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« Nous sommes reconnaissants à Marx et Engels, à Lénine et Staline qui nous ont donné des armes. Ces armes ne sont pas des mitrailleuses, mais le marxisme-léninisme. »
Mao Zedong
a) La Chine comme pays colonisé et la résistance populaire (1800-1921)
La Chine du début du 20ème siècle est un pays très arriéré, caractérisé par des traits féodaux ou semi-féodaux. Les grands propriétaires terriens dominaient la production agricole et y maintenaient des méthodes d’exploitation féodales, avec également des formes pré-capitalistes de rente (rente-travail, rente en nature ou en espèces).
Entre 4 et 5% de la population de 400/500 millions de personnes possédait ainsi plus de la moitié des terres agricoles ; l’écrasante majorité des paysans vivait dans une misère toujours plus grande, tombant sous le joug des usuriers.
Allant de pair avec cette économie féodale existait une dépendance absolue vis-à-vis de multiples pays impérialistes. Ceux-ci avaient procédé à un véritable démembrement territorial de la Chine, utilisant diverses façades juridiques (concessions, établissements, territoires à bail, zones ferroviaires à statut spécial, annexions coloniales…).
Un exemple de cela se retrouve dans la bande dessinée « Le lotus bleu », où Tintin se retrouve dans une Chine victime des colons et des puissances militaristes. De fait, pour la concession internationale de Shanghai, seuls votaient les contribuables non-chinois, les 700.000 Chinois n’ayant aucun droit de décision.
Les impérialistes français ne sont pas en reste, puisqu’en 1919 ils possèdent par exemple quatre « ports ouverts » (Shanghai, Canton, Hankou, Tianjin), les Japonais en possédant quatre et les Anglais six.
Il n’y avait ainsi en Chine ni économie centralisée au niveau national, ni Etat central. Les impérialistes organisaient l’économie selon leurs intérêts, possédant plus des 2/3 des usines, pour une industrie représentant 10% de l’économie chinoise et deux millions d’ouvriers. L’impérialisme américain a été un acteur de plus en plus dominant dans cette colonisation ; en 1936 23% du commerce extérieur chinois se faisait avec les USA, en 1946 le chiffre était de 53%.
Pour s’aider dans cette tâche, les impérialistes s’allièrent aux forces féodales chinoises et à une bourgeoisie bureaucratique nouvellement formée, assumant la gestion locale de la pénétration impérialiste.
Dans sa tâche, la bourgeoisie bureaucratique a organisé un parti politique défendant ses intérêts, le Kuo Min-Tang (le « Parti Nationaliste de Chine »). Il est l’héritier du Tong Meng Houei, la « Ligue révolutionnaire », lui-même prolongation du Hsing Tchong Houei (« Association pour la Régénération de la Chine »), une association fondée hors de Chine en 1894.
Les forces alliées à l’impérialisme jouent par conséquent un grand rôle ; la « révolution républicaine » de 1911-1912 qui marque la chute des Mandchous n’est marquée d’aucun progrès social, renforçant même le rôle des militaires.
La petite bourgeoisie nationale n’arrive pas à jouer son rôle ; elle est favorable à l’indépendance, mais faible et hésitante. Ce seront ainsi les étudiants qui vont être à la pointe du mouvement. Lorsque le 4 mai 1919 la nouvelle se répand à Pékin que le traité de Versailles prévoit que les colonies allemandes de Chine passent au Japon, des manifestations s’organisent, où l’ancien ministre de la Chine à Tokyo est roué de coups et la maison du ministre des communications, symbole de la soumission servile au Japon, est incendiée.
Ce mouvement du 4 mai cristallise autour de lui l’ensemble des partisans de l’indépendance nationale. Un boycott des marchandises japonaises est organisé, des grèves ouvrières et commerçantes se succèdent. C’est la première fois dans l’histoire de la Chine moderne qu’une alliance se forme entre le prolétariat, l’artisanat, les intellectuels, une large composante de la bourgeoisie nationale.
Le prolétariat industriel commence alors à lutter et les idées marxistes commencent à être diffusées. De nombreuses revues, dont celle organisée par la Société de lecture littéraire organisée par Mao Zedong, diffusent le marxisme. Mao Zedong fonde également une association de recherches sur la Russie, qui ne se contente pas de diffuser des informations mais prend également clairement partie pour la Russie soviétique.
Celle-ci a également obtenu un très grand prestige en Chine, en abandonnant les privilèges de l’ancienne Russie tsariste en Chine et en proposant des traités d’égal à égal.
Mao Zedong dit à ce sujet :
« Les Chinois sont passés maîtres en marxisme grâce à l’application qui en a été faite par les Russes. Avant la révolution d’Octobre, les Chinois n’avaient jamais entendu parler, non seulement de Lénine, mais aussi des noms de Marx et Engels. Le grondement des canons de la Révolution d’Octobre nous a apporté le marxisme-léninisme. Il nous faut suivre la même voie que les Russes, telle fut la conclusion » (Mao Zedong, discours de juin 1949 à l’occasion du 28ème anniversaire du PCC).
Dès 1920 des groupes communistes s’organisent dans la classe ouvrière et prennent l’initiative de mener des luttes sociales. La voie est ouverte pour la formation du PC de Chine.
b) La formation du Parti Communiste de Chine et le travail avec le Kuo Min Tang (1921-1927)
Dans une telle situation, la tâche des révolutionnaires ne pouvait être que la libération du pays de la domination impérialiste, la révolution agraire et l’écrasement des structures féodales. C’est l’objectif affirmé du Parti Communiste de Chine, fondé en 1921 à Shanghai. Il est membre de l’Internationale Communiste, et son objectif est en accord avec les principes léninistes de la révolution dans les pays dépendants.
A sa fondation, le PCC ne rassemble qu’une cinquantaine de personnes, dont Mao Zedong. De 1921 à 1924, il adopte un programme, se bolchévise, entend se lier aux masses ouvrières, qui mènent justement dans ces années de très grandes luttes.
Mais il fut assez rapidement clair que la classe ouvrière ne peut à elle seule renverser le régime. C’est donc Mao Zedong qui va théoriser les caractéristiques de la révolution chinoise. Le PCC continue de travailler avec les masses ouvrières – ainsi lors de la grève des 300.000 ouvriers de la province du Hunan – mais l’accent va être mis sur les masses paysannes et l’organisation de la lutte armée. Ces principes sont théorisés par Mao Zedong, qui publie en mars 1926 une « Analyse des classes de la société chinoise« .
« Quels sont nos ennemis, quels sont nos amis ? C’est là une question d’une importance primordiale pour la révolution. Si, dans le passé, toutes les révolutions en Chine n’ont obtenu que peu de résultats, la raison essentielle en est qu’elles n’ont point réussi à unir autour d’elles leurs vrais amis pour porter des coups à leurs vrais ennemis.
Le parti révolutionnaire est le guide des masses, et jamais révolution n’a pu éviter l’échec quand ce parti a orienté les masses sur une voie fausse. Pour être sûrs de ne pas les conduire sur la voie fausse et remporter la victoire dans la révolution, nous devons absolument veiller à nous unir avec nos vrais amis pour porter des coups à nos vrais ennemis.
Et pour distinguer nos vrais amis de nos vrais ennemis, nous devons entreprendre une analyse générale des conditions économiques des diverses classes de la société chinoise et de leur attitude respective envers la révolution » (Mao Zedong, Analyse des classes de la société chinoise).
Mao Zedong décrit ainsi les classes sociales.
Il y a tout d’abord la classe des propriétaires fonciers et de la bourgeoisie compradore, qui est définie comme l’appendice de la bourgeoisie internationale, représentée par l’aile droite du Kuo Min-Tang. Cette classe est totalement opposée à la révolution. Au sens originel le terme de « compradore », qui vient du portugais, désigne le gérant chinois ou le premier commis chinois dans une entreprise commerciale appartenant à des étrangers. Il s’agit de la bourgeoisie vendue à l’impérialisme, dont l’activité sert les intérêts de l’impérialisme.
A l’opposé de cette classe à l’opinion monolithique, la moyenne bourgeoisie, c’est-à-dire principalement la bourgeoisie nationale, oscille entre le refus total du communisme et la volonté d’indépendance nationale.
La petite-bourgeoisie – paysans propriétaires, propriétaires d’entreprises artisanales, étudiants, petits fonctionnaires, petits employés, etc. – est considérée par Mao comme une classe importante numériquement, et selon lui elle peut se faire entraîner au moins en partie par l’élan révolutionnaire.
Pour le semi-prolétariat (paysans semi-propriétaires, paysans pauvres, petits artisans…), Mao Zedong décrit très précisément les attentes de classe de cette couche. Celle-ci est en effet selon lui une force essentielle de la révolution, vu la faiblesse du prolétariat industriel moderne.
En conclusion :
« Tous les seigneurs de guerre, les bureaucrates, les compradores et les gros propriétaires fonciers qui sont de mèche avec les impérialistes, de même que cette fraction réactionnaire des intellectuels qui en dépend, sont nos ennemis.
Le prolétariat industriel est la force dirigeante de notre révolution.
Nos plus proches amis sont l’ensemble du semi-prolétariat et de la petite-bourgeoisie.
De la moyenne bourgeoisie toujours oscillante, l’aile droite peut être notre ennemie et l’aile gauche notre amie ; mais nous devons constamment prendre garde que cette dernière ne vienne désorganiser notre front » (Idem).
Après cette étude, Mao Zedong va mener une « Enquête dans le Hounan à propos du mouvement paysan« , où il étudie les caractéristiques de la lutte paysanne au cœur même de son bastion. C’est une grande avancée pour le jeune PCC, mais celui-ci possède encore une direction tendant à l’opportunisme de droite, avec comme principale caractéristique la sous-estimation de la nécessaire indépendance du Parti et de l’appui sur les immenses masses paysannes.
Ces deux points avaient pourtant été souligné par l’Internationale Communiste en 1926, ainsi que par Staline lui-même :
« Je sais qu’il y a des gens dans le Kuo Min-Tang et même parmi les communistes chinois qui ne considèrent pas comme possible l’élargissement de la révolution dans les campagnes, qui craignent que l’intégration de la paysannerie dans la révolution enterrerait le front uni anti-impérialiste. C’est une erreur absolue, camarades. Le front anti-impérialiste en Chine sera d’autant plus fort et puissant que la paysannerie chinoise sera rapidement et fondamentalement intégrée dans la révolution » (Staline, Au sujet de la révolution chinoise).
Staline avait également mis en avant le caractère spécifique de la révolution chinoise, rejetant toute interprétation schématique :
« Lénine disait que les Chinois auront bientôt leur 1905. Certains camarades ont compris cela comme si les Chinois devaient avoir une répétition, point par point, de ce qui se passa en Russie en 1905. C’est inexact. Lénine n’a nullement dit que la révolution chinoise serait une copie de la révolution russe de 1905. Il a seulement dit que les Chinois auront leur 1905. Ce qui signifie que la révolution chinoise aura, outre les traits généraux de la révolution de 1905, ses particularités spécifiques qui mettront sur elle leur empreinte spéciale
Quelles sont ces particularités ?
La première est que la révolution chinoise, tout en étant une révolution bourgeoise-démocratique, est également une révolution de libération nationale, dont la pointe est dirigée contre la domination de l’impérialisme étranger en Chine. Par-là elle se distingue d’emblée de la révolution russe de 1905. La domination de l’impérialisme en Chine ne se traduit pas seulement par sa puissance militaire, mais avant tout par le fait que les principales branches de l’industrie chinoise : chemins de fer, fabriques et usines, mines, banques, etc., se trouvent entre les mains des impérialistes étrangers.
Il en résulte que les questions de la lutte contre l’impérialisme étranger et ses agents chinois doivent jouer un rôle prépondérant dans la révolution chinoise. C’est ainsi que la révolution chinoise se rattache directement aux révolutions des prolétaires de tous les pays contre l’impérialisme.
De cette particularité de la révolution chinoise, il en découle une seconde : la grande bourgeoisie indigène est extrêmement faible, incomparablement plus faible que la bourgeoisie russe de la période de 1905. Et c’est compréhensible. Du moment que les principales branches de l’industrie sont concentrées entre les mains des impérialistes étrangers, la grande bourgeoisie chinoise doit être forcément faible et arriérée.
Sous ce rapport, le camarade Mif [Dans son ouvrage « Pour une Chine libre et forte » P. Mif reproche au PCC de négliger lors de son 3ème congrès (juin 1923) les recommandations de l’Internationale Communiste concernant la question paysanne] touchait juste en faisant remarquer que la faiblesse de la bourgeoisie nationale est un des facteurs caractéristiques de la révolution chinoise. Il s’ensuit que l’initiative et la direction de la révolution chinoise, le rôle de leader de la paysannerie chinoise doivent incomber fatalement au prolétariat chinois, plus organisé et plus entreprenant que la bourgeoisie.
Il ne faut pas oublier non plus la troisième particularité de la révolution chinoise qui réside dans le fait qu’à côté de la Chine existe et se développe l’Union Soviétique, dont l’expérience révolutionnaire et l’appui doivent faciliter la lutte du prolétariat chinois contre l’impérialisme et contre les survivances féodales et médiévales » (Staline, Les perspectives de la révolution en Chine, discours à la commission chinoise du comité exécutif de l’Internationale Communiste, 30 novembre 1926).
Staline attaquera vigoureusement la ligne gauchiste qui entend que s’applique en Chine une politique n’ayant rien à voir avec les caractéristiques du pays :
« Il existe certains principes tactiques du léninisme sans la prise en considération desquels il est impossible de diriger justement la révolution ou de vérifier la ligne de l’Internationale Communiste en Chine. Notre opposition a depuis longtemps oublié ces principes. Mais précisément parce que notre opposition est extrêmement oublieuse, il ne faut cesser de les rappeler. En disant cela, je pense aux principes tactiques suivants du léninisme :
• Le principe de prise en considération obligatoire de la particularité nationale de chacun des pays lors de l’élaboration des directives de l’Internationale Communiste pour le mouvement ouvrier de ces pays ;
• Le principe de l’utilisation absolue par le parti communiste de chaque pays des moindres possibilités pour assurer au prolétariat un allié de masse même s’il n’est que temporaire, hésitant, éphémère et peu sûr ;
• Le principe de la prise en considération absolue de cette vérité que, pour l’éducation politique de ces masses se chiffrant par millions, la propagande et l’agitation seules ne suffisent pas, que pour cela, les propres expériences politiques des masses sont également nécessaires.
J’estime que la prise en considération de ces principes tactiques du léninisme sont la condition indispensable sans laquelle toute vérification marxiste de la ligne de l’Internationale Communiste dans la révolution chinoise est impossible.
Examinons donc les questions de la révolution chinoise à l’aide de ces principes tactiques.
En dépit de la croissance idéologique de notre parti, il y existe encore, malheureusement, une certaine catégorie de « chefs » qui croient sincèrement qu’on peut diriger la révolution en Chine pour ainsi dire par voie télégraphique, en se basant sur les principes généraux de l’Internationale Communiste, bien connus et reconnus par tout le monde, sans compter avec les particularités nationales de l’économie chinoise, de la structure politique chinoise, de la culture chinoise, des us et des coutumes et de la tradition chinoise.
Ces « chefs » se distinguent des véritables chefs précisément par le fait qu’ils ont toujours deux ou trois formules toutes faites dans leurs poches, des formules « s’appliquant » à tous les pays et « obligatoires » dans toutes les conditions.
La question de la particularité nationale et de la spécificité nationale de chaque pays n’existe pas pour eux. Pour eux, n’existe pas non plus la question de la liaison des principes généraux de l’Internationale Communiste aux particularités nationales du mouvement révolutionnaire des différents pays, l’adaptation des principes généraux de l’Internationale Communiste aux particularités nationales et d’Etat des différents pays.
Ils ne comprennent pas que la tâche principale de la direction consiste actuellement, après que les partis communistes ont grandi, sont devenus des partis de masse, à découvrir, à comprendre les particularités nationales du mouvement des différents pays et à les relier raisonnablement aux principes généraux de l’Internationale Communiste afin de faciliter ainsi la mise en pratique des buts principaux actuellement réalisables du mouvement communiste. D’où la tentative de façonner la direction dans tous les pays, d’après le même modèle. D’où la tentative de la transplantation mécanique de quelques formules générales sans tenir compte des conditions concrètes du mouvement dans les différents pays » (Staline, Remarques sur les questions actuelles, discours à la session d’août 1927 du comité central du PC de l’URSS (bolchévik).
Staline ne se contente pas de critiquer la mauvaise méthode de l’opposition trotskyste, il met également en avant la différence d’analyse de la société chinoise :
« L’opposition ne remarque pas que la particularité de l’économie chinoise ne consiste pas dans la pénétration du village par le capital commercial, mais dans la liaison entre la domination des restes féodaux et l’existence du capital commercial au village chinois, et dans la conservation des méthodes féodales, moyenâgeuses d’exploitation et d’oppression de la paysannerie.
L’opposition ne conçoit pas que toute la machinerie militaire et bureaucratique actuelle en Chine qui pille et opprimer la paysannerie chinoise d’une façon inhumaine, n’est en somme que la superstructure politique de cette liaison entre la domination des restes féodaux et les méthodes d’exploitation féodales avec l’existence du capital commercial au village (…).
Vouloir nier, après tout cela, l’existence des restes féodaux et d’un système féodal d’exploitation comme forme principale d’exploitation dans le village chinois, vouloir nier, après tout cela, que la révolution agraire est maintenant la chose capitale du mouvement révolutionnaire chinois – cela voudrait dire nier des faits manifestes » (Staline, Ibidem).
Mais cette négation de faits manifestes a lieu, une bonne partie de la direction du PCC était influencée par les thèses anti-léninistes, trotskystes, qui nient le rôle de la paysannerie.
Cette grave déviation va profiter d’une mauvaise interprétation de la ligne de l’Internationale Communiste. Celle-ci prônait le travail avec le Kuo Min-Tang, à la condition expresse que l’indépendance du Parti soit préservée. Elle avait ainsi invité des délégués du Kuo Min-Tang au Congrès de Moscou des Travailleurs de l’Orient en 1922.
Ainsi, en 1923, le PCC décide à son troisième congrès d’appeler à l’adhésion individuelle du Kuo Min-Tang ; l’écho est grand et le Kuo Min-Tang à son congrès de janvier 1924 dénonce le militarisme et l’impérialisme, reprenant également les « trois nouvelles politiques » : coopération avec le PCC, alliance avec l’URSS, soutien au mouvement ouvrier et paysan.
Mais aucun travail n’est effectué pour analyser précisément les ennemis et les alliés de la révolution. Le PCC va par conséquent développer une politique basée sur la confiance en le caractère révolutionnaire du Kuo Min-Tang, le parti de la bourgeoisie chinoise.
Le résultat est que l’énorme mouvement de masse, qui culmine en 1926-27 avec les communes (Shanghai, Canton), est écrasé par la gauche du Kuo Min-Tang, qui s’est ralliée à la droite de ce parti. Le mouvement ouvrier est écrasé dans le sang.
La répression à la mi-avril 1927 du mouvement ouvrier de Shanghai (ville bastion de la bourgeoisie) et en décembre de la commune de Canton a coupé toute entente possible entre le KMT et le PCC. Le « Li Li-sanisme », qui donne la priorité aux insurrections urbaines, est une conception éliminée pour un temps.
a) Le début de la lutte armée et la longue marche (1927-1935)
Après l’écrasement du mouvement ouvrier, les communistes de Chine se regroupent dans les Monts Tsingkiang, formant une base rouge. Le point de départ théorique est l’œuvre de Mao Zedong, qui en octobre 1928 fait publier un ouvrage résumant cette nouvelle stratégie.
Dans « Pourquoi le pouvoir rouge peut-il exister en Chine ?« , Mao analyse la situation politique du pays, et justifie l’établissement du pouvoir rouge dans certaines zones. Il s’agit de profiter de la domination indirecte de l’impérialisme sur le pays, de la situation de guerre imposée par la concurrence des anciens et des nouveaux seigneurs de guerre, de l’existence d’une économie agricole locale, et de la division du pays en zones d’influence impérialiste.
Pour cela, il faut également que l’évolution de la situation révolutionnaire à l’échelle nationale aille dans un sens positif, que le Parti Communiste mène une politique juste, que l’Armée Rouge soit extrêmement bien organisée, et ne consiste pas en de simples détachements.
Après ces analyses, Mao explique pourquoi dans telle ou telle région l’établissement du pouvoir populaire est possible, explication qu’il reprendra très précisément dans le texte « La lutte dans les monts Tsingkiang« , où il analyse les problèmes militaires, agraires, les questions du pouvoir politique, de l’organisation du Parti, le caractère de la révolution, la question de la localisation de la base révolutionnaire.
La question de violence révolutionnaire en Chine avait déjà été soulignée par Staline :
« Les révolutionnaires chinois, les communistes y compris, doivent étudier avec une attention toute particulière l’art militaire. Ils ne doivent pas considérer les questions militaires comme secondaires, parce que celles-ci constituent à présent le facteur le plus important de la révolution chinoise » (Staline, Discours à une séance de la commission chinoise du 7ème plénum élargi du Comité exécutif de l’Internationale Communiste, novembre 1926.).
Mao Zedong a de fait développé une tactique militaire adaptée aux conditions concrètes de la révolution chinoise. Comme il le dit dans « Une étincelle peut mettre le feu à toute la plaine« , où il réexplique les principes fondamentaux de la guerre révolutionnaire en Chine ; il y cite la lettre du Comité du Front au Comité Central :
« La tactique que nous avons dégagée de la lutte de ces trois dernières années diffère réellement de tout ce qui s’est fait jusqu’à présent dans tous les pays et à toutes les époques. Grâce à notre tactique, la lutte des masses se développe en ampleur, et l’adversaire le plus puissant ne peut venir à bout de nos forces.
Notre tactique, c’est celle de la guerre de partisans.
Elle se ramène, pour l’essentiel, aux principes suivants :
• Disperser les forces pour soulever les masses, concentrer les forces pour faire face à l’ennemi.
• L’ennemi avance, nous reculons ; l’ennemi s’immobilise, nous le harcelons ; l’ennemi s’épuise, nous le frappons ; l’ennemi recule, nous le pourchassons.
• Pour créer des bases révolutionnaires stables, recourir à la tactique de la progression par vagues. Au cas où l’on est talonné par un ennemi puissant, adopter la tactique qui consiste à tourner en rond.
• Dans le minimum de temps, avec les meilleures méthodes, soulever les masses les plus larges.
En somme, c’est la tactique du filet de pêche qu’il faut savoir lancer ou retirer à tout moment ; on le lance pour la conquête des masses, on le retire pour faire face à l’ennemi. Telle est la tactique dont nous nous sommes constamment servis au cours des trois dernières années » (Mao Zedong, Une étincelle peut mettre le feu à toute la plaine).
Les premières années de lutte armée, l’armée rouge tente surtout d’éviter les politiques d’anéantissement du KMT. En 1931, les impérialistes japonais interviennent directement, occupant le nord-est de la Chine (la Mandchourie).
Ils sont immédiatement confrontés à une guerre de partisans menée par les communistes. Le Kuo Min-Tang, continue quant à lui simplement sa lutte contre le PCC, sans attaquer les japonais, et doit faire face à de nombreuses désertions de ses membres qui rejoignent les partisans communistes. En novembre a lieu le premier congrès panchinois des soviets, où est proclamée la République soviétique chinoise, avec Mao Zedong comme président.
En 1932 le Parti est dirigé par Wang Ming, qui développe une ligne déviationniste remettant l’accent sur les villes et aboutissant à l’affaiblissement de la base rouge.
En conséquence, alors qu’en 1932 le PCC avait pu repousser les 500.000 soldats du KMT, en octobre 1933 Mao Zedong dut lancer la « longue marche » afin d’éviter l’écrasement par la 5ème campagne d’encerclement mené par Tchiang Kaï-Chek.
Des 100.000 soldats de l’armée rouge, seulement 35.000 arrivèrent à bon port.
En 1935, à une session élargie du bureau politique, Mao Zedong est nommé responsable du Parti. Il fait alors un rapport qui est un véritable texte stratégique d’une vingtaine de pages, intitulé « La tactique de la lutte contre l’impérialisme japonais« .
Mao Zedong durant la Longue marcheIl y analyse la situation nationale, et constate le développement du mouvement révolutionnaire, y défend le principe du « front uni national » et celui d’une république populaire aux objectifs anti-impérialistes et anti-féodaux, et intégrant donc des classes autres que la classe ouvrière et la paysannerie.
b) La résistance anti-japonaise (1936-1945)
En 1936 Mao Zedong publie le long texte « Problèmes stratégiques de la guerre révolutionnaire« . Il y développe une analyse matérialiste historique des guerres, montre l’existence et la validité de celle-ci en Chine et la manière de la mener.
« Les lois de la guerre sont un problème que doit étudier et résoudre quiconque dirige une guerre.
Les lois de la guerre révolutionnaire sont un problème que doit étudier et résoudre quiconque dirige une guerre révolutionnaire.
Les lois de la guerre révolutionnaire en Chine sont un problème que doit étudier et résoudre quiconque dirige une guerre révolutionnaire en Chine.
Nous faisons actuellement la guerre ; notre guerre est une guerre révolutionnaire et celle-ci est menée en Chine, c’est-à-dire dans un pays semi-colonial et semi-féodal. C’est pourquoi nous devons étudier non seulement les lois de la guerre en général, mais également les lois spécifiques de la guerre révolutionnaire et les lois spécifiques particulières de la guerre révolutionnaire en Chine.
Personne n’ignore que, quelle que soit la chose qu’on fait, on ne peut connaître les lois qui la régissent, on ne sait comment l’entreprendre et on n’arrive à bien la faire que si l’on en comprend les conditions, le caractère et les rapports avec les autres choses.
La guerre qui a commencé avec l’apparition de la propriété privée et des classes est la forme suprême de lutte pour résoudre, à une étape déterminée de leur développement, les contradictions entre classes, entre nations, entre Etats ou blocs politiques. Si l’on ne comprend pas les conditions de la guerre, son caractère, ses rapports avec les autres phénomènes, on ignore les lois de la guerre, on ne sait comment la conduire, on est incapable de vaincre.
La guerre révolutionnaire, qu’elle soit une guerre révolutionnaire de classe ou une guerre révolutionnaire nationale, outre les conditions et le caractère propres à la guerre en général, a ses conditions et son caractère particuliers, et c’est pourquoi elle est soumise non seulement aux lois de la guerre en général, mais également à des lois spécifiques. Si l’on ne comprend pas les conditions et le caractère particuliers de cette guerre, si l’on en ignore les lois spécifiques, on ne peut diriger une guerre révolutionnaire, on ne peut y remporter la victoire.
La guerre révolutionnaire en Chine, qu’il s’agisse d’une guerre civile ou d’une guerre nationale, se déroule dans les conditions propres à la Chine et se distingue de la guerre en général ou de la guerre révolutionnaire en général, par ses conditions et son caractère particuliers. C’est pourquoi elle a, outre les lois de la guerre en général et les lois de la guerre révolutionnaire en général, des lois qui lui sont propres. Si l’on ne connaît pas toutes ces lois, on ne peut remporter la victoire dans une guerre révolutionnaire en Chine.
C’est pourquoi nous devons étudier les lois de la guerre en général, les lois de la guerre révolutionnaire et, enfin, les lois de la guerre révolutionnaire en Chine » (Mao Zedong, Problèmes stratégique de la guerre révolutionnaire).
Mao Zedong part du primat de la pratique, ce qui est essentiel, c’est l’aspect pratique, révolutionnaire.
« Etudier dans les livres, c’est une façon d’apprendre ; appliquer ce qu’on a appris, c’en est une autre, plus importante encore. Notre méthode principale, c’est d’apprendre à faire la guerre en la faisant » (Mao Zedong, Ibidem).
Reprenant l’historique de la lutte armée du PC de Chine, Mao Zedong constate la nécessité de s’orienter constamment par rapport à l’objectif politique :
« La guerre révolutionnaire de 1924-1927 s’est déroulée, on peut le dire, dans des conditions où le prolétariat international et le prolétariat chinois exerçaient avec leurs partis une influence politique sur la bourgeoisie nationale chinoise et son parti et établissaient avec ces derniers une coopération politique.
Mais à un moment critique de la révolution et de la guerre, au premier chef en raison de la trahison de la grande bourgeoisie, et aussi du fait que les opportunistes, dans les rangs révolutionnaires, ont d’eux-mêmes renoncé à la direction de la révolution, cette guerre révolutionnaire s’est soldée par une défaite.
La Guerre révolutionnaire agraire, qui a commencé en 1927 et qui se poursuit encore actuellement, se déroule dans de nouvelles conditions. L’ennemi, dans cette guerre, n’est pas seulement l’impérialisme, mais aussi le bloc formé par la grande bourgeoisie et les grands propriétaires fonciers. La bourgeoisie nationale s’est mise à la remorque de la grande bourgeoisie.
C’est le Parti Communiste seul qui dirige cette guerre, où il a déjà assuré son hégémonie absolue. Cette hégémonie sans partage du Parti Communiste constitue la condition essentielle de la poursuite ferme et conséquente de la guerre révolutionnaire. Si le Parti Communiste n’exerçait pas cette hégémonie, il serait inconcevable que la guerre révolutionnaire puisse avoir ce caractère opiniâtre » (Mao Zedong, Ibidem.).
Ayant défini les principes généraux de la guerre et décrit comment le PCC a assumé cette tâche, Mao Zedong explique alors les principes de la guerre populaire : défense active, retraite stratégique, contre-offensive, guerre de mouvement, de décision rapide et d’anéantissement…
Mao Zedong nous dit, à propos de la Guerre Populaire, comparant le point de vue bourgeois et le point de vue révolutionnaire :
« En d’autres termes, vous comptez sur les armes modernes et nous nous appuyons sur un peuple à haute conscience révolutionnaire ; vous mettez votre supériorité à contribution et nous faisons de même avec la nôtre ; vous avez votre manière d’attaquer et nous avons la nôtre : lorsque vous voulez nous attaquer, nous ne vous laissons pas nous toucher et vous ne pouvez même pas fondre sur nous.
Mais lorsque nous nous voulons vous attaquer, nous sommes certains de vous atteindre, et nous frappons juste et vous anéantirons. Nous vous éliminons lorsque nous le pouvons ; lorsque nous ne pouvons pas vous éliminer, nous ne nous laissons pas non plus éliminer par vous. Ne pas se battre lorsqu’on peut gagner est de l’opportunisme. Et s’obstiner à combattre lorsqu’on ne peut vaincre est de l’aventurisme.
Tous nos principes stratégiques et tactiques reposent sur ce point fondamental – attaquer. La nécessité du repli est subordonnée aux nécessités de l’attaque. Car chaque repli vise à attaquer l’ennemi et à l’anéantir une fois pour toutes. L’application de cette stratégie et de ces tactiques n’est possible que par l’appui sur les larges masses populaires.
Et leur pratique nous permet d’user au maximum de la supériorité de la guerre populaire et de garder l’initiative tout au long de la guerre, en acculant l’ennemi à la passivité qui le fait s’exposer aux coups, quelle que soit sa supériorité sur le plan technique et matériel, quels que soient les moyens auxquels il pourrait recourir ».
Cette compréhension nouvelle de la stratégie révolutionnaire, de la guerre populaire, donne une grande assurance aux communistes de Chine. Les contradictions se développant dans le KMT, le PCC demande alors la libération de Tchiang Kaï-Chek, arrêté par ses propres officiers. Un choix tactique efficace alors que le pays entend combattre les Japonais, mais vit dans une atmosphère anti-communiste, et que l’armée du KMT dispose de 2.9 millions de soldats, l’armée rouge de 30.000.
Un choix qui correspond à la décision du 7ème congrès de l’Internationale Communiste, qui en juillet/août 1935 a appelé à la formation de front le plus large possible dans le cadre de la lutte contre les forces fascistes.
Le PCC signe alors un protocole d’accord avec le KMT. L’armée rouge participe avec l’armée du KMT à la lutte contre les Japonais, comprise comme principale. Mais le PCC est reconnu et continue de diriger l’armée rouge, peut mener un travail légal et conserve sa liberté de critique, cesse la révolution agraire mais garde le contrôle de ses zones rouges.
Ce changement dans l’attitude du KMT est permis par la politique du PCC, mais également par la modification du contexte international. Grosso modo jusqu’en 1939, les impérialistes français, anglais et américains soutiennent les initiatives des pays fascistes contre les pays où les masses populaires se sont soulevées.
C’est le discours sur la « non-intervention » et la « démocratie », qui voile l’écrasement de l’Espagne républicaine et l’agression contre la Chine, et participe à la politique d’union des pays capitalistes contre l’Union Soviétique.
Mais l’Allemagne gagnant du terrain et n’entendant pas se contenter d’une politique anti-soviétique, les impérialistes US, anglais et français furent obligés de s’allier à d’autres forces pour bloquer le Japon et l’Allemagne. Par contre, plus l’Allemagne et le Japon s’affaiblissaient, plus les impérialistes soutiendront la lutte contre les communistes, redevenue principale.
En pratique, le KMT ne respectera pas le principe des accords, attaquant souvent le PCC et les bases rouges, laissant à l’opposé les Japonais en paix. Les grands succès du PCC contre ces derniers amèneront à l’opposé un énorme prestige pour les communistes.
Le texte de Mao Zedong « De la démocratie nouvelle » est dans l’esprit l’opposé du « front populaire » du PC en France : il souligne l’objectif principal et montre que le front est un moyen, pas un but. Dans un texte de 1938 sur le front uni, Mao Zedong critique d’ailleurs la conception des communistes de France, pour qui tout passe par le front et plus rien par le Parti.
c) L’écrasement du Kuo Min Tang (1945-1949)
La capitulation du Japon le 14 août 1945 marque la fin d’une étape pour la lutte du PCC. Ce dernier a gagné en prestige, en force et en qualité. Le congrès d’avril 1945, le 7ème, a montré qu’il y avait 1.200.000 membres ; l’Armée Populaire de Libération a un million de combattant et s’appuie sur 2 millions de milicienNEs.
Mais le KMT a encore une importance immense. Son armée possède 4 millions de soldats, il contrôle les villes et a le soutien massif de l’impérialisme US.
Aussi le PCC propose-t-il la formation d’un gouvernement de coalition, tout en soulignant que » les armes du peuple – chaque fusil et chaque balle – doivent être conservées » (Mao Zedong, A propos des négociations à Tchunking, 1945).
Les négociations échouent, et en juillet 1946, le KMT lance une offensive contre les bases rouges.
Mais ses bases sont travaillées par la propagande du PCC. Rien qu’en 1947 il y a 3.000 grèves ouvrières ; les manifestations anti-impérialistes se multiplient, et finalement dans 17 provinces plus d’un million de paysans se révoltent.
Le PCC arrive à rassembler les masses, non seulement contre le féodalisme et l’impérialisme, mais également contre le Capital bureaucratique qui domine le pays par le KMT. Le PCC peut également socialiser les campagnes, la nécessité de la » retenue » causée par l’alliance anti-japonaise n’existant plus. L’Armée Populaire de Libération passe alors à l’offensive, et en 1949 c’est la prise des villes.
a) La révolution démocratique (1949-1953)
La République Populaire de Chine obtient immédiatement le soutien actif de l’Union Soviétique. De fait dès la mi-décembre 1949 Mao Zedong se rend en URSS. En 1950 sont signés des traités, le plus important étant un traité d’amitié, d’alliance et d’entraide, valable 30 ans et tacitement reconductible toutes les 5 années. L’actualité de la révolution chinoise est connue en URSS, des textes de Mao Zedong publiés.
Il va également de soi que la révolution chinoise n’est pas une révolution comme celle ayant eu lieu en Russie. Elle n’est pas socialiste, mais révolutionnaire démocratique. La révolution démocratique chinoise est un pas vers le socialisme dans le cadre de la révolution ininterrompue.
Mao Zedong dit à ce sujet que :
« Le mouvement révolutionnaire chinois dirigé par le Parti Communiste de Chine est dans son ensemble un mouvement révolutionnaire complet comprenant les deux étapes de la révolution : la révolution démocratique et la révolution socialiste.
La nature de ces deux processus révolutionnaires est différente, et c’est seulement après l’achèvement du premier que nous pouvons travailler à la réalisation du second. La révolution démocratique est la préparation nécessaire à la révolution socialiste, et la révolution socialiste est l’aboutissement nécessaire de la révolution démocratique. Le but ultime de tous les communistes est de lutter pour la réalisation d’une société socialiste, puis communiste » (Mao Zedong, La révolution chinoise et le Parti Communiste de Chine, p.57-58, éditions de Pékin, 1953).
L’abolition de la féodalité avait déjà commencé à être entreprise dans les bases rouges ; elle est menée dans la totalité de la Chine entre 1950-1952, à partir du décret du 30 juin 1950 concernant la réforme agraire, nommé « Loi sur les transformations agraires ».
Les terres des grands propriétaires fonciers sont confisquées sans indemnités, ainsi que leur matériel et les bêtes de traits. Les terres des temples et des monastères sont réquisitionnées. Les terres sont distribuées de manière égale pour chacun, sans distinction d’âge, de sexe ou de nationalité. Toutes les dettes dues aux grands propriétaires fonciers sont abolies.
Au début de 1953, les transformations agraires ont été réalisées dans l’ensemble de la Chine (à l’exception de quelques régions peuplées de minorités nationales), et c’est le commencement de l’organisation des coopératives.
La lutte contre le patriarcat a également lieu de manière radicale. La nouvelle loi sur le mariage, adopté dès 1950, abolit tout le système du pouvoir masculin sur les femmes. Sont interdits la bigamie, la polygamie, les mariages forcés, l’adoption de fillettes à épouser l’un des fils de la famille adoptante. Le divorce est aisé et même plus facile qu’en URSS. En 1951 a lieu une première vaste campagne de masse en faveur de ces nouvelles lois, une seconde en 1953. Il s’agit d’une véritable révolutionnarisation idéologique concernant la vie des masses, leur conception de la vie quotidienne.
Avec ces transformations, la révolution démocratique liquide les restes de féodalité et libère les forces productives. C’est pourquoi le pouvoir démocratique populaire peut parallèlement s’engager dans la voie de la construction du socialisme. La grande industrie et les banques sont nationalisées, ainsi que toutes les entreprises industrielles et commerciales, les moyens de transports et autres biens de l’impérialisme et de la bourgeoisie bureaucratique.
Le nouvel Etat chinois dut par contre affronter une situation très difficile. La Corée avait été divisé en deux zones, et le Nord communiste avait tenté en 1950 de réunifier le pays en chassant les impérialistes américains du Sud, ce qui échoua. Les impérialistes arrivèrent en certains endroits jusqu’à la frontière chinoise, et des « volontaires chinois » combattirent alors avec les armées du nord et repoussèrent l’ennemi jusqu’à revenir au statu quo d’avant la guerre.
b) Le premier plan quinquennal et le début de critique de la politique soviétique (1953-1957)
Au secteur socialiste de l’économie, qui décide de l’orientation générale de l’économie (en fixant les prix, les plans…), s’ajoute un secteur semi-socialiste, formé par les coopératives, qui laissent subsister la propriété privée du sol mais poussent à l’entraide et au travail collectif des paysans.
Le manuel d’économie politique soviétique dit à ce sujet que :
« Dans les conditions concrètes de la Chine, l’emploi large et progressif des formes d’exploitation coopérative transitoires les plus simples permet d’amener avec plus de succès la masse des paysans individuels à la production collective » (Manuel d’économie politique, URSS 1955).
Le Parti Communiste de Chine nous précise cela :
« Afin de développer les forces productives de l’agriculture, le Parti a assigné à son activité dans les campagnes l’objectif central suivant : usant des formes d’action et de méthodes compréhensibles aux paysans et acceptables pour eux, faire l’éducation des masses paysannes et les amener graduellement à se grouper et à s’organiser ;
réaliser progressivement une réorganisation socialiste de l’agriculture, afin de transformer cette dernière, fondée sur la petite exploitation marchande, individuelle et arriérée, en une économie coopérative avancée et hautement productive ;
remédier progressivement à la disproportion entre l’industrie et l’agriculture et donner au paysan la possibilité de s’affranchir progressivement de la misère, de parvenir à une vie aisée et heureuse » (Comité central du PCC, Le développement des coopératives de production agricole, La Chine populaire n°8, 1954, in : Manuel d’économie politique, URSS 1955).
Le secteur de la petite production marchande est encore prépondérant ; il comprend la masse des paysans moyens désormais la plus nombreuse depuis l’abolition des grandes propriétés, ainsi que la production artisanale urbaine. Ce secteur engendre le capitalisme, mais est encadré par l’Etat socialiste.
Le secteur capitaliste privé est composé des petites entreprises capitalistes et commerciales, et joue un rôle important dans l’économie. En 1953, 200.000 entreprises capitalistes emploient 2.750.000 ouvriers, représentant 38% de la production industrielle. Après le plan quinquennal ce chiffre tombera à 12%.
Le développement de l’économie passe par le capitalisme d’Etat, divisé en trois niveaux ou étapes : achats périodiques par les organismes d’Etat de la production à des entreprises capitalistes ; transformation de matières premières ou de biens semi-finis par des entreprises privées sur commandes de l’Etat ; entreprises privées contrôlées par l’Etat.
Comme l’a précisé Lénine, ce capitalisme d’État est
« la continuation de la lutte des classes sous une autre forme et nullement le remplacement de la lutte des classes par la paix entre les classes » (Lénine, l’impôt en nature).
Mao Zedong nous explique que :
« La ligne générale et la tâche centrale du Parti dans cette période de transition, c’est de réaliser progressivement, pendant un temps assez long, l’industrialisation socialiste du pays, de réaliser progressivement la transformation socialiste de l’agriculture, de l’industrie artisanale, du commerce et de l’industrie privée. Cette ligne générale est le phare qui éclaire tout notre travail. Effectuer en dehors d’elle un travail, quel qu’il soit, c’est commettre l’erreur de la déviation de droite ou de la déviation de gauche » (Mao Zedong, La Pravda, 22 juin 1954, in : Manuel d’économie politique, URSS 1955).
Il s’agit de renforcer l’alliance des ouvriers et des paysans en réalisant l’industrialisation socialiste et en réalisant la transformation socialiste de l’agriculture. La contradiction de classe principale est la lutte entre les éléments socialistes et capitalistes urbains et paysans, la classe ouvrière et les masses paysannes avec la bourgeoisie des villes et les paysans riches.
Le plan quinquennal œuvre en ce sens, permettant l’union des forces pour la création de l’industrie lourde, quasi-inexistante, l’impérialisme ayant gardé la Chine dans une situation de retard technique. Il développe les infrastructures, l’agriculture, et prépare la socialisation des entreprises privées et commerciales.
Mais la construction du socialisme en Chine est marquée par un événement : en 1953 c’est la mort de Joseph Staline. Mao Zedong, dans l’article La grande amitié, nous dit ainsi :
« Le plus grand génie de l’époque actuelle, le grand guide du mouvement communiste international, le camarade de lutte de l’immortel Lénine, le camarade Joseph Vissarionovitch Staline, a dit adieu au monde pour toujours.
La contribution du camarade Staline à notre époque, tant sur le plan théorique que le plan de la pratique, est inestimable. Staline était le représentant de toute l’ère nouvelle à laquelle nous appartenons » (Mao Zedong, La grande amitié, Pékin 1953).
A la mort de Staline, c’est le camarade Mao Zedong qui devient de facto le leader du mouvement communiste international. Un télégramme de vœux pour son anniversaire envoyé par le comité central du PC d’Union Soviétique le qualifie de « grand théoricien du marxisme et du léninisme » ; ses œuvres sont traduites et publiées en russe, son portrait est largement publié dans les journaux soviétiques.
Mais les tendances révisionnistes prennent de plus en plus pied dans le PCUS, et les révolutionnaires (Beria, Molotov, Kaganovitch) sont mis de côté ou liquidé, au profit d’une clique guidée par Khrouchtchev.
Ce dernier attaque Staline et la construction du socialisme, remettant en cause la socialisation des campagnes et ouvrant une politique social-impérialiste : social en parole, impérialiste dans les faits.
L’aide à la Chine populaire est stoppée ; les tendances révisionnistes en Chine soutenue. A la conférence nationale du Parti Communiste de Chine (21-31 mars 1955), Kao Kang est en conséquence exclu du Parti pour « multiples déviations et crimes » ; à la Conférence de Bucarest en 1960 Khrouchtchev défendra sa mémoire en tant que partisan de « l’amitié » soviéto-chinoise.
Le 17 avril 1955 c’est la conférence de Bandoeng, rassemblant les « non-alignés », c’est-à-dire une importante partie des pays du « 1/3 monde ». Chou En-Lai, y est le représentant de la Chine populaire. Mais la conférence avait d’énormes limites, en raison de la présence de régimes anti-communistes nombreux (Pakistan, Vietnam du sud…).
Le PCC entendait jouer sur les contradictions internes des pays du « 1/3 monde » et ne pas attaquer de front.
Ce souci de ne pas heurter de front est le même que pour les rapports avec l’URSS, puisqu’il s’agit de gagner les révolutionnaires déboussolés par l’arrivée au pouvoir des révisionnistes.
Mao a longuement développé la position révolutionnaire sur Staline, expliquant les grands apports de Staline et ses erreurs concernant la compréhension de la dialectique. C’est la position de la plupart des Partis Communistes d’Asie, à l’opposé de ceux d’occident où les cliques révisionnistes suivent Khrouchtchev (Browder aux USA, Thorez en France, Togliatti en Italie).
Tactiquement, pour ne pas heurter de front le mouvement communiste international suivant la position du PC d’Union Soviétique, Mao soutient la critique de Staline mais la considère comme erronée.
C’est cette position qui est développée par le PCC, qui publie le 5 avril 1956 dans le Quotidien du peuple un texte intitulé » A propos de l’expérience historique de la dictature du prolétariat« . Il s’agit d’une approbation de l’autocritique du PCUS au sujet de Staline, tout en valorisant le parcours historique de l’URSS et le rôle de Staline.
A l’ouverture du 8ème congrès du PCC, Mao Zedong dira ainsi que :
« Bien des thèses politiquement justes ont été énoncées au récent XXème congrès du PC soviétique et des erreurs dans le parti ont été condamnées ».
Tout en réaffirmant la nécessité de défendre Staline, Mao Zedong et le PCC louvoient, cherchant à démasquer les révisionnistes.
L’intervention militaire en Hongrie et la politique de l’URSS vis-à-vis de la Pologne vont alors mettre définitivement sens dessus-dessous le mouvement communiste international. C’est l’occasion pour le PCC de gagner un immense prestige en critiquant le PCUS sur les questions de principe, critique que le PCUS va être obligé d’accepter devant la pression du mouvement communiste international, tout en gardant une rancune tenace devant cet état de fait.
Comme le raconte le Quotidien du peuple :
« Les événements les plus saillants qui se sont produits durant cette période concernent les relations soviéto-polonaises et la rébellion contre-révolutionnaire en Hongrie.
Ils sont différents de par leur nature, mais dans les deux cas, la direction du PCUS a commis de graves erreurs. Elle a commis l’erreur du chauvinisme de grande puissance, en mobilisant des troupes pour soumettre par la force les camarades polonais. Au moment critique où les forces contre-révolutionnaires de Hongrie occupaient Budapest, la direction du PCUS avait tenté à un moment donné d’adopter une politique de capitulation et d’abandonner la Hongrie socialiste à la contre-révolution.
Ces erreurs commises par la direction du PCUS ont donné lieu à des activités effrénées parmi tous les ennemis du communisme, créant de graves difficultés à bon nombre de partis frères et portant un sérieux préjudice au mouvement communiste international.
Face à une telle situation, les communistes chinois, avec d’autres partis frères qui s’en tiennent fermement au marxisme-léninisme, ont soutenu avec force, qu’il fallait repousser l’offensive de l’impérialisme et de la réaction en vue de sauvegarder le camp socialiste et le mouvement communiste international.
A ce moment-là, nous préconisions énergiquement l’adoption de toute mesure s’avérant nécessaire pour écraser la rébellion contre-révolutionnaire et nous étions fermement contre l’abandon de la Hongrie socialiste. Nous soutenions avec force qu’il fallait adopter des principes corrects pour régler les problèmes existant entre partis frères, renforcer l’unité du camp socialiste, rejeter résolument les méthodes erronées du chauvinisme de grande puissance. En même temps, nous avons fait de grands efforts pour sauvegarder le prestige du PCUS.
La direction du PCUS fit sienne notre proposition. Et dans la « Déclaration sur le développement et le renforcement continuel des bases de l’amitié et de la coopération entre l’Union soviétique et les autres pays socialistes« , publiée le 30 octobre 1956 par le gouvernement soviétique, elle fit un examen de certaines erreurs qu’elle avait commises dans le règlement des rapports entre pays frères. Le 1er novembre, le gouvernement chinois fit une déclaration, soutenant celle du gouvernement soviétique » (Quotidien du peuple, 1963).
Par la suite, le PCUS s’abstint pour quelques temps d’intervenir au niveau du Mouvement Communiste International, et laissa faire la Yougoslavie titiste, qui approuvait la seconde phase de l’intervention soviétique en Hongrie, tout en accusant la « fraction stalinienne » d’être la cause de l’insurrection hongroise.
L’éditorial du Quotidien du peuple du 29 décembre 1956 ne prend pas de gants comme avec l’URSS et se permet d’accuser ouvertement la Yougoslavie « d’exagérer les erreurs de Staline« , de « déplacer le problème« , de parler « à la manière des bourgeois« , et affirme :
« On peut dire simplement, si l’on veut parler de stalinisme, que le stalinisme, c’est tout d’abord le communisme, le marxisme-léninisme » (Quotidien du peuple, 29 décembre 1956).
En janvier 1957, Chou En-Lai se rendit en Asie, puis à Moscou, Varsovie et Budapest. Une déclaration fut signée avec Khrouchtchev, affirmant que :
« En accordant son aide au peuple hongrois, l’Union soviétique a rempli le devoir que lui dictait l’internationalisme (…).
Les pays socialistes sont unis par l’idée et la cause du communisme. Leurs relations sont fondées sur la doctrine marxiste-léniniste, sur les principes de l’internationalisme prolétarien. De telles relatons sont des relations internationales d’un type nouveau. Elles sont subordonnées à un intérêt supérieur, celui de la victoire à remporter dans la lute générale contre l’impérialisme, dans la lutte pour le socialisme des différents pays, pour le triomphe final du communisme ».
En novembre 1957 eut lieu à Moscou une conférence secrète des partis communistes des 12 pays socialistes, puis une conférence réunissant les 68 partis communistes du monde. Le PCUS tentait de regagner son prestige, et le PCC profitait de cela pour pousser le PCUS à accepter une orientation allant dans un sens anti-révisionniste.
Le lancement des deux premiers Spoutnik fut qualifié par Mao de « nouveau tournant de l’histoire » et devant les représentants des 68 Partis Communistes il affirma que :
« J’estime que la situation internationale est arrivée à un nouveau tournant. Il y a maintenant deux vents dans le monde : le vent d’Est et le vent d’Ouest. Selon un dicton chinois, » ou bien le vent d’Est l’emporte sur le vent d’Ouest, ou c’est le vent d’Ouest qui l’emporte sur le vent d’Est « . A mon avis, la caractéristique de la situation actuelle est que le vent d’Est l’emporte sur le vent d’Ouest, ce qui signifie que les forces socialistes ont acquis une supériorité écrasante sur les forces des impérialistes » (Mao Zedong, citation de la conférence in : éditorial du Drapeau rouge et du Quotidien du peuple, 18 novembre 1963).
Mao Zedong réussit à faire en sorte que la conférence approuve la possibilité, en plus de la « voie pacifique au socialisme » prônée par le révisionnisme dans la lignée du XXème congrès, « la voie du passage non pacifique », puisque :
« le léninisme enseigne et l’expérience historique confirme que les classes dominantes n’abandonnent pas de bon gré le pouvoir ».
Mais l’équilibre ne pourra être que précaire entre la Chine populaire révolutionnaire et l’URSS révisionniste.
c) Les cent fleurs et le mouvement de rectification (1957)
A la mi-janvier 1956, le PCC tient une conférence ; le fait est que le PCC a des problèmes dans sa liaison organique avec les masses, la critique est parfois évitée voire carrément refusée par des cadres du parti.
Le Quotidien de Pékin reprend le thème le 21 mars de la même année, et c’est finalement Mao Zedong qui développe la thématique des « cents fleurs » dans un discours tenu le 2 mai 1956 : « Que cent fleurs s’épanouissent et que cent opinions s’affrontent « . Le 19 juin 1957 paraît finalement dans le Quotidien du Peuple le texte « De la juste solution des contradictions au sein du peuple« .
Mao Zedong explique dans cet important texte qu’il faut bien faire attention aux différentes sortes de contradictions sociales. Il dit ainsi :
« Les contradictions entre nous et nos ennemis sont des contradictions antagonistes.
Au sein du peuple, les contradictions entre travailleurs ne sont pas antagonistes et les contradictions entre classe exploitée et classe exploiteuse présentent, outre leur aspect antagoniste, un aspect non antagoniste.
Les contradictions au sein du peuple ne datent pas d’aujourd’hui, mais leur contenu est différent dans chaque période de la révolution et dans la période de l’édification socialiste » (Mao Zedong, De la juste solution des contradictions au sein du peuple).
Mao Zedong avance alors une thèse précise quant à la bourgeoisie nationale. Pour lui l’ennemi est en cette phase l’impérialisme, le féodalisme et le capitalisme bureaucratique. Il est possible d’intégrer la bourgeoisie nationale dans cette phase de construction du socialisme, à la condition qu’une politique intelligente soit menée. Si celle-ci est menée de manière erronée, ou si la bourgeoisie nationale refuse cette politique, alors la contradiction avec elle deviendra antagonique.
Il souligne également la nécessité de ne pas résoudre les problèmes de manière administrative. Il dit à ce sujet :
« Nous sommes pour une liberté qui s’accompagne d’une direction et pour une démocratie à direction centralisée, mais cela ne signifie nullement qu’on puisse recourir à la contrainte pour résoudre les questions idéologiques et les questions portant sur la distinction entre le vrai et le faux qui surgissent au sein du peuple.
Tenter de résoudre ces questions au moyen d’ordres administratifs est non seulement inefficace, mais nuisible. Nous ne pouvons supprimer la religion avec des ordres administratifs, ni obliger ni les gens à ne pas croire. On ne peut obliger les gens à renoncer à l’idéalisme ni à croire au marxisme.
Toute question d’ordre idéologique, toute controverse au sein du peuple ne peut être résolue que par des méthodes démocratiques, par la discussion, la critique, la persuasion, l’éducation ; on ne peut la résoudre par des méthodes coercitives et répressives » (Ibidem).
Il va de soi que la gestion des affaires d’Etat présuppose un aspect administratif, mais cela va de pair avec l’éducation. Mao résume ce concept en les termes « Unité – lutte – unité ». Il s’agit d’avancer tout en maintenant l’unité.
Le mouvement des cent fleurs vise à ce que les masses s’expriment ; il faut rejeter les « fleurs vénéneuses » et faire en sorte que le peuple s’exprime véritablement. Mais les contre-révolutionnaires profitent des cent fleurs afin de lancer une offensive, à laquelle répond un mouvement de rectification.
Ce dernier concerne 100.000 contre-révolutionnaires et mauvais éléments (les premiers étant 65.000), dont 5.000 membres du parti.
Cette lutte contre les déviations droitières dure jusqu’en avril 1958 après avoir été lancée par le Quotidien du Peuple du 8 juin 1957. Par la suite, en été, le Parti lance le thème de la défense des trois drapeaux rouges :
• Le premier drapeau consiste en « la ligne générale de la construction socialiste » ;
• Le second drapeau consiste en « le grand bond en avant » ;
• Le troisième drapeau consiste en les « communes populaires ».
a) Le grand bond en avant (1958)
L’année 1958 est une année très importante pour le socialisme en Chine, car c’est le début de développements originaux dans la construction du socialisme. Le 29 août 1958, le Comité Central adopte une « Résolution sur l’établissement des communes populaires dans les régions rurales« .
Trois objectifs essentiels motivaient cette résolution :
• réaliser la « collectivisation de la vie », afin de contribuer au processus de libération de la femme et à la lutte contre l’individualisme (en pratique : création de réfectoires, de blanchisseries, de jardins d’enfants, etc.) ;
• créer une unité entre l’organisation économique et l’organisation politique : les organes exécutifs des districts fusionnent avec ceux des coopératives, la compétence de la commune devenant générale (économique, civile, militaire avec les milices…) ;
• avancer vers le communisme dans le mode de répartition, en passant de « à chacun selon son travail » à « chacun selon ses besoins » : création de services communautaires et extension de leur gratuité, avancée dans l’égalité des salaires, répartition des produits disponibles selon les besoins.
Initialement 740.000 coopératives socialistes furent fusionnées en 24.000 communes, puis finalement en 74.000. Le mouvement des communes urbaines s’arrêta par contre relativement vite en raison de l’impréparation.
Ce mouvement des communes est parallèle au grand bond en avant : une véritable révolution est effectuée dans le mode de pensée concernant la gestion du travail. La création des communes populaires en 1958 fut le plus audacieux et le plus controversé des bonds en avant de la Chine de Mao. Ce fut elle qui déclencha la lutte entre les deux lignes à l’intérieur du pays. La rupture radicale entraînant une mutation dans la mentalité paysanne eut lieu en 1956, quand ont persuada les paysans propriétaires de renoncer à la propriété de la terre, des instruments aratoires et des animaux de trait.
Les conditions qui rendirent ce changement possible sont aux nombres de deux : tout d’abord les pays pauvres et moyens pauvres, majoritaires, ne possédant rien, ne perdaient rien. Deuxièmement, l’éducation que ceux-ci avaient acquise au cours de ces années leur permettait de faire entendre leur voix.
Les paysans moyens et riches ne manquèrent pas de s’opposer à ces mesures. La Révolution Culturelle démontra que des dissensions à cet égard existaient jusqu’aux échelons supérieurs du parti. C’est une des raisons de l’opposition de Mao à la thèse de Liou Shao-chi selon laquelle la lutte des classes disparaîtra une fois consolidé le pouvoir socialiste.
Les communes populaires devaient assumer la gestion des coopératives, les charges de l’administration locale et promouvoir l’industrie de la région. Le passage des équipes d’entraide aux communes populaires révélait la possibilité, pour un peuple motivé, de « forcer la main à l’histoire« . Il n’est pas réaliste de croire qu’on obtint cela par la contrainte. Il n’y aurait jamais eu assez de fusils pour obtenir de plus de 500 millions de paysans qu’ils s’attellent à une tâche qu’ils renâclent. Et de toute façon, les paysans détenaient les fusils !
Les communes étaient organisées sur trois niveaux : l’équipe, la brigade et la commune.
A chacun de ces niveaux, on élisait régulièrement un comité de direction : « corps dirigeant » au niveau de l’équipe, « comités révolutionnaires » au niveau des brigades et des communes. Le noyau autour duquel s’organisaient toutes les activités était l’équipe : c’était elle qui déterminait les modalités et les objectifs de la mise en valeur des terres, qui fixait le système des normes de travail, qui rémunérait chaque tâche en fonction du nombre de points de travail qui lui était attribué.
Les membres de l’ « organe dirigeant » travaillaient aux champs comme tout le monde, leur travail administratif était rémunéré par un certain nombre de points, en fonction de la norme fixée pour cette tâche par les membres de l’équipe.
La brigade correspondait généralement aux coopératives avancées et se chargeait de travaux qui excédaient les possibilités des équipes : certains travaux hydrauliques, l’exploitation de moulins à riz, d’usines alimentaires, d’ateliers de réparation, de machines agricoles, la surveillance des écoles primaires et des petites infirmeries.
Les membres des comités révolutionnaires étaient des ouvriers agricoles à temps complet. Au sommet de la pyramide se trouvait le comité révolutionnaire de la commune qui assumait les tâches débordant les possibilités de la brigade : la gestion d’atelier, de réparations pour les tracteurs et pour le gros matériel, d’usines hydroélectriques, de fabriques d’engrais, etc.
Le comité révolutionnaire exerçait également dans le domaine administratif et militaire ; il était chargé de l’enseignement secondaire et technique et des infirmeries, capables de dispenser des soins chirurgicaux élémentaires. Les membres du comité révolutionnaire communal étaient pratiquement des fonctionnaires de l’administration à temps complet, mais ils étaient tenus de travailler aux champs au moins deux mois par an, pour se prémunir contre le virus bureaucratique. Leur traitement annuel était sujet au même barème que celui appliqué aux autres membres de la commune : travail fourni, attitude envers le travail et les camarades.
La structure de l’exécutif communal avait été conçue pour empêcher l’émergence d’une classe mandarinale : élection démocratique de l’équipe dirigeante, droit de révoquer à n’importe quel moment tout membre jugé incompétent.
On pourrait reprendre la définition des communes populaires formulées dans le numéro de janvier 1972 de la revue Chine en reconstruction :
« Conçue comme l’unité de base de la société socialiste chinoise et du pouvoir politique prolétarien dans les campagnes… la commune populaire est une organisation sociale de type nouveau qui unifie les domaines politique, économique, militaire et culturel. »
Le terme de « pouvoir politique prolétarien » est juste car l’immense majorité de la paysannerie chinoise n’était pas propriétaire, elle ne vivait que de la vente de sa force de travail aux propriétaires terriens. Après la création des coopératives socialistes, les revenus furent distribués au prorata du travail fourni et les paysans assumèrent la gestion de leur propre politique.
En fait, les communes n’étaient pas un saut dans l’inconnu, leur réussite en agriculture en est un témoignage, car pour la première fois de leur vie, les paysans chinois vont pouvoir manger à leur faim et produire des excédents.
A la fin de l’année 1968 le Quotidien du Peuple dira ainsi :
« Le rapide développement de notre économie nationale en 1958 montre le caractère correct de la politique du Parti qui, tout en mettant l’accent sur le développement de l’industrie lourde, veut développer simultanément l’industrie légère, » faire un bond en avant » dans tous les domaines et surtout dans celui de la production de l’acier, développer simultanément l’industrie nationale et l’industrie locale, les grandes, les moyennes et les petites entreprises, employer à la fois les méthodes locales et les méthodes étrangères, comme est correcte également la méthode qui consiste à associer la direction centralisée de la production industrielle aux mouvements de masse, en un mot, la méthode qui consiste à marcher avec ses deux pieds et non seulement avec un pied ou un pied et demi » (Le Quotidien du Peuple, 17 décembre 1958).
Le PCC montre sa capacité à mobiliser les masses, et celles-ci montrent leur capacité à comprendre le sens de la « bataille pour la production ». Mais le mouvement fut grisé par le succès, et une importante quantité de mauvais acier fut produite lorsque la lutte pour l’acier se généralisa au pays tout entier par l’utilisation de petits hauts-fourneaux.
Le « grand bond en avant » est une cible particulière de la propagande impérialiste. Les raisons en sont évidentes : l’impérialisme préfère une Inde dépendante mourant de faim à une Chine socialiste. L’ouvrage « Les forçats de la faim dans la Chine de Mao » (Jasper Becker, L’Esprit Frappeur 1999) considère par exemple qu’il y a eu 30 millions de morts, grugeant en fait les chiffres du taux de natalité. La vérité est bien sûr toute autre. Si famine il y a eu, c’est en raison de la situation générale de la Chine.
Visitant en 1964 la commune populaire de Yang-Ling, dans la province du Shaanxi, l’agronome René Dumont rappelle la situation qui prévalait auparavant :
« En 1929, une famine effroyable a sévi sur la région qui aurait fait mourir 40% de la population de cette commune et obligé nombre de foyers à vendre leurs enfants et leurs terres ; ceux qui ne pouvaient rembourser leurs dettes étaient odieusement battus.
Là-dessus intervinrent les bandits qui volèrent, mirent le feu aux maisons, blessèrent des centaines et tuèrent des dizaines de paysans. La commune est venue à bout de calamités naturelles du même ordre – on dit même supérieures – survenues en 1959-1961. Aussi les vieux, qui peuvent comparer les deux époques, disent que sous la direction Parti-Mao, on peut vaincre les calamités » (René Dumont, Chine surpeuplée, Tiers-Monde affamée. Le Seuil, 1965, p.145).
La situation avait en effet toujours été catastrophique jusque là. En 1920-1921, la famine avait par exemple une nouvelle fois sévit en Chine du Nord, suite à la sécheresse des provinces du Jilin, Shandong, Henan, Shanxi, et Shaanxi.
« Les statistiques partielles d’un comité protestant de secours aux victimes estimaient que dans 317 xian (districts) de ces cinq provinces, 19 millions de paysans sur 48 millions étaient totalement sinistrés (…). On mangeait les feuilles et les écorces des arbres. On mangeait les animaux de trait, on mettait en gage le matériel agricole, on vendait les enfants à la ville pour le travail ou pour le plaisir » (Jean Chesneaux : La Chine. Tome 2. L’illusoire modernité 1885-1921, Hatier, 1976, p.190).
Qu’en est-il dans la Chine socialiste ?
En 1960, Edgar Snow qui visite la Chine à cette époque (Edgar Snow, La Chine en Marche, Robert Laffont, 1966),
« Pendant 5 Mois (…) dans dix-neuf grandes villes et 14 des 22 provinces chinoises, j’avais eu plus de 70 entretiens avec des leaders chinois (…) jusqu’aux jeunes cadres et j’avais pu aussi parler librement avec des soldats, des paysans, des ouvriers, des intellectuels, des avocats, des journalistes, des acteurs, des pédiatres, des nomades, des piroguiers, des prêtres, d’anciens propriétaires terriens, etc. ».
Il raconte :
« Je me rends compte qu’il existe un mythe de la « famine générale » qui sévirait en Chine (…). S’il est actuellement aussi répandu, c’est grâce à la propagande de la presse mobilisée dans la guerre froide (…).
Pendant mon séjour en Chine, Look me demanda des informations sur la « famine » : mes investigations furent infructueuses et je fus incapable de photographier des gens mourant de faim, ou mendiant de la nourriture.
Personne n’eut d’ailleurs plus de succès (…) Autant que je sache, aucun voyageur non communiste, ayant séjourné en Chine pendant cette période, n’a apporté la preuve indiscutable d’une telle famine.
Je ne parle pas ici de rationnement alimentaire, ni de restrictions sur le superflu que j’ai maintes fois signalé ; je parle de gens qui meurent de faim, au sens que la plupart d’entre nous donnent au mot « famine » et dont je fut jadis témoin ».
Il poursuit :
« Mes affirmations sont corroborées par des informations toutes fraîches en provenance d’observateurs occidentaux ayant séjourné en Chine plus récemment que moi encore. Tel est le cas de Gilbert Etienne, l’économiste suisse, professeur à l’Institut International des Etudes Supérieures de Genève, qui a publié ses impressions dans Le Monde ; de même Clare Mc Dermott, correspondant attitré de l’agence Reuter à Pékin ; ou encore le docteur Armand Forel, membre de l’Assemblée Fédérale Suisse ; à son retour de Chine, en juin 1962 il me fit savoir « qu’il avait été libre de parcourir les rues et qu’il n’avait constaté aucun symptôme de famine, qu’il n’avait rencontré aucun mendiant, aucun enfant sous-alimenté ou rachitique ».
Edgar Snow explique bien que les inondations, la sécheresse et les insectes nuisibles avaient ravagé près d’un tiers des terres cultivées en 1959.
Il nous précise :
« Les restrictions alimentaires n’en sont pas moins réelles. Ce n’est pas un fait nouveau (…). Le fait nouveau est que des millions de gens ne meurent plus de famille, comme c’était le cas pendant les famines chroniques dans les années 20, 30 et 40. Le fait nouveau est qu’un système de rationnement équitable a été imposé pour la première fois en Chine. Il est à peine croyable que le gouvernement chinois (quoique l’histoire puisse au demeurant lui reprocher) ait pu payer en devises des millions de tonnes de céréales dont l’importation avait été rendue nécessaire par le déficit de la récolte de 1960 ».
b) La critique du social-impérialisme soviétique
Avec le renforcement de la clique de Khrouchtchev en URSS, la lutte idéologique devient de plus en plus forte pour le PCC. Celui-ci refuse déjà la remise en cause de la critique de la clique fasciste de Tito, que Khrouchtchev tente de réhabiliter au niveau international.
Sont ainsi publiés en juin 1958 les textes « Le révisionnisme yougoslave est le produit de la politique impérialiste » et « Le révisionnisme yougoslave répond exactement aux besoins de l’impérialisme US« .
La critique du révisionnisme soviétique ne s’arrêtera pas là, avec notamment en 1959, pour le 80ème anniversaire de la naissance de Staline, un article dans le Quotidien du Peuple saluant la mémoire du grand révolutionnaire « artisan des grands succès remportés par l’Union soviétique depuis 42 ans » et en 1960, publié dans le Drapeau Rouge, le document » Vive le léninisme « .
Le prestige du PCC est tel que le PCUS est obligé d’accepter un compromis au congrès des 81 partis communistes et ouvriers à Moscou. Dans le document final, le PCUS reconnaît que la voie pacifique au socialisme n’est pas universelle ; à l’opposé le PCC est représenté par les révisionnistes Liou Shao-chi et Deng Xiaoping, qui font le même type de compromis avec les positions capitulationnistes du PCUS, affirmant que certaines formes de passage du capitalisme au socialisme pouvaient être pacifiques.
Les dirigeants révisionnistes russes ne se permettent que rarement de critiquer la Chine, utilisant pour cela les « partis communistes » des pays de l’Est, devenus des pays dépendants de la Russie, ou encore le « PC italien ». Et les attaques ne se dirigent qu’indirectement contre le PCC : elles visent le Parti du Travail d’Albanie, qui critique lui le révisionnisme d’un point de vue dogmatique (prétendant défendre unilatéralement Staline).
Le PC de Chine répond lui directement dans une série d’articles publiés dans le Quotidien du Peuple et dans le Drapeau Rouge :
• Prolétaires de tous les pays, unissons-nous contre l’ennemi commun (15 décembre 1962) ;
• Les divergences entre le camarade Togliatti et nous (31 décembre 1962) ;
• Léninisme et révisionnisme moderne (5 janvier 1963) ;
• Unissons-nous sous la bannière des déclarations de Moscou (27 janvier 1963) ;
• D’où proviennent les divergences : réponse à Maurice Thorez (27 février 1963) ;
• Encore une fois sur les divergences entre le camarade Togliatti et nous (4 mars 1963) ;
• Commentaires sur les déclarations du PC des Etats-Unis (8 mars 1963) ;
• Le miroir des révisionnistes (9 mars 1963) ;
• La vérité sur l’alliance de la direction du PCUS avec l’Inde contre la Chine (2 novembre 1963).
L’URSS répond finalement par long texte intitulé « Propositions concernant la ligne générale du mouvement communiste internationale « , que les communistes de Chine rejettent par une lettre en 25 points rejetant totalement le révisionnisme soviétique. Le PCUS répond de manière brutale à cette critique, et le PC de Chine répond tout d’abord par un communiqué le 15 août, puis par une série de textes :
• Les divergences entre la direction du PCUS et nous – leur origine et leur évolution (6 septembre 1963) ;
• Sur la question de Staline (13 septembre 1963) ;
• La Yougoslavie est-elle un pays socialiste? (26 septembre 1963) ;
• Des défenseurs du néo-colonialisme (22 octobre 1963) ;
• Deux lignes différentes dans la question de la guerre et de la paix (19 novembre 1963) ;
• Deux politiques de coexistence pacifique diamétralement opposés (12 décembre 1963) ;
• Les dirigeants du PCUS sont les plus grands scissionnistes de notre temps (14 février 1964) ;
• La révolution prolétarienne et le révisionnisme de Khrouchtchev (31 mars 1964) ;
• Le pseudo-communisme de Khrouchtchev et les leçons historiques qu’il donne au monde (14 juillet 1964).
Après l’éviction de Khrouchtchev du pouvoir en URSS, le PCC continuera sa critique contre les nouveaux dirigeants révisionnistes :
• Le triomphe du léninisme (22 avril 1965) ;
• Luttons jusqu’au bout contre le révisionnisme khrouchtchevien (14 juin 1965) ;
• De l’unité d’action de la nouvelle direction du PCUS (11 novembre 1965) ;
• Les dirigeants du PCUS traîtres aux deux déclarations de Moscou (30 décembre 1965).
La critique effectuée par le PCC est radicale. Pour lui les choses sont claires :
« Le nouveau groupe dirigeant du Parti Communiste de l’Union Soviétique pratique le révisionnisme khrouchtchevien sans Khrouchtchev. Sa ligne consiste à défendre la domination impérialiste et colonialiste dans le monde capitaliste et à pratiquer la restauration du capitalisme dans le monde socialiste » (Déclaration du comité central du PCC, 1966, In : Jean-Emile Vidal, Où va la Chine ?, Editions Sociales 1967. Cet ouvrage défend le point de vue de l’URSS révisionniste.).
Par la suite les révisionnistes ont aménagé l’Etat socialiste soviétique selon leurs intérêts. Cette bourgeoisie contrôle ce qui est désormais un capitalisme d’Etat :
« De la couche privilégiée, bourgeoise, en Union soviétique, a émergé une classe de capitalistes monopolistiques et bureaucratiques » (Léninisme ou social-impérialisme ? The China Reader n° 4 – 1966-1972, vintage books, New York, p.456).
« Les nouveaux tsars révisionnistes soviétiques ont restauré la vieille politique tsariste de l’oppression nationale… et transformé l’Union soviétique à nouveau en une « prison des nations » » (China Reader, p.458).
Les communistes développent le thème des nouveaux tsars, qui forme la clique au pouvoir.
« Elle pille à sa guise, sans pitié, et opprime sauvagement les peuples de certains pays d’Europe orientale (…). L’appétit de cette clique est plus dévorant que celui des tsars » (A bas les nouveaux tsars !, Ed. en Langues Étrangères, Pékin, 1969, p.4).
« La clique des renégats révisionnistes soviétiques a complètement revêtu la défroque des tsars, dans le vain espoir de rediviser le monde en collusion avec l’impérialisme américain et d’établir son hégémonie mondiale de social-impérialisme….
En Asie, non contente d’avoir transformé la République populaire de Mongolie en colonie, encore cherche-t-elle à envahir et occuper davantage le territoire chinois. Au Moyen-Orient et dans le Sud-Asiatique, elle s’évertue à étendre son influence coloniale » (A bas les nouveaux tsars !, Ed. en Langues Etrangères, Pékin, 1969, p.29).
L’URSS n’est plus socialiste, il est à l’opposé parlé du « social-impérialisme russe » : social en paroles, impérialiste dans les faits. Les pays socialistes de l’Est deviennent en quelque sorte des colonies, les révolutionnaires y sont liquidés et les partis au pouvoir rassemblent la bourgeoisie bureaucratique vendue au social-impérialisme russe.
Ce sont ces mêmes bourgeoisies qui lors de l’écroulement de l’URSS se vendront aux impérialismes occidentaux, troquant leurs postes de » directeurs « , » managers » pour celui de » capitalistes « . Les anciens dirigeants des » partis communistes » vendus à l’URSS sont toujours au pouvoir, ce sont eux les » anciens communistes » soi-disant reconvertis.
Le PCC avait bien vu le néo-colonialisme soviétique et la lutte des peuples et nations des pays de l’Est pour s’en défaire. Lors de l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968 le PCC dira ainsi :
« Que les chars soviétiques soient entrés à Prague, voilà qui, loin de représenter la force du social-impérialisme, est au contraire le signe que son empire néo-colonial commence à s’effondrer ».
Mao Zedong dira par conséquent que :
« En URSS aujourd’hui, c’est la dictature de la bourgeoisie, la dictature de la grande bourgeoisie, c’est une dictature de type fasciste allemand, une dictature hitlérienne ».
c) Équilibre et déséquilibre (1959-1964)
Autant l’effort pour l’accumulation est grand de 1959 à 1961, autant par la suite l’effort est mis sur un processus d’équilibration. La période de 1961 à 1964 est ainsi nommée période de « réajustement, de consolidation et de complètement ». Le mot d’ordre consiste en le suivant : « Prendre l’agriculture comme base et l’industrie comme facteur dirigeant ».
Le Comité Central dira à ce sujet :
« Compte tenu des sérieuses calamités naturelles qui ont affecté la production agricole pendant deux années consécutives, la nation tout entière doit, en 1961, se concentrer sur le renforcement du front de l’agriculture, appliquer à fond la politique qui consiste à faire de l’agriculture la base de l’économie nationale et à faire que le Parti et le peuple déploient de grands efforts pour l’agriculture et la production de grains, renforcer le soutien de tous les métiers et de toutes les professions à l’agriculture…
Dans les zones rurales, il faut consolider les communes populaires et l’économie rurale, adopter des mesures effectives en vue de prendre exactement soin de la vie des communes » (9ème sessions du Comité Central du PCC, Pékin 14-18 janvier 1961).
De fait les intempéries, les plus fortes du siècle, causeront d’énormes dommages à l’agriculture. Le PCC va également mettre l’accent sur les déviationnistes de droite qui s’opposent aux communes et au grand bond en avant. Ce refus de la confiance dans les masses va s’exprimer au travers d’une véritable ligne oppositionnelle dans le parti, dirigée par les révisionnistes Peng Teh-huai (ministre de la défense nationale), Chang Wen-t’ien (un vétéran) et Chou Hsiao-chou.
Mao Zedong ira jusqu’à parler au bureau politique de la possible nécessité de refaire une armée rouge si la direction de l’armée de libération s’oppose aux masses. Les dirigeants de la clique antiparti seront renvoyés à la base, et le révisionnisme devient un thème d’importance au 10ème plénum du huitième comité central, dont la résolution dit ainsi :
« Nous ne devons jamais oublier que cette lutte de classe est compliquée, tortueuse, qu’elle a des hauts et des bas et qu’elle est quelquefois très aiguë. Cette lutte de classe trouve inévitablement son expression au sein du Parti.
La pression provenant de l’impérialisme étranger et l’existence des influences bourgeoises à l’intérieur du pays constituent la source sociale des idées révisionnistes dans le Parti. En même temps que nous luttons contre les ennemis de classe intérieurs et étrangers, nous devons rester vigilants et nous opposer résolument, en temps utile, aux différentes tendances idéologiques qui se manifestent au sein du Parti ».
Le premier ministre Chou En-mai constatera par la suite au sujet de cette époque que :
« A l’époque, nombre de gens se mirent à prêcher fébrilement sur le plan intérieur l’extension des parcelles individuelles, l’élargissement du marché libre, la multiplication des petites entreprises disposant librement de leurs bénéfices et supportant leurs propres pertes, la fixation d’un quota de production par foyer paysan, l’ »activité individuelle » (le retour à l’économie individuelle), la « libéralisation », la « remise en cause des justes conclusions », ainsi que le capitulationnisme dans le domaine du front uni et sur le plan international, la fin de la lutte contre l’impérialisme, la réaction et le révisionnisme moderne, ainsi que la réduction de l’aide à la lutte révolutionnaire des peuples.
Ces gens-là opposèrent leurs concepts bourgeois ou révisionnistes à la ligne générale de notre édification socialiste et à la ligne générale de notre politique extérieure » (Rapport des 21 et 22 décembre 1964 à la troisième assemblée nationale).
Il résume alors le point de vue révolutionnaire :
« Dans notre société socialiste, les propriétaires fonciers, la bourgeoisie et les autres classes exploiteuses, bien que renversés, resteront forts et vigoureux pendant une période relativement longue. Nous ne devons en aucun cas les sous-estimer.
Entre-temps, de nouveaux éléments bourgeois, de nouveaux intellectuels bourgeois, d’autres exploiteurs ne cesseront d’apparaître dans la société, dans les organismes du Parti et de l’Etat, dans les organisations économiques et dans les secteurs de la culture et de l’enseignement.
Ces nouveaux éléments bourgeois et autres exploiteurs sont toujours à la recherche de protecteurs et d’agents dans les organismes dirigeants des échelons supérieurs. Les nouveaux et les anciens éléments bourgeois et les autres exploiteurs s’allient invariablement pour combattre le socialisme » (Ibidem).
Mao Zedong résumera ainsi l’analyse révolutionnaire :
« Alors (si nous oublions l’existence de classes et la lutte des classes) il se passerait peu de temps, peut-être quelques années ou une décennie, tout au plus quelques décennies, avant qu’une restauration contre-révolutionnaire n’ait inévitablement lieu à l’échelle nationale, que le parti marxiste-léniniste ne devienne un parti révisionniste, un parti fasciste et que toute la Chine ne change de couleur ».
a) Les avancées de la contre-révolution et le lancement de la révolution culturelle : Feu sur le quartier général !
Ne pouvant s’exprimer directement politiquement, les contre-révolutionnaires utilisèrent alors la culture pour remettre en avant les valeurs non communistes.
Tout commence avec les écrits de Wou Han, publiés aux éditions » Littérature et Arts » de Pékin. Son roman « Hai Roui destitué de son poste » est une attaque à peine voilée contre la politique du Parti. Cette première publication de janvier 1961 est suivie des « Notes marginales du village des trois familles« , écrites par Wou Han en collaboration avec Teng Ho et Liao Mo-Cha.
Ce même Teng Ho va commencer en mars de la même année à publier une chronique régulière dans un journal chinois, chronique intitulée « Causeries du soir de Yen-chan » et consistant en de brèves considérations dans la manière des classiques chinois.
Les critiques contre cette ligne anti-parti se développèrent, tout d’abord contre Wou Han puis contre Teng Ho. Ce dernier fut directement visé par l’article du 8 mai 1966 paru dans le Quotidien de l’Armée et intitulée « Feu sur la ligne noire anti-parti et anti-socialiste !« .
De son côté le Drapeau Rouge attaquait les positions bourgeoises du Journal de Pékin et de la revue Le Front, et le Quotidien du Peuple reprendra la thématique anti-révisionniste. De mai à juin 1966 commence à se dessiner ce qui va être la révolution culturelle. A l’article du 1er Juin 1966, « Balayer tous les génies malfaisants« , du Quotidien du Peuple, répond l’éditorial du lendemain : « Une grande révolution qui touche le cœur de l’homme« .
Dans les facultés le mouvement était également lancé. Un groupe de révolutionnaires avait affiché un dazibao dans la faculté de Pékin, attaquant le recteur (qui était également secrétaire du Parti à l’Université). Le texte se conclut par l’appel suivant :
« Intellectuels révolutionnaires, c’est l’heure du combat ! Unissons-nous ! Levons haut le grand drapeau de la Pensée de Mao Zedong, unissons-nous autour du Comité central et du Président Mao ! Brisons tous les contrôles et tous les complots maléfiques des révisionnistes, résolument, radicalement, totalement, complètement, détruisons tous les monstres, tous les éléments révisionnistes du type Khrouchtchev ! Menons jusqu’au bout la révolution socialiste !
Protégez le Comité central ! Protégez la Pensée de Mao Zedong ! Protégez la dictature du prolétariat ! ».
L’effervescence grandit. Mao Zedong fit cesser les spéculations sur son état de santé en nageant quinze kilomètres dans le fleuve Yangtsé malgré le fort courant. Le Comité central se réunit alors en une onzième session du 1er au 12 août 1966. Deux documents en ressortirent : « Décision du Comité central du Parti Communiste de Chine sur la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne » (dite décision en seize articles) et le « Communiqué de la 11ème session plénière du Comité central issu du huitième congrès du Parti Communiste de Chine« .
La décision de mener la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP) précise très exactement la démarche. Il s’agit d’un mouvement de persuasion, seuls les contre-révolutionnaires actifs auront à faire face à la violence. La production ne doit pas être perturbée, l’objectif principal est de mettre hors d’état de nuire les droitiers.
Le mouvement des gardes rouges accompagne le mouvement. Initialement issus des écoles et des universités, les gardes rouges commencent alors, deux jours après une grande manifestation le 18 août, à attaquer pendant une semaine la bourgeoisie de Pékin.
Les noms des magasins sont changés, les contre-révolutionnaires défilent à la vue de tous avec des panneaux indiquant leur caractère politique, la direction révisionniste de la ville est écartée.
Le mouvement des gardes rouges s’étend alors aux autres villes, et s’oppose très vite aux comités du parti. Les gardes rouges reprennent le mot d’ordre formulé par Mao Zedong dans un dazibao le 5 août : » Bombarder les états-majors ! « .
La GRCP vise alors la direction révisionniste dans le Parti lui-même, dont le leader est Liou Shao-chi, désigné comme » le haut responsable qui, bien que du Parti, suit la voie capitaliste « . La GCRP touche la classe ouvrière et gagne en qualité : des débats ont lieu sur les dérives économistes, ultra-démocratiques, voire anarchistes. Le Comité central (CC) donne alors des directives publiées le 26 décembre dans l’éditorial du Quotidien du Peuple.
Ces directives tracent le bilan de la construction socialiste et le rôle de la GRCP. Le CC constate que dans les usines les influences des idéologies non socialistes perdurent, que les « mauvais éléments » poussent également au révisionnisme. Partant de là la GRCP doit se porter dans les usines aussi. L’éditorial du 1er janvier dira également :
« Si la grande révolution culturelle prolétarienne se développe uniquement dans les bureaux, les écoles et les milieux culturels, elle s’arrêtera à mi-chemin « .
Mais les révisionnistes font l’épreuve de force et les 23 et 28 janvier le Comité central ordonne à l’armée d’épauler la révolution culturelle. La situation est d’autant plus compliquée que les révisionnistes se prétendent également partisans de la révolution culturelle, afin de la faire dévier et de conserver leurs prérogatives. En certains endroits ont lieu des affrontements armés. Globalement le mouvement réussit tout de même à s’imposer, et la 12ème session du Comité central d’octobre 1968 constate que la ligne révolutionnaire l’a emporté sur la ligne réactionnaire conduite par Liou Shao-chi.
b) Du révisionnisme de Lin Piao à Deng Xiaoping
C’est avec huit années de retard qu’a lieu le neuvième congrès du PCC, du 1er au 24 avril 1969. Le Parti a modifié son organisation ; les délégués au congrès ne sont plus élus par les militantes et militants mais issus de consultations démocratiques, processus d’échange entre les comités du Parti et les masses.
Il trace le bilan de la GRCP, et conclut dans son communiqué par le fait qu’elle doive continuer :
« En développant à l’échelle nationale un grand mouvement de masse pour étudier et appliquer de façon vivante la pensée Mao Zedong et liquider définitivement l’influence de la ligne révisionniste et contre-révolutionnaire de Liou Shao-chi, afin d’unifier les points de vue, les mesures politiques, les plans, le commandement et les actions ;
En continuant à s’appuyer sur les masses pratiquant la » lutte – critique – transformation » ;
En rééduquant les intellectuels envoyés auprès des paysans pauvres et moyens inférieurs ;
En luttant contre les tendances erronées de gauche ou de droite « .
Après le révisionnisme, c’est désormais le déviationnisme de gauche qui commence à menacer de plus en plus le Parti. Lin Piao, le dirigeant de la fraction gauchiste du Comité central, entend en effet faire dévier la ligne du Parti.
La ligne de Liou Shao-chi ayant été combattue, Lin Piao prône désormais le développement de la production comme tâche centrale. Il s’agit d’un retournement complet de son analyse, puisque initialement lui et sa clique se sont renforcés en soutenant idéologiquement au maximum la révolution culturelle. Lin Piao a en fait agi comme Khrouchtchev, qui était le plus fervent défenseur de Staline avant la mort de celui-ci. Lin Piao prônait le culte du « génie » que serait Mao Zedong, il avait une vision aristocratique des masses.
Lin Piao convoite le pouvoir, et encense Mao. Il fait en sorte d’exalter le culte de la personnalité de Mao :
« La Chine est un grand pays de 700 millions d’habitants qui a besoin d’une pensée unifiée. Ce n’est qu’en étant unifié par la pensée de Mao Zedong que l’on peut avoir une action unie. Un grand pays comme le nôtre demeurerait toujours une étendue de grain de sable dispersés, s’il n’avait pas une pensée unifiée. Seule la puissante pensée de Mao Zedong peut unifier idéologiquement notre peuple entier » (Pékin Information N°52 du 26-12-66).
Ceci peut sembler correcte car la Révolution Culturelle ne fait que commencer et a besoin de repères idéologiques. Mais Lin Piao va plus loin et met Mao sur un piédestal, le qualifiant de « surhomme ». Il tombe dans une déviation de gauche et attaque le marxisme-léninisme :
« Mao Zedong est le plus grand dirigeant de notre Parti et toutes ses paroles sont les normes de notre mouvement. Celui qui s’opposerait à lui, le Parti entier lui réglerait son compte, le Parti tout entier le critiquerait. Mao Zedong a réglé beaucoup plus d’affaires que Marx, Lénine, Engels. Eux, n’ont pas dirigé personnellement une révolution prolétarienne.
Ils ne ressemblent pas à Mao Zedong. Alors que lui, quel grand rôle il a joué sur le front des luttes politiques, et surtout quel rôle dans les combats militaires ! Lénine n’a pas duré aussi longtemps que Mao Zedong. La population de la Chine est dix fois celle de l’Allemagne, trois fois celle de la Russie, ses expériences révolutionnaires sont fécondes. La Chine est supérieure en tout. Dans tout le pays et dans le monde… Mao Zedong est le plus grand homme » (Discours de Lin Piao à une conférence élargie du Bureau politique le 18-05-66).
On voit donc que Lin Piao attaque le marxisme-léninisme en dénigrant Marx, Engels et Lénine sur des points totalement subjectifs et qu’il profère un nationalisme patriotique raciste. En fait, quand Lin Piao parle « d’autorité absolue de la pensée Mao Zedong« , il s’agit d’une tentative visant à utiliser la théorie de Mao Zedong contre lui-même.
La crise entre Lin Piao et Mao devient publique lors de la seconde session du nouveau Comité Central, réunie à Lu-Shan, du 23 août au 3 septembre 1970. Lin Piao, dans son discours original, s’y livre à ce que Mao appelle une « attaque surprise« . Il s’en prend notamment à Chou Enlai relançant la discussion sur le refus de prévoir dans la nouvelle Constitution un poste de Président de la République.
Lin présente cette attitude comme relevant d’une méconnaissance du génie de Mao et donc une opposition à la pensée de Mao. Mao lui répondra :
« J’ai parlé au camarade Lin Piao et certaines des choses qu’il m’a dite n’étaient pas très judicieuses. Par exemple, il disait qu’un génie n’apparaît qu’une fois en plusieurs siècles et, en Chine, une seule fois en quelques millénaires.
Cela ne correspond pas aux faits. Marx et Engels étaient contemporains et un siècle ne s’était pas encore écoulé que nous avions Lénine et Staline, aussi comment pourrions-nous dire qu’il n’apparaît un génie en plusieurs siècles… ?
Un certain personnage brûlait de l’envie de devenir Président de l’Etat, de briser le Parti et de s’emparer du pouvoir. La question du génie est une question de théorie. Leur théorie était une apriorisme idéaliste. Quelqu’un a dit que s’opposer au génie c’était s’opposer à moi. Mais je ne suis pas un génie !
J’ai lu les livres confucéens pendant six ans et les livres capitalistes pendant sept ans. Je n’ai pas lu de livres marxistes-léninistes avant 1918 ; aussi comment pourrais-je être un génie ? N’ai-je pas tracé des ronds autour de ces adverbes plusieurs fois déjà !… » (Mao fait allusion aux adverbes « génialement », « créativement », « intelligemment », etc., employés par Lin Piao dans la préface du Petit Livre Rouge. Résumé des entretiens de Mao avec des camarades à divers endroits durant son voyage en province (été 71) tiré de Mao Tsetung Unhrehearsed, Penguin Books, 1974, pp.290 à 299).
Mao repoussera à nouveau la proposition de devenir Président :
« Il ne faut pas nommer un président de la république. Je ne désire pas être président de la république. J’ai déjà déclaré cela à six reprises…. » (Ibidem).
En fait, L’idée de Lin Piao semble bien être d’élever Mao pour qu’il soit dans les nuées. Placé sur le piédestal présidentiel il deviendrait statue. Un culte idolâtre l’entourerait d’encens : le grand prêtre en serait Lin Piao, le vrai maître de la Chine. Cependant le projet échoue.
En Décembre, le Comité des Affaires Militaires doit accueillir en son sein des militaires liés à Mao et la région militaire de Pékin, une de forteresses de Lin Piao, est réorganisée par Mao. De plus des généraux linpiaoïstes font leur autocritique pour leur soutien à Chen Boda. C’est à peu près l’époque où Lin Piao qui se sent battu et sait que la défaite sera sans pardon accepte le projet de ses proches d’un complot militaire.
Voici un extrait du plan d’action 571 orchestré par Lin Piao :
« Les beaux jours de B52 [Nom de Code pour Mao] sont comptés. Il est préoccupé par l’établissement d’arrangements pour après sa mort dans les années toutes proches. Il s’inquiète à cause de nous. [Il s’agit du groupe d’officiers autour du fils de Lin Piao qui, à l’inspiration de Lin Piao et de son épouse Ye Qun aurait établi ce plan vers le 22 Mars 1971]. Il vaut mieux être décidé à faire quelque chose que d’attendre les mains liées. Devancer l’ennemi, plus tard politiquement, d’abord militairement… ».
Mais leur plan est déjoué par la police politique et Lin Piao, son épouse et son fils prennent la fuite vers l’URSS (dont ils avaient le soutien) : le 13 Septembre, à 02h30 du matin, le « Trident » n°256 de l’armée de l’air chinoise s’écrase dans la steppe mongole à Undu-Khan et flambe. Mort de renégats en fuite, mort de traîtres volant vers l’URSS social-impérialiste.
Le PCC continue jusqu’au 10ème congrès d’août 1973 de combattre la ligne de Liou Shao-chi, tout en mettant en garde contre le gauchisme. Dans le communiqué du congrès le PCC dira :
« Le marxisme-léninisme nous apprend que la lutte dans le Parti est le reflet en son sein de la lutte des classes dans la société. Après l’effondrement de la clique du renégat Liou Shao-chi, la clique anti-parti de Lin Piao s’est portée sur la scène en vue de poursuivre l’épreuve de force avec le prolétariat ; c’est précisément une manifestation aiguë de la lutte de classes acharnée à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Dès le 13 janvier 1967, alors que la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne se trouvait en plein essor, le chef de file des renégats révisionnistes soviétiques, Brejnev, au cours d’un meeting tenu dans la région de Gorky, s’est lancé dans des attaques contre cette révolution, et a déclaré ostensiblement se tenir du côté de la clique du renégat Liou Shao-chi, disant à propos de l’écroulement de cette clique : « C’est une grande tragédie pour tous les communistes authentiques de Chine, et nous leur témoignons notre profonde sympathie« .
Qui plus est, Brejnev a proclamé publiquement que le principe politique de renverser la direction du Parti Communiste de Chine par la subversion continuerait à être appliqué, affirmant qu’il faudrait s’efforcer de la » ramener dans la voie de l’internationalisme » (Pravda, 14 janvier 1967).
En mars 1967, un autre chef de file du révisionnisme soviétique a déclaré plus cyniquement encore, au cours de meetings tenus à Moscou, que » les force saines représentant les véritables intérêts de la Chine prononceront tôt ou tard leurs paroles décisives » et » feront triompher les idées du marxisme-léninisme dans leur grand pays » (Pravda, 4 et 10 mars 1967).
Ce qu’ils entendent par » forces saines « , ce sont les forces pourries représentant les intérêts du social-impérialisme et de toutes les classes exploiteuses ; ce qu’ils appellent » paroles décisives « , c’est l’usurpation du pouvoir suprême du Parti et de l’Etat ; le » triomphe des idées » dont ils parlent signifie la prise du pouvoir en Chine par les pseudos marxistes-léninistes, les révisionnistes ; la » voie de l’internationalisme » dans leur bouche, c’est la voie consistant à réduire la Chine à l’état de colonie du social-impérialisme russe.
La clique du renégat Brejnev s’est empressée de se faire l’interprète du vœu commun des réactionnaires, trahissant ainsi la nature d’extrême-droite de la clique anti-parti de Lin Piao.
Lin Piao et la poignée de ses partisans fanatiques formaient une clique de conspirateurs contre-révolutionnaires qui » avaient toujours le recueil de citations à la main et les vivats à la bouche et vous prodiguaient en face des paroles élogieuses pour vous poignarder dans le dos « .
L’essence de leur ligne révisionniste contre-révolutionnaire et leur but criminel dans le déclenchement d’un coup d’Etat armé contre-révolutionnaire se ramènent à ceci : trahir totalement la ligne du 9ème Congrès ; modifier radicalement la ligne et les principes politiques fondamentaux définis par le Parti pour toute la période historique du socialisme ; faire du Parti Communiste de Chine, marxiste-léniniste, un parti révisionniste, fasciste ; renverser la dictature du prolétariat par la subversion et restaurer le capitalisme « .
c) le développement de la révolution culturelle
La Révolution Culturelle continue, montrant la voie de la libération et poursuivant dans la voie du socialisme et du communisme. Mais on peut se demander quelles ont été les changements apportés dans la vie de tous les jours des chinois et des chinoises ? Comment la société chinoise s’est transformée ?
On peut tout d’abord expliquer la transformation de la société chinoise par la création des communes populaires. La commune populaire rassemblait tous les domaines de l’organisation sociale en son sein : les domaines politique, économique, social, militaire et culturel. En 1973, la grande majorité des chinois vivaient dans les communes populaires, soit 600 millions de personnes sur une population de 750 millions d’habitants.
Comme le décrit l’économiste britannique Joan Robinson :
« L’économie chinoise est fondamentalement caractérisée par le fait qu’au moins 80% de sa population vit dans les communes où elle subvient à ses besoins en nourriture et en logement. Les surplus sont destinés au reste de la population et fournissent des matières premières (le coton particulièrement) à l’industrie » (Joan Robinson, Economic Management : China 1972, Anglo-Chinese Educational Institute, Londres, mars 1973.).
Les communes étaient l’expression d’une extrême décentralisation du pouvoir d’Etat, à la limite du « dépérissement de l’Etat », concept essentiel de la philosophie de Mao Zedong et honni par Liou Shao-chi et ses fidèles qui croyaient en un Etat fortement centralisé, fonctionnant grâce à une hiérarchie rigide et structurée qui s’occuperait de tout, y compris de la vie du plus simple ménage.
Dans les communes, on ne trouvait aucun des attributs habituels de la puissance de l’Etat : on ne trouvait pas de traces de l’armée, de la police, de tribunaux ou de prisons, il existait tout au plus une milice populaire.
Alors on peut se demander : comment la criminalité était résolue ? En fait, le crime n’existait plus. Comme l’on constatait Wilfred Burchett, écrivain se rendant régulièrement en Chine de 1941 à 1976, et Rewy Alley, écrivant et sinologue résident en Chine depuis 1927 :
« Quand nous visitions une commune nous posions la question de la criminalité, on nous répondait : « le crime existera tant qu’existera la société de classes et la commune abrite toujours des éléments de l’ancienne classe d’exploiteurs ».
Et à chaque fois il ressortait que la crime n’existait virtuellement pas… Lorsque nous visitâmes la commune de Hau Chi, pendant l’été 73, on nous parla du problème en ces termes : « le crime n’est pas, et n’a jamais été un grave problème. De temps en temps, quelqu’un vole la bicyclette de son voisin ; mais justement, comme tout le monde se connaît, il est impossible de s’en tirer comme ça : les membres de votre équipe vont remarquer votre nouveau vélo, vous posez des questions sur le prix et l’endroit où vous l’avez acheté et pour peu que le bruit ait couru qu’une bicyclette a été volée, le coupable est repéré aussitôt ».
– Et quand le coupable est découvert ?
« Il subit la critique sévère des membres sa brigade puis fait son auto-critique, s’engage à ne pas récidiver et paie une amende s’il a endommagé la bicyclette. »
Nous soulevions chaque fois l’hypothèse du crime grave, l’assassinat par exemple. Cela ne s’est jamais produit, tout juste avons-nous connu dans les premiers temps quelques incendies criminels, le fait d’ennemis de classe qui étaient au plus bas ; en général identifiés immédiatement par leurs voisins qui les faisaient arrêter par les membres du comité de sécurité publique de la commune, ils étaient remis aux autorités du comté où ils étaient jugés. Autrement, les infractions mineures sont corrigées par la rééducation communautaire » (La Chine une autre qualité de vie, cahiers libres 278-279-280, Ed. Maspéro, Paris, 1975.).
Le crime et l’insécurité n’étaient plus les problèmes de la société, ceci est du en grande partie au fait que les problèmes de logement, de vêtement et de nourriture avaient été réglés et donc que la criminalité en était réduite d’autant. En effet, les membres de la commune étaient devenus maîtres de leur destin, et il régnait une forte cohésion sociale dans la commune due au nouveau système social.
Cette cohésion sociale avait plusieurs facteurs. En premier lieu, les enfants ne devaient plus partir loin pour faire leurs études, ils allaient à l’école sur place, et s’ils poursuivaient des études supérieures, ils revenaient ensuite pour prendre le poste qui leur avait été réservé et pour lequel ils avaient été formés. Les enfants grandissaient au milieu des problèmes que leur éducation les préparait à résoudre. De plus, les écoles secondaires et les instituts de formation technique se trouvaient sur la commune, le problème de l’hémorragie des jeunes vers les villes était ainsi résolu.
Autre point important, le système d’enseignement est totalement modifié, et on parle alors de Système d’Enseignement Socialiste. C’est l’un des points forts de la Révolution Culturelle, et la Réforme de l’enseignement est l’une des 16 décisions prises par le Comité Central du PCC sur la GRCP :
« Réformer l’ancien système d’éducation ainsi que les anciens principes et méthodes d’enseignement est une tâche d’une importance extrême de la GRCP.
Le phénomène des intellectuels bourgeois dominant nos établissements doit complètement prendre fin au cours de cette Grande Révolution Culturelle.
Dans tous les établissements d’enseignement, il faut appliquer à fond la politique formulée par Mao Zedong suivant laquelle l’éducation doit être au service de la politique du prolétariat et se combiner avec le travail productif, afin que tous ceux qui reçoivent l’éducation puissent se développer moralement, intellectuellement et physiquement pour devenir des travailleurs cultivés dotés d’une conscience socialiste.
La scolarité doit être réduite. Le programme d’études doit être réduit et amélioré. Les matières d’enseignement doivent être radicalement réformées, certaines d’entre elles doivent tout d’abord être simplifiées. Tout en se consacrant principalement aux études proprement dites, les élèves et étudiants doivent apprendre encore autre chose. En d’autres termes, ils doivent non seulement s’instruire sur le plan culturel, mais également sur celui de la production agricole et industrielle et de l’art militaire ; et ils doivent participer, chaque fois qu’elles s’engagent, aux luttes de la Révolution Culturelle critiquant la bourgeoisie » (Décision du Comité Central du PCC sur la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, adoptée le 08 août 1966.).
Dans la pratique le système d’enseignement sera totalement transformé. Il n’y a plus d’examens. Après le secondaire, les étudiants doivent travailler pendant deux ou trois ans avant de se lancer dans des études supérieures. La demande d’entrée à l’Université s’accompagne d’un certificat fourni par l’unité où l’étudiant a travaillé, car ceux qui vont à l’université sont désignés par leur camarade, après en avoir exprimé le souhait.
En fait, la volonté était, en changeant les méthodes d’inscription des étudiants, de faire venir ces derniers directement des rangs des ouvriers, des paysans ou des soldats, pour qu’ils puissent retourner dans les communes, les usines ou l’armée, et y apporter leur connaissance et leur expérience.
Les cours sont donc gratuits et les étudiants touchaient un petit pécule, ceux qui avaient travaillé cinq ans avant d’accéder à l’université continuer de toucher leur ancien salaire pendant la durée de leurs études. Les fournitures, les soins médicaux ainsi que la pension étaient gratuits. Les étudiants se spécialisaient dans un domaine utile à leur commune, et ils revenaient généticien, agronome, ingénieur en hydraulique, électricité ou mécanique, expert forestier, médecin, professeur ou comptable, afin d’améliorer et de diversifier les activités techniques et scientifiques de la brigade.
Autre évolution importante dans la qualité de vie des Chinois et des Chinoises, l’évolution dans la domaine de la santé. Mao fera un appel pour une amélioration radicale des services ruraux de santé, le 26 juin 1965.
Selon un texte publié par un groupe de gardes rouges pendant la Révolution Culturelle, Mao accompagna son appel de remarques acides sur le Ministère de la Santé et sur l’attitude de nombreux médecins :
« Le ministère de la Santé publique ne travaille que pour 15% de la population du pays, et dans ces 15% on s’occupe surtout des seigneurs. Les larges masses paysannes ne reçoivent aucun traitement médical, elles n’ont ni médecin ni médicaments. Le ministère de la Santé publique n’est pas celui de tout le peuple, il vaudrait mieux le rebaptiser ministère de la Santé urbaine pour les seigneurs… ».
Mao demanda que l’on mette l’accent sur le travail médical en milieu rural. Cet appel suscita une large réponse et, à l’automne 1965, quelque 150 000 travailleurs médicaux quittèrent les villes pour apporter leur compétence aux régions rurales. Des centaines de milliers d’autres les suivirent les années suivantes. On peut tout de même se demander comment la Chine faisait pour soigner son énorme population et pour rattraper le retard que les services médicaux chinois avaient accumulé ?
Il y a trois éléments qui ont permis de soigner toute la population chinoise et de rattraper ce terrible retard : les « médecins aux pieds nus », la médecine traditionnelle et l’aide médicale coopérative.
Les « médecins aux pieds nus » sont des officiers de santé locaux, qui reçoivent quelques mois de formation médicale de base et suivent des cours réguliers de perfectionnement. Ils peuvent soigner des maladies bénignes et faire appel à des médecins qualifiés pour le cas qui dépassent leurs compétences. On comptait plus d’un million de « médecins aux pieds nus » qui pouvaient atteindre 90% des brigades de commune.
L’écrivain Mark Selden qui avait fait une étude la situation, notait :
« En janvier 1971 plus de 330 000 travailleurs médicaux de villes, y compris les jeunes diplômés des écoles médicales, se sont installés dans les campagnes et 400 000 autres ont participé à des équipes médicales mobiles » (Mark Selden, Health and Revolution. The Chinese Medical System, Essay on Contemporary China, Peck, Schurman & Riskin eds, New-York, 1972.).
Ceci permit à la Chine d’obtenir un succès général sur le front de la santé. En effet, la syphilis sera éradiqué grâce à l’élimination des causes économiques et sociales de la maladie. Pour cela, il fallait supprimer les causes économiques de la prostitution : ainsi les bordels seront fermés, les pensionnaires séparées des tenanciers et organisées en groupe pour subir un examen, et recevoir une éducation et un traitement médical gratuit, puis elles retournaient dans leur village ou trouvèrent du travail en ville.
La source de l’infection était ainsi éliminée. D’autre part, une forte campagne de lutte contre la syphilis fut menée au niveau politique, où elle était montrée comme étant l’héritage de la vieille société. On apprit donc aux gens à lutter contre les maladies vénériennes.
Une fois qu’ils savaient comment la maladie s’attraper, comment il fallait faire pour la guérir ou la prévenir, comment appliquer ce savoir à travers leur conscience politique, ils pouvaient se défendre eux-mêmes. Ils pouvaient acquérir l’immunité par le savoir, ce qui avait l’avantage de ne rien coûter. C’est le concept d’immunité de masse qui peut être autant, sinon plus, efficace qu’une immunité réalisée par des moyens médicaux.
En janvier 1958, les spécialistes de huit grandes villes, y compris Pékin, Changaï et Tientsin, n’ont enregistré que 28 cas de syphilis infectieuse pour les années 1952-54, et en 1964, le taux d’incidence dans ces mêmes villes était estimé à moins de 2 cas pour 10 millions de personnes, aucun cas n’étant enregistré à Shanghai et Tientsin. (Mao Tse-tung’s Thought as the Compass for Action in the Control of Veneral Diseases, Dr. Ma Haï-The, I’institut de dermatologie et vénérologie de l’Académie des sciences de Chine, Octobre 1966).
D’autres grands pas sont faits dans le domaine de la médecine, comme le problème des opiomanes qui est très vite résolu par la suppression de l’approvisionnement et par le traitement des opiomanes qui étaient enfermés dans des enceintes spéciales pendant des semaines ou des mois, et qui recevaient une éducation politique et une bonne nourriture, en quantité suffisante pour la première fois de leur vie.
Complètement privés de drogue, la plupart d’entre eux se sont désaccoutumés, puis retournaient participer à la vie collective. La Chine connaissait alors un bouillonnement d’expériences scientifiques dans le domaine médical, et on découvrit l’anesthésie par acupuncture.
Jusqu’alors, elle n’était utilisée que pour soigner un certain nombre d’affections, mais elle se révéla avoir plusieurs avantages pour l’anesthésie : absence d’effets toxiques propres aux anesthésiques classiques, et donc réduction de la période post-opératoire ; le patient est pleinement conscient et donc il saigne moins ; dans certains cas, il peut aider le chirurgien en décrivant ses sensations.
Absence de police, de tribunaux ou de prisons, système d’enseignement permettant à toute personne d’étudier et de travailler dans la spécialité choisie, bonne santé physique et morale de la population, sentiment d’agir dans le sens de l’émancipation de l’humanité, voilà ce qui caractérisait la Chine sous la Révolution Culturelle et ce qui permet d’affirmer que la qualité de la vie en Chine a été la meilleure jamais connue par l’humanité.
Pour conclure ce chapitre, on peut se joindre à la définition de la Révolution Culturelle faite par Charles Bettelheim :
« La Révolution Culturelle doit être comprise comme un moment de la lutte entre la ligne prolétarienne du PCC et de la ligne bourgeoise. Ce moment a ses particularités mais la lutte, elle, continue : elle a existé avant la Révolution Culturelle et elle est destinée à se prolonger aussi longtemps qu’existe la bourgeoisie et les idées bourgeoises et donc que le prolétariat et la bourgeoisie continuent à s’affronter.
Pour mieux comprendre ce qui précède, il faut rappeler un certain nombre de points décisifs. Si prolétariat et bourgeoisie continuent à exister sous la dictature du prolétariat, c’est que les rapports capitalistes (sur lesquels repose l’existence objective de la bourgeoisie et du prolétariat) ne disparaissent pas purement et simplement avec la révolution prolétarienne, ni même avec le prédominance des formes socialistes de propriété.
Par suite de l’existence de ces rapports capitalistes, les travailleurs continuent à être partiellement séparés des moyens de production et une minorité a encore la possibilité de déterminer l’emploi de ces derniers. L’objectif fondamental de la ligne prolétarienne est précisément de faire disparaître les rapports capitalistes et avec eux les classes dont ces rapports fondent l’existence.
Cet objectif ne peut être atteint que par la transformation révolutionnaire de l’ensemble des rapports sociaux : des rapports de production et des rapports politiques et idéologiques » (Ch. Bettelheim, Révolution Culturelle et organisation culturelle en Chine, Petite Collection Maspéro, 1973, p120.).
Malgré tous ces bouleversements, la lutte de classes ne sera que plus aiguë, et les déviations à droite et à gauche essaieront de mettre en péril les changements apportés par la ligne révolutionnaire.
a) Le coup d’Etat fasciste et la liquidation de la « bande des quatre » (1976)
Le 8 janvier 1976, Chou En-lai meurt. Il était premier ministre depuis la fondation de la république populaire de Chine. Lors des cérémonies en son hommage les révisionnistes organisent des troubles qui dégénèrent en émeute à Pékin ; le Parti réagit et Deng Xiaoping est démis de toute fonction.
En juillet de grands tremblements de terre font 600.000 morts, ajoutant aux troubles dans le pays. Le 9 septembre Mao Zedong meurt. C’est alors l’accession au pouvoir de Houa Kouo-Feng par un coup d’Etat. Ce coup d’Etat amorce un tournant politique et conduit à la substitution d’une ligne révisionniste et bourgeoise à la ligne révolutionnaire et prolétarienne antérieure.
Au lendemain de la mort de Mao, l’unité de la direction du PCC autour de la ligne pratiquée ne semble pas entamée. Les membres de la direction participent tous aux cérémonies qui se déroulent du 11 au 18 septembre, sous la présidence de Wang Hong-Wen. Le 18, Houa prend la parole et réaffirme les thèmes fondamentaux de la ligne révolutionnaire. Il rappelle l’existence de classes et de contradictions de classes tout au long de la transition socialiste.
Il réaffirme la thèse des particularités de la lutte de classe au cours de la transition. Il cite la formule par laquelle Mao caractérisait Teng Hsiao-Ping et ses partisans :
« On mène la révolution socialiste, et on ne sait même pas où est la bourgeoisie ; or elle existe dans le parti communiste, ce sont les responsables engagés dans la voie capitaliste. Ils n’ont cessé de suivre cette voie » (Pékin Information, n°38 de 1976, p.8.).
Dans ce même discours, Houa déclare encore que la Révolution Culturelle « a brisé les complots de restauration ourdis par Liou Chao-Chi, Lin Piao et Deng Xiaoping, soumis à la critique leur ligne révisionniste contre-révolutionnaire« . Il ajoute aussi que la lutte sera continuée « pour critiquer Deng et riposter à la déviation de droite qui contestait les conclusions justes. »
Dans les jours qui suivent apparaissent les signes d’une tension au sein de la direction du PCC. Il semble que le 19 septembre Houa ait mis la main sur les documents personnels de Mao, et que le 29, il y ait eu une séance orageuse où Houa accuse les « quatre » d’avoir modifié certaines paroles de Mao. Le 6 octobre, Houa, s’appuyant sur les forces de sécurité du Nord, opère son coup d’Etat. Il fait arrêter les « quatre ».
Les « quatre » appartenaient aux plus hautes instances du PCC, Wang Hong-Weng est vice-président du parti depuis août 73 ; Tchang Tchouen-Kiao est membre du comité permanent du bureau politique ; Yao Wen-Yun et Kiang Tsing étaient déjà membres du bureau politique en 1969. Ils seront exclus à vie du parti en juillet 77.
Au cours de ces opérations, Mao Yuan-Xin, un neveu de Mao, est tué. Est également tué le dirigeant des milices ouvrières de Pékin. Le 8, dans des conditions douteuses (une partie des membres des anciens organes dirigeants ayant été privés de liberté et d’autres étant sous la menace d’être arrêtés), Houa se fit « nommer » président du CC. Et président de la commission des affaires militaires du CC tout en conservant le poste de premier ministre.
Simultanément, Houa se fait attribuer le monopole de l’édition et de l’interprétation des œuvres de Mao. Toutes ces décisions sont prises au nom du CC qui ne s’est pas réuni. A partir du 10 se déclenche une campagne contre les quatre. Ceux-ci sont accusés de révisionnisme et de tramer complots et intrigues. Simultanément est lancé un appel à la discipline.
Le 21 octobre de grandes manifestations sont annoncées pour « acclamer la nomination » de Houa et « célébrer l’écrasement des quatre« . Le 28, Tchang, Yao et Wang sont destitués de toutes leurs fonctions, mais la critique contre Deng reste officiellement à l’ordre du jour.
Pour trouver une légitimité, Houa fera publié dans l’éditorial du Renmin Ribao et du Sienfangjun Bao du 25 octobre démontrant que la décision du CC de le nommer président du parti aurait été conforme à une décision prise le 30 avril 1976 par Mao. Cette légitimité ne s’appuie en fait sur rien, car le texte de Mao constamment cité : « C’est toi qui dirige les affaires, alors je suis tranquille« , n’indique pas à qui il est adressé et n’indique pas non plus de quelles affaires il s’agit.
En tout cas, à partir de la fin octobre, Houa se présente comme le seul successeur légitime de Mao, et mets en place une sorte de culte de sa personne, sa photo apparaît dès lors à côté de celle de Mao et avec le même format.
b) Le retour de Deng Xiaoping
Dans le discours que Houa prononce le 24 novembre, lors de la pose de la première pierre du mausolée de Mao, il n’y a plus de critique de Deng. En janvier 77, on signale diverses manifestations réclamant le retour de Deng. En mars, Houa propose, lors d’une réunion de travail du CC, de redonner des responsabilités à Deng. C’est alors que commencent les campagnes d’ « émulation socialiste », puis qu’est annoncée la mécanisation agricole accélérée.
Fin juin 1977, le Renmin Ribao fait l’éloge des idées de Deng qui avaient été antérieurement critiquées, et il approuve les critiques que Deng faisait contre la ligne révolutionnaire, désormais présentée comme celle des « quatre ». Lors de la IIIè Session du CC, du 16 au 21 juillet 77, Houa est officiellement nommé président et Deng retrouve la totalité des pouvoirs. Le peuple chinois n’a droit à aucune véritable explication.
Ce tournant à 180° est de loin de s’accomplir de façon pacifique. Il est l’aboutissement d’une lutte de classes aiguë dans laquelle les organes de sécurité interviennent sur une large échelle.
Il y eu alors une répression de grande ampleur. Selon des étrangers ayant séjourné en Chine à l’époque, il y eu non seulement des arrestations dans toutes les provinces mais également de nombreuses exécutions. Certaines de ces exécutions sont annoncées officiellement, soit par la radio, soit par des affiches apposées par les autorités.
D’autres sont connues par des dazibao, ou parce que l’on a vu des camions transportant des condamnés à la peine de mort portant au cou une pancarte faisant connaître leur condamnation.
Les choses sont allées si loin qu’il a fallu officiellement rappeler qu’il pouvait être possible de surseoir les exécutions. On a souvent dit que pendant la Révolution Culturelle beaucoup d’excès avaient été commis, et que rien n’avait été fait pour les empêcher, mais la ligne de Mao Zedong était très clair et s’opposait à l’exécution en nombre des contre-révolutionnaires.
Ainsi dans Les Dix Grands Rapports, Mao écrit :
« Quel inconvénient y-a-t-il à renoncer à une exécution ? Ceux qui peuvent être rééduqués par le travail doivent être rééduqués par le travail, ce qui transforme une chose inutile en une chose utile. D’autre part, la tête d’un homme ne repousse pas comme un poireau. Quand elle est coupée, il n’en vient pas une autre à sa place. Alors, si on se trompe en coupant une tête, il n’y a aucun moyen de corriger l’erreur. Appliquer la politique qui consiste à n’exécuter personne au cours de la répression des contre-révolutionnaires dans les organes du gouvernement ne nous empêche pas d’avoir une attitude ferme à leur égard » (Mao Tsetoung, Textes de 1949-1958, Ed. du Cerf, Paris, 1975, p.186.).
La répression s’accompagne tout au long de 1977 d’une épuration massive du parti. Un tiers des cadres ont été « épurés ». Cette épuration s’est accompagnée d’un retour massif des anciens cadres épurés. De la sorte, dans la composition même des cadres, le PCC de la fin 77 est beaucoup plus proche de celui de 65 que celui d’octobre 76.
Avec le retour des droitiers, les positions de Deng se renforcent et l’accent est mis de plus en plus sur la production, qui « prend le pas sur la lutte des classes » (Renmin Ribao du 12 décembre 1997). Son mot d’ordre : « Qu’importe que le chat soit blanc ou noir pourvu qu’il attrape des souris ».
c) Le rétablissement du capitalisme (1977-2002)
La nouvelle direction du PCC proclamera alors la fin de la Révolution Culturelle. Celle-ci n’est assortie d’aucun bilan. L’absence d’un tel bilan signifie qu’aucune ligne de démarcation n’est tracée par la nouvelle direction du PCC entre les transformations positives, du point de vue des travailleurs, qui se sont produites grâce à la Révolution Culturelle, et les transformations ou les pratiques ayant pu avoir des effets négatifs.
La porte est ainsi ouverte à une remise en cause de la Révolution Culturelle. La période qui s’ouvre avec la mort de Mao Zedong et l’élimination des « quatre » est caractérisée par l’ampleur du bond en arrière accompli et par l’abandon ouvert d’une série d’analyses développées depuis 1966.
Cet abandon est un reniement des acquis que la révolution chinoise a apporté au marxisme, c’est-à-dire un reniement du marxisme-léninisme. Dès lors, il y a une contre-offensive bourgeoise et révisionniste qui se développe sur tous les fronts : sur le front des mesures pratiques et des décisions concrètes et sur celui des positions idéologiques.
Cette contre-offensive vise, en particulier, ce qui reste des comités révolutionnaires au niveau des unités de production. Elle a également pour objectif le renforcement de la direction unique et du rôle exclusif du comité de parti, les différentes formes de groupes de triple union et le durcissement des règlements et de la discipline.
On insiste unilatéralement sur l’obéissance. S’il est déclaré qu’il faut « compter sur la classe ouvrière » , ce n’est pas en raison de son esprit d’initiative mais « parce qu’elle observe plus strictement la discipline et obéit aux ordres« . Ce qui favoriserait l’initiative des masses et ce qui peut rester de leurs organisations est dénoncé comme correspondant à « la voie de l’économisme, du syndicalisme, de l’anarchisme et de l’individualisme radical« .
Le contrôle exercé sur les dirigeants est considéré comme une violation de la discipline, et les « quatre » sont précisément critiqués pour avoir développé l’idée de contradiction entre prolétariat et bourgeoisie au sein des usines, pour avoir parlé de l’opposition entre la direction et les masses (New China News Agency, 21-05-1977).
L’idéologie désormais développée tend à maintenir les cadres et les techniciens au-dessus des travailleurs et à placer ces derniers sous l’autorité des règlements élaborés par les premiers.
On assiste à une contre-offensive massive visant à écarter tout ce qui avait été dit et fait pour s’opposer à l’existence de règlements oppressifs dans les usines. Le prétexte à ce durcissement est, d’une, la situation prétendument mauvaise dans laquelle se serait trouvée l’économie chinoise « du fait de l’activité des quatre » et, d’autre part, les « exigences » des « quatre modernisations » (industrielle, agricole, militaire et scientifique et technique) imposée par Deng Xiaoping.
La nouvelle direction met en place des campagnes d’émulation socialistes destinées à soumettre les travailleurs à un réseau de commandement et à les obliger à réaliser non seulement des normes (fixées par les autorités), mais encore à battre des « records » de production.
De telles campagnes n’ont rien à voir avec une authentique émulation socialiste. Elles s’insèrent d’ailleurs dans toute une orientation politique qui remet au poste de commandement l’économie, la production et le profit. Il s’agit d’un tournant à 180° par rapport aux positions de principe de la Révolution culturelle. Cette phrase d’une émission de Radio-Pékin « que la politique serve l’économie » (27-11-77) exprime explicitement ce tournant.
Une lutte contre l’égalitarisme au niveau des salaires est menée, correspondant aux intérêts de la bourgeoisie au sein du parti qui veut diviser la classe ouvrière en développant des inégalités croissantes entre travailleurs. Cette lutte favorise les dirigeants des entreprises et les techniciens, elle tend à consolider la bourgeoisie d’Etat, celle qui occupe les postes de direction dans les appareils économiques, dans les appareils administratifs et dans le parti. Tel est le contenu de classe de cette nouvelle orientation.
Cette nouvelle orientation concerne également la politique agricole qui vise dès lors à réduire les initiatives des masses paysannes et à les subordonner à une direction centralisée où les travailleurs n’exercent plus aucun contrôle. L’aspect dominant de cette orientation est le recours à des méthodes autoritaires imposées d’en haut à la paysannerie, où l’on parle « d’emploi rationnel de la force de travail rural ».
Radio-Haikow déclare ainsi le 23 novembre 1976, « qu’il faut apprendre à organiser la force de travail » et appelle à soumettre l’équipe de production au « commandement unifié de la brigade et de la commune ». Il est également précisé que la force de travail doit être envoyée là où la production peut être accrue le plus efficacement et où il est possible d’obtenir les meilleurs résultats.
Les mesures préconisées conduisent à traiter les paysans comme une force de travail qu’un commandement unifié envoie là où il juge que son intervention sera le plus utile. C’est là une forme d’organisation du travail capitaliste et non pas socialiste. Les conséquences de cette nouvelle orientation ont été la stagnation dans la production céréalière obligeant la Chine à importer, l’atteinte à l’environnement, l’émigration massive des paysans vers les grandes villes engendrant de nouveaux problèmes dans ces villes qui doivent faire face à cet arrivage.
L’immense majorité des nouveaux venus se retrouvera sans emploi et sans logement, changeant ainsi le visage des villes, où l’on voit beaucoup de gens dormirent dans les gares, les jardins publics ou les bidonvilles. Pour ceux qui sont restés à la campagne, on assiste à un retour de l’agriculture familiale entraînant la réapparition de traditions et de pratiques féodales brutales. Dans le système de l’agriculture familiale, la main-d’œuvre et les héritiers masculins des parcelles ont plus de valeurs que la vie et les droits des femmes. Les fils sont plus prisés que les filles.
Ainsi, parallèlement à la réapparition des parcelles familiales, les femmes battues, le persécution des femmes qui donnent naissance à des filles et le meurtre des bébés de sexe féminins ont ré-émergé comme des problèmes sociaux majeurs.
La criminalité augmente dans les villes, la corruption, les pots de vins, les relations de la famille, à l’école ou sur le lieu de travail sont utilisées pour obtenir des emplois ou des biens de consommation rares sur le marché, c’est ainsi que l’on survit et que l’on grimpe les échelons. La pauvreté dans les villes croît et les paysans sont menacés de disette, c’est ainsi qu’on a pu voir des centaines de milliers de paysans et de mineurs se soulevaient courant 2001 et 2002.
Pour finir, ce chapitre concernant le rétablissement du capitalisme en Chine, nous allons parler de la politique étrangère de la Chine depuis le coup d’Etat fasciste. On notera, en premier lieu, qu’avec l’arrivée de la direction droitière à la tête du parti, les capitaux étrangers ne vont cesser d’affluer, car pour rentrer dans l’économie de marché la Chine a besoin d’équipements industriels adaptés et donc de technologie étrangère.
Alors elle va emprunter aux pays étrangers, et ne pouvant rembourser par la suite, elle sera obligée d’associer les investisseurs étrangers à ses projets, comme le forage de la côte par exemple. Mais la dette extérieure ne va cesser de s’accroître, alors les puissances étrangères vont rétablir leur domination sur la Chine, en obtenant d’elle des enclaves et des concessions, il s’agit des « zones économiques spéciales » établies par le gouvernement chinois le long de la côte Sud-Est de la Chine.
Le gouvernement chinois a investi dans les transports et les communications, fourni une main-d’œuvre et des taux d’imposition préférentiels aux capitaux étrangers, qui ont eu l’autorisation de s’établir sur le territoire chinois. En conséquence, plusieurs millions de chinois ont travaillé dans ces zones, et leurs conditions de travail sont plus que désastreuses : ils travaillent plus de 12 heures par jour sept jours par semaine, et on voit même des enfants travaillant pour 30 cents l’heure.
Autre point de la politique étrangère, les relations diplomatiques et la politique internationale. La véritable nature de classe de la nouvelle direction se manifeste également par ces deux points.
Dans ce domaine, c’est la « théorie des trois mondes » de Deng Xiaoping qui œuvre. Cette « théorie » n’a aucune base scientifique. Elle est un prétexte pour justifier la politique extérieure de la Chine expansionniste.
Selon Deng, qui prétend que c’est une théorie de Mao Zedong, il y a trois mondes. Le premier monde est composé des deux « superpuissances », un terme qui n’a jamais été employé par Mao Zedong. Il s’agit bien évidemment des USA et de l’URSS.
Le second monde est composé des « puissances impérialistes », à savoir la France, l’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie, etc. Le troisième monde est composé des autres pays, du « tiers-monde ».
Cette thèse ne correspond à aucune réalité. Elle suppose de façon erronée, qu’entre le « deuxième » monde et le « troisième » l’unité puisse l’emporter sur la contradiction, ce qui va à l’encontre de tout ce qu’enseigne l’histoire passée et présente.
Certains affirment que cette « théorie » est due à Mao, que les révisionnistes auraient caché son texte. Ils disent que sa vraie thèse est que « trois mondes se dessinent« .
Mais Mao a toujours expliqué que « un devient deux ». Comment un pourrait-il devenir trois ? Ce serait anti-dialectique. Il n’existe aucun texte de Mao à ce sujet.
En vérité, la première proclamation officielle de cette « théorie » apparaît dans l’intervention faite par Deng Xiaoping à l’ONU. La Chine se pose comme concurrent de l’URSS et des USA. L’application de cette « théorie » aboutira à l’appui des interventions de l’impérialisme français en Afrique et à au soutien aux régimes les plus réactionnaires : à Mobutu, à Bokassa et à Amin Dada en Afrique, à Pinochet en Amérique latine.
La signification de classe de ce soutien est d’autant plus grande que celui-ci se tourne contre les intérêts mêmes de la Chine comme nation. Le prestige de la Chine aux yeux des travailleurs du monde entier tombera alors au plus bas.
d) L’analyse du PC de Chine (marxiste-léniniste)
Le 1er janvier 1981 est publié dans le Revolutionary Worker (organe du RCP/USA, Parti Communiste Révolutionnaire des USA) un texte signé Parti Communiste de Chine (Marxiste-Léniniste) – Comité Central. Ce sera la première et dernière fois que le PCC(ML) éditera un texte.
Ce texte fait le procès du PCC et de sa ligne révisionniste, et défend les « quatre » et la ligne de Mao. Pour le PCC(ML), les « quatre » ont été instrumentalisés afin de faire un procès à la ligne révolutionnaire de Mao.
Le PCC(ML) soutient unilatéralement les « quatre » et plus particulièrement l’épouse de Mao, Kiang Tsing qui, selon la coutume féodale, doit payer pour « les fautes et les erreurs » de son mari.
Le PCC(ML) affirme par cela son appui à la ligne de Mao Zedong :
« Kiang Tsing n’aurait pas dû être l’épouse de Mao. Quelle est cette coutume féodale qui exige que « l’épouse paye pour les dettes de son défunt mari » ?
Mao est le plus grand marxiste-léniniste de notre temps. Dans la lutte contre l’impérialisme et les classes réactionnaires internationales, contre les lignes opportunistes de droite et de gauche à l’intérieur du Parti, contre tous les tons du révisionnisme. Il a su combiner les vérités universelles du marxisme-léninisme et la pratique concrète de la révolution chinoise et aussi bien la cause libératrice des nations et des peuples opprimés du monde entier…
Mais Mao était un homme, non un dieu, face aux assauts et aux contre-attaques des impérialistes, des classes réactionnaires internes, les opportunistes de droite et de gauche à l’intérieur du Parti, des révisionnistes, face aux trahisons, aux coups bas des loups, des porcs, de la racaille, il n’était pas question pour lui d’adopter une attitude conciliante, aimable, courtoise, modérée et magnanime…
Il fallait faire table rase des monstres et des démons, briser ces têtes de chiens, afin de protéger le marxisme-léninisme et la continuation de la révolution sous la dictature du prolétariat. »
Le PCC(ML) reproche aux « quatre » de ne pas avoir su réagir avec fermeté face aux révisionnistes, alors qu’ils avaient le soutien de Mao et assez d’influence dans le Parti pour les empêcher d’agir :
« Kiang tsing et ses compagnons ont alors sous-évalué la tâche révolutionnaire qui leur incombait, qui n’était pas de faire preuve de conciliation et d’amabilité.
Ils n’ont pas pu déraciner ces éléments contre-révolutionnaires anti-Parti, ils ont même cru aux fausses confessions couvrant les secrètes intrigues de cette bande réactionnaire qui ne reconnurent leurs erreurs que dans le but de reconquérir le pouvoir pour répandre leur venin et repêcher les chiens tombés à l’eau. »
Le PCC(ML) dit avoir une forte influence dans l’Armée Populaire de Libération, mais ne pas avoir su réagir à temps au coup d’Etat des contre-révolutionnaires, et fait donc son auto-critique :
« Nous devions prendre des mesures d’urgence, mais nous n’avons réagi que trop tard lorsque nous avions déjà laissé passer nos chances de résistance… Nous devons donc chercher à découvrir toutes nos erreurs et à les exprimer le plus concrètement possible pour aider à les extirper, à les prévenir pour le futur et, au travers des épreuves, poursuivre notre cause jusqu’au bout. »
Le PCC(ML) appelle le peuple à juger la direction au pouvoir et entend continuer ses efforts pour rendre le pouvoir au prolétariat. Malheureusement, ce texte ne connaîtra pas de suites, et on n’entendra plus jamais parler du PCC(ML). Kiang Tsing décédera dans des conditions mystérieuses le 5 juin 1991, après 15 années de prison spéciale.