[Document publié dans la revue Front Social n°19, 2001]

1. L’Italie et la lutte des classes

L’Italie a eu un passage au capitalisme qui fut difficile en raison de la force des structures féodales. Il n’y eut pas de révolution bourgeoise comme en France ; des éléments du féodalisme, comme le Vatican, se conjuguèrent finalement au capitalisme. Un déséquilibre se fit sentir dans l’économie : le nord de l’Italie est ainsi industriel tandis que les régions méridionales sont historiquement marquées par la petite production et l’agriculture.

Après la première guerre mondiale impérialiste de 1914-1918, le mouvement des masses italiennes fut relativement puissant, permettant l’émergence d’un mouvement révolutionnaire fort. Les classes dominantes soutinrent alors le mouvement fasciste de l’ex-socialiste Mussolini, qui écrasa le mouvement ouvrier et pris le pouvoir en 1922.

Le tout jeune Parti Communiste, né en 1921, dut alors s’organiser dans l’illégalité, son principal théoricien Antonio Gramsci croupissant en prison. En le condamnant, le juge dira : « Il faut empêcher ce cerveau de penser pour au moins vingt ans ».

Aidé dans sa tâche par l’Internationale Communiste, le PC réussit à se développer et à guider le mouvement de masse dans une large résistance armée face au fascisme dès que celui-ci passa sous la coupe allemande (1943-1945).

Mais l’intervention américaine, qui s’alliera à la mafia pour contrecarrer le PCI et aider la bourgeoisie italienne, empêchera grandement une prise de pouvoir par les masses populaires, et cela d’autant plus que la direction du PC était gangrenée par le révisionnisme. Tout comme Thorez en France, Togliatti avait en fait abandonné les principes essentiels du marxisme-léninisme.

Ainsi, alors que les « brigate d’assalto » et les travailleurs occupaient les usines et que les patrons s’enfuyaient en Suisse, les dirigeants du P.C.I. enjoignirent ceux-ci à revenir et  » à prendre leurs responsabilités « .

L’État bourgeois italien put donc continuer à vivre, s’appuyant sur les acquis structurels des années de fascisme, sur un prolétariat du nord industriel contrôlé par un PCI gagné au partenariat social et sur une paysannerie au sud qui transforma la démocratie-chrétienne en mouvement de masse.

Il va de soi en effet que les modernisations monopolistes effectuées par les fascistes ne furent pas remises en cause. Ni même le fascisme d’ailleurs : de nombreux plans de putsch étaient prévus, et les attentats -massacres fascistes furent nombreux (place Fontane en 1969, gare de Bologne en 1980, train Bologne-Florence en 1984…). C’est ce que les révolutionnaires ont appelé « la stratégie de la tension » effectuée par l’État.

Le prolétariat combatif ne se laissera pourtant pas abattre par les fascistes et le réformisme de type révisionniste du P.C.I… Il continua de s’organiser et de lutter, apprenant grandement des expériences internationales.

C’est l’époque de la Chine révolutionnaire, de la lutte de libération au Vietnam…

A cela s’ajoute l’activité d’intellectuels qui, menant des « enquêtes prolétaires », redéfinissent la lutte de la classe ouvrière, constatant qu’elle développe des formes de luttes « différentes », apparemment « nouvelles ». De plus en plus en effet se généralisent le sabotage, l’absentéisme, les grèves dures, le refus du travail salarié exploité.

2. Les révoltes des années 60 et le mai rampant

1966 est l’année d’une grande grève des métallos. Des débrayages ont lieu à Rome, Milan, Naples, Gênes et Trieste, avec à chaque fois un débordement des syndicats et des combats de rue.

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Les revendications sont également intercatégorielles. La grève se fait à tour de rôle, afin de pouvoir durer, et des consiglia de fabbrica (conseil d’usine) se développent, notamment à Milan chez Siemens.

En 1967 c’est à Cutro et sur l’île de Capo Rizguto que les paysans et les chômeurs se révoltent. Les licenciements dans les usines textiles de Vibo et Catane, la domination de l’administration locale par les clans, l’absence d’électricité et de produits pharmaceutiques, la mauvaise distribution des terres… sont autant de raisons à cette révolte.

Dans la ville de Masse les travailleurs de chez Olivetti réduisent eux-mêmes leur temps de travail, et obtiennent de meilleurs accords, grâce notamment au travail local du noyau toscan de Potere Operaio (Pouvoir Ouvrier), qui va devenir l’un des premiers grands mouvements révolutionnaires de masse.

En 1968, il y a tout d’abord le conflit textile à Veneto (Mazatto / Valdagno). La région dominée par les petites entreprises voit apparaître l’accélération des cadences, la réorganisation capitaliste, le chômage… en février c’est la grève et en avril l’explosion. Voitures incendiées, maisons bourgeoises pillées… Les unités spéciales interviennent.

Dans les facultés c’est l’ébullition, surtout depuis l’arrivée à Rome, Milan et Naples d’étudiantEs d’origine populaire. La liaison étudiantEs – classe ouvrière provient plus d’une situation sociale que d’un présupposé idéologique. Pourtant, même des facs élitistes comme Pise ou la sociologie à Trento sont touchées.

Et les thèmes développés sont de classe, même si la gauche catholique-social tente d’intervenir. On parle du Vietnam, du marxisme-léninisme, de la révolution culturelle en Chine populaire.

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Des groupes étudiants révolutionnaires vont ainsi lutter contre l’influence des catholiques et celle des travailleurs sociaux des « initiatives de citoyens ».

En avril 1968, c’est la grève quasi-permanente chez FIAT. Les revendications : la semaine des 40 heures, la paie immédiate, mais également le refus des heures sup, du contrôle de la vitesse et de la quantité de travail.

Là aussi les grèves ne durent que quelques heures par jour. A Cosenza les paysans se révoltent et sont rejoints par des travailleurs journaliers.

En décembre 1968 les travailleurs journaliers feront grève à Avola/Siracusa. Les routes nationales sont bloquées, des barricades montées, la grève générale suit. Les unités spéciales sont repoussées, puis tirent pendant 25 minutes, faisant deux morts.

Lorsqu’en 1969 le président des USA Nixon vient à Rome, les manifestations anti-impérialistes sont nombreuses, il y a des combats de rue. En avril c’est la révolte à Battipaglia/Salerno (25.000 habitantEs), lorsque la dernière usine ferme. La police tire : 2 morts, plus de 100 blessés, une caserne est brûlée.

Mais c’est également l’ébullition à Caserta et Pescara, dans une moindre mesure à Palerme, Cagliari, Melfi, Naples. Le PCI (en italien prononcer « pichi ») s’oppose à ces luttes du Sud, y voyant l’œuvre de brigands et de  » teppisti  » opposés au développement économique. Sa nature révisionniste est claire.

En automne, c’est la grève générale au niveau national, contre les accords passés entre le patronat et les syndicats. « Lavorare meno – lavorare tutti ! » – Travailler moins, travailler tous, tel est le mot d’ordre.

Les sabotages se font en masse, les hiérarchies sont brisées, les employés et techniciens rejoignent les ouvriers. Des occupations de maison ont lieu (« Vogliamo tutto ! Prendiamoci la citta ! » – Nous voulons tout ! Prenons la ville !).

L’économisme des syndicats et le réformisme perdent leur hégémonie.

Des CUB (« Comitati Unitari di Base » – Comités Unitaires de Base) se forment, ainsi que des groupes d’employés et de techniciens (« Gruppi di Studio » – Groupe d’étude) et d’étudiants (« Movimento Studentesco »).

Les années 1968-1969 vont amener la naissance de groupes révolutionnaires puissants, dont le principal sera « Potere Operaio » (Pot.op.), « Pouvoir Ouvrier », dont sortira très vite « Lotta Continua » (LC).

3. Potere Operaio

Potere Operaio ne tombe pas du ciel ; l’organisation est issue d’un travail profond dans le prolétariat. Les premières connections se sont faites autour des revues « quaderni rossi » (cahiers rouges, 1961) et « la classe » (sous-entendue ouvrière, 1969).

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Il s’agit principalement d’intellectuels et de techniciens analysant le processus de production. Sont étudiées les évolutions techniques et les restructurations. La relation capital/travail n’est plus considérée statiquement et après coup ; il s’agit à la fois de coller à l’ouvrier de base et à l’évolution générale.

En 1961/1962 sont ainsi apparues les « inchiesta proletaria », les enquêtes prolétaires, qui questionnent l’ouvrier dans son quotidien, et qui constatent comment les luttes pratiques se développent malgré la pression des révisionnistes.

Les partisans du futur potere operaio prennent le nom d’opéraistes (en français le terme serait « ouvriériste », mais il n’est pas tout à fait exact car il n’a pas sa connotation économiste).

Pour eux/elles, la lutte part de la subjectivité ouvrière : volonté de refus du travail et des cadences, volonté qu’il s’agit de transformer en pratique révolutionnaire.

Pour les opéraistes, le niveau politique est moins à lire idéologiquement, qui est tronqué, que dans le niveau d’absentéisme, de sabotages, de grève, d’insubordination, etc.

Dans le document de 1971 intitulé « Che cos’è Potere Operaio », il sera ainsi dit :
 » Le slogan que nous avons propagé durant toutes les années 1960,  » plus d’argent moins de travail « , signifiait justement cela : avec une intention précise et subjective provoquer la crise capitaliste, c’est-à-dire opposer à la stabilité du capital l’irréductibilité des besoins de la classe ouvrière.

Nous avons fait l’expérience suivante : eu égard un capital ayant réduit ses contradictions intérieures à un minimum, nous avons tenté de faire jouer jusqu’au bout la contradiction principale, qui reste insoluble – la contradiction entre travailleur et capital – et d’organiser cela par rapport du rapport de production « .

L’objectif des opéraistes, qui partent de l’ouvrier-masse, c’est-à-dire de l’ouvrier des grandes usines d’alors, est d’unifier la classe avec comme axes principaux le refus du travail, le refus des différents échelons de salaires.

Contre l’inflation, le chômage, il s’agit d’exiger les mêmes augmentations pour tous, et, qui plus est,  » un revenu garanti pour tous, qui travaillent ou pas, ou s’y préparent ; en plus de la semaine des 36 heures, le paiement des heures de transport pour aller au travail et l’abolition de la mobilité « .

L’objectif de Potere Operaio est ainsi d’unifier les classes populaires, de la femme de ménage à l’étudiant, tout en défendant  » l’hégémonie des luttes des ouvriers sur les étudiants et les prolétaires « .

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Mais beaucoup d’autres questions se posent, car en définitive Potere Operaio n’était que l’expression d’un besoin des éléments avancés des masses de s’organiser. De plus, l’influence de l’école de Francfort est grand, et Potere Operaio est assez proche de la conception révisionniste comme quoi le capitalisme arrive à « surmonter » ses crises en se réorganisant. Il est parlé du groupe des « professeurs », puisque les dirigeants sont plus proches du monde universitaire que de la classe ouvrière (Toni Negri, Franco Piperno, Oreste Scalzone).

Une frange est très vite sortie de Potere Operaio, quasiment dès le départ, pour former « Lotta Continua » (LC). LC prônait la radicalisation des luttes partielles : lutte dans les villes, les prisons (« les damnés de la terre »), l’armée (« prolétaires en uniformes »), et développement de la contre-information. Le succès de LC est notable, en raison de son aspect plus politique.

Mais la politique de LC consiste principalement en une contestation révolutionnaire, pas en une politique révolutionnaire. Et c’est ainsi ailleurs au sein de cette nouvelle gauche que les éléments les plus avancés de rassemblent, cherchant des réponses chez Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao Zedong.

4. La naissance du CPM (1969)

historique_des_brigades_rouges_5.jpgLe 8 septembre 1969 se forme dans cette mouvance de la  » nouvelle gauche  » un nouveau groupe, le CPM, c’est-à-dire le Collettivo Politico Metropolitano.

Issu de groupes ouvriers (Sit-Siemens, IBM, Pirelli…), particulièrement dans le « triangle de fer » (Turin, Milan, Gênes), le CPM entend amener de nouveaux fondements pour la lutte révolutionnaire.

Leur stratégie consiste en effet à « enraciner la lutte armée à partir des luttes de l’ouvrier-masse des grandes concentrations industrielles ».

Dans un texte de décembre 69, intitulé « lutte sociale et organisation dans la métropole », le CPM prône l’autonomie ouvrière, c’est-à-dire « le mouvement de libération du prolétariat de l’hégémonie globale de la bourgeoisie », la rupture totale avec les institutions.

Le CPM ne prône pas, comme en général les mouvements pour l’autonomie, la fédération de groupes de base, « d’associations spontanées, sporadiques et apolitiques », mais la construction d’une organisation révolutionnaire, avec des structures illégales selon le principe léniniste, et visant le renversement de l’Etat.

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La propagande du CPM diffère donc également des groupes prônant l’organisation de groupes armés pour l’éventualité d’un coup d’Etat, comme les Groupes armés partisans de l’éditeur Feltrinelli, qui se veulent issus de la résistance des années de guerre. Il s’agit ici de mener une guerre populaire, de classe.

En juillet 70, le CPM prend le nom de sa revue, « sinistra proletaria », la gauche prolétarienne.

Ce nom est clairement une allusion au groupe révolutionnaire français du même nom, qui développe une lutte à la base dans les usines.

Le 17 septembre 1970 les brigate rosse (brigades rouges) apparaissent en revendiquant l’incendie d’une voiture d’un manager de Siemens – c’est en fait le CPM qui en est à l’origine. En avril 1971, la revue change de nom et devient « nuova resistenza », nouvelle résistance, avec comme symbole un marteau et une faucille entrecroisé d’un fusil.

On peut y lire dans le n°2 que :

 » La révolution moderne n’est plus une révolution propre (…), elle recrute ses éléments en pêchant en eau trouble. Elle avance par des voies détournées et elle se trouve des alliés en tous ceux qui n’ont aucun pouvoir sur leur propre vie et le savent (…).

Dans l’attente de la grande fête révolutionnaire où tous les expropriateurs seront expropriés, le geste criminel isolé, le vol, l’expropriation individuelle, le saccage d’un supermarché ne sont qu’un avant-goût et un signe de l’assaut futur contre la richesse sociale ».

5. La parenthèse semi-révisionniste armée des Groupes d’Action Partisane

Les GAP, ce sont les « gruppo d’azione partigiana », terme repris aux groupes d’action partisane opérant en 1944 contre le fascisme.

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Ces groupes d’action partisane ont été fondé en 1970 par l’éditeur Giangiacomo Feltrinelli, un très grand éditeur (comme Gallimard, avec en plus une quinzaine de grandes librairies), qui avaient appelé en 1969 à la formation de structures illégales. Ces groupes clandestins naissent à Milan, Turin et Gênes.

La ligne des GAP oscille entre celle de la Fraction Armée Rouge allemande et celle de la résistance armée au fascisme. D’un côté les GAP sont là pour défendre les structures démocratiques le cas où. Il est vrai que l’Italie des années 1960-1970 est marquée par de nombreux attentats-massacres organisés par les fascistes (ainsi ceux de la Place Fontane, de Brescia, du train Rome-Brenner).

Mais la ligne qui devient dominante considère que l’Italie devient la colonie de l’OTAN, et que cela fait partie d’un processus de fascisation. Il faut donc des « bases rouges », tout en considérant le bloc de l’Est comme un arrière-pays passivement « positif » même si révisionniste.

Les luttes sociales ne sont pas mises en avant, à l’opposé de l’anti-impérialisme.

La ligne est de fait celle de la RAF : il s’agit de libérer le pays de l’emprise de l’impérialisme, principalement américain. Pour Feltrinelli, puisque l’Italie avait une situation sociale chaude, il fallait s’attendre à ce que l’OTAN impose des transformations brutales. Ce qui se passera de fait en Turquie quelques années plus tard, à ceci près que ce pays était réellement une néo-colonie.

La radio-pirate  » RADIO-GAP  » explique que :

« La voie de la révolution communiste, la voie de la libération définitive du prolétariat et des travailleurs italiens de la domination et de l’exploitation par le capital italien et étranger nécessite une guerre dure et longue. Mais les brigades de partisans, les camarades travailleurs italiens se sont à présents mis sur cette voie. La voie de la libération, la voie des partisans, marchant en avant-garde de la révolution communiste.

Travailleurs, journaliers et étudiants révolutionnaires ensemble et unis pour la victoire définitive sur le capitalisme et l’impérialisme ».

Il s’agit d’organiser « une participation toujours plus large et intensive à la guerre anti-impérialiste internationale ».

Feltrinelli dira à ce sujet que :

« Qui considère la guerre révolutionnaire cubaine comme terminée se trompe sur la réalité, même s’il la voie, et comprend vraiment très peu de la stratégie révolutionnaire. La guerre révolutionnaire, le processus révolutionnaire est continental dans le faits et ne peut que terminer par une victoire définitive sur l’impérialisme en Amérique latine ».

C’est-à-dire qu’il fait la même erreur stratégique que le Che, et qui sera vigoureusement critiqué par les maoïstes, notamment après la catastrophe bolivienne. Cette position est similaire à la RAF, qui considérait également le processus révolutionnaire comme immédiatement totalement international.

Feltrinelli a la même position à ceci près qu’il va encore plus loin puisqu’il fait une transposition de l’analyse de l’Amérique latine de Guevara :

« La gauche européenne a comme devoir de trouver des solutions tactiques qui correspondent à la réalité de chaque pays européen (pris dans sa particularité).

Dans le déroulement des différents processus révolutionnaires qui – et même si cela est timide – apparaissent au grand jour dans les pays du vieux monde, une stratégie continentale prendra sa forme et sa substance, et aura une fonction décisive dans notre guerre de longue durée ».

Feltrinelli fut à l’origine de la publication de très nombreux documents ; il succomba à l’explosion de sa bombe en 1972 (visant à détruire un grand pylône électrique). Les GAP s’écroulèrent aussitôt. La ligne des GAP aura toujours été très critiqué par les groupes armés d’Italie, qui l’interprétaient comme réformiste armée.

6. 1970/1973 : la naissances des BR

Les BR sont donc nées de l’activité théorico-pratique du CPM, et ne forment au départ qu’un petit groupe, avec lequel les membres des plus grandes organisations sympathisent. Le groupe Lotta Continua, alors l’une des plus grandes organisations, ira jusqu’à proposer aux BR de devenir leur bras armé.

Lotta Continua tente en effet d’encadrer ce qu’elle a souhaité théoriquement mais n’assume pas en pratique.

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Ainsi, lors de la grande révolte de la ville de Reggio en Calabre (juillet 1970-février 1971) à l’annonce que la ville ne serait pas capitale provinciale (et qu’il n’y aurait ainsi pas d’aides pour résorber le chômage, alors que seulement 30% des emplois étaient « normaux »), la lutte armée avait commencé, et Lotta Continua affirmait la soutenir.

Les masses populaires (avec l’aide des ouvriers des usines Omeca et des milliers de paysans pauvres) se retranchent dans les petites rues des quartiers populaires, érigent des barricades en ciment, désarment les carabinieri (les gendarmes italiens), pillent les commissariats, détruisent la mairie, la gare, les sièges des partis politiques et des banques.

La lutte alterne manifestation et dynamite, mais est écrasée au moment de son extension en Sicile et en Calabre par l’intervention de l’armée.

Le journal de Lotta Continua du 30 octobre y consacra 6 pages (« Reggio proletaria, Reggio rossa ») :

« Menons-la. Ce qui est nécessaire : ne plus payer de loyers, de tickets, d’impôts, ne plus faire le service militaire, ne plus voter, s’organiser en rassemblement de quartier (…). Dans une partie de l’Italie, à Reggio en Calabre, la lutte armée a commencé (…). Contre l’Etat, contre les patrons, contre l’exploitation, contre le chômage, contre l’émigration ».

Lotta Continua mène la même politique que la Gauche Prolétarienne en France, avec le même soutien théorique à la violence populaire qu’elle ne sait ni organiser ni comprendre stratégiquement. Potere Operaio mène également le débat, le congrès de 1971 (le troisième) débat également de l’illégalité. Il a même été créé un éphémère FARO (Fronte Armato Rivoluzionario Operaio) qui mènera quelques attentats à l’explosif.

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A l’opposé, les BR mènent ainsi de 1970 à 1973 ce qu’elles appellent la propagande armée. Se concentrant sur les grandes usines, notamment à Milan et Turin (Fiat), les brigadistes distribuent des listes d’indics et de chefs qui doivent être « frappés de la vengeance prolétaire » en raison de leurs liens avec les patrons.

Ce fut en 1970 le début d’une série d’actions systématiques consistant en ce que les prolétaires faisaient eux-mêmes de temps en temps : bastonnade des capi (contremaîtres), sabotages, etc. En automne 70 les BR menèrent des actions contre les fascistes et les provocateurs dans les usines, contre les cadences et pour la remise en cause du lien entre hausse de la productivité et hausse des salaires.

Après avoir incendié la voiture du chef de la sécurité de Pirelli (27.11.70) et du chef du personnel (8.12.70), elles incendient huit poids lourds de chez Pirelli, afin de « présenter la facture  » aux patrons pour les licenciements.

Dans leur sixième communiqué les BR affirment que les patrons sont allés trop loin pour qu’un compromis soit encore possible. Des techniques de sabotage furent diffusées, montrant par là que les brigadistes avaient des gens sur place.

En septembre 71 sortit le premier texte programmatique, sous la forme d’une auto-interview (de la même manière donc que les Tupamaros uruguayens). Les BR y expliquent qu’il est nécessaire de choisir la stratégie de la lutte armée pour le communisme, critiquent les politiques « défensives » , et affirment ne pas être un « bras armé » mais un « point de rencontre » des révolutionnaires.

Les actions continuent alors jusqu’à l’enlèvement le 3 mars 72 d’Idalgo Macchiarini, top manager de chez Siemens et responsable de l’organisation du travail. Les br le gardent 20 mn pour un procès symbolique puis le libèrent (sous « conditions »).

Dans un tract les BR le traitent de « fasciste en chemise blanche ». C’est le début des slogans qui marquent : « Frapper et s’enfuir ! Rien ne restera impuni ! En frapper un pour en éduquer cent ! ». Cette action fut populaire dans l’extrême-gauche, un peu de la même manière que les actions « violentes non armées » de la Gauche Prolétarienne en France.

Ce genre d’action est en effet aisément compréhensible par tout travailleur, ne nécessite pas de connaissance idéologique au préalable. D’autant plus que le prolétariat est dans une situation précaire. Chez SIP (télécommunication), 20.000 travailleurs sont en CDD ou au noir !

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Néanmoins la gauche  » officielle  » et les patrons attaquent les BR dès le départ, et les diffamations sont nombreuses. De faux attentats signés  » BR  » sont effectués, et la répression fut grande. Cela, et les affrontements entre manifestants et la police à Milan lors de la manifestation du 9 mars 1972, poussent les BR à passer dans la clandestinité totale.

« Ce fut l’offensive du pouvoir mené le deux mai contre l’organisation qui enleva tout doute au fait que la clandestinité soit une condition sine qua non à la survie d’une organisation politico-militaire opérant à l’intérieur des métropoles impérialistes ». Les brigadistes attaquèrent alors des banques et organisèrent de nouvelles « colonnes ».

Le 26.11 et le 17.12.1972, ils/elles incendient les voitures des responsables de la sécurité et de la surveillance de chez FIAT à Turin. Le 11 janvier 73 ils/elles pillent un bureau du syndicat fasciste la CISNAL à Turin également, et le 15.1.73 à Milan le bureau d’une union d’entreprises liée à la démocratie-chrétienne.

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L’hiver fut rude : affrontements très violents de manifestants contre la police à l’occasion d’une réunion du parti fasciste le « MSI », et licenciements massifs à la FIAT de Turin où presque 200 000 travailleurs se sont mis en grève.

Le 12.2.73 les BR enlèvent alors Bruno Labate, secrétaire de la CISNAL de Turin, et l’enchaînent dans l’usine avec un panneau rempli de slogans, ce après l’avoir interrogé pendant quatre heures. Pas un seul ouvrier rentrant dans l’usine ne le libérera.

En mars 73, à la FIAT de Mirafiori, l’usine fut occupée et défendue une semaine par les travailleurs contre la police et les fascistes.

C’est ce qu’on a appelé le « parti de Mirafiori », le mouvement offensif et spontané des travailleurs. Mais avec les accords passés par les syndicats la tension retomba. Les BR répondirent à cette dépendance ouvrière par un papier théorique, à nouveau sous la forme d’un auto-interview.

A l’opposé, une frange spontanéiste se développe au sein du mouvement pour l’autonomie ouvrière, et refuse le principe d’une organisation d’avant-garde menant la lutte armée.

7. La multiplication des BR (1973-1974)

Pour les BR les prolétaires veulent mettre à bas la bourgeoisie, mais ne savent pas comment. Il s’agit de résoudre cette contradiction par trois lignes d’offensive : « guerre au fascisme ; résistance dans les usines ; résistance contre la militarisation du régime ».

De son côté le système met en avant la « repubblica conciliare », la république de la conciliation. Les brigadistes tentent dans cette période de toucher la base du P.C.I. qui, si elle est sincère, « comprendra certainement quel choix il faudra faire » pour la prise du pouvoir. La direction du P.C.I., qui développe le compromis historique, est par contre considérée comme ennemie.

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Le mouvement de masse est lui énorme : autoréductions massives dans les supermarchés à Naples, Milan, Rome, mais également du téléphone, du gaz, de l’électricité… Occupations de logements vides, sabotages des téléphones des quartiers bourgeois, aides des médecins et des infirmierEs à l’avortement…

Il faut dire qu’en 1973/1974, le loyer prend 50% des salaires ; il y a 10 à 60.000 familles sans logement par ville. Il y a 11.413 cas de typhus, 278 de choléra, 40.000 hépatites, 3.000 méningites, 73.000 mortEs par maladies infectieuses (seulement 12.489 reconnuEs comme tel). 4.000 communes sont sans eau, 2.000 sans canalisation, un million de personnes vivent dans des baraquements, la mortalité infantile est de 50 pour 1.000.

Des boycotts s’organisent, rassemblant de 50 à 100.000 personnes par million de payeurs/payeuses (le prix au Kw est 6 fois plus cher que pour les entreprises).

Le grand mouvement de contestation dura deux années, afin de se ralentir, mais a bouleversé le paysage politique révolutionnaire, d’autant plus que les femmes s’investissent énormément (un référendum autorise d’ailleurs le divorce).

Le groupe d’extrême-gauche « lotta continua » disparaît peu à peu, son réformisme n’ayant plus cours.

Potere Operaio, mouvement fondateur du principe d’autonomie de la classe ouvrière, se dissout également, de manière spontanéiste, contribuant à la naissance de l’autonomia operaia., l’autonomie ouvrière dite « autonomie organisée », qui coexiste avec l’autonomie en général (revues « Viola », « Désir », « Neg/azione », « A/traverso », « Zut »…).

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Les NAP, noyaux armés prolétaires, se forment dans les prisons, et mènent des actions conjointement avec les BR.

Le 28 juin 73 Michele Mincuzzi, ingénieur de chez Alfa Roméo, est enlevé, interrogé puis libéré. Ici ce sont encore les cadences qui sont attaquées. Le 10.12.73 c’est le chef du personnel de FIAT qui est enlevé.

La convergence patronat / syndicat / PCI est ici attaquée de plein fouet. Les BR le gardent huit jours et émettent des revendications très précises (réintégrations des licenciés, dévoilement des indics, informations dans la presse quant à l’action, etc.).

Le futur maire de Turin parle alors des BR comme de « personnes cliniquement malades et droguées », le journal l’Avanti parle de « néo-fascistes » et les trotskystes, toujours à la pointe de l’anticommunisme, affirment qu’il s’agit d’un « complot des services secrets ».

Après cette phase caractérisée par la propagande armée, considérée par les BR comme un « début », la lutte sur le terrain de l’usine cède la place à l’attaque contre l’Etat. L’attaque au cœur de l’Etat doit être au niveau de l’antagonisme prolétaire.

De fait, début 74, les BR se sont élargies aux villes industrielles. Les groupes les plus forts sont :

– la colonne milanaise, avec ses trois brigades (Sit siemens, Alfa Roméo, Pirelli),

– la colonne Vénétie, avec des brigades à Padoue et Porto Maghera,

– la colonne turinoise chez FIAT dans les sections Meccanica, rivalta, presse et lingotto,

– la colonne de Gênes, avec au moins une brigade.

Les BR sont en grande majorité composées d’ouvriers, ce qui ne les empêchent pas de développer des analyses extrêmement poussées des phénomènes modernes (informatisation, militarisation…). Le prestige de l’organisation est très grand.

Le 18 avril 74, le jour où Agnelli est nommé patron des patrons, les BR mettent en pratique le slogan « Sossi, fasciste, tu es le premier sur la liste ! ». Elles enlèvent à Gênes le procureur Mario Sosssi, et rend public le document intitulé « Contre le néo-gaullisme, mener l’attaque au cœur de l’Etat !« , où les restructurations étatiques sont considérées comme la cible n°1.

La résistance doit, selon les BR, passer à un niveau stratégique. Sossi est libéré en l’échange de la promesse de libération de prisonniers. Libération qui n’est pas faite, au lieu de cela la police écrase par les forces armées les révoltes dans les prisons (six morts).

Le 28 mai 74 les fascistes font un attentat à une réunion syndicale. Les brigadistes réagissent en attaquant le 17 juin 74 un bureau du MSI. Il y aura deux morts, sans que les BR l’aient initialement voulu.

Cet « incidente sul lavoro », « accident » lors du travail effectué, ne pose pas vraiment de problèmes de conscience, même s’il ne s’agissait pas de dirigeants.

Le 1er octobre les Noyaux Armés Prolétaires (NAP) font sauter des mur des prisons de Poggioreali, Rebibbia et S. Vittore, et laissent des magnétophones munis de haut-parleurs :

historique_des_brigades_rouges_15.png« Attention ! Restez à l’écart, cet équipement et cet endroit sont minés et exploseront à la moindre tentative d’interrompre cette communication.

Camarades prisonnières et prisonniers en taule, cette communication vous est destinée par les Noyaux Armés Prolétaires, qui se sont formés clandestinement en-dehors des prisons, afin de continuer la lutte des prisonniers contre le camp de l’Etat bourgeois et de sa justice. C’est un appel à la reprise des luttes dans les prisons, qui nous ont uni avec le prolétariat de 1969 à aujourd’hui.

Contre le capitalisme violent des entrepreneurs, contre l’Etat des entrepreneurs et son gouvernement.

La réponse de l’Etat bourgeois à 5 ans de dures luttes a été la répression grandissante et une série de mesures fascistes comme le doublement des détentions préventives, et le creusement définitif de la réforme des prisons, qui est tellement prisée la propagande du gouvernement.

Le doublement de la durée est supportée par la peau de notre couche prolétarienne, avec l’active participation des révisionnistes. Maintenant et venu le moment de montrer que nous ne laisserons aucun répit à l’application de cela ; que notre volonté et notre capacité de lutter n’a malgré tout pas disparu, et qu’en-dehors des prisons les noyaux armés prolétaires sont nés pour cela : soutenir et être au côté des luttes des prisonniers, répondre aux meurtres et aux bains de sang et à la répression de l’Etat.

Camarades prisonniers prolétaires, pour nos droits, contre la violence de l’Etat dans les prisons, les usines, les quartiers, les écoles et les casernes, contre le renforcement de la répression, révolte générale dans les taules !

Nous refusons la manière de vivre à laquelle nous force la bourgeoisie au moyen de l’exploitation, de la misère et de l’oppression.

Nous refusons d’être plus longtemps l’alibi pour les structures policières anti-prolétariennes de l’Etat. Camarades, la répression contre nous apporte de l’aide et perfectionne le fascisme des lois de l’Etat, confirme que le pouvoir écrase de ses pieds les droits des prolétaires les plus faibles et se prépare à ainsi à écraser et pulvériser la liberté de tout le prolétariat.

Nous n’avons pas le choix : ou alors se rebeller, et lutter, ou mourir lentement dans les camps, les ghettos, dans les asiles, auxquelles nous force la société bourgeoise, de la manière violente. Contre l’Etat bourgeois, pour son renversement, pour notre contribution au processus révolutionnaire du prolétariat, pour le communisme.

Révolte générale dans les prisons et lutte armée des noyaux à l’extérieur !

Révolte et lutte armée comme refus de tolérer la répression, qui devient un génocide social permanent de notre couche prolétarienne. Révolte et lutte armée contre l’existence des prisons, et comme réponse à des dizaines d’années de torture, à des centaines de meurtres, qui sont faits sans peur de punition par les bourreaux du système dans les prisons, les asiles, les maisons de redressement.

Les Noyaux Armés Prolétaires ont comme centre des camarades qui ont supporté la taule, avec une expérience combattante et politique. Ils l’ont supporté comme nous, camarades, couchés de force dans les quartiers d’isolement, ils ont supporté les mauvais traitements des geôliers et les tortures des prisons psychiatriques, et ils n’ont pas oublié !

Camarades prisonniers, les crimes des larbins de l’Etat qui torturent ne seront plus impunis : aux bourreaux fascistes, aux exécuteurs de la répression des taules et des asiles, nous ferons le procès, ils seront condamnés selon la justice prolétarienne.

Contre toutes les violences qu’endurent les prolétaires emprisonnés, nous devons répondre avec le seul slogan de classe dans toutes les situations d’oppression et d’exploitation du prolétariat : la reprise de notre lutte de masse ! Hors des taules ceux qui luttent pour le communisme, pour les riches les cloaques.

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Contre le fascisme de l’Etat, la violence organisée du prolétariat emprisonné !

Camarades, n’oubliez pas que les fascistes sont les mêmes porcs qui réclament avec acharnement le rétablissement de la peine de mort, la revalorisation générale des peines de leur infâme code pénal, des traitements durs dans les taules, et ils font toujours les premières propositions les plus réactionnaires et liberticides.

Camarades, n’oubliez pas cela chez ceux qui sont proches de vous, isolé, et tapez les fascistes, et souvenez-vous que nos bourreaux sont aussi les matons, la police, les vigiles et les capitalistes.

Camarades prisonniers, dans cette phase de la lutte de tout le prolétariat contre le pouvoir bourgeois, qui tente de réaliser sa plus haute tentative réactionnaire et anti-prolétaire, dans la mesure où il entreprend une attaque à la base des conditions de vie et des libertés prolétaires dans les usines et les quartiers d’habitation, dans le cadre d’une crise économique et politique de l’impérialisme mondial, dans la mesure où le chômage s’accroît, où la répression et la police se renforcent, et en conséquence le nombre de prolétaires emprisonnés s’agrandit.

Cela, notre cadre de lutte, signifie l’unité avec la lutte de tout le prolétariat, et propose de chercher une relation avec un pouvoir victorieux et une stratégie qui voit la classe ouvrière à la tête de la confrontation de toutes les couches du prolétariat.

Notre plate-forme vise la poursuite de ces buts :

Lutter contre les lois fascistes comme moment d’unité politique du prolétariat contre un instrument de pouvoir à la base comme conditionnement oppresseur ;

Lutter pour la démocratisation interne des prisons et pour l’application de réformes radicales qui considèrent le système en entier, la possibilité réelle et effective d’user de ses droits politiques et humains inaliénables que la plate-forme a cité.

Autogestion, démocratisation, comme aboutissement capable de développement de notre lutte pour les masses emprisonnées, qui ne peuvent passer que dans une pratique de lutte de masses amorphes et instrumentalisables à des masses conscientes de leur droits et devoirs de classe par rapport au processus révolutionnaire général.

Nos buts immédiats sont :

Abolition des prisons psychiatriques, qui sont de véritables camps nazis et une vengeance terroriste sur les prolétaires emprisonnés ;

Abolition des camps de redressement, lieux d’origine de la violence contre la jeunesse prolétaire, qui par leur programme assure au pouvoir bourgeois la continuité de cette délinquance dont elle a à tout prix besoin pour justifier l’appareil policier et la justice d’Etat ;

Amnistie générale et sans conditions sauf pour la mafia et les bourreaux nazis, comme petit adoucissement des dommages subis avec les lois fascistes ;

Abolition immédiate de la notion de « récidiviste » ;

Mise en place d’une commission non-parlementaire par des camarades meneurs de luttes d’usine et de quartier, afin d’enquêter sur les tortures, les mauvais traitements et les meurtres qui ont été commis dans les taules et qui continuent à être commis ;

La vérité sur les camarades exécutés à Florence, et sur le bain de sang que le pouvoir a ordonné à ses bourreaux à Alessandria.

Camarades, pour la poursuite de ces buts, les Noyaux Armés Prolétaires contribuent dehors par des actions, qui sont toujours plus nécessaires. Ces actions de propagande pour les luttes ont été mené par un noyau externe du mouvement des prisonniers.

Vive le communisme !
Vive la lutte des prisonniers ! « .

Le 14 octobre 74 la police procède à des arrestations dans les BR grâce à un infiltré (permis par sa « publicité » dans la presse qui l’a fait passé pour un militant internationaliste).

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Le 25 octobre les NAP pillent le siège de l’union des employeurs chrétiens-démocrates.

Le 29, Luca Mantini et Sergio Romeo sont tués dans une attaque de banque à Florence. Deux militants sont grièvement blessés et arrêtés, un camarade s’enfuit. La police, au courant de l’opération, avait préparé un piège pour liquider les militantEs.

Le 30 octobre 4 sympathisants sont arrêtés.

Alors que jusqu’en février 75 les BR ne mènent plus que de petites actions, à cause de la répression, les NAP continuent, en pillant par exemple le 20 décembre le siège de la Démocratie-Chrétienne à Naples.

8. 1975-1978 : apogée de l’autonomie ouvrière et maturation des BR

Le 6 février les NAP détruisent la voiture du magistrat De Matteo, responsable d’une proposition de loi sur la détention.

Le 18 février 75 les BR lancent un commando, mené par Mara Cagol, une membre du noyau historique, contre la prison de Casale Monferrato. Renate Curcio, autre membre historique, est notamment libéré.

Suit une « résolution stratégique », qui définit l’État comme « Etat impérialiste des multinationales », et qui montre le rôle central de la DC (démocratie-chrétienne).

La gauche est comprise comme « gauche du capital », le système est considéré comme un nouveau fascisme, propre à la période impérialiste.

Pour les BR, le mouvement autonome, qui se développe parallèlement, est insuffisant car seulement légal ou semi-légal. Il est temps selon elles de rompre les liens entre la classe ouvrière et les organisations institutionnelles, d’attaquer la DC comme centre de la réaction, de frapper l’Etat dans ses points faibles.

L’État réagit vivement.

Les perquisitions sont facilitées par de nouvelles lois et les policiers obtiennent le droit de tuer quasi légalement « dans l’exercice de leurs fonctions ». Ce qui amena un nombre considérable de tués chez les jeunes « voleurs », ou encore des « passants » à proximité des manifs.

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Le 23 février les NAP attaquent un poste de police. Un militant est arrêté.

Deux camarades s’évadent de la prison de Murate (Florence) mais sont repris deux semaines plus tard (prenant au passage 3 et 4 ans de prison pour évasion).

Le 11 mars, Vitaliano Principe meurt dans l’explosion de sa bombe, Gentile Schiavone est grièvement blessé mais interrogé pendant 14 heures.

En avril c’est une grande répression contre les NAP. En prison un militant est blessé par un fasciste et tous les témoins mis en isolement. Le 22 le magistrat Di Gennaro, membre de la cour de cassation et du service de recherche sur la prévention et les peines au ministère de la justice, est enlevé par les NAP.

Après avoir fait croire pendant quelques jours à une histoire amoureuse, l’Etat accorde les revendications des NAP, à savoir celles de trois militants barricadés dans une prison après une tentative d’évasion, ainsi que le passage d’un communiqué à la télévision, à la radio (cela sera fait à 7H25 du matin) et dans la presse.

Libéré, Di Gennaro ne collabore pas avec les carabinieri, qui font sauter sa voiture devant sa maison (pour « raisons de sécurité »).

Il donne des interviews où il explique que la lutte armée a des causes politiques et sociales. Il participera néanmoins par la suite à la répression, notamment lors de l’écrasement de la révolte de la prison de Trani.

Le mois d’avril 1975 est également celui de l’apogée de l’autonomia operaia, qui est présente de manière organisée dans la rue pendant une semaine.

Les affrontements avec les fascistes et les carabinieri font 4 mortEs à gauche.

En avril 1975 paraît également une résolution de la direction stratégique des BR. L’objectif central y est expliqué :

« Rompre les liens corporatistes entre la classe dirigeante industrielle et les organisations de travailleurs ;

Briser la DC, centre politique d’organisation de la réaction et du terrorisme ;

Frapper l’Etat dans ses maillons les plus faibles ».

Les BR affirment que :

« la DC n’est pas seulement un parti, mais aussi l’âme noire d’un régime qui depuis 30 ans opprime les masses ouvrières du pays. Déclarer la nécessité d’abattre le régime et proposer dans les faits un compromis ’historique’ avec la DC n’a pas de sens. Bavarder sur le moyen de la ’réformer’ en a encore moins. Il faut liquider, battre et disperser la démocratie-chrétienne ».

Et sur la guérilla urbaine :

historique_des_brigades_rouges_20.jpg« A notre avis, on doit affronter la question à partir de la couche de classe qui plus que tout autre subit l’intensification de l’exploitation due aux projets de restructuration capitaliste et impérialiste.

La théorie révolutionnaire, c’est la théorie des besoins politico-militaires de « libération » de cette couche de classe. Elle seule en fait exprime en puissance, sinon en conscience (qui signifie « organisation ») l’universalité des intérêts de classe.

C’est seulement autour de ses besoins que peuvent être organisés et assumés les besoins des couches sociales marginalisées par le processus de restructuration et que peuvent être battues les résolutions révisionnistes, réformistes ou corporatives de cette partie de la classe ouvrière qui trouve un avantage, même moindre, dans le renforcement du système de domination impérialiste.

La guérilla urbaine joue un rôle décisif dans l’action de désarticulation politique du régime et de l’Etat. Elle atteint directement l’ennemi et fraye un chemin au mouvement de résistance.

C’est dans la guérilla que se constitue et s’articule le mouvement de résistance et le terrain de l’autonomie, et non le contraire.

Élargir ce terrain signifie en premier lieu développer l’organisation de la guérilla, sa capacité politique et militaire.

Toutes les positions qui considèrent la croissance de la guérilla comme une conséquence du développement terrain légal ou semi-légal de « l’autonomie » sont fausses. Il est nécessaire de faire la lumière sur ce point.

Dans ce qui est défini comme « terrain de l’autonomie » s’entassent des positions très diverses. Certains, qui situent leur place dans la lutte des classes par la voie « subjective », se reconnaissent comme faisant partie de ce terrain, plus pour lui imposer ses problèmes et ses besoins, c’est-à-dire pour le « récupérer », si bien qu’ils expriment, aujourd’hui, une interprétation très partiale et surtout sectorielle de ses besoins.

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A leur source, ils ont constitué un facteur décisif dans le processus de dépassement de « l’esprit de chapelle », mais aujourd’hui ils risquent de finir eux-mêmes dans le cul-de-sac de ce processus.

C’est le « fétichisme de la légalité » qui prédispose à ce danger, c’est-à-dire l’incapacité à sortir de la fausse opposition entre « légalité et illégalité ». En d’autres termes, les assemblées autonomes ne réussissent pas à poser le problème de l’organisation à partir des besoins politiques, et finissent ainsi par les délimiter dans le type d’organisations légales existantes.

Ce qui correspond à couper le pied pour le faire entrer dans la chaussure !

Certains, plus conscients de la contradiction où ils se débattent, arrivent à admettre un dualisme d’organisation et ainsi à de nouveau proposer l’improposable théorie du « bras armé », dans la vieille logique de faillite de la IIIème Internationale.

Mais, dans cette nouvelle situation, sous peine d’extinction de leur fonction révolutionnaire, ils doivent faire un saut dialectique s’ils veulent rester fidèles à l’engagement fondamental d’organiser sur le terrain de la guerre de classe l’opposition de la couche « objectivement » révolutionnaire.

En-dehors de cette perspective, il n’y a que conceptions minoritaires ou inféodés au révisionnisme.

La guérilla urbaine organise le « noyau stratégique » du mouvement de classe, pas le bras armé. Dans la guérilla urbaine, il n’y a pas contradiction entre penser et agir militairement et donner la première place à la politique. Celle-ci développe son initiative révolutionnaire selon une ligne de masse politico-militaire.

Pour la guérilla, ligne de masse ne veut pas dire, comme quelqu’un l’a mal compris, « organiser le mouvement de masse sur le terrain de la lutte armée », tout au moins pas pour le moment.

Dans l’immédiat, l’aspect fondamental du problème reste la construction du « Parti Combattant » comme interprète des besoins politiques et militaires de la couche de classe « objectivement » révolutionnaire, et l’articulation des organismes de combat au niveau de classe sur les divers front de la guerre révolutionnaire.

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La différence n’est pas sans importance, et cela vaut la peine de l’expliquer, car elle cache une divergence sur une question primordiale : l’organisation.

Cette divergence réside dans le fait que la première thèse aplanit jusqu’à la faire disparaître l’organisation du  » mouvement  » qui, dans le même temps, gonfle jusqu’à atteindre des dimensions mythiques ; la seconde conçoit organisation et mouvement en tant que réalités nettement distinctes en perpétuelle discussion. Le parti combattant est un parti de cadres combattants. C’est donc une unité avancée et armée de la classe ouvrière, par conséquent distincte et en même temps partie intégrante de celle-ci.

Le mouvement est une réalité complexe et hétérogène où de multiples niveaux de conscience coexistent et se combattent. Il est impensable, et impossible d’ »organiser » cette multiplicité de niveaux de conscience « sur le terrain de la lutte armée ». Parce que ce terrain, bien qu’étant stratégique, n’est pas encore le principal, parce que le noyau que constitue le parti combattant, c’est-à-dire les BR, n’a certainement pas mûri les capacités politiques, militaires et d’organisation, nécessaires à son objectif.

Il ne s’agit pas d’ »organiser le mouvement de masse sur le terrain de la lutte armée », mais d’enraciner l’organisation de la lutte armée et la conscience politique de sa nécessité historique, dans le mouvement de classe ».

Le 15 mai 75, à Mestre près de Venise, les BR pillent le bureau de la DC ; à Turin elles mettent le feu à plusieurs voitures de syndicalistes de la CISNAL ; à Milan elles attaquent un bureau de l’iniziativa democratica (organisation de l’aile droite de la DC), où un responsable de ce groupe est jambisé.

Les BR préviennent : elles liquideront la DC et vont « alzare la tiro », serrer la vis contre la DC, « moteur de la contre-révolution ».

En juin 75 c’est l’enlèvement de l’industriel Vittorio Gancia ; les policiers découvrent la cache et interviennent, liquidant à bout portant Mara Cagol.

De mai à septembre de nombreuses arrestations ont lieu, dont l’ensemble du noyau historique.

En juillet Anna Maria Mantini des NAP se fait exécuter lors de son « arrestation ».

Le 17 octobre 75 les BR jambisent Luigi Salera, médecin chez FIAT participant aux licenciements, puis enlèvent des dirigeants de Singer le 21 ainsi que le chef du personnel de Ansaldo Meccanico à Gênes le 22. Les BR attaquent également des banques : le 14 juillet 75 la banca populare de Lonigo, le 8 octobre la filiale de la Cassa di Risparmio à Gênes. Le 21 octobre c’est un dirigeant de l’usine de Singer qui est enlevé.

L’année 1976 est marquée par l’explosion du mouvement de la jeunesse. Des centres de jeunesse apparaissent, ainsi que de grands festivals (comme celui de parco lambro) où les jeunes vont par dizaines de milliers, pratiquant sur place la « spesa proletaria » dans les supermarchés.

Des rondes prolétaires, menées par des « circoli proletari giovanili » sont menées contre les entreprises.

Les jeunes quittent de plus en plus la campagne au profit de la ville, et s’affrontent à la culture ambiante et aux institutions. C’est également l’explosion des radios libres, l’apparition d’un nouveau langage, opposée à la culture de l’ouvrier-masse.

L’autonomia operaia analyse cela comme « le besoin de communisme », et s’éloigne de plus en plus de la lutte révolutionnaire contre l’Etat.

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L’affaiblissement de la lutte ouvrière des très grandes usines à cause de la mobilité pousse l’autonomia operaia (aut.op.) à expliquer la situation autrement, et l’un de ses principaux théoriciens, Toni Negri, explique que la « révolution est déjà faite », que la « pluralité des sujets » révolutionnaires est positive, car les travailleurs sociaux doivent s’exprimer différemment que dans le capitalisme.

C’est la ligne des « freaks », c’est-à-dire de la marginalité comme « espace révolutionnaire », que les flics s’empressent de casser par la diffusion massive d’héroïne et l’étranglement de l’approvisionnement en drogues douces.

Seule l’autonomia organizatta (Rome, Padoue, Milan…) tente de maintenir les liens au sein du mouvement autonome, mais c’est globalement l’échec, à part pour un temps et dans un sens armé avec les CoCoRi (Comitati Comunisti Rivoluzionari) ou le Movimento Comunista Organizzato (MCO), issu du Colletici Politici del Veneto per il Potere Operaio (CPV), lui-même issu de Potere Operaio, qui eux aussi succombent à la répression en raison de leur caractère semi-légal.

Le mouvement de l’autonomie ouvrière part dans tous les sens, perdant toute cohérence, à l’opposé des BR qui se présentent comme le seul courant réellement révolutionnaire.

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Le 14 avril 76 un dirigeant de FIAT Mirafiori est jambisé, le 28 avril un bureau patronal est pillé à Gênes.

Le 8 juin 76, les BR exécutent Francesco Coco, qui dirige le premier procès contre des brigadistes ainsi que la répression dans les prisons. Les brigadistes sont regroupés dans des cages lors des procès qui se veulent une démonstration de force du système. Cette exécution est considéré comme « un saut dans la guerre de classe ».

Les BR attaquent au cœur de l’Etat. Le 7 octobre 1976 les NAP jambisent un maton de la prison de S. Vittore (Cosimo Ventich, « ami et protecteur des mafiosi, protégé par le directeur de l’établissement »). Le 8 une entreprise exploitant les prisonniers est attaquée.

En décembre 76 le brigadiste Walter Alasia est tué à bout portant.

Le 12 janvier 77 les BR enlèvent l’industriel Pietro Costa, qui est libéré au bout de 81 jours. Le 18 le directeur du personnel de FIAT Turin est jambisé. Le 29 ce sont les NAP qui jambisent le juge Pietro Margariti, qui est d’après le Corriere « l’homme le plus haï des 32.000 prisonniers italiens », le responsable du placement dans les « prisons de l’horreur » et celui qui couvre les attaques contre les prisonniers communistes.

Il y a également le même mois les occupations des facultés de Palermo, Sassari, Salerno et Napoli.

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Le 9 février les NAP exécutent le meurtrier d’Anna Maria Mantini. Les flics et les fascistes attaquent la fac de Rome, tirant sur de nombreux étudiantEs. Un mouvement se lance et s’élargit, quasiment toutes les facs sont occupées par des précaires, des étudiants, des chômeurs.

Le chef du syndicat CGIL, Lama, arrive avec 1.000 militantEs du PCI pour tenir un discours à la fac de Rome : ils sont accueillis par 10.000 révolutionnaires qui les chassent manu militari. La fac est vidée le jour même par la police qui occupe de nombreux quartiers. La mobilisation culturelle est énorme à Bologne, Rome et Naples.

En mars 77, des combats de rue ont lieu dans toutes les grandes villes. Le 11, l’étudiant Francesco Bruno se prend des balles dans le dos, la manif nationale tourne à l’émeute, les magasins, les supermarchés et les armureries sont pillés.

Le 12 mars à Rome 100.000 manifestantEs extrêmement bien organiséEs brisent les cordons policiers et défilent une journée (des armes sont distribuées puis reprises).

Mais le soir, la pression retombe, les tanks sont présent dans les manifs suivantes, et l’autonomia operaia s’écroule définitivement à son congrès de Bologne en octobre 1977.

Pour les autonomes, il n’y alors plus le choix et il s’agit d’opérer un saut qualitatif.

Se forme ainsi par exemple le groupe « Action Révolutionnaire », influencé par la RAF et le situationnisme, et actif dans diverses régions (Lombardie, Piémont, Toscane, Ligurie), qui ne durera que jusqu’en 1979 où ses restes rejoignent Prima Linea, comme le feront certainEs des Prolétaires Armés pour le Communisme (PAC, 1977-1979) (les autres formant les « Rapinatori Comunista » !).

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Ou encore les Unités Communistes Combattantes, qui dureront jusqu’en 1979, les Squadre Proletarie di Combattimento per l’Esercito di Liberazione Comunista (Equipes Prolétariennes de Combat pour l’Armée de Libération Communiste) jusqu’en 1978, les Noyaux Communistes Territoriaux et les Reparti Comunisti d’Attaco jusqu’en 1980.

Prima Linea, fondée en 1976, est la véritable guérilla de l’autonomie organisée. Elle s’est formée pour appuyer les luttes. « Première ligne » est issue des courants de Lotta Continua qui prônaient l’armement de masse, ainsi que de militantEs de Potere Operaio. Prima Linea (PL) n’est en tant que tel pas réellement un nouveau groupe combattant, mais une sorte d’agglomération de différents groupes.

Le sigle apparaît en tant que tel le 29 avril 1976, lorsque est exécuté Enrico Pedenovi, conseiller provincial du parti fasciste le MSI. Le premier congrès de PL se tient en avril 1977 à San Michele a Torri, avec des représentants des villes de Milan, Bergamo, Florence, Turin et Milan.

Les BR deviennent le point de confluence des groupes les plus avancés ; les rejoignent ainsi la « Brigate d’Assalto Dante di Nanni », responsable de nombreuses attaques armées, mais aussi la « Brigate Proletaria Erminio Ferretto » en 1974, beaucoup de membres des Formations Communistes Armés en 1975, ou encore des Noyaux Communistes.

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Le 1er mars les NAP et les BR agissent en commun contre des casernes de carabinieri à Milan, Turin, Naples, Florence, Rome, Pise.

Le 5 mars dans la prison de Poggioreale 10 militants des NAP se barricadent après une tentative ratée d’évasion. Ils réclament la diffusion d’un communiqué, et libèrent les otages 12 heures après, leur demande de déplacement ayant été accepté. Leur procès est fait le 12 mars, trois prisonniers dénoncent la torture subie. Les prisonniers prennent deux ans en plus chacun, une voiture piégée explose devant le tribunal.

Le 12 mars toujours, à la suite d’affrontements de manifestants avec la police, un bâtiment de la DC est attaqué à Rome. En avril les BR incendient les voitures de politiciens de la DC et jambisent un chef de FIAT à Turin.

Le 28 avril 77 le président de la chambre des procureurs Croce est exécuté. Le 8 mai les NAP blessent grièvement le juge Dell Annua, notamment responsable du procès de l’exécution d’Anna Maria Mantini. Le 11 mai deux membres des NAP prennent 19 et 15 ans de prison.

Le 1er juin 77 le vice-directeur du journal de Gênes « il secolo XIX » est jambisé, le lendemain c’est au tour du fondateur d’il Giornale à Milan, Indro Montanelli, et enfin le 3 juin à Rome d’Emilio Rossi directeur de la rédaction des informations de la RAI.

Il y aura jusqu’en juillet 7 autres jambisations. Le 20 août 11 prisonniers des NAP s’évadent du camp de Lecce.

Il y a 5 jambisations en automne. Le 16 novembre à Turin les BR exécutent Carlo Casalegno, vice-président de la Stampa (qui fait partie de la presse contrôlée par Agnelli).

Le 22 novembre les NAP attaquent le chef antiterroriste Noce et son escorte. Le militant des NAP Zichitella est exécuté après l’action.

Début 78 d’autres jambisations sont menées, contre le chef de section de la FIAT de Turin, contre un responsable de la compagnie des téléphones à Rome, contre un responsable de Siemens à Milan, contre un fonctionnaire de la DC à Gênes.

Le 29 janvier deux militantes des NAP s’enfuient de la prison de Poggioreale de Naples, dont Franca Salerno (arrêté en été 1976 alors qu’elle était enceinte, son compagnon étant exécuté).

Le 16 février 78 un membre de la cour de cassation est exécuté par les BR. Le 10 mars c’est un officier des carabinieri qui est tué par les BR.

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Le 16 c’est Aldo Moro qui est enlevé ; un dirigeant de prison et un dirigeant policier sont exécutés le même jour. Le 9 mai le cadavre d’Aldo Moro est retrouvé dans une voiture à mi-chemin des bâtiments centraux de la DC et du PCI. Par cette action les BR frappent au plus haut niveau. Elles visaient le « compromis historique », alliant le PCI et la Démocratie-Chrétienne.

La ligne était passé entre le 13ème (début 1972) et le 14ème (début 1974) congrès du PCI, et visait à la rationalisation de l’économie en 5 ans. En attaquant Moro les BR attaquent de front sa réalisation, ébranlent le système politique, et partant de là leurs propres structures.

9. L’attaque au cœur de l’Etat (1978/1979)

Il y a en 1978 au moins 638 actions armées révolutionnaires, dont 106 menées par les BR. Les autres groupes se comptent par centaines.

Il y a également une réorganisation qui se fait ; ainsi, Prima Linea et les Formations Communistes Combattantes créent un commandement national unifié. La lutte contre la répression est quasiment centrale ; est ainsi exécuté le 11 octobre 1978 à Naples Alfredo Paolella, responsable de l’anthropologie criminelle à la prison de Pozzuoli.

On notera également des actions contre des vendeurs d’héroïne, par le Movimento Proletario di Resistenza Offensiva – Nucleo Antieroina, qui prendra par la suite le nom de Guerriglia Comunista.

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Mais « l’attaque au coeur de l’Etat » a mené les BR à un autre niveau de lutte, ouvrant de nouveaux espaces. Si de 1972 à 1977/78 les BR n’étaient qu’un groupe au sein d’un large mouvement social, l’écroulement du mouvement autonome en 77 faute de débouchés politiques pour les larges masses et l’ampleur de la répression contre toute la sphère légale fait que les BR deviennent centrales dans la lutte pour le communisme.

Les prisonniers brigadistes pourront ainsi dire en 1980 que « la situation politique présente se trouve entre deux phases : nous ne sommes plus dans la phase de propagande armée, et pas encore dans celle de la guerre civile ».

Pour comprendre ces deux années, il faut comprendre ce qui se révélera en décembre 1980, avec la publication de « l’Ape e il comunista », « l’abeille et le communiste », qui rassemble des « Eléments pour la critique marxiste de l’économie politique et pour la construction du programme de transition au Communisme ».

Ce document, véritable pavé rassemblant les thèses brigadistes, a été écrit par un collectif de prisonniers, qui ne reflète qu’une tendance existante dans les BR alors, une tendance plus mouvementiste, plus guérillera.

Ainsi, les « XX thèses finales » mettent en avant les concepts de « système de pouvoir rouge » et d’ »organismes de masse révolutionnaires » que l’on retrouvera plus tard au centre du futur projet du Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain.

Mais quoi qu’il en soit, au niveau stratégique pour les BR il s’agit désormais d’effectuer la tâche de « destruction des forces politico-militaires de l’ennemi et de la conquête du pouvoir ».

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Les BR catalysent à ce moment là l’essentiel de la guérilla. Les autres groupes ont échoué par incapacité théorique et technique. Ainsi les militantEs de Prima Linea -1ère ligne, guérilla issue et membre de l’autonomie- se font exécuter en plein jour par les forces de répression à cause de leur statut de semi-légalité. Quant à la direction arrêtée, elle brade tout ( » il n’est jamais trop tard pour sortir du communisme  » ira jusqu’à dire l’un d’eux).

Rien qu’en 78 les BR mènent 25 exécutions. Il y a également l’appui d’autres groupes pour les campagnes, comme les formations communistes combattantes, qui exécutent le procureur de Frosinone le 8 novembre 1978 et oscillent idéologiquement entre PL et les BR.

L’Etat joue alors intelligemment avec les « pentiti », les repentis, qui voient leur peine minimisée s’ils parlent. Patrizio Peci est le plus connu d’entre eux et responsable de nombreuses arrestations ; il est issu des PAIL (Proletari Armati in Lotta, 1973-1975), un groupe ayant rejoint les BR. L’Etat n’hésite pas à payer des opérations de chirurgie esthétique et à dépenser beaucoup d’argent pour défendre sa bourgeoisie.

C’est également en 1978 que les BR développent le thème du MPRO, le Mouvement Prolétaire de Résistance Offensive : « Nous appelons MPRO l’aire du comportement de classe antagonique suscité par l’aggravation de la crise économique et politique ; l’aire des forces, des groupes et des noyaux révolutionnaires qui donnent un contenu politico-militaire à leur initiative de lutte anticapitaliste, anti-impérialiste, anti-révisionniste et pour le communisme ».

A partir de mars 79 les BR appellent  » à isoler les Berlingueristes [Berlinguer est le secrétaire du PCI] de la classe ouvrière, à les exclure, à les traiter comme les pires ennemis du prolétariat ».

De fait, le 24 janvier 79 les BR avaient exécuté un syndicaliste membre du PCI pour avoir dénoncé à la police un de leurs « messagers ». Le PCI assume très bien son statut de contre-révolutionnaire et appelle à la défense de la république contre le « terrorisme ».

Plus tard, une brigatista, Raffaelle Fiore, est arrêtée le 19 mars 79.

Le 18 juillet 1979 Prima Linea exécute le patron du bar Angelo de Turin, qui avait donné à la police des militantEs de PL immédiatement exécutés par la police (Barbara Azzaroni « Carla » et Matteo Caggegi « Charlie »).

Le 29 janvier 1979 PL avait également exécuté un juge spécialisé dans les structures des organisations révolutionnaires.

Les BR lancent ensuite une campagne contre la DC à l’occasion des élections parlementaires italiennes et européennes. Le 29 mars 79 un commando de la colonne romaine exécute un fonctionnaire de la DC et un haut représentant de FIAT.

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Un policier est tué par la suite. Le 3 mai 79 un commando de 15 brigatisti pille à 10 heures du matin un siège de la DC, affrontant au passage quelques carabinieri.

L’Etat italien trouve alors une réponse tactique pour casser la résonance des BR, consistant en l’arrestation du théoricien de l’autonomie, Toni Negri, le plus grand critique des BR, pour l’accuser d’en être le chef.

L’Etat entend ainsi diviser le mouvement de masse, d’autant plus que les BR, n’ayant pas trouvé (ni pratiquement ni théoriquement) les moyens d’agir en terrain ouvert, sont forcément en retrait par rapport à ce nouveau processus.

En effet, pour une fraction de l’autonomie, les brigadistes ne sont pas des « camarades se trompant tactiquement, mais des prolétaires se trompant stratégiquement ».

Les heurts entre ces autonomes anti-guérilla (et critiquant ainsi plus que non solidairement les autonomes pro-guérilla) et les BR se feront nombreux au fur et à mesure, et encore plus lorsque la répression tombe sur les anti-guérilla (à cause soi-disant des pro-guérilla).

L’arrestation le 7 avril 79 de Toni Negri et de 21 personnes de l’autonomia provoque donc plus que des remous entre partisans de la prise du pouvoir à la Lénine et défenseurs du « travailleur social » et des marginaux comme nouveaux sujets révolutionnaires.

Toni Negri ne démordra pas, et sera longtemps prof de fac à Paris VIII. Il trouve régulièrement un nouveau sujet révolutionnaire à chaque mouvement social, en 95 on a ainsi eu droit au « salarié bio-politique » (?!). Reparti en Italie, où ses livres sont disponibles partout depuis longtemps, il est arrêté, puis mis en semi-liberté.

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La revue autonome « Rosso », issu du Gruppo Gramsci passé dans l’autonomie, explique les différences entre autonomes [anti-guérilla] et les BR : « les autonomes sont pour le parti de Mirafiori, les br pour l’attaque au cœur de l’Etat ». En 1978 la rupture est consommée.

Après les élections, Prospero Gallinari, un membre important des BR, est arrêté après une fusillade le 24 septembre 79. Les BR sont quasiment les seules à mener des actions armées fin 79 ; seule existe encore la guerriglia diffusa, la guérilla diffuse des autonomes pro-guérilla mais non-organisés. 5 policiers sont tués ainsi que trois surveillants de prison.

Prima Linea, « la » guérilla autonome, développe son action. Entre autres, un gruppi di fuoco occupe une école de gestion de Turin, rassemble toutes les personnes dans une salle, choisit cinq responsables de FIAT et Olivetti et les cinq plus vieux étudiants, les font se mettre à genoux et tirent dans les jambes.

Un ingénieur de FIAT, responsable de la planification et de la logistique, est également exécuté.

Début 80, 5 brigadistes sont exécutés par les unités spéciales. Le 12 février 80 le vice-président de la plus grande association de la justice italienne est exécuté à Rome par les BR.

Le 5 février 1980 Prima Linea exécute un responsable d’Icmesa, une usine de Seveso responsable d’une grave pollution toxique.

Le 16 mars 80 c’est au tour du procureur en chef de Salerno, Nicola Giacumbi, exécuté par un groupe indépendant sous le nom de « Brigades Rouges colonne Fabrizio Pelli » (le groupe rejoignant par la suite, en prison, les BR).

Le 18 c’est le cas de Minervini, membre de la cour de cassation et fonctionnaire du ministère de la justice. Le 19 c’est Prima Linea, groupe de feu Valerio Tognini qui exécute le juge Guido Galli, expert de la contre-guérilla. Le 28 mars 80 à Gênes la police exécute les brigadistes Lorenzo Betassa, Piero Panciarelli, Anna Maria Ludmann, Riccardo Dura.

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Le 1er avril 80 la colonne milanaise Walter Alasia va à une réunion électorale de la DC, choisit parmi les trente personnes présentes 7 fonctionnaires de la DC et les jambise. Après deux actions similaires à Rome la colonne Vénétie exécute à Mestre le 12 mai 80 un membre de la DIGOS (la police spéciale).

Le 29 avril 80 Roberto Sandolo de Prima Linea était arrêté à cause d’un leader de PL repenti, William Vaccher, qui sera exécuté par PL. Mais Sandolo se repent aussi et le dernier commando de PL est démantelé par la police.

Le 19 mai 1980 la colonne napolitaine exécute Pino Amato, conseiller municipal de la DC.

A Milan se forme un nouveau groupe, la Brigata XXVIII Marzo, du jour de l’exécution par la police de quatre camarades. Ce groupe revendique la jambisation le 7 mai 80 du rédacteur de la Repubblica. Le 29 mai le groupe exécute Tobagi, reporter de la Corriere della Serra, et président de l’association lombarde des journalistes. Les membres du groupe seront arrêtés en septembre.

En octobre 1980 est publié une nouvelle résolution stratégique.

Le « prolétariat métropolitain » y est clairement présenté comme le sujet révolutionnaire.

Le 12 décembre le juge Giovanni D’Urso est enlevé, la libération de prisonniers politiques exigés. Le 28 décembre a lieu une révolte dans la prison spéciale de Trani, en soutien à l’action des BR. Le 30 la police intervient et torture les prisonniers.

Le 31 les BR exécutent en réponse le général carabinieri Galvagli, bras droit de Dalla Chiesa, responsable de la coordination des forces de sécurité et des prisons.

Pour les BR D’Urso est condamné à mort, mais décident de laisser les prisonniers décider. Ceux-ci demandent sa libération, ce qui est fait le 15 janvier 85, après la publication dans les journaux d’une interview des BR, du protocole du jugement fait par les BR et d’articles sur ce qui s’est passé à Trani.


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