dans le but de nous abattre moralement.
Ils nous gardèrent toute la journée, les yeux bandés et, autour de nous ils élevèrent un mur de silence.
On n’entendait que les bruits de moteurs, grincements de portes, claquements de culasse des mitraillettes…
Ceci à Alicante, où ils nous gardèrent ainsi pendant 8 heures, debout, menottes aux mains, dans une sorte de garage.
Certains d’entre nous lancèrent un défi à ce type de torture, en les dénonçant et en encourageant les camarades, ce qui attira la fureur des « gris » [les policiers] sur nos têtes et nos reins.
D’Alicante, nous avons été transféré à la DGS; dans un grand déploiement de force et dans des conditions inhumaines.
Pendant les interrogatoires, malgré les tortures sadiques auxquelles furent soumis quelques-uns de mes camarades ils n’ont rien réussi à obtenir.
Toutes les déclarations ont été confectionnées sur la base d’informations obtenues sous la torture lors d’arrestations antérieures de militants ou de sympathisants du Parti, des déclarations qui n’ont aucune valeur mais que le juge a néanmoins considérés suffisantes pour nous emprisonner.
Rendez-vous compte combien cette mise en scène était fausse : une fois le délai légal de 72 heures écoulé et comme les déclarations faites et signées par nous tous ne leur permettaient pas de nous faire un procès ou de nous emprisonner, le juge ordonna que nous soyons à nouveau conduits à la DGS afin d’y faire un « complément » de déclaration.
Nous sommes faibles, mais cette faiblesse ne nous effraye pas.
La qualité, le caractère prolétarien et révolutionnaire de notre Parti, le militantisme politique de tous ses membres ne peuvent être mis en doute par aucune personne sérieuse.
Vous devez tenir compte du fait que nous ne constituons pas un parti révisionniste ou social-démocrate où chacun ne fait que voter ou participer à une fête.
Notre Parti est une force révolutionnaire en développement, avec un programme et des plans à suivre.
Dans ce sens nous sommes de beaucoup supérieurs à n’importe quelle « masse de militants » sociaux-démocrates.
Actuellement nos forces sont petites, mais elles sont bien organisées et elles s’étendent aux principales zones industrielles et agraires du pays et dans toutes les nationalités.
Nous sommes conscients de notre faiblesse par rapport aux énormes tâches politiques que nous nous proposons de réaliser, mais nous savons que ce ne sera pas toujours le cas, que notre influence croît de jour en jour et qu’il ne se passera pas longtemps avant que le PCE(r) ne gagne la confiance et le soutien dont jouissait à une autre époque le Parti Communiste de José Diaz parmi les travailleurs.
Tout cela est question de temps de savoir attendre et de travailler dur et patiemment, sans jamais abandonner la ligne politique et le travail commencé.
Jusqu’à maintenant nous sommes parvenus à donner au mouvement sa première impulsion, ce qui est toujours le plus difficile.
Pendant l’année 1977, les arrestations de membres du PCE(r) ont été constantes et très lourdes, comment analysez-vous ce fait?
C’est là un bon moment pour répondre à cette question car, même au sein du Parti ce problème n’est pas encore clair.
Il est vrai qu’au cours de 1977 de nombreuses et importantes arrestations de militants et d’organisations du Parti se sont produites, qui se sont terminées par l’arrestation du Comité Central.
Il s’agit là d’une question très sérieuse à laquelle nous prêtons l’attention qui se doit.
Chacune de ces arrestations s’est produite d’une façon différente et pour des motifs différents. Nous n’entrerons pas dans les détails.
Ce qui nous intéresse c’est de connaître la cause première et dernière de toutes ces arrestations, et de voir si, réellement, elles pouvaient être évitées ou, dans quelle mesure on peut les éviter.
Pour être plus clair, nous donnerons un exemple: au cours de 1975, le FRAP a eu également de nombreuses arrestations.
Maintenant, par contre, depuis longtemps, il n’en a eu aucune qui puisse être qualifiée d’importante. Quelle est la cause de ce phénomène ? Pourquoi arrête-t-on les militants de notre Parti et pas ceux du FRAP ?
Est-ce que parce que ces dernières ont appris à bien faire les choses et que nous nous les faisons chaque fois plus mal ? Je pense que si, dernièrement, le FRAP n’a eu aucune arrestation importante, cela est indiscutablement dû au fait que cette organisation a déserté le camp révolutionnaire.
C’est évident et il en va de même avec tous les autres groupes ou partis qui se considèrent communistes révolutionnaires.
Et s’ils ne subissent pas d’arrestations ce n’est pas parce qu’ils feraient les choses comme doit le faire toute organisation communiste ou révolutionnaire.
Mais cela ne justifie pas nos arrestations, qui trouvent leur cause dans notre travail lui-même. Parce que nous le réalisons mal ?
C’est possible, cependant, pour autant que nous nous y efforçons, nous sommes incapables de trouver de graves erreurs de fonctionnement qui pourraient expliquer les arrestations et nous accepterions volontiers toutes les critiques ou suggestions qui nous seraientt faites à ce sujet.
Ainsi sommes-nous forcés de conclure en disant que les arrestations de militants de notre Parti, tout comme les pertes et batailles perdues par toute armée qui combat sont, en général, inévitables, elles forment partie d’un phénomène inhérent à toute lutte.
Nous avons travaillé et nous continuerons à le faire pour extirper de nos rangs tout culte de la spontanéité et de l’étroitesse de vue, nous avons travaillé infatigablement pour créer une organisation de combat, de véritables professionnels au service de la révolution et de la cause du prolétariat.
Personne ne peut nous reprocher d’avoir négligé cet aspect tellement important de notre activité et personne ne peut non plus dire que nous nous soyons précipités, sans cela, qu’on nous donne un seul exemple de négligence ou d’insouciance.
Je disais que les arrestations sont inévitables dans tout Parti qui encourage et pratique la lutte de classes de façon conséquente, mais on ne doit pas en déduire que ces arrestations doivent paralyser son activité.
S’il en était ainsi, si après chaque arrestation l’activité du Parti disparaissait pour longtemps, il faudrait alors donner raison à ceux qui croient à la toute puissance de la police.
Dans l’exemple que nous avons donné aurravant, non seulement toute l’activité du FRAP et de ses protecteurs a disparu mais lorsqu’ils ont réapparu, ils l’ont fait dans la légalité et se sont déjà ralliés aux tortionnaires.
Est-ce là le cas de notre Parti ?
Non et ça ne pourra jamais l’être car chaque arrestation fait ressurgir le Parti avec plus de force et le réaffirme dans sa ligne politique.
Après ce coup subi, peut-on considéré comme mort le PCE(r)? (L’interviewé éclate de rire et répond avec confiance)
Combien de fois ont-ils tué le PCE(r) et nous ont-ils laissés pour mort? Et cependant, nous sommes ressuscités autant de fois qu’ils nous ont désarticulés, plus vigoureux qu’avant.
C’est pour cette raison que lorsque nous lisons dans la presse une affirmation de ce genre, un éclat de rire secoue nos rangs d’un bout à l’autre.
Il ne fait aucun doute que l’arrestation du Comité Central a été pour le PCE(r) un des coups les plus durs reçus jusqu’à maintenant.
Mais, immanquablement, l’expérience prouvera jusqu’à quel point il nous a affecté. Croyez-moi, notre arrestation fera plus de mal au Gouvernement qu’à nous-mêmes.
Vous allez être surpris par ce que je vais vous dire. Lorsque nous sommes arrivés en prison, les camarades qui y étaient nous reçurent avec force embrassades, mais ils ne pouvaient dissimuler leur tristesse.
Comme nous, ils étaient déjà habitués à être arrêtés, à ressentir les effets d’autres arrestations de militants du Parti et, également, à voir les résultats finaux de ces arrestations.
Mais le Comité Central du Parti, cela leur avait paru trop fort.
Mais quelle ne fut pas leur surprise de nous voir arriver tout animés et pleins d’optimisme.
« Ce n’est pas possible! » nous disaient certains d’entre eux; « mais vous êtes inconscients! » s’écriaient-ils, en se prenant la tête dans les mains ?
Très rapidement, en apprenant que l’activité du Parti se poursuivait dans la rue, la formation d’un nouveau Comité Central provisoire, la parution normale de nos publications et d’autres activités du Parti, ainsi que l’a déclaré la presse elle-même pendant les événements de Cadiz, ils étaient victimes de la contagion.
N’y a-t-il pas plus de cadres politiques dans les prisons qu’en dehors?
Cela dépend de quel point de vue on se place. Désormais la plupart de la « vieille-garde » du Parti se trouve en prison si l’on peut s’exprimer ainsi.
C’est là effectivement un capital de grande valeur.
Mais il faut tenir compte du fait que cette vieille garde n’a pas passé son temps à courir à droite et à gauche ou à se tourner les pouces, mais qu’elle s’est employée à fond dans la reconstruction du Parti, avec tout ce que cela signifie; elle a créé une structure organique, elle a tracé une ligne politique; elle a resserré les liens avec les masses, elle a montré l’exemple et fait école.
Si l’on considère la question sous cet angle, on comprendra immédiatement que l’immense majorité des cadres du Parti, cadres en puissance du moins, se trouvent hors des prisons.
Nous avons pleinement confiance en eux.
S’il n’en était pas ainsi à quoi aurait donc servi tout notre travail ?…
Je ne suis pas comme Carrillo qui n’arrête pas de répéter qu’il n’a pas de remplaçant et qu’il est indispensable à son Parti.
Pour ce qu’il a fait et continue à faire, il est bien possible qu’il n’ait pas de remplaçant. Notre cas est différent.
Nous avons et nous aurons toujours de nombreux remplaçants et continuateurs.
Et malgré les regrets de la grande bourgeoisie, nous sortirons de prison car la classe ouvrière et les larges masses populaires nous libéreront.
De cela nous sommes également sûrs.
En ce moment, que représente quantitativement et qualitativement le PCE(r)?
En analysant l’expérience acquise au cours des cinq dernières années – il faut tenir compte du fait que ce n’est pas qu’en 1977 que nous avons eu des arrestations – on pourra se rendre compte de la justesse de ce que j’avance.
En résumé, la pratique de la lutte de classes avec toutes ses conséquences n’affaiblit pas l’organisation révolutionnaire, au contraire, elle la fortifie et permet une accumulation d’expérience plus importante.
Pouvez-vous expliquer, une fois pour toutes, sans avoir recours au topique habituel, les véritables relations entre le PCE(r) et les GRAPO et comment elles s’établissent?
Je ne sais pas ce que vous entendez par « topique habituel ».
Le PCE(r) a toujours déclaré son indépendance vis-à-vis des GRAPO ou de n’importe quelle autre organisation et jusqu’à maintenant, malgré toutes leurs tentatives, le Gouvernement et la police ne sont pas parvenus à nous identifier en quoi que ce soit aux GRAPO.
Au plus sont-ils parvenus à établir la relation de quelques militants du PCE(r) avec cette organisation, ce qui est facile si l’on tient compte du fait que nous réaffirmions à chaque instant cette indépendance, qui est sûrement devenue un « topique », mais qu’y pouvons-nous!
C’est là la vérité et pour démontrer le contraire, il faut des preuves, car les accusations abondent et sont très faciles à lancer.
Le gouvernement et la police on eu une excellente occasion de démontrer ce dont ils nous accusent à l’occasion de l’arrestation du Comité Central et des nombreux documents qu’ils ont trouvés en notre possession.
Et je vous dirai plus encore: ils ont saisi les actes enregistrés sur bande magnétique de la totalité des débats de notre IIè Congrès.
Vous conviendrez avec moi que tout ce matériel est plus que suffisant pour nous accuser.
Et savez-vous à quoi le juge a dû recourir pour nous envoyer en prison?
Eh bien, il a du ressortir des archives de la police une brochure interne des GRAPO, dont nous ignorions totalement l’existence avant notre arrivé à la DGS, dans laquelle référence était faite aux relations de cette organisation avec le Parti. C’est tout.
Et, si vous voulez mon avis, ces groupes, qui ne veulent pas se séparer du peuple, ont besoin d’une direction politique et ils pensent l’avoir trouvée dans notre Parti, dans ses orientations et ses consignes.
D’autre part, le fait que le PCE(r) ait été le premier et presque le seul à les soutenir, que nous ne nous soyons pas joints à la campagne démogogique orchestrée par le Gouvernement et que certains de nos militants y soient entrés pour combattre au coude à coude avec ces combattants antifascistes, tout comme beaucoup d’autres sont entrés dans des organisations de caractère populaire, tout cela leur permet de se sentir étroitement unis à nous et d’accepter quelquesuns de nos conseils et de nos propositions.
Mais la décision et la direction réelle et effective de ces organisations, dans ce cas des GRAPO, est une chose qui ne dépend pas de nous.
Il ne fait aucun doute que nous exerçons une certaine influence sur eux, notre volonté est surtout de soustraire ces organisations des tendances anarchisantes ou purement militaires et, bien sûr, nous nous sommes solidarisés et nous continuerons à nous solidariser et à soutenir toutes leurs actions.
Les critiques que nous leur avons faites ou celles que nous aurions à leur faire est une chose que nous n’allons pas communiquer à l’ennemi commun.
Nous comprenons que ces relations soient la cause de nombreux déboires pour le Gouvernement et la réaction en général. Mais qu’y pouvons nous ?
Ils voudraient que les GRAPO deviennent un «groupe d’extrême-droite», car ils auraient alors la garantie de pouvoir les contrôler pour les utiliser contre le mouvement ouvrier et populaire.
Il faut se réjouir qu’il n’en soit pas ainsi – comme nous en avons de nombreuses preuves – et que les GRAPO soient une organisation véritablement indépendante qui serve le peuple et admette volontiers en leur sein nos militants et les conseils du PCE(r).
Mais la réaction ne veut en aucun cas admettre une vérité si simple, souvent répétée et démontrée : les GRAPO sont les GRAPO et le PCE(r) est le PCE(r).
Qui est Arenas?
Maintenant les biographies politiques sont à la mode. En ce qui me concerne, je ne crois pas qu’il vaille la peine d’occuper l’espace précieux que nous offre votre revue pour parler de choses aussi peu importantes.
Mais puisque vous me le demandez et que l’on a lancé toute sorte de mensonges et de calomnies sur le PCE(r) et ses dirigeants, je vais vous répondre.
Je me considère comme un militant ouvrier communiste qui connaît bien – pour l’avoir vécue dans sa famille, dans son travail et dans la rue – la condition de sa classe; qui depuis très jeune, encore enfant, a commencé à sympathiser avec les idées socialistes et qui, plus tard, est arrivé à en être pleinement convaincu que seul le communisme apportera une solution à toutes les souffrances, et les problèmes.
En peu de mots, je suis comme beaucoup d’autres, un produit de l’après-guerre qui dure encore dans notre pays.
Je suis né dans un de ces foyers comme des milliers d’autres, sans pain et sans lumière que nous a légué le « glorieux » soulèvement.
Mes parents émigrèrent du Maroc à Madrid en 1957, avec ce qu’ils avaient sur le dos et une famille nombreuse.
Après avoir erré de nombreux jours dans les rues et avoir frappés à un grand nombre de portes, l’Assistance Publique nous concéda une baraque de 10 m carrés dans le « Pozo del Tio Raimundo ».
Mes parents y vivent encore ainsi que quelques-uns de mes plus jeunes frères. Mes deux filles de 6 et 8 ans vivent également dans une baraque du « Pozo » avec leur mère.
J’ai milité activement dans le parti carrilliste. Après mon service militaire, je fus convaincu que Carrillo et son groupe trompaient les ouvriers de la façon la plus misérable qui soit.
Il me fut alors très dur d’abandonner ce parti pour lequel, avec mes capacités limitées, j’avais tellement fait et dans lequel j’avais déposé tous mes espoirs d’émancipation de la classe ouvrière.
Mais je ne voulais pas continuer à être complice de Carrillo et, avec toutes les conséquences que cela représente, je rompis avec le révisionnisme.
Depuis lors, j’ai mis le même acharnement et la même ardeur à combattre le parti carrilliste que j’en avais mis à la défendre.
J’ai beaucoup appris au cours de cette période.
Plus tard, je me suis intégré au mouvement de gauche, en y combattant également les tendances politiques et idéologiques opportunistes et petites-bourgeoises.
Dans ce mouvement de groupes et « partis » qui surgirent dans les années soixante comme conséquence de la crise du révisionnisme, tout n’était pas mauvais.
Ce mouvement était très hétérogène et alors, les camps n’étaient pas aussi clairement délimités qu’ils le sont aujourd’hui.
C’est pour cette raison que parmi les éléments opportunistes et petits-bourgeois on trouvait mélangés de nombreux hommes et femmes honnêtes et de valeur, véritables communistes.
A leurs côtés, au cours de ces dernières années, j’ai centré toute mon attention et mes efforts dans la tâche de reconstruction du véritable Parti dont la classe ouvrière d’Espagne a besoin et dans l’élaboration de sa juste ligne marxiste-léniniste.
Arenas a été accusé d’exercer une dictature personnelle dans le Parti, d’éliminer toute personne qui ne partage pas ses opinions. Dans ce contexte, comment s’explique le cas de Pio Moa, expulsé pour cause de désaccord?
Il est vrai que j’ai été accusé de dictateur et d’autres choses, non seulement ces derniers temps mais depuis le moment même où j’ai commencé à défendre clairement et ouvertement mes opinions.
Mais vous oubliez un « petit détail ». Tous ceux qui ont lancé cette accusation contre moi sont sortis du Parti eux-mêmes, tous seuls, personne ne les a accompagné, d’où l’on peut en déduire clairement que je n’étais pas le seul a exercer la « dictature », mais tout le Parti contre un seul élément opportuniste ou perturbateur.
Si on peut appeler cela une dictature!… Ce n’est qu’après être sortis du Parti que tous ces éléments ont commencé à dire que je suis un dictateur.
Pour tous ces gens, si le Parti – c’est-à-dire l’immense majorité des militants – n’accepte pas leurs opinions après les avoir amplement discutées, pour eux, alors, le Parti n’est plus le Parti, mais un groupe de crétins qui se soumet à la dictature de quelqu’un.
Qui est ou aspire à devenir dictateur? Celui qui défend les idées justes et se joint, à la majorité ou, au contraire, celui qui a tort, prétend embrouiller semer la discorde et qui veut faire de l’organisation communiste une bande de bons amis ?
Le cas de Pio Moa n’en est qu’un parmi beaucoup d’autre, avec la seule différence que cet individu a fait plus de bruit que les autres, en voulant justifier ainsi sa mesquinerie et sa lâcheté.
Il commença par parler de petites erreurs, nous avons prêté attention à ses raisonnements et nous avons discuté avec lui pendant deux ans!
Comme quoi la liberté de discussions n’existe pas dans nos rangs! Mais en même temps que la totale liberté de discussion, pour que les choses se sachent et que nous ne dégénérions pas en un groupe d’opportunistes, il doit également y avoir unité d’action!
Ainsi lorsque Pio Moa acquis la conviction qu’il ne réussirait pasà nous orienter sur une fausse voie et que lui-même était entraîné là où il ne voulait pas aller, à partir de ce moment, il commença à perdre les pédales.
Nous l’avons alors rappelé à l’ordre. Sa réponse fut la démonstration de son profond mépris envers tous les camarades, la manifestation la plus claire de son individualisme petit-bourgeois et de son anarchisme de grand seigneur.
Vous comprendrez que dans nos rangs nous ne puissions pas transiger avec ces choses et encore moins dans les organes dirigeants du Parti.
Aussi avons-nous décidé de lui retirer toutes ses responsabilités et de le soumettre à une période d’observation jusqu’à ce qu’il donne la preuve de sa volonté d’union et de corriger ses fautes à fond.
Moa attendait cette décision, il l’attendait pour pouvoir lancer ses attaques directes contre le Parti, contre sa ligne politique, contre sa direction et contre moi, ce qu’il n’avait jamais fait auparavant.
Dans le fond, dans toute cette affaire on trouve une question que Pio Moa partage avec tous les opportunistes et c’est ce qui l’a amené à entrer en collision avec le Parti : son renoncement à soutenir, en tant que principe fondamental, la nécessité de la lutte armée révolutionnaire pour développer le mouvement de masses et abattre le fascisme, la repoussant aux calandres gracques « lorsque le Parti et le mouvement de masses seront plus développés », l’alibi qu’emploient tous les opportunistes pour couvrir leur désertion du camp révolutionnaire.
Quelles sont les différences et les points communs qui existent entre le PCE(r) et des organisations telles que les Tupamaros, les Montoneros ou la Fraction Armée Rouge?
De ces organisations et d’autres qui leur sont semblables, nous ne connaissons que ce que daigne publier la presse légale et vous comprendrez que ceci soit insuffisant pour émettre un jugement en connaissance de cause.
Mais il y a cependant certaines choses qui sont bien claires et sur lesquelles nous pouvons donner notre avis. Ni les Tupamaros, ni les Montoneros, ni la Fraction de l’Armée Rouge allemande ne sont des partis ouvriers marxistes-léninistes et ils ne se considèrent pas non plus comme tels.
Ce dont ils se rapprochent le plus c’est d’un mouvement de caractère populaire révolutionnaire.
Il reste encore à voir ce que deviendront ces mouvements, bien que l’on ne puisse écarter la possibilité qu’une partie d’entre eux, au moins, se transformeront en véritables partis d’avant-garde.
Nous considérons que lorsqu’en Allemagne, en Uruguay et en Argentine surgira le nouveau parti révolutionnaire de la classe ouvrière, ce processus ne sera pas totalement indépendant de ces mouvements, car il ne fait aucun doute que ceux qui les forment constituent déjà aujourd’hui, d’une certaine façon, l’avant-garde de la lutte de ces peuples.
Ils ont compris un des principaux problèmes de notre époque : Que seule la lutte armée rendra ces peuples véritablement libres et que seule cette forme de lutte instruit et clarifie les rangs révolutionnaires.
Notre Parti comprend parfaitement le nouveau phénomène de l’apparition de détachements armés dans des pays au développement économique relativement élevé.
Ce qui nous différencie fondamentalement de ces détachements, c’est que nous avons constitué un Parti qui a pour base la classe ouvrière, qui se guide sur le marxisme-léninisme et qui fomente et tente d’organiser le mouvement de résistance populaire.
Nous avons commencé par les fondements, alors que ces organisations l’ont fait à l’envers.
Cela est peut être dû au fait qu’elles n’ont pas bien compris – et ceci est d’une importance cruciale- les nouveaux problèmes qui se présentent au mouvement révolutionnaire contemporain; elles ont compris ce que sont les soi-disant partis communistes et elles veulent faire la révolution, mais en le tentant, elles se sont séparées (souhaitons que ce ne soit que momentanement) du marxisme-léninisme, de la seule doctrine qui puisse nous conduire à la victoire.
En parlant de la Fraction Armée Rouge, ton suicide et celui de certains d’entre vous dans les prisons espagnoles serait-il possible comme ceux des révolutionnaires allemands?
Oui, pourquoi pas, un « suicide » est possible. Et encore plus si l’on tient compte du fait que les « gris » [les policiers] ont occupé la prison et se promènent dans les couloirs mitraillettes en main et que nous sommes continuellement menacés de leur intervention à la moindre manifestation de désaccord que nous émettions avec le Règlement nettement fasciste qui régit la prison.
Dans ce sens, un « suicide » individuel ou collectif pourrait être présenté sous une autre forme bien qu’il ne faille pas en écarter un du type de celui inventé par les nazis qui gouvernent l’Allemagne.
La seule chose que l’on puisse dire là-dessus, c’est répéter ce qu’on déjà déclaré les martyres de la révolution de la résistance anti-nazi allemande: « Si la nouvelle d’un suicide était publiée, ne la croyez pas ».
Les révolutionnaires peuvent commettre certaines « folies », selon le sens commun, mais jamais celle de mettre fin à leur propre vie, car ceci n’est pas révolutionnaire, mais un acte de lâcheté.
On a l’impression qu’une série de « vérités indiscutables » du marxisme sont en cours de révision profonde et en crise objective. Le marxisme-léninisme est encore pleinement d’actualité? Marx, Engels et Lénine ne se sont-ils jamais trompés? Toutes les citations des livres sont-elles indiscutables?
Beaucoup de monde parle de la « crise du marxisme », mais très peu s’arrêtent sur la crise réelle dont souffre le capitalisme et le révisionnisme.
Il ne fait aucun doute que toute une série d’idées et de thèses marxistes ont perdu leur vigueur.
Mais, d’un autre côté, aucun marxiste n’a dit ni ne pourra dire que les grands maîtres du socialisme scientifique ne se soient jamais trompés ni que les citations de leurs livres soient indiscutables, car personne plus que leurs propres auteurs ne les ont remises en question et les ont révisées a de nombreuses reprises.
Il n’y a rien qui ne soit plus contraire au marxisme que le dogmatisme, pour cela, nous, marxistes, plus qu’au texte imprimé dans les livres, nous nous attachons à son esprit révolutionnaire.
Le marxisme-léninisme est en vigueur dans ses principes fondamentaux parce que les conditions objectives sur lesquelles il se base n’ont pas fondamentalement varié, du moins dans la société capitaliste dans laquelle nous vivons.
Mais la vie et la société changent, elles ne sont pas immuables et c’est pour cela qu’il est nécessaire que le Parti révolutionnaire adapte toujours ses principes aux conditions qui sont en changement constant.
C’est pour cela que je dis qu’il y a une série de choses qu’il devient nécessaire de réviser, mais cela, il faut le faire du point de vue et de la position révolutionnaire du marxisme, non de positions révisionnistes bourgeoises.
Nous, le PCE(r), nous sommes en train de réviser le marxisme, non pas à la manière bourgeoise, mais comme de véritables marxistes révolutionnaires, comme Marx et Engels, comme Lénine, Staline et Mao Tsétung révisèrent la doctrine lorsque cela fut nécessaire pour l’adapter aux temps nouveaux et aux conditions nouvelles.
Dans l’Espagne de 1977, la prise du pouvoir comme en Russie en 1917 est-elle possible?
Non, ce n’est pas possible et vous avez là un exemple de révision révolutionnaire du marxisme.
On sait qu’en Russie, la question du Pouvoir – qui est le problème fondamental de toute révolution – s’est résolue par une action insurrectionnelle.
En Espagne, par contre, les masses populaires arriveront au Pouvoir après avoir livré une longue guerre révolutionnaire; c’est là un principe qui est intangible.
Mais les conditions ont changé et, par conséquent, la forme de cette violence.
Ce changement est dû aux conditions économiques et politiques dans lesquelles domine le monopolisme et sa forme de pouvoir militariste, policière et réactionnaire.
Nous n’avons pas inventé ces conditions, pas plus que les formes de résistance des masses populaires qu’elles engendrent.
On peut comprendre que dans ces conditions, la tactique, la stratégie et les méthodes de lutte révolutionnaires du prolétariat doivent nécessairement changer.
Et ceci parce qu’il n’y a plus de révolution bourgeoise à réaliser, car la réaction ne se laissera pas surprendre par une insurrection générale qui éclaterait à un moment donné et parce qu’elle ne permettra pas non plus que les masses s’organisent et concentrent pacifiquement leurs forces en utilisant la légalité bourgeoise qui d’autre part, est déjà totalement hors d’usage pour le prolétariat.
Le Parti unique est-il un concept applicable à la réalité complexe actuelle?
Cela dépend du type de parti. Ce concept est inapplicable aux partis fascistes, mais pas au Parti du prolétariat, carsi la forme d’existence de la bourgeoisie se caractérise par la concurrence et l’égoïsme, pour le prolétariat, l’unité est toujours plus nécessaire.
Pour la classe ouvrière, unir ses forces est une question vitale et elle a réellement intérêt à faire éliminer toute concurrence en son sein.
C’est dans la mesure où la classe ouvrière, atteindra cet objectif que la création du parti fasciste unique sera plus difficile et ce n’est qu’ainsi qu’elle pourra en finir avec le capitalisme et construire un société mille fois plus juste.
Le fait que nous soyons pour l’unité de la classe ouvrière en un Parti unique ne veut pas dire que nous nions l’existence d’autres partis qui encadrent des ouvriers et avec lesquels, un jour, nous pourrons parvenir à un certain type d’accord.
Nous pouvons dire la même chose au sujet d’autres forces politiques qui ne sont pas prolétariennes, qui sont d’accord de marcher aux côtés de la classe ouvrière pour abattre le monopolisme et créer ce nouveau type de société plus juste.
Dans ce sens on peut dire qu’après la révolution, pendant une certaine période au moins, le Parti de la classe ouvrière ne devra pas monopoliser le pouvoir; il devra le partager, mais en s’assurant toujours l’hégémonie.
Après cette période, tôt ou tard, l’élimination de la bourgeoisie en tant que classe conduira à l’extinction de ses propres partis, le prolétariat restant l’unique détenteur du Pouvoir.
Nous ne sommes pas partisans de la théorie révisionniste d’un socialisme dans lequel les classes exploiteuses et la classe ouvrière cohabitent car c’est là un attrape-nigaud.
Le centralisme démocratique et la discipline interne ne sont-ils pas des concepts au nom desquels on écarte des militants de la prise de décision?
Écoutez, la bourgeoisie semble très préoccupée par cette « marginalité dans les décisions des militants de base »et elle accuse les véritables partis communistes d’enfreindre les principes de la démocratie. Cette préoccupation ne vous semble-t-elle pas suspecte ?
On nous accuse d’être des dictateurs et d’exclure les militants de base des décisions les plus importantes du Parti, mais voyez la participation que les dirigeants des partis dits « démocratiques » ont donné à leurs militants dans la fameuse « magouille de la Moncloa ». Et ce n’est là qu’un exemple.
Ce sont ces mêmes partis qui, avec leurs pactes honteux non seulement n’ont absolument pas tenu compte de l’opinion de leurs bases mais qui se sont moqués du peu de confiance qu’auraient pu avoir en eux ceux qui votèrent pour leurs candidats lors de la dernière mascarade électorale. Les Cortes, elles mêmes, qu’ont donc fait ces messieurs des Cortes ?
Ces Cortes qui d’après les programmes allaient être quelque chose comme le centre de toutes les décisions importantes prises dans le pays.
Elles ne jouent même pas le rôle de caisse d’enregistrement des décisions des monopoles !
Et la fameuse constitution, quelque chose d’aussi important et qui affecte de façon aussi directe tous les citoyens, les ont-ils consultés ? Que savons nous d’elle ?
Et il en va plus ou moins de même, non seulement dans tous les pays capitalistes.
Le centralisme démocratique, a appliquer au fonctionnement du Parti révolutionnaire de la classe ouvrière et même aux relations des gouvernants avec les masses dans une société socialiste, voilà le seul principe qui puisse garantir la pleine participation et le contrôle des dirigés sur les dirigeants et empêcher que ceux-ci ne deviennent une clique de politicards séparés et opposés au peuple.
Il est vrai que certains partis communistes et pays socialistes ont gravement attenté contre ce principe de la démocratie prolétarienne, mais cela ne met pas en question la justesse du principe de l’assujetissement de la partie au tout, de la liberté de discussion et de l’unité d’action pour atteindre les objectifs révolutionnaires et socialistes.
Comme nous l’avons dit en d’autres occasions et la pratique l’a démontré, notre Parti est mille fois plus démocratique que le plus démocratique des partis bourgeois.
Comment juges-tu la situation politique actuelle après le « Pacte de la Moncloa » et quel rôle y jouera le PCE(r)?
Le « Pacte de la Moncloa », les élections du 15 juin, le référendum et la constitution qu’ils sont en train de préparer font partie de la même mise en scène pensée et réalisée par la droite et les monopoles, avec la participation active de l’opposition domestiquée.
C’est dans cette mise en scène que l’oligarchie espagnole et l’impérialisme fonde la continuité du régime issu du soulèvement du 18 juillet
Pour le PCE(r), dès le début les choses furent très claires. Nous étions convaincus que rien d’essentiel n’allait changer ni ne changerait tant que le fascisme ne serait pas abattu et que les ressources économiques fondamentales n’auraient pas passé aux mains du peuple.
Mais si pour nous ces choses sont claires, cela ne veut pas dire qu’il en soit de même pour de larges secteurs populaires qui ont pu croire aux promesses de changement.
Maintenant, après le « Pacte de la Moncloa » une grande déception se fait jour, certains pensaient que l’Espagne aurait au moins un parlement et que personne ne serait plus poursuivi pour ses opinions politiques.
Mais on n’en est même pas arrivé là.
Le soi-disant parlement joue le même rôle que celui que jouèrent les Cortes du temps de Franco.
Le PCE(r) et d’autres organisations véritablement démocratiques et patriotiques continuent à être interdites et leurs dirigeants emprisonnés et ne parlons pas des mesures économiques, du chômage, des bas salaires, de l’inflation, des lois « anti-terroristes » qu’ils préparent.
Le résultat de ce décillement se verra très rapidement. On peut déjà l’observer.
S’il a été relativement aisé pour les monopolistes et leurs laquais d’organiser leur mise en scène démagogique et de parvenir à quelques accords entre eux, aux dépens des intérêts des masses, dorénavant, contrairement à ce qu’ils ont pu croire, cela ne leur sera passi facile de maintenir cette mise en scène sur pied; ils ne vont pas pouvoir non plus remplir les engagements qu’ils ont pris.
Le développement de la lutte de masses va le leur interdire. Comme déjà beaucoup d’autres choses les en ont empêchés antérieurement.
Il faudra prêter une grande attention au résultat des élections syndicales et municipales. Elles seront le banc d’essai de la toute nouvelle démocratie qu’ils ont cuisinée au palais, avec l’accord des états majors, de l’Armée et de la banque.
Dans ce contexte, le rôle du PCE(r), et d’autres forces révolutionnaires et démocratiques ne peut qu’aller en augmentant.
Du point de vue politique, le PCE(r) est ressorti très à l’aise et plus uni depuis la mauvais passe; il a su surmonter la période où la démagogie et l’avalanche d’illusions fabriquées par les politicards innondaient tout et alors qu’il était vraiment difficile d’aller à contre-courant.
Le PCE(r) a rempli sa mission en démasquant les manoeuvres politiques de la grande bourgeoisie qu’il a combattues de façon conséquente.
Nous continuerons sur cette voie, persuadés que ce n’est qu’ainsi que nous parviendrons à gagner la symphatie et le soutien des grandes masses ce qui est, en fin de compte, la seule chose qui nous importe.
Comment voyez-vous la situation syndicale?
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la situation du mouvement syndical de la classe ouvrière est très favorable. Il n’existe pas de Syndicat puissant qui permettait aux ouvriers de faire pression sur le capital pour défendre leurs véritables intérêts.
Mais pourquoi se leurrer ? L’existence d’un syndicat ayant ces caractéristiques est impossible dans les conditions du monopolisme et c’est pourquoi la classe ouvrière a adopté les formes de lutte et d’organisation adaptées à cette situation.
Les centrales et autres petits syndicats qui s’efforcent avec acharnement de créer les partis opportunistes avec l’aide du gouvernement, du patronat et de l’impérialisme, ne représentent rien et, en réalité, ils ne peuvent qu’aspirer à jouer le même rôle de policiers que la défunte CNS.
Ces petits syndicats ne donneront aucun résultat à la bourgeoisie. Si, à une autre époque, la division syndicale de la classe ouvrière lui fut préjudiciable, aujourd’hui, par contre, cette extraordinaire atomisation syndicale lui est favorable, car elle démontre, entre autre chose, le manque d’efficacité des syndicats conçus selon les patrons traditionnels, adaptés à des conditions totalement différentes; elle prouve que les patrons de ce type sont passés de mode et que, par conséquent, le mouvement spontané des grandes masses est en train de se doter de nouvelles formes de défense et d’action supérieures aux antérieures et dans lesquelles le problème de l’unité n’apparaît pas, parce que cette unité est la base de ce nouveau mouvement.
En Espagne, sur ce plan, nous nous trouvons en avance par rapport à d’autres pays capitalistes et ceci favorise extraordinairement le travail du communisme à l’intérieur du mouvement ouvrier.
Que va-t-il se passer avec les élections syndicales?
A mon avis, il se passera la même chose qu’en d’autres occasions, c’est-à-dire que les véritables résultats ne seront visibles qu’après le décompte des votes : il se verront dans l’essor du mouvement de grève et dans les manifestations de rue pour l’obtention de véritables améliorations, mouvement – comme c’est le cas – que les soi-disant centrales ne vont pas diriger.
Ceci ne va pas cependant empêcher ces centrales de le torpiller de toutes les façons possibles afin de livrer les ouvriers pieds et poings liés.
Croyez-moi, les possibilités qu’offrait ce syndicalisme sont épuisées, tout comme l’est le parlementarisme.
Bien sûr, la lutte de caractère syndical va se poursuivre, mais en adoptant des formes différentes, toujours plus politiques et de méthodes d’organisation correspondantes.
Quelle alternative présentez-vous et quelle est votre force dans les usines?
Le PCE(r) a toujours préconisé le boycottage des élections au Syndicat vertical fasciste et nous ferons la même chose maintenant.
En ce qui concerne le nombre incalculable de centrales et de syndicats qui cherchent à diviser les ouvriers, l’expérience a prouvé que nous avions raison.
Que reste-t-il du syndicat vertical ? Il n’en reste rien.
Je peux vous assurer que quelque chose de semblable va se passer avec ces centrales organisées sous la protection et avec le soutien officiel afin qu’elles occupent la place laissé vide par la CNS.
Les ouvriers doivent boycotter activement ces mises en scène de la bourgeoisie et du gouvernement et poursuivre la magnifique tradition qui consiste à tenir des assemblées démocratiques et à élire des commissions de délégués qui négocient avec le patronat et position de force.
Autrement, jamais on obtiendra de véritables améliorations des conditions de vie et de travail.
Mais il faut être conscients qu’aussi bien les assemblées que les commissions de délégués ne constituent pas de formes d’organisations car elles apparaissent et elles se dissolvent avec chaque conflit.
Les assemblées et commissions de délégués sont plutôt un procédé démocratique de lutte syndicale, procédé qui a déjà plus que fait ses preuves.
Dans l’application et le développement de ces procédés, les ouvriers et ouvrières les plus avancés de chaque usine au lieu de travail jouent un rôle de premier ordre.
La classe ouvrière et notre Parti ont intérêt à ce que ni les centrales, ni la police ne parviennent à contrôler ces hommes et ces femmes de premier plan.
Par conséquent, il ne doivent pas présenter leurs candidatures aux « commissariats d’entreprise », ce qui est, plus ou moins, ce qu’ils tentent de créer.
Contre de tel commissariats, nous proposons l’organisation de l’avant-garde prolétarienne de chaque fabrique en cercles restreints d’ouvriers, étroitement liés au Parti, cercles desquels nous pourrions donner sa continuité au mouvement syndical et faciliter, en même temps la réalisation des tâches politiques du Parti.
En ce qui concerne nos forces dans les fabriques, je l’ai dit antérieurement, elles sont faibles, bien que, pour le moment, ceci ne nous préoccupe pas outre mesure. Justement, dans l’étape actuelle, un de nos principaux objectifs est de pénétrer et de créer des organisations du Parti dans les principales fabriques du pays et nous sommes bien persuadés d’y parvenir en appliquant la ligne que nous nous sommes fixés