La victoire du révisionnisme en Union Soviétique, avec Nikita Khrouchtchev comme dirigeant, impliquait nécessairement d’écraser les forces révolutionnaires des démocraties populaires. L’une des étapes importantes en ce sens fut la dissolution du Kominform, le 17 avril 1956.
Un tel acte était une grande offensive contre l’histoire même des démocraties populaires. A côté de cela, Khrouchtchev organisa l’alliance avec les forces révisionnistes des démocraties populaires, malgré le fait qu’elles soient orientées vers le nationalisme, et donc tendanciellement vers une certaine rupture avec l’URSS.
Cependant, le révisionnisme « titiste » ayant existé dans les démocraties populaires avait, au final, la même substance que le révisionnisme de type khrouchtchévien – la dimension de l’URSS mise à part.
Aussi, après avoir appuyé les révisionnistes des démocraties populaires, le révisionnisme du social-impérialisme soviétique remplacera ceux-ci par des représentants d’une bourgeoisie bureaucratique directement soumise à lui.
En Bulgarie, Valko Tchervenkov est éjecté du poste de secrétaire général la veille du premier anniversaire de la mort de Staline.
En Roumanie, Gheorghe Gheorghiu-Dej devint un renégat et assuma une ligne très forte de nationalisme bourgeois, marqué par l’ouverture importante aux pays impérialistes, une ligne poursuivie par Nicolae Ceaușescu à partir de 1965. Le même processus se déroule en République Démocratique Allemande, Walter Ulbricht devenant un renégat.
En France et en Italie, avec Maurice Thorez et Palmiro Togliatti, c’est par ailleurs la même ligne nationaliste bourgeoise, de type titiste, qui triomphe.
En Hongrie, la base révisionniste était pareillement si forte qu’en fait, dès juillet 1953, ce fut Imre Nagy qui fut nommé premier ministre, organisant immédiatement l’arrêt de la collectivisation, la fermeture des camps de prisonniers, le rétablissement d’un large artisanat privé et la fin de l’orientation vers l’industrie lourde.
Le secrétaire général était cependant toujours Mátyás Rákosi, qui se fit cependant débarquer en 1956, après avoir tenté en 1955 de briser la fraction de Imre Nagy. Il fut déporté en URSS et refusa en 1970 l’autorisation de retourner en Hongrie s’il acceptait de ne plus faire de politique.
László Rajk fut réhabilité en mars 1956, 10 jours après la réunion du « Cercle Petöfi », rassemblant des forces révisionnistes célébrant le XXe congrès, exigeant la « liberté de la presse », au grand dam de Mátyás Rakosi considérant que c’était un « mini-Poznan ».
Si l’auteur du discours, Tibor Déry, fut exclu du Parti, Imre Nagy fut quant à lui réintégré officiellement, alors que Mátyás Rakosi fut donc éliminé, et que László Rajk eut des funérailles nationales.
En Tchécoslovaquie, la situation était cependant fort différente. D’un côté, le dirigeant communiste historique, Klement Gottwald, était mort en 1953, en revenant de l’enterrement de Staline. Cela laissa un certain vide politique, où le révisionnisme put s’infiltrer.
Il n’y avait cependant pas eu de modifications culturelles ouvertes entre 1953 et 1956, et si les informations relatives au XXe congrès furent diffusées, le « rapport secret », fut mis sous le boisseau. C’est en fait la propagande anti-communiste depuis les pays capitalistes qui le diffusa, par l’intermédiaire de « Radio Free Europe » et de ballons transportant des exemplaires du document.
Aussi, les révisionnistes durent-ils mener une lourde offensive. C’est Antonín Novotný qui s’en chargea, avec l’organisation les 29 et 30 mars 1956 d’une réunion extraordinaire du Comité Central, où il tient lui-même un exposé intitulé « Le XXe congrès du PCUS et les conséquences qui en découlent pour le travail de notre Parti ».
Antonín Novotný attaqua, dans le prolongement de Nikita Khrouchtchev, le « culte de la personnalité » et son représentant en Tchécoslovaquie, Klement Gottwald. Son point de vue est même publié dans le journal du Parti, le Rudé Pravo.
Antonín Novotný réitéra avec une nouvelle réunion extraordinaire, les 19 et 20 avril 1956, puis commença à diffuser sa propagande à la base même du Parti ; chaque cellule fut ainsi confronté à un « résumé des accusations » contre Staline. Les représentants révisionnistes du Comité Central furent envoyés avec des brochures numérotés, avec comme tâche de les lire puis de les rapporter, sans jamais débattre.
La vague révisionniste eut un grand effet dans les universités, où les activités anti-communistes se développèrent fortement. Le dirigeant Alexej Čepička fut éjecté ; les révisionnistes triomphaient.
En Pologne même, le haut responsable communiste (et juif) Jakub Berman fut éliminé de toute fonction, avec l’appui de « Radio Free Europe », la radio américaine anti-communiste diffusant en Europe de l’est et menant une propagande contre Jakub Berman en s’appuyant en l’occurrence sur un renégat ayant rejoint l’ouest.
Communiste depuis 1928, Jakub Berman était devenu par la suite membre du bureau politique du Parti Ouvrier Unifié Polonais, et responsable des services de sécurité, à partir de 1944. Il est purgé par la nouvelle direction en 1956, et même exclu du Parti en 1957 en raison de ses « erreurs » lors de « l’époque stalinienne ».
Hilary Minc, responsable de la planification, fut également purgé. Quant au dirigeant du Parti, Bolesław Bierut, il fut la victime d’une campagne lancée par Nikita Khrouchtchev annonçant son « rapport secret » (qui sera d’ailleurs diffusé en Europe par l’intermédiaire de la fraction pro-Khrouchtchev en Pologne), avant de mourir « opportunément » lors d’un voyage à Moscou en mars 1956.
Le nouveau dirigeant du Parti, Edward Ochab, fut naturellement sur la ligne de Khrouchtchev. Une amnistie prononcée le 25 avril 1956 libéra 30 000 personnes, alors qu’inversement furent purgés les ministres de la Sécurité et de la Justice, ainsi que des hauts fonctionnaires de la Sécurité.
C’est dans cette perspective que le Parti Communiste de Pologne, dissous en 1938, fut officiellement réhabilité le 9 février 1956.
Toutes les années 1955-1956 furent marquées par une intense propagande anti-communiste depuis les instances culturelles, notamment avec le périodique Nowa kultura.
L’Église catholique, bien sûr, joue un grand rôle politique. Ce n’est qu’en 1952 que la laïcité avait été instaurée en tant que tel. Lors de l’annonce du contrôle gouvernementale des nominations des religieux – ce qui revenait à appliquer une mesure prise dans les pays protestants 400 années auparavant – l’Église catholique put organiser en février 1953 une grande procession à Cracovie, culminant dans l’affrontement avec la police.
En 1955, un million de personnes manifestèrent en présence du cardinal Wyszynski, à Czestochowa – alors qu’inversement lors des événements de 1956, ce sont ainsi pas moins de 250.000 personnes qui défilèrent à Prague pour saluer l’ambassadeur soviétique.
Le processus continuera par la suite. Il y avait 7250 églises en Pologne en 1937, il y en aura 14.000 dans les années 1980, avec 18.000 prêtres, des financements venant du monde entier. L’hebdomadaire catholique Tygodnik Powszchny tirera à 150.000 exemplaires, tout comme le journal jésuite « Le messager du cœur de Jésus », le journal franciscain « Le chevalier de l’Immaculée » tirant à 75.000 exemplaires.
Et enfin en juin 1956, les émeutes dans la ville de Poznań amènent enfin le retour de Władysław Gomułka. Ce dernier avait en fait déjà été libéré en décembre 1954 – mais l’information n’avait été rendue publique qu’en avril 1956. De la même manière, dès octobre 1954, 2.000 titres critiquant le titisme sont retirés des bibliothèques et des librairies….