FRONT POPULAIRE DE LIBÉRATION DE LA PALESTINE
POUR UNE SOLUTION DÉMOCRATIQUE, 1970

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Lorsque nous employons une expression précise, et particulièrement lorsque nous l’utilisons comme un slogan définissant une position essentielle, elle doit être très claire. « Démocratique » est l’un de ces mots mal utilisés et mal compris. Lorsque nous affirmons que nous sommes pour une « solution démocratique », nous devons au préalable définir les deux points suivants :

1. Une « solution démocratique » à quoi :

à la « question israélienne » ?

à la « question palestinienne » ?

à la « question juive » ?

En effet, même si l’on ne peut ignorer le lien existant entre ces questions, il reste qu’à long terme chacune d’elles peut avoir une signification totalement différente. Mais si nous commençons à parler d’une « solution démocratique » à la « question israélienne » — dont certains ont parlé récemment — il sera alors possible de parler d’un « État fédéral » en Palestine, comme l’a rapporté Le Monde, citant un porte-parole du FDPLP.

Cette solution est tout à fait irréaliste pour nous et ne correspond pas à notre idéologie. Plus exactement, cette idée doit rester un sujet de discussion jusqu’à ce qu’elle soit complètement précisée : aucun mouvement progressiste de libération n’est chargé de trouver une « solution démocratique » à une situation d’agression. En conséquence, la « solution démocratique » avancée par le mouvement de libération nationale palestinien et arabe concerne directement les juifs vivant en Palestine, et non l’État israélien.

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C’est la « solution démocratique » de la « question juive » dans sa partie en relation avec le conflit palestino-­arabo-­israélien. Ce n’est une « solution démocratique » ni de l’entité israélienne ni du mouvement sioniste ni de la question palestinienne. La première représente un ennemi bien équipé, la seconde la base idéologique réactionnaire de l’ennemi, tandis que la troisième est un mouvement progressiste de libération et de lutte. Dans ces trois cas, le compromis est impossible.

Une définition du terme « démocratique » est nécessaire, car ce mot est repris dans maintes discussions. Dans de nombreux cas, une certaine classe l’a employé au mieux de ses intérêts propres. Ce qui est « démocratique » pour un féodal ou un capitaliste est « dictatorial » pour le travailleur et le paysan. Ce qui est « démocratique » pour un libéral a toujours été une certaine forme de domination des classes prolétariennes et pauvres. Ce fait est bien connu de tous.

En théorie, employer ce mot est ambigu, s’il n’est pas clairement défini. La démocratie ne peut être séparée d’une position de classe. Ce n’est pas une de ces valeurs humaines absolues acceptées comme des idéaux par toutes les classes.

Pour le FPLP, démocratie ne peut jamais signifier « une démocratie libérale » mais plutôt une « démocratie du peuple », une démocratie des classes laborieuses et prolétariennes. S’il n’en n’est pas ainsi, cela ne peut aller de pair avec les structures et l’idéologie auxquelles le FPLP adhère. Le contraire est également vrai, c’est-­à-­dire qu’on ne peut pas adopter l’idéologie des classes prolétariennes et parler d’une « démocratie libérale » et, par conséquent, d’un état fédéral.

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Nous ne pouvons pas adhérer à une « démocratie » autre qu’une « démocratie libérale » si notre engagement idéologique est un « engagement libéral et réformiste. » Les structures idéologiques et de classes d’une certaine organisation déterminent son engagement à propos de la « démocratie. »

Ces deux points devaient être précisés car les résultats que l’on peut atteindre, en présentant l’idée d’une « solution démocratique », seront en relation avec eux. Sans cela, nous risquions de tomber dans une contradiction entre, la théorie d’un côté, la pratique et les résultats d’un autre, ou encore serions-nous victimes du fossé qui sépare nos actes de nos paroles.

L’entité sioniste est, en fait, une présence agressive, qui apparaît comme une suite logique de la contradiction existant entre les intérêts de la bourgeoisie européenne juive et ceux de la bourgeoisie européenne. La première cherche un lieu où elle pourrait agir librement, tandis que la seconde cherchait à acquérir le contrôle total de la situation au sein de ces pays respectifs.

La bourgeoisie européenne se consolida avec le nazisme et la bourgeoisie européenne juive, d’une manière semblable, arriva avec le sionisme. Dès lors, pour être « démocratique » — dans le sens progressiste du terme —, on est forcé de combattre cette entité dont les stimulants, la manière dont elle a été érigée, son rôle, son alignement et son destin sont fondamentalement liés aux conceptions bourgeoises et capitalistes de la communauté juive d’Europe qui n’eut pas la possibilité d’être intégrée par la bourgeoisie européenne.

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On ne peut donc parler d’une « solution démocratique du problème israélien » parce que, dans un certain sens, cela donne à penser que nous parlons d’une solution au problème du capitalisme ou du colonialisme, ou encore « d’une solution démocratique de la question nazie ».

Donc, la « solution démocratique » ne peut exister qu’en fonction du « problème juif ». Il en est ainsi dans cette partie du monde, il en est de même partout ailleurs. Bien qu’il appartienne en ce moment, au mouvement arabe et palestinien, de trouver une « solution démocratique » dans cette zone de conflit, il incombe également aux forces progressistes du monde de s’en préoccuper, sinon cette solution restera incomplète.

Ceux qui parlent d’une « solution démocratique », en Europe ou aux États-­Unis, tout en acceptant l’existence d’un Israël victorieux et à condition de résoudre le problème des réfugiés, ont une opinion qui, dans un certain sens et d’un point de vue historique, ressemble à l’idée de rejeter les juifs à la mer (…).

La partie arabe doit faire face à un grave dilemme : adopter des slogans théoriques n’est pas une solution. Nous savons que le mouvement national palestinien s’est engagé à libérer les Arabes et les juifs. Durant la lutte, il faut essayer de gagner à notre cause les juifs victimes de l’exploitation sioniste et de ses liens impérialistes.

Ce problème n’est pas simple, car il y a une situation de double exploitation de deux classes, d’une part, et, d’autre part, d’une seule exploitation (si ce terme peut être employé). Bien qu’il soit dans l’intérêt du prolétariat juif de se libérer de l’exploitation, de la domination et de l’idéologie sionistes, ce prolétariat bénéficie de l’exploitation sioniste des Arabes qui subissent une exploitation plus profonde, plus étendue.

Si cet état de chose signifie que le prolétariat juif en Israël se trouve dans une situation plus complexe que celle de n’importe quel autre prolétariat d’un État impérialiste (en ce sens qu’il bénéficie des miettes de l’exploitation des ressources des autres peuples), il signifie aussi que la tâche « d’instigation révolutionnaire » que la résistance palestinienne est en train d’accomplir au sein de la société israélienne, devra être plus élaborée que n’importe où ailleurs.

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Nous ne pouvons pas, maintenant, nous avancer trop dans le domaine de la conjoncture sur le développement de ce problème. Cependant, il demeure évident que les liens étroits et profonds qui existent entre la lutte de libération palestinienne et les causes de libération arabe et de l’unité arabe, faciliteront cette tache, lui donneront une efficacité plus grande que si le mouvement de libération de la Palestine avait adopté une attitude régionaliste et exclusive, et parlé d’un « État fédéral » au nom de la « démocratie » ou d’une « solution chauvine » au nom de la « révolution ».

Nous voulons insister sur le fait que la « solution démocratique » est le complément de la lutte armée : elles sont organiquement liées. La « solution démocratique » est la lutte armée, non seulement parce que seule la lutte armée peut détruire l’entité impérialiste, mais aussi parce que la lutte est l’instrument le plus à même de libérer les classes victimes d’exploitation en Israël. Et cela malgré les minces avantages qu’elles en tirent, malgré le fait que cette entité leur offre les restes et les miettes des ressources des autres peuples.

Le mouvement de libération de la Palestine ne peut pas être révolutionnaire, et en même temps parler d’une solution fasciste ou chauvine pour les juifs. Il ne peut être qu’un mouvement engagé pour une « solution démocratique » dans son sens progressiste et non dans son sens « fédéraliste. » Tout ceci dépend, à longue échéance, des pratiques du mouvement de résistance et de ses engagements militaires et idéologiques.


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