Accueil → Textes politiques → Documents internationaux → La bataille anti-révisionniste en Espagne → Le PCE (ml) et le FRAP, le PCE(r) et les GRAPO
L’Espagne en tant que pays monopoliste, se trouve pris en plein dans la crise générale du capitalisme. En particulier, la crise économique a aggravé toutes les contradictions du système provoquées par les structures et les méthodes de la domination fasciste qui depuis plus de 40 ans applique l’oligarchie dans le pouvoir.
C’est la raison pour laquelle, en Espagne, il existe une exacerbation plus importante de la lutte des classes que dans d’autres pays européens.
Actuellement, la révolution trouve des conditions beaucoup plus favorables, tant sur le plan interne qu’externe, que dans le passé, pour réaliser ses plus amples objectifs.
Les transformations des dernières décennies ont fait évoluer notre pays, socialement et économiquement sous-développé, vers un pays capitaliste avancé.
La classe ouvrière est devenue la plus importante de la société et toutes les bases matérielles sont mûres pour la révolution socialiste.
En Espagne, le prolétariat a du mener une lutte sans merci contre l’exploitation sauvage monopoliste imposée par la terreur fasciste, lutte qui a permis de se débarrasser plus facilement de l’influence de l’idéologie bourgeoise.
Dû au retard économique et social de l’Espagne, aggravé par les effets dévastateurs d’une guerre civile et de la répression qui en a découlé, le développement économique monopoliste ne pouvait être mené à bien que par l’exploitation et la spoliation intensives de la classe ouvrière et de la paysannerie, accompagné toujours d’une répression brutale.
Malgré la désorganisation, la terreur et la démoralisation causée par la défaite, les masses font front à la réaction, recourant aux plus divers moyens de luttes et formes d’organisation, dans lesquels on peut mettre en évidence la résistance de la guérilla des années 40 et 50 qui fut continuée par le mouvement gréviste ultérieur.
C’est cette situation créée par le développement monopoliste lié au terrorisme d’Etat, qui a fait démarrer le nouveau mouvement révolutionnaire et qui lui donne ses caractéristiques spécifiques.
En Espagne, il n’y a plus de révolution démocratico-bourgeoise en cours. La seule révolution possible est la révolution socialiste.
En dehors du fait que l’origine fasciste de l’Etat de l’Oligarchie financière, la spoliation et l’oppression soumettent d’amples secteurs non-prolétaires de la population; la principale contradiction qui existe en Espagne est celle qui confronte le monopolisme et le fascisme à la classe ouvrière et au reste du peuple.
Pour cela, bien que l’objectif stratégique de notre révolution ne peut être que la prise du pouvoir politique par la classe ouvrière, celle-ci devra d’abord écraser l’oligarchie détentrice du pouvoir, avec l’aide des autres secteurs opprimés et exploités, en préservant à tout moment son rôle dirigeant et indépendant.
Le nouveau mouvement révolutionnaire de la classe ouvrière a traversé de longues périodes de luttes spontanées, de manque d’organisation et de clarté dans les objectifs, causés par la dégénération du Parti Communiste d’Espagne, parti inféodé au groupe révisionniste de Carrillo.
Ce gang de traîtres arriva à occuper les postes de la direction du Parti, à imposer la politique bougeoise de réconciliation des classes et à anéantir sa glorieuse trajectoire révolutionnaire qui avait emporté un énorme prestige parmi les masses.
Cette tâche fut favorisée par la disparition dans la lutte, de cadres importants, tant pendant la guerre qu’ultérieurement pendant la guérilla, ou simplement par leur assassinat pour s’être opposé à ses fins liquidatrices.
Les thèses révisionnistes adoptées par le XXe Congrès du PCUS donnèrent le coup de grâce en créant la confusion.
S’il n’en avait pas été ainsi, Carrillo et ses hommes ne seraient pas arrivés à s’imposer dans un Parti expérimenté dans les luttes de classes.
La politique de réconciliation nationale, qui dans notre pays signifiait la conciliation avec la bourgeoisie et le fascisme, convertit le PCE en parti social-fasciste.
Avec la conciliation, des classes, ils prétendaient écarter le prolétariat de la lutte révolutionnaire et le mener vers la participation dans les institutions du, régime fasciste pour le renforcer. Mais la classe ouvrière ne se laissa pas prendre au piège et continua sa lutte décidée et indépendante, de manière spontanée, provocant l’isolement total du régime et l’aggravation de ses contradictions internes.
Tout cela créa à la fin des années 60 la nécessité impérieuse d’une avant-garde prolétarienne qui guiderait et organiserait le mouvement ascendant de luttes de classes, qui démasquerait l’activité révisionniste et préparerait les imminents combats de classes.
A la crise que la lutte révolutionnaire avait provoquée, vinrent s’ajouter les changements produits à la fin des années 60 dans la situation internationale.
La fin du développement de l’après-guerre et les symptômes d’une nouvelle crise économique de grande envergure ; l’ample mouvement anti-impérialiste provoqué dans le monde entier par l’agression yankee au Vietnam et la lutte qui éclata dans le mouvement communiste international entre les positions révisionnistes et les positions révolutionnaires et anti-impérialistes, sont autant de facteurs qui, liés à l’acuité de la lutte des classes, font apparaître un courant de gauche qui s’affronta au révisionnisme de Carrillo.
De ce courant est issue l’Organisation des Marxistes-Léninistes d’Espagne, organisation communiste chargée de mettre en oeuvre les tâches pour la reconstruction du Parti, objectif essentiel et nécessaire pour que la classe ouvrière ne reste pas bloquée dans ses luttes et de les élever à un niveau supérieur.
Ce fait fut d’une importance considérable pour le développement du mouvement révolutionnaire en l’aidant à sortir de sa spontanéité.
Pour le reste, l’apparition d’une avant-garde communiste devait surgir un jour ou l’autre, étant donné l’exacerbation de la lutte des classes et la trahison carrilliste.
Pour les vrais communistes et ouvriers conscients, la nécessité de doter le mouvement d’une organisation d’avant-garde devenait claire.
L’Organisation des Marxistes-léninistes d’Espagne (OMLE), fondée en 1968 dans les milieux communistes de l’émigration espagnole, commença ses activités par la formation d’un noyau dirigeant engagé dans l’idée de la reconstruction du Parti.
Pour cela, il fallait travailler parmi les masses, contribuer à leur éducation et organisation politique ; mettre en mouvement leur force dans la lutte contre le fascisme et l’impérialisme démasquant en même temps le révisionnisme et autres opportunistes.
Suivant l’idéologie marxiste-léniniste, l’OMLE, par son activité clandestine créa la structure du Parti, constituant les bases de sa ligne politique et de son fonctionnement centralisé et démocratique, et établissant les liens indispensables avec les masses, particulièrement avec le prolétariat industriel.
En 1973, l’oligarchie commence, pas à pas, à adapter sa structure fasciste aux nouvelles conditions face auxquelles ses méthodes de domination traditionnelles se montraient inefficaces.
C’est ce qu’on appela à l’époque l’ «ouverture politique», en opposition aussi bien à l’immobilisme, qu’aux formes fascistes du pouvoir passé et à la pseudo-démocratie.
L’OMLE se distingua solitairement dans la dénonciation de la manoeuvre d’«ouverture» et du bloc contre-révolutionnaire formé par le fascisme, les révisionnistes et opportunistes de toute espèce.
Il appela les masses à poursuivre la résistance et à boycotter tout appel à la participation dans ces institutions; il participa à de nombreuses luttes ouvrières, dirigeant certaines d’entre-elles, très importantes comme la grève révolutionnaire de Vigo en 1972 et mena à bien la lutte systématique politique et idéologique contre le révisionnisme et l’opportunisme.
Le fascisme était si faible, enfermé et rongé par ses contradictions internes, qu’il battait en retraite, si l’on trouvait le courage de lui faire front.
En 1975, le régime traverse la crise la plus importante de son histoire.
En conséquence de la défaite de la politique d’ «ouverture», de son isolement social, du boycot et de la résistance de la classe ouvrière à ses plans, la seule échappatoire de l’oligarchie était de recourir au terrorisme le plus déchaîné.
Dans ces conditions, l’OMLE décida de convoquer le Congrès Reconstitutif du Parti, conscient que la classe ouvrière avait besoin plus que jamais de son avant-garde organisée.
De plus, le développement de l’Organisation, étendu à toutes les nationalités et aux principales zones industrielles, avait crée les bases organiques politiques et idéologiques qui rendaient possible ce Congrès.
Dans le Congrès Reconstitutif (tenu en juin 1975) une série de projets furent approuvés destinés à placer le Parti en tête du mouvement révolutionnaire des masses.
Entre autres décisions, il fut adopté d’appuyer et de promouvoir la lutte armée.
Les nombreuses expériences recueillies dans la participation directe et active à la lutte révolutionnaire des masses et le caractère même que prenait la crise générale du système font mieux comprendre de jour en jour à la direction du PCE(r) l’impossibilité pour la classe ouvrière de continuer le combat pour la liberté authentique et le socialisme avec les méthodes de lutte syndicales et parlementaristes.
Le grand capital, dans l’étape actuelle de son développement – caractérisé par la crise économique et politique chronique, par le mitarisme à outrance et les procédés politiques de contrôle policier – et face à l’opposition croissante et résistante des masses aux mesures répressives et spoliatrices ; ne peut plus continuer la domination avec des structures ouvertement fascistes.
Mais il n’est pas pour autant disposé à admettre l’existence légale des partis et syndicats ouvriers qui, comme à une autre époque, utiliseraient les lois et institutions démocratico-bourgeoises pour abattre le système bourgeois lors de sa décadence et de sa crise généralisée.
Pour cela, actuellement, l’Etat de la dictature bourgeoise est la contre-révolution armée prête à agir à n’importe quel moment pour étouffer dans le sang le moindre indice de liberté populaire.
De là, le fait que, pour combattre le système capitaliste, pour atteindre à des améliorations économiques et sociales, pour augmenter la liberté et accumuler les forces révolutionnaires, les méthodes syndicalistes et parlementaristes (correspondant à l’étape précédente du développement du capitalisme) ne sont plus suffisantes.
Ces méthodes sont tout à fait déphasées et sous le contrôle de l’appareil répressif de l’Etat.
Au moment de faire cette analyse des conditions actuelles d’existence du capitalisme et des méthodes de lutte correspondant à l’étape impérialiste, le Parti prit en considération les enseignements léninistes.
« Le marxisme, disait Lénine, exige absolument que la question des formes de lutte soit envisagée sous son aspect historique. Poser cette question en dehors des circonstances historiques, concrètes, c’est ignorer le b-a ba du matérialisme dialectique».
Il continue :
« A des moments distincts de l’évolution économique, en fonction des diverses conditions dans la situation politique, dans les cultures nationales, dans les conditions d’existence, etc…, différentes formes de lutte se hissent au premier plan, deviennent les principales, et, par la suite les formes secondaires, accessoires se modifient à leur tour ». [Lénine : La guerre de partisans]
Historiquement, les continuels changements de tactique sont imposés par chaque conjoncture économique et politique.
On peut dire que depuis le début du siècle, depuis l’entrée du capitalisme dans la phase impérialiste et le début de la nouvelle ère révolutionnaire qui en découla, la tendance du mouvement révolutionnaire est d’employer de nouvelles formes de défense et d’attaque, ce que nous appelons le mouvement politique de masses et la lutte de guérillas.
Actuellement, nous nous trouvons confrontés au monopolisme et à la réaction politique ; la bourgeoisie elle-même a rompu depuis longtemps la légalité démocratique avec laquelle elle gouvernait en d’autres temps.
Le capital monopoliste a éliminé toutes les entraves juridiques et institutionnelles qui empêchaient son action contre-révolutionnaire ouverte.
Ce changement dans la situation politique avait déjà eu lieu au début du siècle coïncidant avec la formation de monopoles dans toute une série de pays, la première guerre mondiale le manifesta clairement.
Mais jusqu’aux années trente, on peut dire que subsistaient, toujours, en même temps que la tendance accélérée à la «fascisation» et au monopolisme, des formes économiques et politiques de la période antérieure.
Le fascisme (la forme politique du pouvoir qu’adopte le capital financier dans cette étape) mit un terme à ces dernières, adossé au développement du mouvement révolutionnaire et par la nécessité de la concurrence capitaliste dans les pays où les conditions historiques n’étaient pas adaptées à ce besoin.
Il était logique, dès lors, que la tactique de lutte du prolétariat conserve jusque-là, à côté des nouvelles formes de lutte, une partie des anciennes, si bien que, comme l’a indiqué Lénine, ces dernières formes devraient se subordonner aux premières c’est-à-dire, aux nouvelles méthodes de lutte engendrées par les nouvelles conditions économiques et politiques et par l’essor du mouvement révolutionnaire de masses en développement accéléré.
« Les anciennes formes, disait Lénine, ont éclaté, leur nouveau contenu – anti-prolétarien, réactionnaire – ayant atteint un développement démesuré» ; par conséquent, il faut «changer, vaincre, se soumettre toutes les formes anciennes aussi bien que nouvelles, non point pour s’accomoder des formes anciennes, mais pour savoir faire de toutes les formes, qu’elles soient anciennes ou nouvelles, un instrument de la victoire du communisme, victoire définitive et totale, décisive.et sans retour» [Lénine : « La maladie infantile du communisme (le gauchisme) »]
Les partis révisionnistes et autres groupes semblables, n’ont pas combiné seulement les nouvelles et anciennes formes de lutte mais ont mis de côté peu à peu les premières, les définissant comme «anciennes et inutiles», pour garder uniquement les formes de lutte réellement vieilles et qui ne servent à rien.
Et assurés dans ces positions, ils dirigent leurs attaques démagogiques vers le nouveau mouvement révolutionnaire qui ne fait qu’appliquer les nouvelles méthodes de lutte qui correspondent aux nouvelles conditions historiques.
Sur base de cette analyse, notre Parti, le PCE(r), prend la décision de consacrer certains de ses meilleurs cadres à développer un front de lutte armée.
Ces cadres furent à la base de la création de l’organisation armée, appelée GRAPO ultérieurement.
Les Groupes de Résistance Antifasciste Premier Octobre (GRAPO) font leur apparition après une longue période de préparation active, dans un moment crucial de la vie politique du pays.
Pendant l’été 75, face à la défaite de la politique d’ouverture, le régime débuta une vaste campagne de terreur destinée à ébranler les masses.
Le Parti, prévoyant cette réaction, avait déjà alerté les masses et les appelait à la résistance.
Après de nombreux assassinats dans les rues, bastonnades et détentions massives pendant l’été, plus connu sous le nom d’ «été de la terreur» ; la peine de mort fut appliquée le 27 septembre à 5 anti-fascistes.
Mais ce crime reçut une réponse immédiate dans l’exécution par les GRAPO de 4 mercenaires du régime.
Franco et toute l’oligarchie s’apprêtaient alors, 4 jours après l’orgie sanguinaire, à fêter le premier octobre, sur la place de l’Orient, la victoire sur le mouvement révolutionnaire.
L’opération simultanée de quatre commandos de guérilleros dans différents points de Madrid était la preuve irréfutable que les forces révolutionnaires ne s’étaient pas laissées épouvanter et étaient prêtes à affronter le régime par une lutte plus énergique.
Cette date, à l’origine du nom GRAPO, supposa une épreuve de force entre le fascisme de vieille souche et le prolétariat révolutionnaire mené par le PCE(r), suite à laquelle le mouvement de résistance sortirait vainqueur.
Les actions du Premier Octobre obligèrent le régime à stopper son escalade terroriste. Plus de 20 procès pour appliquer la peine de mort furent suspendus et ne furent jamais exécutés.
Ce coup asséné à la réaction ouvrit de grandes possibilités aux luttes de masses qui imposaient dans la rue le droit à la grève et aux manifestations, jusque-là encore sévèrement punies par la loi.
La réponse du mouvement de résistance obligea le régime à orienter sa tentative de maintien du vieil appareil fasciste vers d’autres méthodes que la terreur.
Il entama pendant que Franco agonisait, les préparatifs de la réforme, intensifiant ses contacts avec l’ «opposition apprivoisée».
La première année de la «transition», suite à la mort de Franco, fut accompagnée du plus ample mouvement de grève de toute l’histoire sanguinaire du régime.
Rien qu’en janvier, février et mars 1976, d’innombrables grèves se produisaient dans tout le pays, accompagnées de barricades et de durs affrontements avec la police.
Le trois mars, à Vitoria pendant la grève générale, quatre ouvriers furent assassinés et 70 autres blessés au cours d’un massacre provoqué par la police alors que les ouvriers étaient concentrés en assemblées à l’intérieur d’une église.
Le mouvement de solidarité avec Vitoria s’étendit dans tout le pays.
Notre Parti, analysant les événements de Vitoria et le caractère de la lutte qui éclata à ce moment, appela les masses à une grève générale et « à chercher des armes et à apprendre leur maniement ».
Répondant ainsi à la nécessité ouvrière de se mobiliser contre le terrorisme d’Etat.
Avec ces derniers événements, il était évident qu’on ne pouvait plus tromper les masses par des promesses et que la répression pure et simple n’apporterait plus aucun résultat.
Pour cela les monopoles, en accord avec l’armée et les hautes hiérarchies de l’église, chargent Suarez, ex-secrétaire général du Mouvement de la Phalange et responsable avec Fraga du massacre de Vitoria, de la tâche de «démocratisation» du pays.
Permettant ainsi la légalisation des partis réformistes, en particulier le parti de Carrillo qui s’était fortement distingué dans la collaboration avec la répression.
Le pouvoir restait dans les mains de ceux qui l’avaient possédé pendant près de 40 ans, dès lors la soi-disant «réforme démocratique» n’était qu’un masque derrière lequel on cachait la permanence du fascisme sans Franco, à l’encontre des exigeances de vrai changement démocratique que la classe ouvrière et les autres secteurs populaires réclamaient.
Il était clair donc, que le monopolisme tendait à la réaction, que du fascisme il n’y avait pas de retour en arrière vers la démocratie.
Par conséquent, dans notre pays, il ne peut exister de transition vers le parlementarisme, mais ce qui était engagé, était un procès révolutionnaire, de caractère prolongé, dans lequel le recours à la lutte armée était indispensable pour conquérir la liberté et le socialisme.
Conformes à ces pensées, les GRAPO ont poursuivi leur activité armée, étroitement liée au mouvement de masses.
Toute mise en exécution des objectifs du régime était contre-attaquée par les GRAPO.
Les arrestations du Président du Conseil d’Etat, Oriol y Urquijo et du Président du Conseil Suprême de Justice Militaire, le lieutenant général Villaescusa, respectivement en décembre 76 et janvier 77, ont été d’une importance capitale.
Ces actions destinées à démasquer la «réforme» contribuèrent à désarticuler ses plans et à impulser le mouvement ouvrier et populaire et la lutte pro-amnistie.
L’expérience nous a démontré que seul le rapport entre la lutte revendicative et politique des masses, et la lutte armée permet de démanteler le fascisme, de désarticuler son appareil bureaucratico-militaire et de créer les conditions propices pour le vaste développement du mouvement révolutionnaire.
En quelques mois d’offensive armée, les masses apprennent plus qu’en une décennie de développement pacifique, se détachant rapidement des préjugés idéologiques et politiques inculqués par la bourgeoisie.
Parallèlement, la répression engagée contre elles leur permet de distinguer clairement les amis des ennemis et les pousse à rejeter les vieilles méthodes de lutte inutilisables pour en chercher et en appliquer de nouvelles.
« A notre époque, la classe ouvrière ne se laisse plus séduire par les fausses promesses et ne dirige plus sa lutte pour atteindre des libertés bourgeoises ». Loin de là, elle impose par sa lutte quotidienne sa propre légalité, et combat la réaction.
Mouvement politique de masses et guerre de guérillas sont deux formes complémentaires du Mouvement de Résistance Populaire qui évoluent parallèlement et en relation mutuelle.
Par mouvement politique de masses nous entendons l’ensemble des grèves, manifestations, contestations et autres actions de tout genre qui se produisent continuellement.
Partout en forme spontanée, semi-spontanée ou organisée, et qui échappe à tout contrôle des autorités et des partis réformistes.
En font partie, la classe ouvrière et le Parti, comme force principale et dirigeante, la paysannerie, les secteurs populaires des nationalités opprimées, les étudiants et intellectuels progressistes.
Le Mouvement de Résistance Populaire est un mouvement qui n’a pas les mêmes caractéristiques que le Front Populaire dans l’Espagne des années 30.
A cette époque, les conditions politiques et sociales étaient différentes. Les diverses couches sociales, du prolétariat et de la paysannerie à la petite bourgeoisie, comptaient sur d’importantes organisations de masses. Les transformations de type démocratico-bourgeois étaient sur le point d’être réalisées.
Actuellement, l’immense majorité du prolétariat et de la paysannerie ainsi que de la jeunesse ouvrière et étudiante, n’est pas organisée. Pour citer un exemple, en Espagne, le pourcentage d’ouvriers syndiqués selon les chiffres officiels, n’arrivaient pas à 11% et tendent en plus à la baisse. Cela dans un pays où la classe ouvrière est la classe la plus importante de la société.
Les raisons de cette situation; différenciée par rapport aux autres pays européens, sont
– le caractère social-fasciste des partis et syndicats appelés ouvriers ;
– les traditions révolutionnaires de notre classe et, comme nous l’avons mentionné précédemment ;
– les conditions particulières dans lesquelles se développe la lutte de classes.
Cette situation est à la base du caractère semi-spontané et des excellentes conditions qui se présentent pour que le parti du prolétariat puisse prendre la tête et diriger tout le mouve,ment de Résistance.
Dans ce vaste Mouvement est inclus en tête de ligne, l’activité de guérilla. La guérilla se nourrit du Mouvement et reçoit toutes sortes d’aides.
La guérilla n’aide que celui-ci dans son combat contre la bourgeoisie.
Le Parti du prolétariat à travers sa direction politique de la lutte armée, assure et renforce cette relation.
Les actions armées donnent aux masses la confiance en leur propre force, facilitent leur organisation et montrent la vulnérabilité du régime.
Éliminant ainsi les vestiges de peur et de terreur qu’il essaye d’inspirer.
D’autre part, on ne peut imaginer le renouvellement continuel des forces de guérilla, si l’on ne compte pas sur l’inépuisable réserve de recrutement du mouvement populaire.
Les GRAPO ne s’attribuent aucun rôle politico-organisationnel spécial ; ils sont une organisation militaire qui aspire à devenir la future armée populaire.
L’impossibilité d’une défense efficace des intérêts de la classe ouvrière et du peuple par la voie légale pacifique et parlementaire, est une des causes de l’apparition de ce mouvement politique de résistance doté de nouvelles formes de lutte.
En Espagne, il est impensable de pouvoir constituer de vastes organisations des masses populaires.
Dans la légalité bourgeoise participent seulement les partis et syndicats qui ont trahi les intérêts de la classe ouvrière, en se mettant au service de la bourgeoisie monopoliste.
Une authentique opposition révolutionnaire dans la légalité est impossible.
La moindre tentative en ce sens signifie d’empêtrer dans les mains de la répression et du contrôle policier, les ouvriers et travailleurs les plus conscients.
Le Parti Communiste est indispensable pour assurer la direction politique et idéologique de tout le Mouvement.
La présence et le travail des communistes dote la guérilla de la base et de la direction de classe (prolétarienne) nécessaires pour le bon développement de ses activités.
Pour cela, il ne faut pas confondre la lutte et l’organisation armée avec la forme supérieure de l’organisation prolétarienne ; le Parti marxiste-léniniste, dont le rôle est à multiples facettes et absorbe tous les fronts et les formes de lutte.
La majorité des révolutionnaires de tous les pays capitalistes avancés se sont interrogés sur la nécessité du Parti.
Les organisations de guérillas se sont vues accomplir la fonction de détachements avancés de la lutte révolutionnaire et, à travers celles-ci, ils ont tenté d’aboutir à la formation de l’avant-garde politique.
Notre expérience, dans ce sens, a été l’inverse.
En Espagne, les conditions spéciales dans lesquelles se sont développées les luttes de classes, ont conduit les communistes à se centraliser sur la tâche de reconstruction du Parti avant de penser au développement de la lutte armée et d’une organisation de guérilla.
Que ce soit l’avant-garde politique qui précède l’avant-garde militaire ou le contraire ; ce qui est fondamental c’est de mettre en évidence le rôle principal du Parti dans la guérilla et dans l’ensemble du Mouvement.
On peut dire que la réussite ou l’échec des organisations armées révolutionnaires est en fonction du degré d’accomplissement de l’objectif tracé : la construction du Parti.
L’absence d’une direction politique dans la guérilla conduit à une mauvaise valorisation de la situation politique et empêche de prévoir son développement ; prive la guérilla et le prolétariat d’une juste politique d’alliances et entrave l’approfondissement de la lutte idéologique.
Du point de vue militaire, la direction prolétarienne de la guérilla favorise le juste choix des objectifs et des opérations militaires face à chaque conjoncture politique.
La grande leçon que nous pouvons tirer de notre expérience est que la lutte armée ne suffit pas, par elle-même.
L’organisation de guérilla peut, dans certaines conditions et pendant un certain temps, établir des liens avec les masses en gagnant leur coeur ; les mobiliser pour la lutte et démasquer les traîtres de la révolution.
Mais pour maintenir et approfondir ces relations, l’existence du Parti d’avant-garde est indispensable.
Il est essentiel aussi pour doter le prolétariat et les masses d’une organisation solide et de la clarté politique nécessaire, pour consolider le rôle de direction de l’idéologie prolétarienne dans l’ensemble du Mouvement de Résistance, pour assurer la continuité et l’existence même de l’action armée et signifier clairement les objectifs tactiques et stratégiques de chaque étape du processus révolutionnaire.
La lutte à laquelle nous nous consacrons a nécessairement un caractère prolongé, vu que nous nous opposons à un ennemi qui compte sur un appareil étatique ramifié et centralisé, avec des moyens relativement puissants et l’appui considérable de l’impérialisme.
Les monopoles ne permettront pas au prolétariat de concentrer leurs forces ni de s’organiser.
Ils ne se laisseront pas surprendre non plus par une insurrection générale qui éclaterait à un moment donné, comme ce fut le cas lors de la révolution bolchévique de 1917.
Cela exige que nous appliquions une stratégie permettant d’accumuler des forces grâce à des attaques partielles, jusqu’à ce qu’elles se convertissent en une véritable guerre de guérillas.
C’est dans le processus de lutte prolongée du Mouvement de Résistance qu’on trouvera la conjonction, le renforcement et l’accumulation des forces organisées, ainsi que l’incorporation des grandes masses à la lutte ouverte pour le pouvoir.
Nous nous trouvons dans une situation dans laquelle les forces populaires sont sur la défensive stratégique, nous pourrions donc parler d’un Mouvement de Résistance.
Mais, au niveau tactique, ce sont les forces populaires, concrètement, la guérilla qui a l’initiative et frappe la réaction, où, quand et comme elle le veut.
C’est comme cela que les forces populaires transforment leur désavantage stratégique en avantage tactique et arriveront peut à peu à mener à bien leur objectif d’accumulation de forces et d’affaiblissement de celles de l’ennemi.
Lorsque la corrélation des forces sera favorable au peuple, il faudra alors changer l’orientation stratégique.
Le fascisme se mettra sur sa défensive et nous passerons à l’offensive.
Bien que des lois déterminées et des particularités tactiques du processus révolutionnaire doivent être découvertes au cours de la lutte, la stratégie de la guerre populaire prolongée, dans la forme que nous décrivons, conduira, probablement, à l’explosion finale insurectionnelle.
L’insurrection générale des masses éclatera dans les villes industrielles les plus importantes, étant donné que la guérilla ne compte pas, ne pourra compter avant beaucoup de temps, dans nos conditions, sur des bases d’appuis ou zones libérées à la campagne dans lesquelles on pourrait concentrer une importante force militaire stratégique.
Cette force, en Espagne, se trouve dans les villes : elle est formée du prolétariat industriel.
Quand arrivera le moment de l’insurrection, la consigne classique « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace », qui orienta les deux grandes insurrections populaires de l’histoire et qui, traduites dans un langage plus commun, signifie « offensive, offensive et rien qu’offensive », prendra alors seulement toute sa signification.
Septembre 1984