extrait du document du Collectif des prisonniers des Cellules Communistes Combattantes – Hiver 1993 – 1994

[Note du Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste [B] : Début ’94, le collectif des prisonniers des Cellules Communistes Combattantes rend public un grand document présentant le projet des CCC et le bilan critique de la lutte de cette organisation. C’est un texte fondamental, dont la version complète est disponible en ligne ici.

En annexe de ce document, les prisonniers avaient rassemblés et rédigés des « Cartes et notes explicatives à l’usage des camarades étrangers ». Il s’agit du document que nous publions ci-dessous.

Malgré certains changements (noms de partis politiques bourgeois, nombre de provinces, réformes de l’État…), ces notes constituent encore un éclairage synthétique et original sur la réalité belge. C’est un bon exemple d’enracinement d’une réflexion révolutionnaire dans la réalité nationale, la base de ce que nous appelons une « pensée-guide ».

Cette lecture n’est donc pas seulement un document historique (relatif à l’histoire des CCC), pas seulement un document politique (relatif à la réalité belge), mais aussi un élément de réflexion sur ce que doit être l’élaboration politico-stratégique.]

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ANNEXE DOCUMENTAIRE SUR L’HISTOIRE DE LA BELGIQUE

Cartes et notes explicatives à l’usage des camarades étrangers.

Cette carte de Belgique présente les neuf provinces qui composent le pays (ces provinces seront bientôt au nombre de dix, puisque le Brabant doit être divisé en un Brabant wallon et un Brabant flamand [voir la carte suivante]). Elle ne rend cependant pas compte des importantes réalités régionales et linguistiques. Le pays est divisé en trois régions : la Flandre (comprenant les provinces des deux Flandres, d’Anvers, du Limbourg et la partie septentrionale du Brabant), la Wallonie (comprenant les provinces du Hainaut, du Luxembourg, de Liège, de Namur et la partie méridionale du Brabant) et la région bilingue de Bruxelles ( capitale ). Aux institutions nationales, provinciales et régionales ( ces dernières étant autonomes depuis 1977 ) s’ajoutent les institutions « communautaires » : communautés flamande, française ( Wallonie et Bruxelles ) et germanophone ( les cantons rédimés d’Eupen et Malmédy gagnés sur l’Allemagne après la première guerre mondiale ). L’ensemble débouchant sur un infernal imbroglio institutionnel. Le processus actuel de fédéralisation de l’État et la plus grande autonomie accordée ainsi aux régions et communautés ont quelque peu apaisé les querelles linguistiques ( Flamands / Wallons ) qui ont lamentablement émaillé la vie politique belge durant de longues années. L’ancien clivage entre une Flandre rurale et catholique et une Wallonie socialiste et industrielle est dépassé depuis bien longtemps, tant du fait de l’industrialisation de la Flandre ( pétrochimie à Anvers, etc. ) que du déclin des secteurs traditionnels implantés en Wallonie ( charbon, sidérurgie, métallurgie, etc ). Véritable « Koweit charbonnier », la Wallonie permit à la Belgique de devenir au XIXe siècle le deuxième pays industriel et minier du monde après l’Angleterre. Le pays était alors deux fois plus équipé en machines à vapeur que l’Allemagne et cinq fois plus que la France.

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• ACTION DU PREMIER MAI 1985. Action de propagande armée menée par les Cellules Communistes Combattantes contre le quartier général du patronat belge ( la Fédération des Entreprises de Belgique ) à Bruxelles. Le bâtiment fut ravagé par une forte charge explosive placée dans une camionnette. Deux pompiers envoyés sur les lieux par la police perdirent la vie dans cette attaque, malgré les mesures de précaution prises par les révolutionnaires ( tracts d’avertissement, communication au central de la gendarmerie ). Les autorités politiques et la presse escamotèrent la responsabilité des services de police et de gendarmerie ( qui furent la cible d’une action de représailles des Cellules quelques jours plus tard ) et en profitèrent pour se livrer à une campagne de propagande contre-révolutionnaire hystérique qui trouva son apogée au procès de quatre militants de l’organisation en octobre 1988.

• AFFAIRE ROYALE. La Belgique fut secouée en 1950/1951 par une grave crise politique ayant pour origine l’éventualité d’un retour de Léopold III sur le trône. Celui-ci était fortement critiqué pour son attitude équivoque pendant la guerre et l’occupation ( capitulation du 28 mai, conflit avec le gouvernement Pierlot réfugié en France, rencontre avec Hitler à Berchtesgarden, etc. ). Après plusieurs années de débats violents, une consultation populaire consacre le partage entre une Flandre catholique et royaliste et une Wallonie opposée au retour du roi. Lorsque celui-ci revient à Bruxelles suite à la victoire électorale social-chrétienne de 1950, la classe ouvrière renoue avec la tradition des « grèves belges » générales et politiques ( 1893, 1902, 1913, 1932 et 1936 ) animées par l’avant-garde traditionnelle de la classe : les mineurs et les métallurgistes du sillon industriel wallon. Déclenchée à Liège par les métallos, la grève gagne tout le pays et prend en Wallonie un caractère franchement insurrectionnel ( dans le Borinage, à Charleroi et à Liège, des travailleurs érigent des barricades pour bloquer l’accès aux communes ouvrières ). L’armée rappelle des troupes d’Allemagne et seconde la gendarmerie dans la répression. Les affrontements se succèdent à Liège et à Bruxelles tandis qu’attentats et sabotages se multiplient ( surtout contre des voies ferrées ). Le 29 juillet 1951 l’armée occupe Liège avec des autos blindées et la journée s’achève dans de nombreux affrontements, par des levées de barricades, etc. Le lendemain les gendarmes tuent quatre manifestants et en blessent des dizaines d’autres à Grâce-Berleur, dans la banlieue ouvrière liégeoise. L’idée d’une marche sur Bruxelles voit alors le jour, un projet auquel adhère non seulement toute la classe ouvrière mais aussi des groupes de la Résistance anti-nazie ( essentiellement des Partisans Armés ) qui s’étaient clandestinement engagés dans la lutte anti-léopoldiste. Face à cette menace, Léopold allait abdiquer en faveur de son fils Baudouin mettant ainsi un terme à la crise.

• BORINAGE. Bassin houiller situé à l’ouest de Mons ( province du Hainaut ), exploité dès le XIIe siècle et transformé en désert industriel par la fermeture progressive des charbonnages. Les mineurs borains constituèrent très souvent l’avant-garde combative du prolétariat belge, les grèves de 1887/1888 et de 1932 en témoignent clairement. Malgré leur révolte de 1959 ils ne parvinrent pas à enrayer le mouvement de fermeture des puits amorcé dès l’entre-deux-guerres et précipité par la crise européenne du charbon de 1958. Le dernier charbonnage borain ferma en 1976.

• CAMPAGNE ANTI-IMPÉRIALISTE D’OCTOBRE. Première campagne de propagande armée menée par les Cellules Communistes Combattantes, centrée sur la « guerre à la guerre » et au capitalisme fauteur de guerre. Du 2 octobre 1984 au 15 janvier 1985, huit attaques visèrent successivement des multinationales de l’armement impliquées dans la fabrication des missiles Cruise ou Pershing II ( Litton, Man et Honeywell ), les partis gouvernementaux ( libéral à Bruxelles et social-chrétien à Gand ) et des structures militaires ( les télécommunications de la base aérienne de Bierset, le réseau oléoducs de l’OTAN — dynamité en six endroits du pays — et un centre US du SHAPE ).

• CAMPAGNE KARL MARX. Campagne de propagande armée ouverte par les Cellules Communistes Combattantes le 8 octobre 1985 et axée sur les thèmes de la lutte anti-crise et de la nécessité de l’organisation de classe. Les actions frappèrent un des trusts de l’électricité, un centre des impôts, le siège du patronat de la métallurgie à Charleroi, trois principaux sièges des premiers groupes financiers du pays et une banque américaine. Les coups de la répression interrompirent la campagne fin 1985.

• CAMPAGNE PIERRE AKKERMAN. Campagne de propagande armée menée par les Cellules Communistes Combattantes entre le 19 octobre et le 6 décembre 1985. Cette campagne dédiée à la mémoire d’un communiste belge mort dans les Brigades Internationales en 1936 avait pour thème « Combattre le militarisme bourgeois et le pacifisme petit-bourgeois ». Des actions furent successivement menées contre un centre de recrutement de l’armée, la multinationale de l’armement US Motorola, la Bank of America, un dirigeant pacifiste social-traître et le réseau oléoducs de l’OTAN ( une action relayée par une autre contre le QG de ce réseau à Versailles, en France, à l’initiative d’un groupe de communistes internationalistes ).

• CENTRE. Bassin houiller situé entre celui du Borinage et celui de Charleroi, dans la province du Hainaut. Cette région industrielle traditionnelle ( aciéries Boël à La Louvière, etc. ) est aujourd’hui désaffectée et elle détient le plus haut taux de chômage du pays : 30 % !

• CNAPD. Comité national d’action pour la paix et le développement : organisation pacifiste petite-bourgeoise particulièrement influente au début des années 1980.

• COCKERILL-SAMBRE. Première entreprise sidérurgique du pays, principalement basée à Charleroi et à Liège mais ayant des filiales en France et en Allemagne. Elle est née de la fusion ( sous le contrôle de l’État quand il prit sous tutelle les « secteurs nationaux » en difficulté ) des sociétés Cockerill ( Liège ) et Hainaut-Sambre ( Charleroi ). Les aciéries, laminoirs et ateliers de construction mécanique de Cockerill-Sambre sont des bastions traditionnels du prolétariat wallon.

• COMMISSION SYNDICALE. Créée en 1889 à l’initiative du POB, elle constitua une étape décisive de l’unification et de la centralisation du syndicalisme, elle permit à l’organisation syndicaliste socialiste de se développer jusqu’à devenir elle-même un des piliers du POB. La Commission syndicale du POB allait devenir en 1937 la Confédération Générale du Travail de Belgique ( consacrant ainsi son autonomie par rapport au parti, mouvement amorcé dès 1905 quand elle se dota d’instances dirigeantes propres ) puis la FGTB actuelle.

• CONCERTATION SOCIALE. La première « convention collective » entre patrons et syndicats fut établie en 1906 à Verviers après une grève suivie d’un lock-out. Les conventions restèrent l’exception jusqu’à la fin de la première guerre mondiale mais ensuite elles augmentèrent en nombre et élargirent leur champ d’action ( salaires, durée et rythme de travail, sécurité et hygiène, etc. ). Ce mouvement allait conduire à l’institutionnalisation des conventions à travers les Commissions paritaires. Un pas important dans la voie de la concertation sociale systématique fut accompli par l’instauration des Conférences Nationales du Travail sous le gouvernement Van Zeeland en 1936 ( suite à la grève « des 500.000 » ). Ces conférences, bien qu’officieuses, réunissaient gouvernement, patronat et syndicats au sein d’une instance de consultation influente puisque ses travaux allaient déboucher sur la législation concernant les vacances annuelles, la semaine des 40 heures pour les emplois dangereux et pénibles, ainsi que sur des conventions sectorielles fixant salaires et conditions de travail. Plusieurs Conférences Nationales du Travail se succédèrent entre 1944 et 1948 dans le cadre de la reconstruction nationale, portant sur les salaires, les prix, la sécurité sociale, l’organisation du travail et la fiscalité. D’autres furent encore réunies en 1971 et 1976 sous l’appellation de « Conférence Tripartite pour l’Emploi », mais l’approfondissement de la crise n’allait plus permettre par la suite d’établir un véritable accord interprofessionnel. Lorsque l’on évoque les mécanismes de gestion pacifique des conflits sociaux, il faut aussi citer les organes consultatifs paritaires ( patronat / syndicats ) issus de la loi de septembre 1948 sur l’organisation de l’économie : le Conseil Central de l’Économie, les Conseils professionnels et les Conseils d’entreprises. Il faut encore signaler le Conseil National du Travail créé en 1952, qui constitue avec le Conseil Central de l’Économie une des bases de la concertation sociale : les conventions interprofessionnelles sont conclues sous l’égide de ce Conseil.

• CSC. Confédération des Syndicats Chrétiens. Elle est depuis 1985 la plus grande organisation syndicale du pays grâce à son assise en Flandre. Son origine remonte aux syndicats anti-socialistes animés par l’église catholique et le patronat, mais elle prit son essor avec la création des Unions professionnelles chrétiennes qui suivit l’encyclique Rerum Novarum de 1891. Elle adopta son appellation actuelle en 1923, succédant à la Confédération Générale des Syndicats Chrétiens et Libres de Belgique fondée en 1912.

• CUIVRE ET ZINC. Entreprise métallurgique de la région liégeoise qui fut le théâtre en 1984 d’un conflit social qui tint en haleine prolétariat et patronat belges. Une grève provoqua une réaction extrêmement brutale du patronat ( licenciement de délégués syndicaux, intervention de la gendarmerie dans l’usine )… réaction qui renforça la détermination des grévistes. Finalement l’entreprise fut mise en liquidation ( 650 ouvriers et 140 employés et cadres jetés au chômage ). Cuivre et Zinc a été reprise en 1988 par la multinationale industrielle suédoise Trelleborg sous le nom de « Boliden Cuivre & Zinc ».

• DEFUISSEAUX ALFRED ( 1841-1906 ). Avocat montois qui entra sur la scène de la lutte des classes lors d’un retentissant procès qui dura trois ans et à l’issue duquel il obtint la condamnation d’un charbonnage de sa région pour la mort de quarante-quatre mineurs dans un coup de grisou en 1871. Cela ouvrit la voie à la poursuite des charbonnages et à l’indemnisation de toutes les victimes pour tous les cas du genre remontant jusqu’à trente ans en arrière. Ce coup d’éclat juridique lui valut toutes sortes de persécutions ( dont une condamnation pour port d’arme … motivée par la détention d’un canif ! ). En 1886, Defuisseaux rédige son très célèbre « Catéchisme du Peuple » en faveur du socialisme et du suffrage universel, une œuvre qui lui vaudra des poursuites pour avoir « attenté au respect de la loi ». Il passe alors huit années en exil, d’où il organise le Parti Socialiste Républicain après que le POB ( au sein duquel son radicalisme lui attirait bien des ennemis ) eut désavoué la grève proclamée par le Congrès des houilleurs de 1887. Appelant à la Révolution et œuvrant en ce sens, le PSR fut victime de l’action policière et Defuisseaux traîné en jugement avec une vingtaine de camarades. La révélation de provocations policières fut exploitée par la défense, l’affaire fit scandale et le procès s’acheva par des acquittements. Defuisseaux réintègre alors le POB ( il en avait été exclu ) mais reste exilé : il a accumulé dix condamnations différentes lui promettant vingt-neuf années de prison ! Il rentre cependant en Belgique, est incarcéré à Mons, et organise depuis la prison sa campagne électorale ( la réforme électorale de 1893 accordait le vote aux ouvriers mais attribuait plusieurs voix aux riches ). Le succès du POB est éclatant, Defuisseaux est élu député de Mons et il sort triomphalement de prison, porté par la foule. Il fut encore à l’initiative de nombreuses lois élargissant les droits démocratiques et son enterrement réunit plus de cinquante mille travailleurs.

• Le DRAPEAU ROUGE. Organe central du Parti Communiste de Belgique, il disparaît début 1991 au profit d’une éphémère publication « pluraliste » intitulée « Libertés ».

• FABELTA-TUBIZE. Entreprise de fibres synthétiques du Brabant wallon qui fut le théâtre d’une longue lutte sociale ( grève, occupation de l’usine, grève de la faim des travailleurs ). L’usine ferma en 1975 ( tandis que Fabelta-Gand, en Flandre, allait être reprise par la multinationale néerlandaise AKZO ).

• FGTB. Fédération Générale du Travail de Belgique. Principale force syndicale en Wallonie, elle n’est plus — depuis 1985 — que la seconde au niveau national ( devancée par la CSC ). Syndicat socialiste, la FGTB est l’héritière de la Confédération Générale du Travail de Belgique, elle-même issue de la Commission syndicale du POB. À l’origine la plus lointaine de cette tendance syndicale on trouve les sociétés de secours mutuel, les caisses de résistance et de grève créées à partir de 1834, et les premiers syndicats ( tisserands, métallurgistes, etc. ) apparus en 1857.

• FRONTISME. Mouvement illégal développé parmi les soldats flamands durant la première guerre mondiale, en réaction à l’oppression culturelle et linguistique qu’ils subissaient de la part d’une direction de l’armée et d’un corps des officiers exclusivement francophone ( à l’instar de l’immense majorité de la bourgeoisie, car à l’époque même la bourgeoisie flamande parlait le français, jugé plus valorisant ). Le frontisme sortit rapidement du cadre linguistique et en vint à exiger l’autonomie administrative de la Flandre et à se montrer favorable à une paix séparée avec l’Allemagne. Les frontistes menaçant de déposer les armes, certaines de leurs revendications furent satisfaites. Mais leur moyen de pression disparut avec l’armistice et le mouvement nationaliste flamand, pour légitime qu’il fut en l’occurrence, récolta l’hostilité d’une population qui avait eu à subir quatre années d’une occupation très douloureuse ( à l’exception de l’étroit front de l’Yser, adossé à la France et à la mer, tout le pays avait été occupé ).

• GRÈVES DE 1886. Mouvement à caractère insurrectionnel qui se déclencha dans le bassin sidérurgique liégeois et s’étendit aux trois bassins hennuyers ( Borinage, Centre, Charleroi ). Ce fut la vague de grèves la plus massive et la plus violente qu’ait jamais connu la Wallonie. L’intervention de l’armée fit des dizaines de morts, des centaines d’ouvriers furent condamnés. Les grévistes détruisirent et incendièrent le château d’un patron et une verrerie à Baudoux, la brasserie appartenant au maire de Châtelineau, une autre verrerie à Roux ( où l’armée tua vingt manifestants ), des maisons de directeurs de charbonnage à Plomcot, Ransart, Gilly et Marcinelle, une abbaye à Soleilmont, etc. À la base de ce mouvement de grèves, une crise cyclique qui avait fait passer le salaire annuel moyen du houilleur de 1086 frs en 1883 à 783 frs en 1886.

• GRÈVES DE 1887/1888. Mouvement à caractère insurrectionnel lancé par les ouvriers et les mineurs du Hainaut dirigés par Alfred Defuisseaux. Organisée ouvertement comme « grève générale révolutionnaire », le mouvement entendait surmonter la défaite de 1886 et adoptait un caractère politique ( il revendiquait notamment le suffrage universel ). Organisés dans le Parti Socialiste Républicain ( d’une tendance proche du blanquisme ), les organisateurs de ce mouvement furent victimes d’infiltrations et de provocations policières qui allaient déboucher, après une nouvelle vague de grèves insurrectionnelles en 1888, sur de nombreuses arrestations ( affaire dite du « Grand Complot » ). Les grèves révolutionnaires de 1887/1888, contrairement à celles de l’année précédente, allaient rester cantonnées au Hainaut, sans parvenir à gagner la région liégeoise ni aucune autre. Leur échec allait renforcer le camp réformiste qui s’était désolidarisé d’elles en préconisant le développement d’associations coopératives et mutualistes.

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• GRÈVE DE 1893. Mouvement de lutte imposé à la direction du POB par son aile gauche et par sa base ouvrière wallonne en faveur du suffrage universel. Le déclenchement de la grève était décidé en cas de rejet du suffrage universel par la Constituante. Les débats s’ouvrirent le 22 février 1893 et le 11 avril le suffrage universel était repoussé par 115 voix contre 26. Le soir même le POB appelait à la grève générale. Le mouvement démarra à Bruxelles ( dans la métallurgie, les imprimeries, etc. ) puis s’étendit en province, dans les bassins houillers du Centre et du Borinage, à Charleroi et à Liège, et même en Flandre où à l’époque la classe ouvrière était pourtant réduite et dépourvue de véritables traditions de lutte ( 20.000 grévistes à Gand ). De multiples affrontements eurent lieu, au cours desquels l’armée tua de nombreux grévistes (massacre aux usines de Roubaix et Bougie à Borgerhout, charge des lanciers à Wetteren, fusillades à Mons — 16 tués — et à Anvers — 5 tués —, etc. ), mais la leçon porta et la bourgeoisie concéda le vote plural ( une voix au prolétaire, plusieurs au riche ).

• GRÈVES DE 1902. Mouvement de lutte lancé par les travailleurs du Hainaut à l’annonce d’un nouveau report de la révision de la Constitution ( qui devait remplacer le vote plural par le suffrage universel pur et simple : un homme, un vote ). Le nombre et la gravité des incidents ( la gendarmerie tua plusieurs manifestants à Bruxelles le 12 avril ) et la pression de la base forcèrent le POB à décréter la grève générale. Les masses, très combatives, débordèrent couramment les consignes du POB ( dynamitage de la demeure d’un député catholique à Binche, du bureau de poste à La Louvière, de la Banque Nationale à Bruxelles, etc., révolvérisation de policiers à La Louvière, investissement et destruction de locaux cléricaux à Gand, et partout des manifestations incessantes rassemblant, par exemple, trois cent mille grévistes pour la seule journée du 11 avril ). La répression fut extrêmement brutale ( une jeune fille tuée par les gendarmas à Houdeng, deux nouveaux manifestants tués également par la gendarmerie à Bruxelles, six autres tués et quatorze blessés par la Garde Civique à Louvain le 16 avril lors d’une marche vers la maison du président de la Chambre, etc. ). Quand le POB proclama la fin de la grève, sa décision fut ressentie comme une terrible trahison par beaucoup de prolétaires, principalement à Louvain, à Charleroi et dans le Borinage. Il en fut d’ailleurs sanctionné par une stagnation lors des trois élections suivantes, alors que jusque là il progressait systématiquement et que de surcroît le nombre des votants ne cessait d’augmenter.

• GRÈVES DE 1913. Mouvement de lutte méticuleusement préparé par le POB qui ne voulait en aucun cas voir les masses échapper à son contrôle comme en 1893 et en 1902. Des grèves et des événements sanglants avaient émaillé l’année 1911 ( les gendarmes tirent sur la foule à Liège lors d’une grève spontanée ayant mobilisé non seulement les travailleurs liégeois mais aussi ceux du Centre et du Borinage ) et le POB avait une fois de plus appelé à la reprise du travail. Mais la même année il décidait aussi de préparer ( par l’agitation, des collectes de fonds, etc. ) une grève générale et pacifique. La proposition parlementaire du POB concernant la révision constitutionnelle ( toujours en vue du suffrage universel ) ayant été repoussée le 7 février, la grève fut décidée pour le 14 avril suivant. Elle rencontra un énorme succès ( de 375 à 450.000 grévistes ), elle se déroula sans incidents majeurs et le POB la suspendit dès qu’il reçut l’assurance qu’une commission serait mise en place pour examiner le problème électoral. La grève générale et pacifique avait duré huit jours.

• GRÈVES DE 1932. Mouvement de lutte lancé par les mineurs du Borinage sous l’impulsion du Parti Communiste en raison d’une baisse du salaire nominal d’environ 35 %. Les charbonnages borains, d’exploitation difficile et aux installations vétustes, ressentaient plus durement la crise que ceux du Limbourg, par exemple. Les limites de la grève s’expliquaient par le fait qu’entre 1930 et 1939 les prix diminuaient plus vite que les salaires, ce qui avait accru le pouvoir d’achat de ceux qui avaient pu conserver leur emploi. De fait, la crise frappait le prolétariat belge avant tout par le chômage qu’elle occasionnait ( an janvier 1930, on comptait un taux de chômage de 7,5 %, en juillet il était de 10 % et en décembre il s’élevait à 26,2 % ). Dans un premier temps dix mille mineurs du Borinage cessèrent le travail, mais lorsque la grève menaça de gagner les bassins voisins ( chaque jour, à l’appel du Drapeau Rouge, des milliers de Borains s’y rendaient à vélo pour inciter leurs camarades à les rejoindre dans la grève ) le gouverneur du Hainaut interdit les attroupements et fit appel à d’importantes forces de gendarmerie. Elles s’attaquèrent régulièrement aux travailleurs en lutte, tuant l’un d’entre eux à Roux, tandis que pour leur part ceux-ci incendiaient le château d’un directeur de mine. Cette grève fut aussi prétexte à l’arrestation de toute la direction du PCB ( sauf Jacquemotte protégé par son immunité parlementaire ) et à un procès pour complot contre la sécurité de l’État.

• GRÈVES DE 1936. Mouvement de grève générale qui partit du port d’Anvers lorsque le prolétariat perçut la reprise économique et revendiqua une amélioration de sa situation. À l’exemple du Front Populaire en France, on réunit une Conférence Nationale du Travail (gouvernement-syndicats-patronat ) qui allait déboucher sur toute une série de lois sociales ( salaire minimum, liberté syndicale, congés payés, etc. ). À l’origine, cette grève n’avait pourtant pas recueilli le soutien des syndicats socialistes et chrétiens.

• GRÈVES DE 1950. Voir « AFFAIRE ROYALE ».

• GRÈVES DE 1960/1961. Le plus important conflit social qu’ait connu la Belgique après la seconde guerre mondiale. La crise économique amorcée en 1958 frappe de plein fouet le Borinage qui devient la cible d’un plan gouvernemental de fermeture de la moitié des puits du bassin. Une grève spontanée éclata, que les syndicats seront bien forcés de reconnaître après coup quand les métallurgistes du Centre et de Charleroi ( 100.000 grévistes en 1959 ) rallieront le mouvement. Ils passent alors un accord et mettent fin à la grève contre la volonté de la base. En mars 1959, 25.000 travailleurs gantois du textile — autre secteur touché par la crise — débrayent, un mouvement auquel d’autres succéderont ( par exemple les réparateurs de navires à Anvers ). Fin de l’année, le PSB et la FGTB reforment leur unité ( unité qui était compromise depuis la grève des métallos de 1957 ) sur base des thèses planificatrices mises en avant par le mouvement syndical en 1954 et 1956. Début 1960, le patronat rejette la proposition faite par la FGTB de convoquer une Conférence Économique et Sociale, le gouvernement le suit dans ce refus mais lâche quelques promesses qui lui garantissent la neutralité de la CSC. Le 29 janvier, la FGTB appelle à une journée de grève. Elle sera bien suivie dans les bassins industriels wallons, à Anvers, Gand et Bruxelles. Une nouvelle grève spontanée éclate en mars dans le Borinage, à l’annonce de la fermeture de puits. L’absence de la FGTB dans ce conflit est remarquée et fait l’objet de nombreuses discussions. Fin juillet / début août, le gouvernement Eyskens ( coalition sociale-chrétienne / libérale ) met au point un vaste plan d’austérité baptisé « loi unique », un plan foncièrement anti-populaire ( limitation du chômage, baisse des salaires, relèvement de l’âge de la retraite, réduction des pensions, etc. ). C’est cette « loi unique » qui sera le détonateur des grèves de l’hiver 1960/1961, tous les conflits sociaux évoqués ci-dessus ayant indiscutablement préparé le mouvement, renforcé petit à petit la détermination du prolétariat à affronter le gouvernement. D’incessantes manifestations précèdent la grève qui éclate en décembre à l’initiative de la cellule du PCB des ACEC de Charleroi ( 5 % du personnel ). Un cortège est formé, qui va appeler les entreprises voisines à arrêter le travail. Le lendemain, le personnel communal débraye à Liège. Il est suivi par les métallurgistes ( malgré l’opposition des délégués syndicaux ). À Anvers le port est paralysé. La grève se généralise alors, la FGTB est obligée de la reconnaître en cours de route et elle mobilisera jusqu’à trois cent mille grévistes à travers tout le pays. De multiples affrontements et attentats voient le jour ( la gendarmerie donne l’assaut contre un local syndical à Gand, la plupart des manifestations s’achèvent dans des combats avec les policiers et les gendarmes — les heurts les plus graves se déroulant le 6 janvier à Liège, des banques, journaux et administrations sont mis à sac, les gendarmes tuent deux ouvriers et en blessent des dizaines d’autres ). La violence populaire prenant de l’ampleur, le gouvernement fera déployer l’armée … Le journal Le Peuple est interdit dans les casernes. La grève dura cinq semaines et s’essouffla. Si elle n’allait pas atteindre son but précis, le retrait de la « loi unique », elle devait malgré tout créer une situation politiqua telle que le gouvernement Eyskens démissionna en février ( ce qui empêcha de fait l’application de la fameuse loi ). Lors des élections qui s’ensuivirent, la politique du PSB ( qui avait refusé de provoquer la dissolution du Parlement par la démission de ses élus, comme le lui avait demandé la FGTB ) fut sanctionné par un glissement de voix vers le PCB, dont le score passait ainsi de 1,89 % en 1958 à 3,08 % en 1961. La grève révéla aussi l’hétérogénéité du mouvement syndical socialiste ( et notamment la fracture entre les centrales wallonnes et flamandes, ces dernières étant encore plus réticentes devant la grève ).

• GRÈVES DE 1983. Mouvement de lutte lancé par les cheminots et qui mobilisa rapidement l’ensemble des services publics contre la politique d’austérité foncièrement anti-populaire du gouvernement Martens / Gol, une coalition sociale-chrétienne / libérale : « modération salariale », diminution de l’imposition pour les revenus du capital, nouvelle loi sur les loyers favorable aux propriétaires, restrictions dans la sécurité sociale, dans l’enseignement, etc. La CSC se retira de la grève qui ne fut que tardivement et timidement soutenue par la FGTB Cela explique notamment pourquoi elle ne réussit pas à prendre une dimension interprofessionnelle ni à s’étendre au secteur privé. Contrairement à la grande grève de 1960/1961, las grèves de septembre 1983 furent suivies aussi bien en Flandre qu’en Wallonie.

• GRIPPA JACQUES ( 1913-1991 ). Figure émérite du mouvement communiste belge, il adhère au Parti à l’âge de 17 ans et occupe de 1939 à l’invasion nazie la poste de Secrétaire Politique de la Fédération bruxelloise, puis de la Fédération de Verviers jusqu’en 1943. Chef d’état-major des Partisans Armés, il est arrêté le 9 juillet 1943 et déporté à Buchenwald. Devenu membre du Comité Central, Jacques Grippa anima la bataille contre le révisionnisme dans le PCB, une bataille qui allait conduire à la scission d’avril 1963 ( XIVe Congrès ). Fondateur du Parti Communiste marxiste-léniniste de Belgique, il milita ensuite jusqu’à sa mort au sein du Mouvement des Communistes de Belgique.

• HUYSMANS CAMILLE ( 1871-1968 ). Homme politique socialiste, il fut bourgmestre d’Anvers ( 1933-1940 ), député pendant 55 ans ( de Bruxelles d’abord, d’Anvers ensuite ), ministre des Arts et des Sciences de 1925 à 1927, Premier ministre en 1946/1947 et ministre de l’instruction publique entre 1947 et 1949. Il fut aussi secrétaire ( de 1905 à 1922 ) puis président ( de 1939 à 1944 ) de la IIe Internationale. Il organisa la conférence de Stockholm en 1917.

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• JACQUEMOTTE JOSEPH ( 1883-1936 ). Principal fondateur du Parti Communiste de Belgique. D’abord secrétaire permanent du Syndicat des Employés ( affilié à la Commission syndicale du POB ) en avril 1910, il collabore à divers journaux syndicaux ( notamment celui du courant syndicaliste-révolutionnaire L’Exploité ), il défend l’unité d’une organisation syndicale centralisée et forte contre les tendances anarchistes, corporatistes et régionalistes. Ses articles sont aussi dirigés contre le parlementarisme opportuniste et appellent à l’essor d’un parti politique socialiste. Les vigoureuses campagnes de L’Exploité, dans lequel il joue un rôle de plus en plus important contre « l’Union Sacrée », pour une politique autonome de la classe ouvrière, en faveur de la révolution spartakiste, etc., en font l’organe de la minorité de gauche du POB. La campagne de L’Exploité dénonçant l’intervention impérialiste dirigé contre la révolution soviétique mobilise nombre de travailleurs et empêche la fourniture d’armes et de munitions à la Pologne fasciste de Pilsudski ( la découverte par les dockers d’Anvers d’un train de munitions à destination de la Pologne alors en guerre avec la Russie soviétique fait tomber, en 1920, le gouvernement « d’Union Sacrée » qui avait nié l’existence d’un tel trafic ). Lors du Congrès restreint du POB de décembre 1920, les droitiers exigent la suppression des groupes des « Amis de L’Exploité » rassemblés autour du journal. La scission intervient en avril 1921 et en mai le Congrès des « Amis de l’Exploité » se prononce pour la fondation d’un parti communiste. En septembre 1921, le congrès de fusion avec les groupes communistes déjà constitués débouche sur la fondation du PCB. Lorsqu’en janvier 1923 la bourgeoisie belge emboîte le pas à la bourgeoisie française et fait occuper la Ruhr, Jacquemotte et le PCB lancent une forte campagne d’opposition. La réaction ne se fera pas attendre : un procès pour « complot contre la sécurité de l’État » … qui se retournera contre ses instigateurs. Jacquemotte, premier des cinquante-quatre accusés, prend l’offensive, dénonce le gouvernement et les autorités judiciaires et transforme le procès en victoire pour le Parti, qui vécut ainsi, pour reprendre le mot même de son dirigeant, son « baptême du feu ». Joseph Jacquemotte entre au Parlement en avril 1925 comme député de Bruxelles et s’en servira comme d’une tribune pour soutenir la grève des métallurgistes la même année, celle des typographes et des travailleurs du textile en 1931, celle des mineurs en 1932 ( lutte qui allait donner lieu à un nouveau procès pour « complot » ), celle « des 500.000 » en 1936, etc., pour dénoncer l’opportunisme du POB, le fascisme en Allemagne, en Italie et en Belgique ( lutte anti-rexiste ), pour stigmatiser l’effroyable oppression des travailleurs africains du Congo belge ( notamment à l’occasion de la mutinerie de Kwango, fief des « Huileries du Congo belge », en 1931, que la troupe mata en tirant à la mitrailleuse dans la foule, massacrant une centaine de manifestants ), pour soutenir l’URSS, et finalement pour défendre l’option du « Front Populaire », conformément aux directives du Komintern. Son plaidoyer pour le « Front Populaire » sera particulièrement ardent, il ira même, dans ce qu’il est convenu d’appeler son « testament politique » parce qu’écrit peu avant sa mort, jusqu’à envisager l’adhésion en bloc du PCB au POB, à la seule condition que le Parti puisse y conserver son organisation autonome et ses principes directeurs ( la proposition fut rejetée par le POB ).

• LIMBOURG. Province flamande dans laquelle de riches gisements miniers ont été exploités depuis le début du siècle jusqu’aux années 1980. Las mines du Limbourg furent le théâtre de nombreuses et puissantes luttes sociales, surtout depuis qu’en 1965 s’enclencha de façon irréversible le processus de fermeture des puits. À cette époque 38 % de la population active masculine de la province travaillait encore dans les charbonnages. En janvier 1966, la gendarmerie tua deux mineurs lors d’une grève contre la fermeture de la mine de Zwartberg. Depuis quelques implantations industrielles ont été réalisées dans la province ( usines Ford à Genk, par exemple ) qui connaît malgré tout un taux de chômage très élevé.

• MARTENS / GOL. Appellation de deux gouvernements ( connus aussi comme « Martens V » et « Martens VI » ) de coalition sociale-chrétienne / libérale, dirigés par le Premier ministre Wilfried Martens ( social-chrétien flamand ) et par le vice-Premier ministre Jean Gol ( libéral wallon ). Cette coalition s’est distinguée par une politique néolibérale foncièrement anti-populaire, organisant la dégradation des services publics, le contrôle et les économies budgétaires, une réforme fiscale favorable aux capitalistes, des licenciements massifs, la suppression de la liaison automatique des salaires à l’index ( au coût de la vie ), une dévaluation, un désengagement de l’État des « secteurs nationaux » en difficulté ( acier, verre, textile, charbon, etc. ), etc. Bref une politique dite « d’austérité » qui entraîna de nombreux conflits sociaux dont le plus important fut la grève de septembre 1983. Martens V entra en fonction le 17 décembre 1981 et Martens VI tomba le 15 octobre 1987, pour faire place à une coalition à dominante, puis exclusivement sociale-chrétienne / socialiste. Cette coalition qui connaît régulièrement des changements de personnes est toujours en place aujourd’hui.

• PCB. Parti Communiste de Belgique, section belge de l’Internationale Communiste, fondé en 1921 par l’union de deux fractions révolutionnaires présentes dans la gauche du POB : le courant de Joseph Jacquemotte ( d’origine syndicaliste-révolutionnaire, réuni autour du journal L’Exploité ) et celui de War Van Overstraeten ( antiparlementaire et anti-syndicaliste, dissidence bruxelloise de la Jeune Garde Socialiste ). Les effectifs du PCB ( 500 militants, sur les 10.000 que comptaient alors las ligues ouvrières du POB ) allaient croître rapidement malgré le départ d’environ 350 militants lors de la rupture avec les trotskystes ( influents surtout en Hainaut ) en 1928. Fidèle aux consignes du Komintern, le PCB exclut toute collaboration avec les sociaux-démocrates ( la polémique avec eux fut virulente ! ) et il entreprend une lutte contre le chômage alors en pleine expansion. Il développe ses propres structures syndicales ( principalement la Centrale Révolutionnaire des Mineurs, regroupant aussi des métallurgistes liégeois ), ce qui amène les communistes actifs dans la Commission syndicale à se rapprocher des positions de l’Opposition Syndicale Révolutionnaire. Suite à la grève de 1932 au Borinage, le PCB passa d’un millier à environ trois mille membres. L’option du « Front Populaire » et du Front uni fut défendue à partir du Congrès de 1935 à Charleroi mais elle ne connut qu’un succès relatif en raison des réticences du POB ( elle avait pourtant été bien accueillie par sa base et des fédérations comme celle de Liège et de Bruxelles ). Les Jeunesses Communistes fusionnèrent pourtant avec la Jeune Garde Socialiste, les syndicats communistes furent dissous et leurs membres s’affilièrent à titre individuel aux syndicats socialistes ( de la CGTB ). Le soutien à la République espagnole constitua aussi un terrain d’unité : deux mille volontaires partirent pour les Brigades Internationales. Le Parti connut alors une forte croissance ( 3.200 militants en 1935, 8.500 en 1938 ), un développement qui se répercuta aussi dans le domaine électoral, particulièrement en 1938. Analysant tout d’abord la guerre mondiale comme guerre de brigandage inter-impérialiste, et cela conformément à la ligne du Komintern ( « Ni Londres, ni Berlin » ), le PCB s’investit activement dans les premières grèves sous l’occupation ( « grève des 100.000 » en mai 1941, à Liège notamment ). L’invasion de l’Union Soviétique par les nazis provoquera l’engagement du Parti dans la Résistance armée ( c’est l’apparition des « Partisans Armés » ) et la traduction dans le domaine de la Résistance de la politique du Front uni ( par la création du « Front de l’Indépendance » ). Une lutte vigoureuse est alors engagée qui, à la différence d’autres dans las pays voisins, visait particulièrement des collaborateurs : du 1er janvier 1943 au 1er mars 1944, Liège, Charleroi et Bruxelles furent le théâtre de 1.174 actions contre des rexistes, dont 742 mortelles. On connaît l’atrocité des représailles perpétrées par l’ennemi et, alors que le Front de l’Indépendance rassemblant communistes, anti-fascistes, patriotes et démocrates, anglophiles, etc. est en pleine expansion, la Gestapo parvient à arrêter entre janvier et juillet 1943 des centaines de militants et cadres du Parti, dont les plus hauts responsables du Comité Central et de la direction des Partisans Armés. Les pertes de la Résistance ( vingt mille clandestins belges tués par les nazis ) et spécialement le sacrifice de 1.200 combattants de l’organisation des Partisans Armés qu’il avait contribué à fonder et à laquelle il avait consacré ses meilleures forces, devaient saigner le Parti : sur les 35 membres et candidats du Comité Central élus en 1939, seuls cinq échappent à la déportation ou à la mort, cinq commandants des Partisans Armés se succèdent à Bruxelles de 1942 à 1944, qui seront arrêtés les uns après les autres. Cependant la Parti sort aussi de la guerre fort d’un prestige et d’un ascendant politique puissant, et ses membres passent de 10.000 à la fin de la guerre à 100.000 après la libération. Il devient ainsi le troisième parti du pays et participe aux gouvernements Pierlot et Van Acker de 1944 à 1947. Le PCB entame alors une longue période de décadence marquée par des déviations révisionnistes ( auxquelles le renouvellement des cadres pendant la guerre n’est pas étranger ). Il perd progressivement son âme et ses forces, jusqu’aux scissions des années 1960 qui donneront naissance à des groupes maoïstes. Le PCB a perdu toute représentation parlementaire lors des élections de 1985.

• PIERLOT HUBERT ( 1883-1963 ). Homme politique catholique. Premier ministre d’un gouvernement qui prit son nom en 1939, il dirigea depuis Londres ( contre l’avis du roi Léopold III resté en Belgique ) le gouvernement belge en exil puis, à la libération, le gouvernement d’union nationale ( auquel participa le PCB ). Un gouvernement qui s’employa en priorité à ramener la production au niveau d’avant-guerre et finit par tomber suite au départ des catholiques n’acceptant pas l’opposition des partis socialiste et communiste au retour du roi ( c’est le début de « l’affaire royale » ).

• POB. Parti Ouvrier Belge, né en 1885 du Congrès réuni à l’initiative de la Ligue ouvrière de Bruxelles, de l’union des ligues ouvrières, mutualités, syndicats et coopératives socialistes du Brabant, de Flandre orientale, de Liège, du Hainaut et d’Anvers. Le POB prenait ainsi le relais en l’absorbant du Parti Ouvrier Socialiste de Belgique, lui-même produit de la fusion de 1879 du Parti Ouvrier Socialiste Flamand et du Parti Ouvrier Socialiste Brabançon, structures ayant émergé deux ans plus tôt de la Chambre du travail, de la fédération des sociétés ouvrières bruxelloises et de quelques groupes ouvriers wallons. Le retard relatif des wallons en matière d’organisation politique — alors qu’à l’époque leur région concentre l’essentiel du prolétariat national — s’explique en tant que séquelle des puissantes influences bakouniniennes dans les sections de l’Association Internationale des Travailleurs. Outre les ligues ouvrières, spécifiquement politiques, très influentes mais dont les effectifs étaient réduits au regard du nombre de membres du POB, le mouvement socialiste reposait sur quatre piliers principaux : les « Maisons du Peuple » qui allaient se répandre jusque dans les plus petites communes, les mutualités, les syndicats et les coopératives. Ces dernières, typiques au mouvement ouvrier belge, connurent une expansion notable : en 1910 on recensait déjà plus de 3.000 coopératives et en 1930 cinquante-cinq grandes coopératives approvisionnaient plus d’un million de consommateurs. En 1965, les coopératives réalisaient encore 24 % du chiffre d’affaire total des sociétés de distribution dans le pays. Au départ les statuts des coopératives ( comme des mutuelles et des syndicats ) spécifiaient que quiconque s’y affiliait reconnaissait les statuts et le programme du POB, et ainsi grossissait automatiquement la base du courant le plus réformiste du parti. Mais peu à peu syndicats, mutuelles et coopératives acquirent de l’autonomie ( pour ce qui est des syndicats, suite à la grève de 1902 et aux contradictions qui avaient éclaté entre les ouvriers grévistes et le POB ) et ce dernier devint un parti politique à part entière. Il connut une dissidence lors des grèves de 1887 : le Parti Socialiste Républicain. Il participa pour la première fois à un gouvernement lors de la première guerre mondiale, quand son président Emile Vandervelde fut nommé ministre sans portefeuille le 4 août 1914. C’était là le couronnement d’une longue lutte pour le suffrage universel, marquée par les grèves de 1887/1888, 1893, 1902 et 1913. Le POB œuvra activement à l’institutionnalisation de la collaboration de classe, torpillant systématiquement les mouvements de lutte ouvrière trop combatifs à son goût, se désolidarisant régulièrement des syndicats socialistes quand il était au gouvernement. Il étendit d’ailleurs cette politique de désolidarisation au niveau international par un colonialisme, un impérialisme et un atlantisme sans détour. Ainsi, il prit position pour le transfert du Congo à la Belgique ( qui aboutit en 1908 ), et son domaine économique ( coopératives mais aussi participations industrielles ) s’étendit jusque dans la colonie où il possédait notamment plusieurs plantations de coton. Ainsi, également, se prononça-t-il, en 1916, par la voix de son président Vandervelde, pour l’annexion du Grand-Duché de Luxembourg puis, lors des négociations du traité de Versailles, pour l’annexion de Maastricht, du Limbourg hollandais, de Moresnet, d’Eupen, de Malmédy et d’une partie du domaine colonial allemand ( le traité n’accorda à la Belgique  » que  » les revendications territoriales formulées aux dépens de l’Allemagne ). Ainsi, enfin, le POB, devenu Parti Socialiste Belge ( PSB ) après la libération, en 1944/1945, allait devenir un agent actif de l’allégeance de l’Europe occidentale à l’impérialisme US ( son dirigeant, Paul Henri Spaak, fut d’ailleurs Secrétaire général de l’OTAN de 1957 à 1961 ).

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• POS. Parti Ouvrier Socialiste, ex-Ligue Révolutionnaire des Travailleurs : section belge de la IVe Internationale ( trotskyste ).

• POUVOIRS SPÉCIAUX. Pouvoirs accrus qu’une majorité parlementaire peut accorder à l’exécutif pour une période donnée et dans un cadre particulier. Le gouvernement Martens / Gol y eut très largement recours pour réaliser sa politique d’austérité.

• PS(B). Parti Socialiste Belge, constitué en 1945 sur base de l’héritage du POB. Bien que ce parti ne représenta que la deuxième force politique du pays ( après les sociaux-chrétiens ), il constitua le pivot des premiers gouvernements d’après-guerre, jusqu’en 1949. Il retrouve le pouvoir ( avec les libéraux ) de 1954 à 1958, puis s’y installe ( avec les sociaux-chrétiens et parfois d’autres partis encore ) de 1961 à 1980. Il y est à nouveau depuis 1987. Foncièrement réformiste, le PSB eut quand même une aile gauche prônant le retour aux thèses collectivistes du POB et qui, pour avoir été active sur le terrain ( ainsi par exemple la tendance du syndicaliste liégeois André Renard qui joua un rôle d’avant-plan dans les grèves de 1960/1961 ), n’en fut pas moins toujours impuissante face à la direction et à l’appareil réformiste du parti. Le PSB se scinda en 1978 pour donner naissance à deux partis distincts : le Parti Socialiste ( majoritaire en Wallonie ) et le Socialistische Partij ( actuellement troisième en Flandre ).

• PSR. Parti Socialiste Républicain, une dissidence du POB rassemblée lors des grèves de 1887/1888 autour d’Alfred Defuisseaux. Elle réintégra le POB en octobre 1889.

• PTB. Parti du Travail de Belgique. Parti populiste et opportuniste créé en 1979 à partir de l’organisation « Tout le Pouvoir aux Ouvriers », elle-même issue du mouvement étudiant maoïste des années 1970.

• SECTION BELGE DE L’AIT. La fondation de la Ière Internationale à Londres en 1864 impulsa dans notre pays un processus d’organisation des cercles socialistes et des associations ouvrières sous l’égide de militants progressistes de grande valeur, tel par exemple César De Paepe. À partir de l’association bruxelloise « Le Peuple », les internationalistes belges rassemblèrent des fonds de grève, assurèrent l’aide juridique aux grévistes poursuivis, développèrent la propagande, etc. Cette activité culmina lors des grands mouvements de grèves qui se succédèrent entre 1867 et 1870 dans les bassins de Seraing et de Charleroi. Vers 1870, l’Association Internationale des Travailleurs comptait environ 60.000 adhérents en Belgique et disposait de sections dans tous les centres industriels importants. Si, à l’image de César De Paepe, de nombreux proudhoniens se rallièrent au marxisme, le courant anarchiste resta puissant dans la section belge de l’Internationale et il constitua un allié puissant pour la tendance de Bakounine. Le mouvement internationaliste commença à décliner en 1872, pour des raisons conjoncturelles mais aussi à cause de la défaite de la Commune de Paris et du conflit entre anarchistes et collectivistes.

• SGB. Société Générale de Belgique, principal holding du pays, actif dans les secteurs du transport, de l’énergie, de la métallurgie des non-ferreux, de l’assurance, de la banque, des travaux publics, etc. Avant guerre, au faîte de sa puissance fondée sur le charbon, l’acier et les constructions métalliques et électriques, la Générale possédait 40 % du patrimoine industriel belge ! À la fin des années 1980, ce holding fut l’enjeu d’une bataille financière internationale qui s’acheva par une prise de participation du groupe financier français Suez. La SGB possède des intérêts partout en Europe, mais aussi en Amérique du Nord, au Zaïre, au Brésil, etc.

• VAL SAINT-LAMBERT. Entreprise du secteur verrier située à Seraing ( région liégeoise ), née au début du siècle de la fusion de plusieurs entreprises sous l’égide de la Société Générale de Belgique. En 1975, cette cristallerie qui employait 1.200 travailleurs connaissait des difficultés et la situation déboucha sur un long conflit social ( les travailleurs s’organisèrent en comité de grève prenant en charge la production ). La lutte se solda par des centaines de licenciements lors de la mise en place, sous contrôle d’une commission paritaire, d’une nouvelle direction.

• VAN ACKER ACHILLE ( 1898-1975 ). Homme politique socialiste, président du Parti Socialiste clandestin pendant la guerre, Premier ministre et ministre du charbon en 1945/1946, ministre jusqu’en 1949 puis encore Premier ministre de 1954 à 1958. Représentatif du réformisme du PSB, il joua un grand rôle dans l’instauration de la sécurité sociale.

• VANDERVELDE EMILE ( 1866-1938 ). Homme politique socialiste qui participa à la fondation du POB, élu député en 1894, il resta président du groupe parlementaire socialiste jusqu’à sa mort. Il sera élu président du Comité Exécutif de la IIe Internationale en 1900 à Paris et il jouera un rôle non négligeable dans sa trahison ( non seulement Vandervelde ralliera les thèses sociales-chauvines et bellicistes, défendra l’effort de guerre, etc., mais en 1915 il ira jusqu’à faire un voyage en Russie pour appeler à suspendre « momentanément » la lutte contre le tsarisme et à se consacrer exclusivement à la guerre contre l’Allemagne ! ). Il occupa plusieurs postes ministériels entre 1914 et 1935 et fut délégué belge en 1919 lors des négociations du Traité de Versailles.


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