La lutte contre la directive européenne Bolkenstein de libéralisation totale des services dure depuis des années. Dans les ports, elle signifie le remplacement des dockers par les marins embarqués dans le tiers-monde, sous-payés et doublement exploités, pour les travaux de charge et décharge dans les ports européens. Il s’agit d’augmenter encore les profits des grands armateurs au prix d’un dégradation des conditions de travail et de la sécurité des travailleurs.

Les dockers d’Europe avaient déjà obtenu une première victoire, quand le parlement a rejeté en 2003 un projet « d’ouverture à la concurrence » des services portuaires. Un nouveau projet a été rejeté le 18 janvier. Ce jour là, dix milles dockers étaient venus de tous les ports de l’Europe pour protester. Ils ont brisés 100 m² de vitres du Parlement européen et rossés les policiers qui voulait les en empêcher.

La riposte bourgeoise a été rapide : neuf dockers belges, deux Français, un Espagnol et un Néerlandais ont été arrêtés et jugés en « comparution immédiate » devant le tribunal correctionnel de Strasbourg pour « dégradations, violences et rébellion à agent ». Un docker belge a écopé de quatre mois de prison ferme avec interdiction de territoire d’un an. Un ressortissant espagnol a été condamné à cinq mois d’emprisonnement avec sursis. Un docker français du Havre a été condamné à un mois de prison avec sursis, tandis qu’un ressortissant de Saint-Nazaire a écopé d’une peine de trois mois ferme.

La solidarité s’est organisée avec ces dockers, mais il est un aspect des événements qui, dans le mouvement de solidarité entoure d’un silence gêné : il s’agit des violences massives et organisées qui ont caractérisé la manifestation de Strasbourg.

Ce silence n’est pas le fait des forces ouvertement bourgeoises (qui condamnent les violences comme elles condamnent toute la lutte des dockers), ni celui de la social-démocratie qui est le relais du système bourgeois chez les travailleurs plutôt que d’être le relais des intérêts des travailleurs dans le système. Non, ce silence est le fait des forces qui prétendent relever de la « lutte de classe », de la lutte prolétarienne, voire de la révolution communiste.

Ce que l’on a entendu de plus radical sur ces violences est qu’elles sont « explicables » (on entend presque « excusables ») parce que les dockers en ont gros sur la patate, parce que la directive était vraiment scandaleuse, etc., etc. Il s’agirait de « débordements », du résultat spontané d’une réaction émotive. C’est occulter le caractère organisé de ces violences qui, d’ailleurs, avaient des précédents (on avait déjà entendu le bruit des vitres brisées rue de la Loi, en mars 2003, lors de la manifestation des dockers à Bruxelles contre cette même directive).

Ce profil bas se retrouve aussi dans la volonté d’organiser la solidarité en présentant les dockers arrêtés comme innocents de toute violence. Cela va de PTB qui parle des dockers belges « boucs émissaires de la police française », au calamiteux avocat strasbourgeois dégoté par la FGTB qui a plaidé en dénonçant… les dockers espagnols — les « vrais violents » selon lui. Nous ne savons rien de l’implication réelle des dockers condamnés pour les violences de Strasbourg. Mais nous ne voulons refusons d’occulter le caractère massif de ces violences : il ne s’agissait pas de gestes d’isolés.

Ce profil bas se retrouve enfin dans les « mises en perspectives » de ceux qui exposent que la violence des dockers est infime par rapport à la violence de la directive : employer des travailleurs du tiers-monde sous-qualifiés pour une tâche aussi dangereuse, c’est choisir un nombre élevés de morts et de mutilés par accidents de travail pour augmenter le profit des armateurs. Il est juste de faire remarquer cela, mais en rester là, c’est à nouveau occulter l’aspect fondamental de la question.

En réaction à cette volonté générale d’occulter le phénomène de violence massive, systématique et organisée des dockers, le Bloc Marxiste-Léniniste affirme que non seulement ces violences étaient légitimes, mais qu’elles étaient opportunes : en attaquant le parlement européen (et la police qui tentait de les en empêcher), les dockers ont fait la meilleure chose qu’ils avaient à faire. Ils ont parlé à la bourgeoisie le seul langage qu’elle comprenne.

La détermination avec laquelle la manifestation a été menée a été le complément parfait de la grève totale dans les ports d’Europe. L’une sans l’autre n’aurait sans doute pas suffit. Le rapport de force entre les travailleurs et les eurocrates larbins des capitalistes, en a été directement affecté, et il y a là des leçons à tirer.

Les dispositifs anti-grève de la bourgeoisie (avec, notamment, le recours systématique aux astreintes contre les piquets) vont se multipliant, se diversifiant et se radicalisant. En rester aux anciennes forme de lutte, policée et respectueuse du cadre tracé par le système, est purement et simplement suicidaire. Il faut explorer de nouvelle forme de lutte et d’organisation.

— De nouvelles formes de lutte, plus offensive et plus mobile, en ne reculant pas, là où la chose est utile et possible, à attaquer les marchandises ou les outils, (pensons aux grévistes des Messageries de la Presse qui ont incendiés le mois passé 27.000 journaux dont Sud-Presse avait organisé la diffusion). La violence organisée des dockers espagnols (qui restaient en bloc, qui s’étaient habillés et masqué de sorte qu’aucun d’entre eux ne soit reconnaissable, qui s’étaient correctement préparés à l’affrontement) ne doit pas servir de repoussoir mais d’exemple !

— De nouvelles formes d’organisation, plus discrètes, plus souples, plus démocratiques et plus conforment à la réalité de la classe. L’exemple des Comité de Lutte Syndicale pendant la résistance anti-nazie en est le modèle. Des Comités qui relient, dans une entreprise, tous les travailleurs actifs sur le front de la lutte des classes : qu’ils soient syndiqués à la FGTB ou la CSC ou qu’ils refusent d’être membre des syndicats réformistes, qu’ils soient employés à part entière, intérimaires ou employés de la sous-traitance, qu’ils soient actifs, pré-pensionnés voire pensionnés — tous ensemble.

La manifestation radicale des dockers et leur grève réussie au niveau européen (ce qui a empêché les parons de faire jouer une fraction du prolétariat contre une autre), a été leçon que pas mal de militants feraient mieux d’étudier plutôt que d’excuser.

La pente savonneuse de l’opportunisme et de la trahison commence dès que les prétendus « révolutionnaires » renoncent à jouer un rôle d’avant-garde — sur le plan de la violence révolutionnaire comme sur les autres plans. Un degré pire encore voit des prétendus « révolutionnaires » se dérober à la violence alors que les travailleurs en lutte y ont recourt. Le dernier degré de l’opportunisme consiste à se démarquer des violences des travailleurs (quitte à les déclarer « compréhensibles »).

La ligne du PTB en quête de reconnaissance et de respectabilité est symptomatique de cette effondrement politique et idéologique : il a totalement passé sous silence, lorsque ses publications rendaient compte des manifestations ouvrières sur les fins de carrières, que les travailleurs liégeois ont fait voler en éclats les vitres du siège du PS, il s’est honteusement démarqué des violences des manifestants antifascistes de Gand, etc. Et le PTB n’est pas le seul à faire preuve de cet opportunisme qui est la voie royale de toutes les trahisons et de toutes les désertions.

A bas l’opportunisme ! A bas le pacifisme !
Vive la lutte des classes !
Et jusqu’au communisme !

Bloc Marxiste-Léniniste, février 2006


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