Editorial : Liban, été 2006-été 2007 – Derrière « la victoire du Hezbollah »

Il y a un an, les forces populaires de la résistance libanaise infligeaient un sévère échec à l’agresseur sioniste. Avec une ténacité et une intelligence remarquables, en combinant toutes les ressources de la techno-guérilla et de la guerre populaire, les résistants ont infligés de lourdes pertes à l’ennemi et fait en sorte qu’il n’atteigne aucun de ses objectifs : ni empêcher le tir de roquettes par-dessus la frontière, ni récupérer les soldats israéliens capturés par le Hezbollah, ni surtout détruire militairement la résistance libanaise et séparer la résistance libanaise de la résistance palestinienne.

Cette victoire a été due à plusieurs facteurs dont un (l’intelligente préparation du Hezbollah) a été largement mis en avant dans les médias, et les deux autres (la mobilisation de toutes les forces de la résistance, notamment celles du Parti Communiste, et celle des populations du Sud Liban) ont au contraire été occultées à la fois par les sionistes et les islamistes.

Car il y a un consensus général pour attribuer au seul Hezbollah tout le crédit de la résistance à l’agression. Cela arrange tout le monde : les islamistes qui peuvent se vanter devant les masses arabo-musulmanes d’avoir été les seuls à tenir Israël en échec ; les sionistes qui tiennent là un ennemi facile à diaboliser dans l’opinion internationale ; les gouvernements occidentaux alliés d’Israël qui peuvent plus aisément justifier dans leur opinion publique leur absence de réaction (voire leur complicité) dans l’agression. Pour justifier la guerre, le Premier ministre israélien Olmert s’est retranché derrière le discours de Bush sur la « guerre contre la terreur » , en rappelant que le Hezbollah faisait partie intégrante de l’ « axe du mal » . Bush a enchéri devant l’Assemblée générale de l’ONU, dans des interventions « anti-terroristes » qui n’ont mentionné qu’une seule fois Al Qaïda, mais cinq fois le Hezbollah et cinq fois le Hamas…

En s’attribuant le leadership de la résistance, le Hezbollah a incommensurablement renforcé son poids au Liban. Pourtant, les combattants communistes et baathistes (progressistes panarabes) ont assumé également leurs responsabilités face à l’agression sioniste, en jouant un rôle actif non seulement dans les opérations défensives (nous détaillerons plus loin, à titre d’exemple, la bataille de Jamaliyeh, où les combattants communistes ont résistés à un raid héliporté sioniste), mais aussi dans les opérations offensives (les combattants communistes ont tirés à plusieurs reprises des « katiouchas » sur les localités frontalières israéliennes).

Comme souvent, il a fallu quelques mois pour que les informations permettant de dissiper les campagnes de la Propagande impérialiste parviennent aux organes de contre-information. C’est ce qui permet aujourd’hui à Clarté de consacrer l’essentiel de son numéro d’été au premier anniversaire de la résistance victorieuse du peuple libanais.

Premier anniversaire de la défaite d’Israël au Liban

1. L’origine de l’agression militaire

1.1. L’incident du 12 juillet

Le 12 juillet, des militaires israéliens qui en étaient à leurs derniers jours de déploiement à la frontière libano-palestinienne ont baissé leur garde et même, semble-t-il, violé les procédures opérationnelles en laissant leurs deux jeeps Hummer blindées à la vue de positions du Hezbollah, et cela, alors qu’ils n’étaient plus au contact de leurs commandants, et hors couverture. Or, depuis que l’ex-Premier ministre israélien Ariel Sharon eut renié son engagement à libérer tous les prisonniers arabes au cours du dernier échange, les unités frontalières du Hezbollah avaient des ordres permanents d’exploiter ce genre d’erreur pour capturer des soldats israéliens. Une unité du Hezbollah attaqua audacieusement la patrouille israélienne, tua trois soldats, en captura deux autres, et repassa la frontière. Le commandement local israélien décida immédiatement un raid de tanks et de transports de troupes blindés pour récupérer les soldats capturés. La force blindée tomba dans une embuscade grand style : un tank sauta sur une charge enterrée de 200 à 300 kg d’explosifs, il fut détruit et ses quatre membres d’équipages tués.

1.2. Le contexte

On fait généralement découler l’agression israélienne du 12 juillet 2006 au Liban de la capture des deux soldats et de l’échec du raid blindé qui s’en suivit. C’est à la fois exact et inexact.

Ces événements surviennent après l’échec d’une intense campagne de pressions politiques et diplomatiques impérialistes et sionistes sur le Liban pour obtenir le désarmement de la résistance libanaise et la fin de ses liaisons avec la résistance palestinienne.

Ces pressions s’exerçaient pourtant sur un terrain favorable : le gouvernement Hariri, qui était à la tête de l’Etat libanais depuis les années ’90, était étroitement lié au projet US de « Nouveau Moyen-Orient ». Après la mort en mars 2005 dans un attentat de Rafiq Hariri (représentant de la bourgeoisie compradore sunnite), les « forces de 14 mars » ont assuré la continuité bourgeoise: hostilité envers la Résistance, hostilité envers la Syrie et le panarabisme, et collaboration ouverte avec les projets de l’impérialisme. Ces « forces du 14 mars » regroupent principalement les Forces Libanaises de Samir Jaja (droite chrétienne), le Parti Socialiste Progressiste de Walid Joumblad (parti communautariste druze), le Courant du Futur fondée par Hariri, quelques autres partis confessionnels ainsi que le courant de la « Gauche démocrate » d’Ilyes Atallah, une scission du Parti Communiste collaborant avec la bourgeoisie. Les impérialistes, les sionistes et les « forces du 14 mars » remportèrent un premier succès en obtenant un retrait de l’armée syrienne du Liban.

L’opération du Hezbollah à la frontière libano-palestinienne ne pouvait que rencontrer un large écho populaire au Liban. Capturer des soldats pour faire échange avec prisonniers libanais et palestiniens dans les geôles sionistes (en suivant une tactique réalisée avec succès depuis 1982 par les forces palestiniennes) aurait mis en évidence que, sous les gouvernements d’Hariri et des « forces du 14 mars », la diplomatie libanaise avait été totalement incapable d’obtenir la libération des prisonniers libanais détenus en Israël. Capturer des soldats et libérer les prisonniers libanais par un échange aurait été la démonstration que, comme cela avait été le cas pour la libération du Sud en 2000, la Résistance prenait elle même en charge une question nationale vitale et palliait l’inefficacité (signe d’une absence de volonté politique) de l’Etat bourgeois.

L’échange n’aurait pas été un succès pour le seul Hezbollah, mais aurait renforcé la position de toutes les forces de la résistance : le Hezbollah lui-même, Amal (parti communautariste chiite non-islamiste), le Parti Communiste Libanais, le Parti Socialiste Nationaliste Syrien (baathiste), et les forces la gauche palestinienne (notamment le FDLP d’Ahmed Jibril).

C’est cet enjeu général qui explique l’implication des USA dans la guerre (livraisons massives de munitions tout le long des bombardements) et la complicité des régimes réactionnaires arabes saoudien, égyptien et jordanien. C’est tout le projet de « Nouveau Moyen Orient » qui était touché par l’opération du Hezbollah.

Pourtant, il parait maintenant évident que le Hezbollah n’avait pas mesuré, le 12 juillet, l’importance de cet enjeu aux yeux des sionistes. Au lendemain du conflit, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah a reconnu que l’ampleur de la réplique militaire d’Israël à la capture des deux soldats avait surpris la direction du Hezbollah. Le Hezbollah n’aurait pas provoqué une guerre avec Israël au moment où les chiites de la diaspora ont l’habitude de venir au Liban, ce qui constitue pour cette communauté généralement pauvre un apport économique essentiel.

2. La Résistance

2.1. La préparation du Hezbollah

La préparation militaire du Hezbollah a été remarquable. Il avait emmagasiné jusqu’à 18.000 roquettes dans des sites fortifiés qui ont survécu aux bombardements. Un entraînement intensif a appris aux artilleurs du Hezbollah à se déployer, à tirer et à se dissimuler en moins d’une minute, de telle sorte que l’aviation israélienne a été incapable d’empêcher les tirs de plus de 6.000 roquettes contre Israël (on cite souvent le chiffre de 4.500, mais ce chiffre rendu public par les Israéliens ne tient pas compte les innombrables obus de mortier et les 1.500 roquettes visant des cibles militaires, ainsi celles qui ont endommagé la base de Méron, le grand centre de coordination des opération aérienne).

Les défenses du Hezbollah au Sud-Liban étaient le résultat de six années de travaux acharnés, entrepris dès le retrait israélien de la région, en mai 2000. Les dépôts d’armes, les postes de combat et de commandement, dessinés et construits par les ingénieurs du génie du Hezbollah, étaient puissamment fortifiés, et certains d’entre eux disposaient même de l’air conditionné.

Embuscade au missile anti-char : le char Merkava de gauche brûle après un impact dans le compartiment moteur.

Les travaux de fortifications étaient accompagnés d’un programme de désinformation, certains bunkers étant construits à l’air libre, à la vue des drones israéliens. A de rares exceptions près, ces bunkers étaient des leurres. La construction des véritables bunkers se poursuivait en secret. Les bunkers de commandement et d’entreposage d’armes les plus importants étaient creusés à l’intérieur des collines rocheuses du Liban, à une profondeur atteignant jusqu’à quarante mètres. Près de 600 dépôts d’armes et de munitions furent ainsi creusés au Sud du fleuve Litani. Par sécurité, aucun dirigeant du Hezbollah n’avait individuellement connaissance de l’ensemble de la structure des bunkers. Chaque unité du Hezbollah se voyait affecter seulement trois bunkers – un bunker de munitions de première intention et deux bunkers de secours. Les unités combattantes devaient s’armer, se ravitailler et combattre à l’intérieur de zones de combat spécifiques et précisément délimitées.

Les services de sécurité du Hezbollah avaient en outre démantelé un réseau de seize espions israéliens au Liban. Bien qu’ils n’aient pas été en mesure de trouver le chef du réseau, pendant deux ans, depuis 2004 jusqu’à la guerre, le Hezbollah avait réussi à « retourner » un certain nombre de Libanais espionnant pour Israël et à intoxiquer les services de renseignement d’Israël sur la localisation des dépôts d’armes du Hezbollah au Sud-Liban. Cela, ce qui eut pour effet que les dossiers d’identification de cibles potentielles d’Israël comportaient des emplacements vides, tandis que les véritables installations avaient été gardées secrètes…

Le Hezbollah sut également mettre au point un réseau robuste de communications, performant jusqu’au dernier jour du conflit, en dépit des efforts déployés par les Israéliens pour les mettre hors d’usage. Même aux derniers jours de la guerre, le Hezbollah était en mesure d’organiser un bombardement (en l’occurrence celui de Kyriat Shimona) parfaitement coordonné : cinq salves de roquettes tirées à la même seconde à partir de cinq endroits différents.

Ce succès du Hezbollah sur le plan des communications ne fut pas que défensif. Israël, se fiant à un ensemble hautement sophistiqué de techniques de « sauts de fréquences » avait sous-estimé la capacité du Hezbollah à maîtriser les technologies des contre-signaux. Les services de renseignement du Hezbollah se sont révélés en mesure d’intercepter les communications terrestres entre officiers israéliens, enlevant tout effet de surprise tactique aux opérations israéliennes.

2.2. L’offensive aérienne sioniste

Les arsenaux et les postes de commandement du Hezbollah ont été pris pour cibles par l’aviation israélienne durant les 72 premières heures de la guerre. Cette attaque échoua, les tirs de roquettes de type Grad (les fameuses « katiouchas » ) ne diminuant pas. Le 15 juillet, l’aviation israélienne s’en prit donc au QG de la direction du Hezbollah à Beyrouth. Cette attaque (23 tonnes de bombes !) fut elle aussi un échec. A aucun moment de la guerre, aucune personnalité majeure du Hezbollah n’a été tuée.

Conscient de l’échec, Israël procéda à l’intensification des raids aériens contre des caches potentielles du Hezbollah. L’ « extension des cibles visées » n’a plus cessé de connaître une escalade tout au long du conflit ; frustrée par son incapacité à identifier et détruire les principaux atouts militaires du Hezbollah, l’aviation israélienne entreprit de détruire le Liban dans une offensive aérienne d’une ampleur inouïe : 12.000 sorties de combat, à quoi s’ajoutent les tirs d’artillerie lourde et les 2.500 bombardements navals. Presque toutes les localités situées entre la rivière Zahrani et la frontière libano-palestinienne ont été bombardées, parfois à plus de dix reprises. L’ensemble des villes et des axes de communication ont été visés et touchés : Baalbek, Saïda, Tyr, Tripoli… Les quartiers sud de Beyrouth ont été bombardés sans discontinuer. L’aviation israélienne détruisit systématiquement les ponts, les centrales électriques et plus de 15.000 logements, mettant en pratique la menace du chef d’état-major de l’aviation sioniste qui menaçait, le 12 juillet, de « ramener le Liban vingt ans en arrière » .

Le résultat le plus spectaculaire de « l’élargissement de l’ampleur de la cible » fut le massacre de Qana : le 30 juillet, une bombe à guidage laser frappe un immeuble civil, tuant vingt-huit civils dont seize enfants, et en blessant des dizaines d’autres. Au lendemain du massacre, les aviateurs israéliens tentent de se justifier ( « A plusieurs reprises, nous avons appelé la population de Qana à quitter la zone » , « des roquettes ont été tirées à partir de la ville » , etc.) mais Israël doit concéder un cessez-le-feu de 48 heures. Les combattants du Hezbollah respectèrent le cessez-le-feu, sur les ordres de leur hiérarchie politique, ce qui signifie que cette direction avait su garder toutes ses capacités de communication malgré les bombardements. Les combats reprennent le 2 août : 180 « katiouchas » s’abattent ce jour là sur les localités israéliennes, démontrant que les bombardements n’ont pas écornés les capacités militaires de la Résistance.

Combattante et combattant du Parti Communiste Libanais

Combattante et combattant du Parti Communiste Libanais

2.3. La mobilisation des masses libanaises

La qualité de la préparation militaire du Hezbollah ne doit pas occulter d’autres facteurs qui permirent à la Résistance de gagner cette guerre. D’abord, les forces combattantes mobilisées furent plus larges que celles du seul Hezbollah : communistes, baathistes, miliciens d’Amal ou simples patriotes sans-parti se mobilisèrent et participèrent efficacement à la résistance armée. Ensuite en raison du choix de la résistance de la part des populations civiles du sud.

Ces populations sont majoritairement chiites et pauvres. Ouvriers agricoles, ils fournissent aussi l’essentiel du contingent de l’exode rural, et ont ainsi peuplé la banlieue sud de Beyrouth. Historiquement, cette population chiite du Sud a toujours été la base sociologique privilégiées des forces révolutionnaires. Dans les années 60, la majorité des militants du Parti Communiste et des organisations progressistes panarabes étaient issus de ces régions. Depuis, les forces islamistes ont enlevé aux communistes le leadership sur ces populations, à grand renfort de programmes sociaux financés par l’Iran.

De nombreux habitants du Sud, sans-parti, ont ralliés la résistance armée, mais plus largement, et sans que ce choix soit le fruit d’un engagement politique bien défini, les civils du Sud firent le choix de la résistance, en refusant de quitter leurs villages, malgré les bombardements terroristes israélien.

Ce choix est directement un choix de résistance, mais aussi l’écho du drame vécu par le peuple palestinien. Les armées arabes avaient promis aux Palestiniens en 1948 que s’ils quittaient leurs terres, ils les retrouveraient après la victoire. Ces Palestiniens sont depuis trois générations dans les camps de réfugiés. Cela a profondément marqué la conscience populaire arabe : si l’on quitte sa maison devant l’armée sioniste, qui sait si, et quand, on la retrouvera ?

Rester fut donc un choix de résistance qui fait honneur à la conscience populaire des habitants du Sud. Leur présence a donné de bonnes conditions de lutte, morales et matérielles, aux combattants. Ce fut un choix héroïque : à la différence des combattants du Hezbollah, les habitants n’avaient pas de bunker pour se protéger des bombes. Ils ont vécu sans eau, sans électricité, sans aucune possibilité d’hospitalisation. 1.100 civils ont payé de leur vie ce choix. L’armée sioniste n’est jamais parvenu à séparer les populations des combattants et, plaçant comme d’habitude les faits cul par-dessus tête, sa propagande affirma que les combattants « se cachaient » derrière les civils…

2.4. La complicité américaine

On sait que sans l’aide militaire US, l’Etat sioniste aurait depuis longtemps disparu de la carte de Palestine. N’envisageons ici que l’aide apportée en lien direct avec l’agression de juillet.

Bush n’a cessé de répéter que le Hezbollah était une organisation terroriste et qu’ainsi, l’offensive israélienne au Sud-Liban participait de la « guerre globale contre le terrorisme » . C’est ainsi que lorsque, dans la nuit du 21 au 22 juillet, la Maison Blanche reçut une demande d’urgence israélienne de fourniture de 5.000 missiles à guidage GPS (pour 319 millions de dollars) et une centaine de bombes anti-bunkers GBU-28 de 2,3 tonnes (pour 30 millions de dollars). La requête fut aussitôt approuvée et les munitions furent expédiées en Israël via Prestwick, en Ecosse. Et lorsque l’aviation israélienne se trouva à court de carburant, les USA lui fournirent en grande hâte pour 210 millions de dollars de kérosène J-8, ce qui porta à plus d’un demi milliard de dollars les fournitures US à l’aviation israélienne au moment où celle-ci dévastait le Liban.

Le 24 juillet, signe supplémentaire de son échec, Israël utilisa des obus et des bombes à sous-munitions (de toutes petites bombes dispersées par centaines par l’engin principal). 90% des frappes israéliennes utilisant des bombes à sous-munitions ont eu lieu au cours des dernières 72 heures du conflit, alors qu’un cessez-le-feu était en vue. Les bombes à sous-munitions sont un moyen de combat efficace et cruel, qui occasionne de nombreuses victimes civiles bien après l’arrêt des combats (selon Handicap International, 98% des victimes de ces armes sont des civils). En effet, de nombreuses sous-munitions n’explosent pas au moment de l’impact, mais quelques mois après, lorsqu’un enfant la touche, lorsqu’un homme marche dessus, etc. Selon le Centre de Coopération de l’Action contre les Mines des Nations Unies (UNMACC) plus d’un million de sous-munitions israéliennes infestent 922 sites au Liban. Entre le cessez-le-feu et le mois de juin dernier, elles ont tué 32 personnes et blessés 210 autres (avec de nombreux cas où la victime a perdu un pied), – dont plusieurs enfants. Le chiffre n’a cessé d’augmenter depuis, et à la longue liste des victimes civiles libanaises vient de s’ajouter un sous-officier français, spécialiste du déminage, tué par une sous-munition le 25 juillet 2007 dans le village de Naqoura.

Parmi les sites contaminés recensés par l’UNMACC, on compte 170 villages, alors que le droit international interdit l’usage de sous-munitions dans les zones habitées. Après que deux démineurs belges aient été blessés à Majdel Selm par une sous-munition israélienne, le 29 janvier dernier, le ministre Flahaut a critiqué Israël qui n’avait pas encore remis à l’UNMACC les cartes des zones contaminées. Depuis, le vice-ministre israélien de la Défense, Ephraim Sheh, a déclaré que l’armée n’avait pas de telles cartes, ce qui tend à confirmer qu’Israël a utilisé ces armes sans discrimination.

Certains pays ont interdit les sous-munitions. D’autres en doublent les détonateurs afin d’en abaisser le taux d’échec au moment du bombardement. Le secrétaire d’Etat à la Défense de Clinton, William Cohen, a donné son feu vert au doublement des détonateurs pour faire passer le taux d’échec des sous-munitions de 14% à moins de 3%. Tout indique qu’Israël ai acheté d’occasion, sur des stocks US d’armes déclassées, des munitions à simple détonateur, pour un faire un usage massif indifférencié et transformer, juste avant le cessez-le-feu, le Sud Liban en zone de mort. Ces livraisons rendraient les USA directement complices de ce crime de guerre.

Fadel Basma, Hasan Karim, Ali Najdi, membres des jeunesses communistes, tués au combat dans le Sud-Liban

Fadel Basma, Hasan Karim, Ali Najdi, membres des jeunesses communistes, tués au combat dans le Sud-Liban

2.5. L’offensive terrestre sioniste

La demande de fournitures aux USA le 22 juillet signifiait qu’Israël avait employé la plupart de ses énormes stocks de munitions au cours des dix premiers jours de la guerre sans avoir obtenu le résultat souhaité. La télévision de Hezbollah, Al Manar, continuait par exemple à émettre à Beyrouth, alors que l’aviation israélienne avait détruit les émetteurs des principales chaînes de télévision libanaises. De toute la guerre, Al Manar n’a pas connu d’interruption de programme supérieure à quelques minutes. La campagne aérienne israélienne contre le Hezbollah n’arrivait même pas à interrompre les transmissions de sa télévision…

La décision prise par Israël de lancer une offensive terrestre afin d’accomplir ce que son aviation avait été incapable de réaliser a été prise de manière hésitante et hasardeuse. Tandis que des unités spéciales de l’armée israélienne opéraient des percées à l’intérieur du territoire du Sud-Liban, durant la deuxième semaine de la guerre, le commandement demeurait indécis sur l’ampleur et les objectifs d’une offensive terrestre.

Les combats livrés par les unités spéciales montrant que les résistants se battaient avec ténacité pour conserver leurs positions, le Premier ministre Olmert prit la décision politique d’user de toute la puissance de l’armée israélienne afin d’écraser la résistance, et mobilisa les réservistes. Cette mobilisation fut chaotique, et tout au long du conflit, Israël a eu du mal à soutenir correctement ses réservistes : les fournitures de nourriture, de munitions et même d’eau potable ne leur parvenaient qu’avec un à deux jours de retard. Une des raisons de cette défaillance était les bombardements de « katiouchas » qui maintenaient les échelons logistiques loin du front.

La mobilisation des réservistes était censée conforter des forces d’ores et déjà au combat au Sud-Liban. Le 22 juillet, la Résistance (principalement la Brigade « Nasr » du Hezbollah) combattait les forces israéliennes dans la ville de Maroun Al Ras. Bien que l’armée sioniste a revendiqué à la fin de la journée la prise de cette ville après de sanglants combats, les résistants combattaient encore dans les ruines. Les Israéliens n’ont été à aucun moment en mesure de déborder ces défenseurs, et ils ont même dû faire face à des contre-offensives, à l’ouest de la ville. Des unités spéciales de la Brigade « Nasr » ont ainsi détruit plusieurs véhicules blindés israéliens au moyen de missiles. Les troupes israéliennes n’ont jamais totalement sécurisé la zone frontalière et Maroun Al Ras n’a jamais été totalement prise.

Le 25 juillet, pendant la visite de la Secrétaire d’Etat Condoleezza Rice, l’armée israélienne avançait vers la ville de Bint Jbeil. La bataille pour Bint Jbeil dura neuf jours, et la ville resta aux mains de la Résistance jusqu’à la fin de la guerre… Bint Jbeil était entièrement détruite. Les résistants ont survécus en s’abritant dans leurs bunkers au plus fort des bombardements de l’aviation et de l’artillerie israéliennes ; ils n’en sortaient qu’au moment où les troupes israéliennes tentaient de conquérir la ville.

2.6. La fuite en avant sioniste

Le 26 juillet, après avoir échoué à conquérir Bint Jbeil dans la matinée, le commandement israélien a décidé d’y envoyer sa formation d’élite : la Brigade « Golani ». A deux heures de l’après-midi, neuf soldats de cette brigade avaient été tués et vingt-deux autres blessés. Tard dans l’après-midi, une autre unité d’élite, la brigade parachutiste, fut mise en œuvre pour conquérir Maroun Al Ras, où les combats duraient depuis trois jours.

Le 27 juillet, suite à l’échec de ses unités à s’emparer de ces villes, le gouvernement israélien donna son accord pour la mobilisation de trois divisions supplémentaires de réservistes – soit un total de 15 000 hommes.

Habitué à humilier les arabes désarmés en Palestine, les militaires israéliens ont développé un complexe de supériorité qui leur a coûté cher. C’est ce qu’un sociologue de l’Université Ben-Gourion a appelé le « complexe du check-point » : passer son service militaire à tirer des balles en caoutchouc sur des femmes et des enfants, en Cisjordanie et à Gaza ne prépare pas à affronter une techno-guérilla aguerrie. Un bel exemple de la présomption des militaires sionistes est celui de l’équipage de la corvette Hanit qui encaissa la nuit du 14 au 15 juillet un coup de missile terre-mer au large des côtés libanaise. L’équipage était tellement confiant qu’il n’avait pas branché le système de détection et de contre-mesure automatique du navire…

Avant la mise en application du cessez-le-feu (le 14 août), le gouvernement israélien décida d’envoyer des parachutistes en petits groupes sur des positions clés, près du fleuve Litani. Cette décision aurait été prise afin de convaincre la communauté internationale que l’engagement d’une force de l’ONU devait s’étendre dès le sud du Litani. Ces raids ont failli tourner au désastre. La plupart des commandos héliportés furent immédiatement encerclés par des unités de la Résistance, et ils auraient très bien pu se faire décimer si le cessez-le-feu ne leur avait pas sauvé la mise.

Au cessez-le-feu, l’armée israélienne peut faire son bilan : 120 de ses soldats ont été tués (rapporté au facteur démographique, c’est comme si l’armée française avait perdu 1.500 soldats ou l’armée américaine 8.000 !), 750 blessés, un avion F-16, quatre hélicoptères et des dizaines de chars détruits, et beaucoup d’autres endommagés. Israël affirme aujourd’hui avoir tué de 400 à 500 combattants, mais un décompte plus précis montre que les pertes ont été sensiblement comparables des deux côtés. Il est impossible, pour les chiites (et donc, pour le Hezbollah), d’enterrer les martyrs sans cérémonie en leur honneur. Du côté chiite, il a été facile pour les observateurs locaux de connaître le bilan des pertes : moins de 200 funérailles de martyrs ont été relevées.

3. Guerre populaire et technoguérilla

La défaite israélienne au Liban résulte de la combinaison des avantages de la technoguérilla et de la guerre populaire. Au contraire des principes de la guerre populaire, les principes de la technoguérilla sont moins connus. Ces principes ont été élaborés en RFA pendant la guerre froide. Quelques théoriciens militaires ouest-allemands ont proposé de remplacer, pour l’Europe centrale, la stratégie « force contre force » (et plus spécifiquement char contre char) par un système de défense compartimentée mettant en œuvre de petits unités autonomes dotées de moyens de communication très performant et armées de missiles guidés. Cette proposition avait plusieurs avantages : un dispositif clairement défensif qui ne nourrissait pas la course aux armements, une utilisation économique et rationnelle de la supériorité occidentale dans le domaine de l’électronique, une prise en compte de l’hécatombe des chars face aux missiles guidés lors de la guerre israélo-arabe de 73, etc. Mais cette stratégie fut rejetée par la hiérarchie de l’OTAN qui préférait (on devine pourquoi…) garder un dispositif capable d’offensive contre l’Europe de l’Est.

Le choix tactique du Hezbollah fut clairement celui de la technoguérilla, ce qui peut-être illustrée par la lutte anti-char. En sus du procédé classique de la charge enterrée explosant au passage du char, 500 missiles ont été tirés les quinze premiers jours, touchant 40 véhicules blindés (chars, bulldozers et transports blindés) mais ne perçant le blindage que de dix d’entre eux. Encore l’aménagement intérieur des chars modernes permet de limiter les pertes en cas de perforation, comme le montre le bilan du Merkava de fabrication israélienne : sur 50 chars touchés par missiles, seuls 22 ont été pénétrés, ce qui provoqua la mort de 18 tankistes. Le bilan de la résistance sur toute la durée de la guerre (60 blindés dont 25 chars détruits ou gravement endommagés) est le fruit non seulement du courage et de la compétence des combattants, mais aussi de la maîtrise d’armement de très haute technologie. Car outre les lance-missiles AT-3 « Sagger », le Hezbollah mis largement en œuvre les missiles des générations suivantes (jusqu’aux AT-13 « Metis-M » et AT-14 « Komet-E » dernier-cri, capable d’effectuer des tirs guidés de nuit à longue distance). De la même manière, le classique lance-roquettes RPG-7 était en voie de remplacement par les RPG-27 et RPG-29. Or ces armes de la dernière génération sont dotées de munitions à charge « tandem ». Le blindage classique des blindés israéliens est doublé de tuiles de blindage réactif (un explosif configuré pour exploser vers l’extérieur du char lorsqu’une roquette ou un missile le percute). Une roquette de RPG-7 ou un missile « Sagger » ne peut détruire un char ainsi protégé, tandis qu’une roquette de RPG-29 ou un missile tiré par un « Komet-E » fait exploser la tuile par une première petite charge, ce qui libère le passage à une seconde charge qui explose contre la paroi du blindé.

D’autres facteurs approchent davantage la résistance du Hezbollah de la technoguérilla que de la guerre populaire :

1° le fait d’avoir eu pendant quelques années de grands moyens (techniques et financiers) et toute tranquillité pour préparer le terrain à la défense (des milliers de souterrains ont été creusés dans la roche à l’aide d’équipements modernes de génie civil) ;

2° le fait d’avoir bénéficié d’un (relatif) sanctuaire : Seule une petite partie des zones où le Hezbollah était présent a été concernée par l’offensive terrestre israélienne.

Il ne s’agit pas ici de « regretter » que la Résistance au Sud Liban n’ait pas été une « pure » guerre populaire. Aucun modèle stratégique ne se concrétise à l’état pur et il faut utiliser tous les avantages dont on dispose. Dans la seconde guerre du Vietnam, le FLN profita aussi de matériel à l’époque très performant (ainsi les SAM-7) et il bénéficia lui aussi d’un sanctuaire. De plus, le Hezbollah avait face à lui une des meilleures armée du monde, et comme le terrain de l’affrontement était limité, Israël a pu le saturer de moyens. Les choix du Hezbollah furent un modèle d’intelligence tactique et stratégique. Le Hezbollah s’est doté du matériel qu’il lui fallait (facile à dissimuler et très performant) pour l’employer comme il le fallait (non pas pour garder le terrain, mais pour infliger des pertes à l’armée israélienne au moyen d’embuscade anti-chars, et assurer la continuité des bombardement par roquettes et fusées) pour atteindre les objectifs qu’il fallait (provoquer une crise en Israël sur le prix de la guerre, isoler internationalement Israël, gagner une légitimité politique par une résistance victorieuse) pour remporter la victoire qu’il voulait.

Le fait qu’au moment du cessez-le-feu, le Hezbollah disposait d’encore environ 14.000 roquettes et fusées, ce qui lui aurait permis de poursuivre la guerre durant au moins encore trois mois, démontre à quel point il fut avisé dans le choix et dans l’emploi des moyens.

4. Les communistes dans la résistance

4.1. Le précédent de 1982-83

La victoire de la Résistance libanaise l’année passée n’est pas sans précédent. Celle-ci avait apporté une contribution essentielle dans la lutte contre l’agression sioniste de 1982-83. En 1982, les communistes avaient pris l’initiative de fonder le Front de Résistance Nationale Libanaise, qui regroupa les combattants du PCL, ceux de l’Organisation Action Communiste au Liban, du Parti d’Action Socialiste Arabe, ceux du Parti Socialiste Progressiste (jusqu’à l’évacuation de la montagne druze par l’armée israélienne). Les forces de la résistance libanaise ont lutté aux côtés de la résistance palestinienne avec une grande efficacité : à elles seuls, elles ont occasionné plus de pertes à l’armée israélienne en 1982-83 que les forces du Hezbollah en 2006.

Mais la principale force militaire que l’armée israélienne a affrontée en 1982 était celle de l’OLP. L’OLP avait ébauché une conversion en une armée régulière, conformément aux vœux de la direction bourgeoise palestinienne, Yasser Arafat en tête, basée à Beyrouth. Elle alignait au Liban cinq brigades composées de cinq bataillons de 200 combattants et d’unités de soutien (artillerie, logistique etc.). Une brigade faisait face aux milices fascistes des Phalanges Libanaises à Beyrouth, une autre était au Nord Liban et les trois dernière étaient déployées dans le Sud au contact avec la zone occupée par les 7.000 casques bleus de la Force Intérimaire des Nations Unies (FINUL) et de la zone occupée par l’Armée du Liban-Sud (l’ALS : 2.500 mercenaires libanais au service d’Israël). Les brigades de l’OLP étaient équipées de 60 chars et 120 canons lourds (notamment des M-46 soviétiques de 130 mm dont la portée de 30 km permettait de bombarder les localités frontalières israéliennes par-dessus la FINUL et l’ALS), et d’un matériel moyen important (canons sans recul B-11 et canons-mitrailleurs quadruples ZSU-23, fixés sur des pick-up 4×4, missiles anti-char « Sagger », missile anti-aérien SAM-7, etc.). A ces brigades régulières s’ajoutaient de nombreuses unités palestiniennes indépendantes (appartenant aux organisations politiques comme le FDLP, le FPLP, etc.), la brigade de l’Armée de Libération de la Palestine intégrée à l’armée syrienne et les miliciens palestiniens mobilisables. En tout 15 à 20.000 combattants, qui affrontèrent 78.000 soldats et des 1.250 chars israéliens dans la pire des conditions : ils n’avaient plus la souplesse d’une guérilla et, en tant qu’armée régulière, ils étaient inférieurs en tout point aux Israéliens.

Une spécificité de la guerre de 1982 fut la tentative d’intervention de l’armée syrienne. Deux batailles aériennes grand style eurent lieu les 9 juin et 10 juin, dans lesquelles l’aviation israélienne détruisit la totalité des vingt sites de missiles sol-air et 54 Mig syriens sans perdre un seul appareil, grâce à la maîtrise de l’espace électro-magnétique (brouillage de radar, etc.). Les forces terrestres syriennes, qui avaient résisté très honorablement se trouvèrent privées de protection aérienne. Cela détermina un cessez-le-feu israélo-syrien qui ne concernait pas les forces palestiniennes et libanaises. Les forces israéliennes purent progresser jusqu’à assiéger Beyrouth pendant deux mois, jusqu’au départ de l’OLP et au massacre des civils palestiniens et libanais de Sabra et Chatila par les phalangistes auxiliaires d’Israël.

Le départ des forces de l’OLP du Liban aurait pu ouvrir une voie royale au plan impérialiste de balkanisation du Liban, mais la résistance libanaise su lui faire échec. Le 14 septembre 82, le président Béchir Gemayel (dirigeant des Phalanges Libanaises) est tué dans l’explosion de son QG à Beyrouth. Le 17 mai 1983, la Résistance dénonce l’accord de paix libano-israélien signé par le gouvernement fantoche d’Amine Gemayel, qui prévoit le retrait des Syriens et le désarmement de la Résistance. Le 23 octobre 83, c’est la double opération au camion-suicide contre la force multinationale impérialiste (56 soldats français et 239 soldats US sont tués à Beyrouth), qui allait provoquer le repli de cette force. La Résistance libanaise intensifia la guérilla et réussit une opération particulièrement spectaculaire en faisant sauter le quartier général des troupes d’occupation israélienne à Tyr, tuant 89 militaires israéliens et portant ainsi à 563 le nombre des Israéliens tués au Liban à partir du 6 juin…

4.2. Affaiblissement du Parti Communiste Libanais après 1982

De 1982 à 1984, le Parti Communiste Libanais avait joué un rôle essentiel dans la résistance armée à l’agression israélienne. Mais à partir de 1984, le PCL allait perdre des forces d’une part pour des raisons internes (crise des méthodes, crise idéologique, etc.), d’autre part pour des raisons externes (conflit avec le régime syrien et les baathistes).

L’affaiblissement d’origine interne est dû à la persistance d’un important courant révisionniste/réformiste. On peut même dire que si le PCL a pu jouer, l’année passée, un rôle réel dans la résistance à l’agression sioniste, c’est malgré les choix de sa direction, et à cause de la qualité de sa base militante. En effet, si la direction du parti a multiplié les erreurs et les concessions, la base a gardé toute sa combativité révolutionnaire, et dès que l’armée sioniste a agressé le Liban, les militants du PCL, les sympathisants du PCL, et les militants qui s’étaient éloignés du Parti sur une base révolutionnaire (en raison de leur désaccord avec la ligne officielle), ont rallié les permanences du parti pour s’organiser et s’armer militairement.

L’affaiblissement d’origine externe est dû à l’opposition entre le PCL et le régime baathiste syrien. Après 1984, les autorités syriennes ont interdit au PCL de faire des opérations militaires contre l’armée israélienne, ont interdit l’achat d’armes modernes et l’entraînement sur une grande échelle des militants communistes. La crise a culminé entre 1985 et 1988, quand les services secrets syriens ont diligenté l’assassinat de cadres du PCL.

L’été passé, les moyens militaires du PCL étaient extrêmement limités, surtout si on les compare à ceux fourni par l’Iran au Hezbollah. Le PCL disposait d’arsenaux, mais le matériel datait des années 70 et 80 (Kalashnikov AK47 et AK74, fusils-mitrailleurs RPK et RDP, lances-roquette anti-char RPG-7, fusils pour sniper Dragounov et « katiouchas » Grad de 122 mm). De nombreux militants disposent de leur propre arme (qu’ils ne peuvent utiliser qu’avec l’autorisation du parti), mais là aussi, il s’agit d’armement léger et ancien. Cependant, même si, au cours de la seconde moitié des années ‘80, le leadership militaire de la résistance libanaise est passé du PCL au Hezbollah, les communistes libanais (membres ou non du PCL) ont fourni l’été passé une contribution notable à la résistance armée.

4.3. La bataille de Jamaliyeh

Nous avons dit que les contributions des communistes libanais à la résistance armée avaient été attribuées au Hezbollah, aussi bien par les propagandes sioniste qu’islamiste, (par la première pour s’en servir de repoussoir, par la seconde pour s’en attribuer le prestige). Un exemple en est donné par la bataille de Jamaliyeh.

Le village de Jamaliyeh est une localité dépendant administrativement de la ville de Baalbek dont elle est éloignée de quatre kilomètres. Comme de nombreux villages au Proche-Orient, Jamaliyeh est habité par les membres d’une même famille (famille traditionnelle au sens très large, incluant des cousins éloignés, patrilinéaire et exogame). Il s’agit de la famille Jamaladdine, une famille paysanne dont la majorité est membre du Parti Communiste Libanais. Leur histoire est liée à la résistance contre le sionisme : en 1983 déjà, un membre de cette famille, Mustapha Jamaladdine est tombé dans la Résistance contre l’occupation israélienne.

Images prises dans l’hôpital Dal al-Hikm, à Jamaliyeh, par les caméras numériques fixées sur les casques des commandos israéliens.

Le mardi premier août, à 22 h 20, cinq F-16 lâchent une série de munitions guidées dans et autour de Baalbek. Il s’agit de plonger la ville dans l’obscurité et d’isoler l’hôpital Dal al-Hikm, fermé depuis le début de la guerre. Un drone israélien avait identifié à proximité le véhicule d’un responsable local du Hezbollah, Mohamed Yazbek, et le but de l’opération était de le capturer pour lui arracher des informations sur le lieu de détention des soldats israéliens capturés le 12 juillet.

Les seules forces combattantes aux alentours sont celles des communistes de Jamaliyeh. Ces forces sont commandées par Awad Jamaladdine, alias « Abou Akram ». Abou Akram était parmi les membres fondateurs des Gardes Populaires (la première formation armée du PCL) en 1968, de la Force des Partisans du PCL en 1972, puis du Front de la Résistance Nationale Libanaise en 1982. Bien connu dans la région comme grand partisan de la lutte armée anti-sioniste et anti-impérialiste, il avait préparé le village à la résistance dès le premier jour de l’agression. Lorsque, moins de cinq minutes après le bombardement, une douzaine d’hélicoptères de transport CH-53 et d’hélicoptères de combat Apache se présentent, les combattants communistes se sont comme prévu divisés en deux groupes : un groupe de sept barre la route de l’hôpital, tandis que onze combattants s’embusquent dans les vergers du village.

Les CH-53 débarquent les commandos d’élites sionistes « Matkal » et « Shaldag ». Un commando se rend à al-Oussayra, un faubourg de Baalbek et y enlève cinq personnes sans rencontrer de résistance. L’autre commando, qui se rue vers l’hôpital, est accroché par les combattants communistes. Un hélicoptère Apache largue en permanence des fusées éclairantes tandis que les autres tirent au canon-mitrailleur sur les résistants pour appuyer le commando.

La fouille de l’hôpital dure quatre heures. Pendant ces quatre heures, à l’extérieur, les combats continuent et la résistance est acharnée au point que les commandos doivent demander l’appui de l’aviation. Les F-16 tirent alors dix missiles et bombes guidées, ce qui permet au commando de rembarquer à 2 heures 20.

Lors d’une conférence à la presse, le chef d’état-major israélien, Dan Haloutz, affirmera que le commando avait tué « dix combattants du Hezbollah » , capturé « cinq membres du Hezbollah » , sans subir de perte. En réalité, plusieurs commandos israéliens ont été touchés, et quatre résistants ont été tués : Maxime Jamaladdine (responsable du secteur de la jeunesse étudiante du PCL pour la ville de Baalbek, littéralement désintégré par l’impact direct d’un missile), Hassan Jamaladdine (membre du PCL et de l’organisation de jeunesse, lui aussi désintégré par un missile), Malik Jamaladdine (un sympathisant du PCL), et Abou Akram lui-même. Face au plus grand raid héliporté israélien de la guerre (200 commandos déposés à 100 km de la frontière), face aux moyens énormes des forces sionistes, l’armement des communistes était dérisoire : Maxime était armé d’une simple Kalashnikov, Hassan d’un RPK, et Abou Akram d’un RPG-7 et d’une Kalashnikov.

Comme à chaque fois, les islamistes ont essayé de récupérer la résistance. Ils ont proposé aux parents de Malik Jamaladdine une substantielle pension de « parents de martyr » du Hezbollah, alors que Malik était connu de tous comme sympathisant actif du PCL et qu’il portait, au moment de sa mort, un t-shirt de Che Guevara et un keffieh portant la faucille et le marteau…Intoxiquée par la double propagande d’Israël et du Hezbollah, toute la presse internationale a parlé le 3 août d’un combat « entre les commandos israéliens et les combattants du Hezbollah » .

Quant aux cinq personnes enlevées cette nuit-là à al-Oussayra, il s’agissait d’un vendeur de jouets pour enfants de 54 ans, Hassan Nasrallah (sans lien de parenté avec le leader chiite), de son fils aîné, Bilal, 31 ans, de son frère, maçon, Ahmed Saleh al-Ghota, 51 ans, de son gendre, peintre en bâtiment, Hassan Younes al-Bouraji, 45 ans, et d’un voisin mécanicien, Mohammed Jaafar Ali Diab, 44 ans. Les journalistes de l’AFP rencontrèrent un neveu d’Hassan Nasrallah qui leur expliqua que son oncle et les siens avaient refusé de quitter al-Oussayra malgré les bombardements (près de quarante immeubles du quartier ont été détruits) : «Ils étaient seuls. Tous les autres habitants sont partis soit en Syrie, soit dans les villages avoisinants ou dans une autre partie de la ville. Quand mon père lui disait de ne pas rester là, mon oncle lui répondait : « Je ne suis pas du Hezbollah. Je ne bouge pas ».» La famille se cachait dans la cave, mais devait sortir de temps en temps pour se ravitailler. Ils auraient alors pu être aperçus par des drones et identifiés comme des résistants. Le fils cadet d’Hassan Nasrallah, Hammoudi, âgé de 14 ans, a été lui aussi kidnappé par les commandos israéliens, puis relâché au milieu de la montagne après avoir été menacé de mort s’il ne disait pas où se trouvait les résistants. Loin du discours triomphaliste de Dan Haloutz dans sa conférence de presse grand spectacle (où furent distribuées des images prise par des caméras numériques fixées sur les casques des commandos), la réalité apparu vite aux services secrets israéliens : les personnes enlevées étaient de simples civils…

Hassan Nasrallah et les siens furent discrètement libérés fin août, après le cessez-le-feu. Ils s’en sortaient mieux que la famille de bergers bédouins qui campait, la nuit du 2 août, au bord d’un champ de blé proche de l’hôpital. Réveillés par les bombardements, ils sortirent de leur tente et furent aussitôt abattus par les commandos israéliens. Les journalistes de l’AFP purent voir les corps ensanglantés de la mère de famille, Maha Chaabanz al-Issa, âgée 40 ans, et de ses cinq enfants, âgés de 3 à 17 ans. Son mari et deux autres enfants ont été grièvement blessés. Selon la police libanaise, ce sont au total douze civils dont sept enfants qui ont été tués cette nuit là par les Israéliens – vingt autres furent blessés.

Face aux journalistes, un père de famille exhibe le corps de l'un de ses enfants tués par le commando israélien à Jamaliyeh

Face aux journalistes, un père de famille exhibe le corps de l’un de ses enfants tués par le commando israélien à Jamaliyeh

5. Faillite politique et idéologique de la gauche

5.1. En Europe

Une nouvelle fois, les événements du Proche-Orient ont été l’occasion pour la gauche européenne de faire la preuve de sa dépendance à la politique et à l’idéologie bourgeoise. Les mouvements de solidarité n’ont jamais opté pour une politique claire. Retranchées derrière les principes du « pacifisme » et de « l’humanisme », les forces de gauche n’ont jamais choisi le camp du peuple libanais, mais ont renvoyé dos à dos agresseur et agressé. L’identification abusive de la Résistance au seul Hezbollah fut pour cela très utile. A part quelques petits groupes révolutionnaires, la gauche européenne a revendiqué « la paix » plutôt que la victoire de la Résistance. C’est exactement ce qui se passait lors de la guerre du Vietnam, avec la grande coupure entre ceux qui avaient pour mot d’ordre « paix au Vietnam » (socio-démocrates, révisionnistes du PCB, etc.) et ceux dont le mot d’ordre était « victoire au FLN » (organisations et partis marxistes-léninistes, comme le PCMLB). Il est symptomatique que l’été passé, le PCF a envoyé une aide au PCL et, dans le même temps, participé à la cérémonie d’inauguration à Paris de la statue du fondateur du sionisme, Théodor Herzl.

En Europe, l’influence pro-israélienne dans les médias et dans la gauche est indiscutable. La « sécurité » de l’entité sioniste, Etat colon et raciste, n’a jamais cessé d’être au centre de leur préoccupation. C’est pourquoi les forces de gauche ont été incapables d’empêcher l’envoi de casques bleus au Liban : elles n’en avaient pas la volonté politique. Aucune critique contre les Nations Unies, ou les Etats européens pour n’avoir pas condamné l’agression (au plus, les NU et les diplomates occidentaux ont parlé de « réaction disproportionnée » à l’occasion de massacres de civils et de la destruction systématique des infrastructures libanaises…).

5.2. Dans le monde arabe

Les exactions barbares sionistes envers les populations palestiniennes et libanaises, les massacres de civils, la destruction des infrastructures du Liban, se sont déroulés dans un silence assourdissant et complice, y compris dans le monde arabe. Il est vrai que la droite réactionnaire arabe (et les composantes de la droite libanaise qui sont intimement liées à l’impérialisme mondial) ont toujours été les instruments les plus serviles de l’impérialisme.

Maxime Jamaladdine, Hassan Jamaladdine : membres des jeunesses communistes, tués au combat de Jamaliyeh

Maxime Jamaladdine, Hassan Jamaladdine : membres des jeunesses communistes, tués au combat de Jamaliyeh

Dans les pays arabes pourtant, les mobilisations populaires étaient très puissantes, avec des mots d’ordre spontanés très clairs en faveur de la Résistance et contre les régimes arabes collaborateurs de l’impérialisme et du sionisme. Mais la faiblesse des organisations communistes, et la corruption idéologique de « la gauche » étaient partout telles qu’une grande chance de lier la résistance anti-sioniste à la lutte contre les régimes arabes réactionnaires a été gâchée. Il faut en effet souligner (contrairement à ce que les islamistes et les sionistes laissent entendre), que les mouvements de masses n’ont pas été organisés par les forces islamistes. Comme souvent, les islamistes revendiquent des mouvements de masses spontanés.

Au Liban même, le poids du Hezbollah est moindre que l’on peut imaginer. Le Hezbollah est un mouvement de résistance nationale (et il a du crédit dans les masses populaires pour cette raison), mais il n’est pas un mouvement de libération nationale avec un projet de changement politique et social. Une analyse de classe montre clairement que le Hezbollah représente la bourgeoisie et la petite-bourgeoise chiite libanaise. Cela explique que le Hezbollah a soutenu la politique socio-économique anti-populaire et anti-prolétarienne du gouvernement Harriri (jusqu’à la répression sanglante les luttes syndicales), mais tempère l’impact de ces choix réactionnaires par une politique sociale clientéliste auprès des populations qu’il contrôle (financement d’écoles et hôpitaux grâce à la manne iranienne). Si les communistes ont perdu, au profit du Hezbollah, le leadership de la résistance nationale, ils restent les seuls à s’engager sur le terrain social, à animer au Liban un projet social anti-capitaliste.

6. Pas de justice, pas de paix !

Aujourd’hui comme hier, deux projets s’opposent au Proche-Orient, deux camps se trouvent face à face :

– Celui de la Résistance, du refus du projet impérialiste et sioniste dans la région arabe, représenté par les forces de la résistance en Palestine, et au Liban, et par les forces de gauche progressistes arabes aux côtés de la Syrie et de l’Iran ;

– Celui de la réaction et de la collaboration, à sa tête le trio représenté par l’Arabie Saoudite, l’Égypte et la Jordanie, et rejoint par d’autres régimes réactionnaires et forces politiques régionales.

Les impérialistes, les sionistes et les forces réactionnaires arabes doivent masquer le fait que la guerre de l’été 2006 a démontré que, même face à l’armée la mieux équipée de la région, seule la résistance armée permet de stopper la barbarie impérialiste — une expérience dont les révolutionnaires du monde entier doivent tirer les leçons.

L’adoption, le 14 août, par le Conseil de sécurité de l’ONU, de la résolution 1701, montre les moyens par lesquels les puissances impérialistes veulent compenser la défaite militaire d’Israël. Il s’agit fondamentalement d’assurer la sécurité d’Israël en déployant des forces européennes au Sud du Liban, et en encadrant l’armée libanaise par des contingents de pays de l’OTAN. Cette résolution complète la résolution 1559 qui prévoit le désarmement de « toutes » les milices du Liban, mais qui vise en fait les forces de la Résistance.

Les collabos libanais des « forces du 14 mars » s’emploient eux aussi à mettre en œuvre la résolution 1701, ce qui se matérialise par le déploiement de l’armée libanaise dans le Sud, par le projet de désarmer la Résistance et par les démonstrations d’hostilité contre la Syrie et la résistance palestinienne.

Le régime syrien (comme le Hezbollah au Liban, comme le Hamas ou le Jihad en Palestine) est incontestablement anti-populaire et anti-prolétarien, mais il représente aujourd’hui le front du refus, et de la résistance arabe à la capitulation. Cette résistance est la conséquence du colonialisme sioniste. Tant qu’il y aura ne fut-ce qu’une seule parcelle terre arabe occupée, la résistance armée sera l’unique choix possible pour les peuples arabes.

En Belgique et en Europe, notre devoir de communistes internationalistes est de soutenir jusqu’au bout la lutte du peuple palestinien pour sa terre, de revendiquer le retour des Fermes de Chebaa au Liban et le retour du Golan à la Syrie. Le Ministère de la Défense « communique » beaucoup sur le travail des démineurs, des médecins et des experts en reconstruction, mais passent sous silence le fait que plus la moitié du contingent belge est organisé en unité combattante (pudiquement baptisé « force de protection »). En dernière analyse, en application de la résolution 1701, la fonction principale du corps européen est de protéger la frontière nord de l’Etat raciste et colonialiste d’Israël. C’est pourquoi nous devons dénoncer l’envoi de troupes belges au Liban. C’est aussi dans ce cadre que se place l’exigence de libération des prisonniers de guerre des prisons sionistes et impérialistes, et notamment celle de Georges Ibrahim Abdallah, le militant des Fraction Armées Révolutionnaires Libanaises détenu en France depuis 24 ans.

(Rédaction Clarté )

Les secouristes libanais enlevant  des cadavres d’enfants bédouins abattus par le commando israélien près de l’hôpital Dal al-Hikm,à Jamaliyeh

Les secouristes libanais enlevant  des cadavres d’enfants bédouins abattus par le commando israélien près de l’hôpital Dal al-Hikm,à Jamaliyeh

Vous avez été voter, vous ?

Marx : « Le suffrage universel, c’est décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante « représentera » et foulera aux pieds le peuple au Parlement. » (1)

Comme à chaque élection, le Bloc Marxiste-Léniniste a fait campagne cet été pour le boycott, au moyen principalement d’une campagne d’affichage. A la suite de celle-ci (et comme à chaque fois), des sympathisants nous ont interrogé sur la validité de la consigne de vote blanc ou nul. Nous examinerons ci-dessous les questions les plus souvent avancées.

1. Introduction

Lénine : « Dans les démocraties bourgeoises, par mille stratagèmes – d’autant plus ingénieux et efficaces que la démocratie « pure » est plus développée, les capitalistes écartent les masses de la participation à la gestion du pays, de la liberté de réunion, de la presse, etc… Mille barrières s’opposent à la participation des masses laborieuses au parlement bourgeois (lequel dans une démocratie bourgeoise ne résout jamais les questions majeures ; celles-ci sont tranchées par la Bourse, par les banques). Et les ouvriers savent et saisissent à merveille que le parlement bourgeois est pour eux un organisme étranger, un instrument d’oppression des prolétaires par la bourgeoisie, l’organisme d’une classe hostile, d’une minorité d’exploiteurs. » (2)Et encore : « Dans l’Etat bourgeois le plus démocratique, les masses opprimées se heurtent constamment à la contradiction criante entre l’égalité nominale proclamée par la « démocratie » des capitalistes et les milliers de restrictions et de subterfuges réels, qui font des prolétaires des esclaves salariés. » (3)

Parmi ces subterfuges, l’installation de mécanismes de domination sous l’apparence de mécanisme de représentation joue un rôle central. Subterfuge en effet, que le mécanisme qui semble donner le pouvoir au peuple et qui en réalité préserve le pouvoir de ses ennemis.

L’efficacité du mécanisme électoral pour neutraliser la volonté populaire peut être illustré a contrario par le fait que les gouvernements désignés à la suite des élections successives ont systématiquement pris des mesures anti-populaires et anti-prolétariennes. Si l’on va voir au-delà du niveau de vie pour faire une analyse de classe du pays, la population belge est dans sa grande majorité composée de prolétaire : d’hommes et de femmes qui ne jouissent d’aucun revenu capital, qui n’ont pour vivre que la vente de leur force de travail à ceux qui possèdent les outils de travail. Cette majorité de prolétaire a le droit de vote, elle l’exerce depuis un siècle… et il ne sort de ces élections que des gouvernements au service du capital.

Et de loin en loin, une grande messe électorale permet d’affirmer que ces décisions anti-populaires reflètent les choix du peuple.

La pire manière de vicier le système de représentation n’est pas la manière grossière (chambres hautes réservées à la gentry, votes censitaire ou pluriel, interdiction de candidat d’opposition, trucage des résultats, etc.), mais, au contraire, de parvenir à respecter jusqu’au moindre détail sa logique formelle, en le vidant de toute portée politique. C’est la leçon que Lénine faisait à Kautsky : « Prenez le parlement bourgeois. Peut-on admettre que le savant Kautsky n’ait jamais ouï dire que plus la démocratie est puissamment développée, et plus la Bourse et les banquiers se soumettent les parlements bourgeois. » (4)

Cette évolution a une histoire. Elle est moins le fruit d’un projet machiavélique que le résultat d’une sorte de darwinisme institutionnel où, de réformes en expériences, la bourgeoisie impérialiste s’est acheminée vers l’adoption de ce modèle de pouvoir dans les pays du centre impérialiste. Les mécanismes de ce modèle sont nombreux et complexes. Ils procèdent eux aussi, le plus souvent, d’un processus de « rodage » d’un système social qui trouve dans son mouvement même ses propres dynamiques et équilibres. Un siècle d’expérience et d’affinage a rendu la messe électorale parfaitement efficace comme mécanisme de désamorçage de la critique sociale.

Un des épisodes centraux de cette histoire est le moment où, le capitalisme connaissant un plein boom, et ayant dégagé les moyens et rendu rentable, pour la bourgeoisie impérialiste, d’acheter la paix sociale dans les centres. Les gouvernements ont appliqué une politique de « coopération » de classe et, grâce à l’hégémonie de la social-démocratie et des révisionnistes dans le mouvement ouvrier, sont parvenus à transformer les forces de classe (ainsi les organisations syndicales) en rouages du régime.

Lorsque la crise a aiguisé la concurrence entre capitalistes, les gouvernements ont appliqué une politique de compétitivité en rendant la condition de salarié de plus en plus précaire, en liquidant les acquis sociaux, en facilitant les licenciements, en créant des types d’emplois au rabais. Pourtant, tous ces gouvernements sont issus du suffrage universel. Les mécanismes par lesquels le suffrage d’une majorité de prolétaire débouche sur un gouvernement au service d’une minorité de capitaliste étaient, dans l’intervalle, arrivés à maturité. C’est pourquoi, conséquemment, depuis des décennies, dans les centres impérialistes, les forces révolutionnaires appellent à voter blanc ou nul.

Il ne s’agit pas d’un choix « de principe », mais un choix stratégique, basé sur l’analyse concrète d’une situation concrète, une analyse qui conclu que le mouvement révolutionnaire à plus à perdre qu’à gagner à participer aux élections.

Au temps du vote-papier, les partis révolutionnaires appelaient à un « vote nul politiquement qualifié » , qui consistait à surcharger le bulletin de vote d’un mot d’ordre révolutionnaire, ce qui avait pour effet de l’invalider. Cette possibilité n’existe plus avec le vote électronique. Il n’existe donc plus que trois moyens de ne pas collaborer à la farce électorale : le vote nul (en pliant deux fois sa carte magnétique), le vote blanc (en pointant la case ad hoc) et le refus d’aller voter.

Affiches élection 2007

Affiches élection 2007

2. Le vote blanc/nul affaiblit-il la gauche ?

Pour répondre correctement à cette question, il faut savoir de quelle gauche nous parlons. De celle qui va au parlement et au gouvernement ?

Au gouvernement, les PSB puis PS et SP/SP.a ont toujours eu une politique fondamentalement anti-populaire et anti-prolétarienne. C’est le ministre socialiste Vermeylen qui a rédigé les premières lois anti-grèves de l’après-guerre. C’est un gouvernement à participation socialiste qui a appliqué la loi unique contre laquelle un million de travailleurs avaient fait une dure grève en 60-61. C’est le ministre socialiste Vranckx qui a fait tirer sur les mineurs en grève de Zwartberg, en 1966. Le PS a voté la CECA, le Marché Commun, le Traité de Maastricht. C’est le socialiste P. H. Spaak qui a été l’homme de l’OTAN en Belgique, et le PS a participé à toutes les manœuvres de la guerre froide contre l’URSS, jusqu’à approuver l’installation des missiles atomiques Cruise en Belgique en 1979. La social-démocratie a toujours été un agent de l’impérialisme et du néo-colonialisme, de la première guerre contre l’Irak, de la guerre contre la Yougoslavie, de la guerre contre l’Afghanistan. C’est un gouvernement à participation socialiste qui vient de voter le « pacte des générations ».

La société est en crise. Le bien-être universel qui pourrait résulter du progrès technique est remplacé par la surexploitation pour les uns, l’exclusion pour les autres. Au pouvoir pendant des décennies, la gauche parlementariste n’a rien changé, rien résolu, et elle nous propose pourtant d’élection en élection la même chanson. Incapable de se baser sur l’accumulation inouïe des richesses et des moyens de les produire pour créer un nouveau modèle social, elle se contente de replâtrer un mode de production capitaliste mortifère, et elle constitue par-là un élément qui le permet de perpétuer ses dévastations.

Staline disait déjà : « Avec les MacDonald et les Scheideman [leaders des travaillistes anglais et des social-démocrates allemands] au pouvoir, l’ancien ordre des choses bourgeois étant maintenu, leurs prétendus gouvernements ne peuvent être autre chose qu’un appareil au service de la bourgeoisie, qu’un camouflage des plaies de l’impérialisme, qu’un instrument entre les mains de la bourgeoisie contre le mouvement révolutionnaire des masses opprimées et exploitées. Ces gouvernements, eux, sont nécessaires au capital en tant que paravent, lorsqu’il lui est incommode, désavantageux, difficile d’opprimer les masses sans ce paravent. » (5)

Pourquoi hésiter à affaiblir une gauche qui ne fait pas partie de la solution, mais qui fait partie du problème ? Si encore « ne pas affaiblir » cette gauche kollabo-réformiste ne coûtait rien aux révolutionnaires… Mais c’est loin d’être le cas. Voter et appeler à voter donne une légitimité au régime et à ceux qui cautionnent ce jeu de dupe en acceptant d’y jouer. Le seul vote conséquent lorsque l’on pense que les élections ne changeront rien à ce que nous voudrions vraiment voir changer, c’est le vote blanc/nul.

Élections 2007

3. Ne faut-il pas choisir le « moindre mal » ?

Un vote pour un grand parti « de gauche » peut ne pas refléter une adhésion à la social-démocratie, ou l’illusion que les élections peuvent changer le système. Ce vote peut être le produit d’un procédé est bien connu : celui du choix « entre deux maux ». On est conscient que les partis servent le grand capital mais, dans l’isoloir, on se prend encore à dire que si on ne vote pas pour X, ce sera Y qui sera élu, et Y semble encore pire pour telle ou telle raison. On finit donc par vote X, et tout le système XY s’en trouve renforcé.

C’est en tombant dans le piège du « moindre mal » que des militants français ont voté pour Royal contre Sarkozy, comme ils avaient voté Chirac contre Le Pen. Jusqu’où suivront-ils cette logique ? Voteraient-ils pour Le Pen contre Megret ? Pour Pinochet contre Franco ? Pour Attila contre Gengis Khan ?

Le choix du « moindre mal » n’a jamais eu aussi peut de sens qu’aujourd’hui, en période de crise et de guerre concurrentielle, où la différence de politique entre la « droite » et la « gauche » est infinitésimale. Lorsqu’on compare l’avantage que représente la différence entre la « gauche » et la « droite », avec les inconvénients du désarmement politique et idéologique du prolétariat par l’appel à la collaboration avec les mécanismes de perpétuation du pouvoir bourgeois, il est évident que le choix du « moindre mal » relève d’un très mauvais calcul.

Le choix du « moindre mal » peut être valable en période de grande prospérité économique (propice aux revendications sociales), ou en période de grande contradiction entre les forces de la bourgeoisie (entre celles qui misent sur la démocratie bourgeoise et celles qui mises sur le fascisme, par exemple), ou encore lorsque les élections peuvent déterminer les problèmes qui intéressent la classe (appui à la décolonisation par exemple). Il peut alors se trouver des situations où, effectivement, la logique du « moindre mal » peut être plus productive que celle du boycott. Mais aujourd’hui, il n’est d’autre question que la relance de la lutte de classe anticapitaliste. Dans cette perspective, la logique du « moindre mal » est totalement contre-productive.

4. Pourquoi ne pas voter pour les « petits candidats » ou les « petits partis » anticapitalistes ?

Si nous parlons maintenant de la gauche qui n’a aucune chance d’aller au parlement ou au gouvernement, nous continuons à parler de forces qui égarent le mouvement social en lui faisant croire que les élections servent à quelque chose. En se présentant aux élections, ils nourrissent l’illusion qu’il suffirait d’un bon vote pour débloquer les choses. En dernière analyse, ils induisent l’idée que si nous subissons le capitalisme, la mondialisation, le néo-libéralisme etc., c’est parce que le peuple l’a choisi en ne faisant pas le bon vote. Il faut combattre cette imposture avec la dernière énergie, et certainement pas apporter nos voix à ceux qui propagent ces illusions si utiles au pouvoir.

Il est difficile de croire que ces candidats aux élections soient réellement révolutionnaires, puisque avant même d’avoir du pouvoir, ils contribuent (en jouant le rôle des élections) au fonctionnement, au renforcement et à la légitimation du pouvoir ennemi. Mais admettons que tel ou tel petit candidat « anticapitalistes » soit un révolutionnaire pour qui devenir candidat est un simple détour tactique, et admettons même qu’ils puissent être élus.

Deux ou trois élus « anti-capitalistes » seraient absolument sans pouvoir. Déjà les grands partis sont prisonniers (généralement volontaires) de la logique du système. Il est certain, par exemple, que plusieurs décisions impliquant la précarisation de la condition prolétarienne en Belgique ont été prises par la social-démocratie non pas de gaieté de cœur, mais avec la conviction qu’elles étaient inévitables. Dans le cadre du système (dont le parlement bourgeois est un rouage) faire adopter quelques mesures anticapitalistes en Belgique n’auraient qu’un seul effet : déforcer la position concurrentielle du pays et faire peser davantage sur celui-ci la crise du système (fermeture d’usine, non investissement etc.). La France en a fait l’expérience en 1981-82 avec le gouvernement Maurois : la social-démocratie avait pris plusieurs mesures « de gauche » (augmentation des salaires et des revenus de remplacement), avec une intention keynésienne (relancer l’économie en relançant la consommation). L’expérience a terminé en catastrophe quelques mois plus tard : les marchandises françaises n’étaient plus compétitives, et l’argent injecté par les pouvoirs publics français ont servi à acheter des marchandises produites dans les pays où les salaires étaient soumis à une pression à la baisse. La politique anti-ouvrière de la social-démocratie n’est pas le fruit de sa méchanceté, c’est une condition de sa survie comme parti de pouvoir. Comme la guerre à la compétitivité du mode de production capitaliste lui impose d’augmenter le taux d’exploitation, la « gauche » ne peut qu’être réduite, au mieux, au rôle d’opposition (platonique) de sa Majesté le Capital, au pire, au rôle de kollabo.

Si des partis aussi puissants que ceux de la social-démocratie européenne se sont trouvé progressivement coincés dans cette « alternative », que dire d’un « petit candidat » ? Tout ce que celui-ci pourrait faire, ce sont des discours, des effets de manches, proposer des lois qui n’ont aucune chance d’être adoptée etc.

A cet éléments s’ajoutent deux autres :

1° Les « petits partis » et les partis de pouvoir luttent à armes inégales dans les campagnes électorales. Même en transformant ses militants en témoins de Jéhovah bourrant les boîtes aux lettres, comment le PTB peut-il concurrencer les médias du régime ? Même en offrant des soins gratuits dans une poignée de communes, comment peut-il concurrencer le clientélisme social-démocrate qui a à sa disposition des administrations et des intercommunales, des ASBL archi-subventionnées et des sociétés de logements sociaux ?

2° Ce n’est pas parce que nous assistons à une lutte électorale entre David et Goliath que l’identité de la démarche des « petits partis » et des « grands » doit être occultée. Le terme de « petit parti » n’est pas une catégorie politique : les petits partis aspirent à devenir grand, les grands sont d’anciens petits. Le petit parti de gauche dans l’opposition sera confronté aux mêmes dilemmes que les grands quand aura des élus. Qui se souvient de l’espoir mis par certain dans Ecolo ? Cet ancien « petit parti » promettait lui aussi de faire la politique autrement. Le résultat est accablant, sans même que l’on puisse mettre cela sur le dos de la « trahison » ou du « retournement de veste » de ses dirigeants. La logique du système a suffit.

5. Les élections peuvent-elles constituer un pas vers le socialisme ?

Marx : « Le crétinisme parlementaire (…) relègue dans un monde imaginaire ceux qui en sont atteint et leur enlève toute intelligence, tout souvenir et toute compréhension pour le rude monde extérieur » (6)

Les partis ou organisations qui appellent à participer à la farce électorale se dénoncent eux-mêmes comme des révisionnistes. Ils trahissent le marxisme, renoncent à la voie révolutionnaire et intègrent les mécanismes par lesquels la bourgeoise assure la pérennité de son pouvoir.

Prétendre que la lutte contre la farce électorale s’oppose au marxisme-léninisme est une absurdité. La dénonciation du crétinisme parlementaire et la réaffirmation qu’il n’existait d’autre voie que celle de la révolution sont précisément des éléments constitutifs du marxisme-léninisme, ce par quoi il s’est distingué des différents révisionnismes, de celui de Kautsky à celui de Khrouchtchev.

Staline : « En régime capitaliste, il n’y a et il ne peut y avoir de participation véritable des masses exploitées à l’administration du pays, ne fût-ce que pour la raison que sous le régime le plus démocratique, les gouvernements sont instaurés non par les peuples, mais par les Rothschild et les Stinnes, les Rockefeller et les Morgan. En régime capitaliste, la démocratie est une démocratie capitaliste, celle de la minorité exploiteuse, basée sur la limitation des droits de la majorité exploitée et dirigée contre cette minorité. » (7)

Mao : « Le parlement n’est qu’un ornement, un paravent de la domination bourgeoise. Ce sont les besoins et les intérêts de celle-ci qui font adopter ou supprimer le système parlementaire, investir le parlement de pouvoir étendus ou limités, appliquer un certain système électoral plutôt qu’un autre. Tant que la bourgeoisie détient l’appareil bureaucratique militaire, il est impossible, pour le prolétariat, d’obtenir une « majorité solide au parlement » par des élections, et l’aurait-il, qu’elle ne serait nullement stable. La réalisation du socialisme par la « voie parlementaire » est totalement impossible et en parler, cet tromper les autres et soi-même. » (8)

Lorsqu’en 1933, la démocratie bourgeoise de la République de Weimar fut liquidée par Hitler, le grand écrivain antifasciste Henri Barbusse écrivit : « Le parlementarisme est un instrument de la bourgeoisie et lorsque celui-ci le gêne, elle le brise. » Cette analyse a été confirmée toujours et partout : lors du putsch de Franco contre le Front Populaire en Espagne, lors du coup d’Etat « des colonels » en Grèce, lors du coup d’Etat de la CIA et de Pinochet contre le gouvernement d’Unité Populaire d’Allende au Chili, lors du coup d’Etat des généraux de l’OTAN en Turquie, etc. Lénine : « Le savant M. Kautsky a « oublié » – vraisemblablement par hasard par hasard – une « bagatelle », à savoir que le parti dominant de la démocratie bourgeoise n’accorde la défense de la minorité qu’à un autre parti bourgeois ; tandis que le prolétariat, dans toute question sérieuse, profonde, fondamentale, reçoit en guise de « protection de la minorité » la loi martiale ou les massacres. Plus la démocratie est développée et plus elle est près, en cas de divergence politique profonde et dangereuse pour la bourgeoisie, du massacre et de la guerre civile. » (9)

L’aveuglement historique des tenants de la « voie pacifique au socialisme » est inouï. Peuvent-ils seulement invoquer un seul pays où le socialisme a été construit durablement par le moyen de la « voie pacifique » ? Ils ont jeté pieds et poings liés des peuples entiers dans les bagnes de la réaction. Leurs héros — à commencer par Salvador Allende — ont été objectivement les fourriers des camps et des cimetières. Encore Allende n’était-il pas communiste. Il représentait ce que la bourgeoisie peut fournir de mieux au prolétariat en matière de transfuge motivé par l’amour de son peuple de se son pays — et son courage individuel ne souffre aucune discussion. Mais de la part de forces politiques prétendument héritières de Lénine, cet aveuglement est impardonnable. Le Parti « Communiste » (révisionniste) Chilien a conchié des argumentations interminables en faveur de cette voie pacifique/électoraliste. Entre l’élection d’Allende et le putsch de Pinochet, voilà un échantillon de ce qu’on pouvait lire dans sa revue théorique :

« Au Chili, il a été possible d’écarter les réactionnaires d’un secteur du pouvoir sans recourir à un affrontement armé. Cela ne signifie pas, loin de là, qu’une telle éviction ait été « pacifique », « spontanée », de même que cela n’assure pas qu’à l’avenir un affrontement de cet ordre ne se produise pas, localisé ou généralisé. Ce qui est arrivé jusqu’à présent, c’est que le peuple a été capable d’accumuler une si grande force, et d’en neutraliser d’autres, que les réactionnaires se sont vu empêchés de recourir à la résistance armée, malgré tous leurs désirs et tous les efforts. La victoire du 4 septembre [l’élection d’Allende, le 4 septembre 1970] a désespéré les forces conservatrices ; elles s’organisent pour le complot, s’y engagèrent, y intéressèrent des secteurs de divers partis politiques. Des gens des forces armées et du gouvernement d’alors, imaginèrent bien réussir dans la nuit même du 4 septembre, mais furent incapables de concrétiser leur tentative à cause de la force du peuple exprimée dans ses organisations dans les rues et de mille façons. La victoire du 4 septembre a renforcé l’Unité Populaire [coalition électorale : parti socialiste, parti radical, parti communiste, parti de l’union socialiste populaire] par la légitimité du triomphe, et le résultat électoral a élargi par lui-même la base politique qui soutenait le président élu, comme le prévoyait la direction politique populaire. La force de la légalité, employée systématiquement jusqu’alors pour combattre le mouvement populaire, se mettait dès lors du côté du peuple. La possibilité théorique de lier les mains de l’ennemi s’est réalisée au Chili par l’accumulation d’une force potentielle de telle manière que sa présence suffit avec l’évidence publique de sa décision de lutte pour étouffer la résistance réactionnaire. Ces faits confirment certainement que les classes réactionnaires n’abandonnent pas le pouvoir si on ne les expulse pas, mais, en même temps, ils constituent un démenti aux conceptions dogmatiques sur la violence révolutionnaire, celles qui assimilent l’expression de cette violence principalement ou exclusivement aux formes de violence armée (« le pouvoir est au bout du fusil »), mettant au second plan la force des masses et par là le travail et la lutte de masse pour laisser au premier plan, et parfois à un plan unique, le travail conspiratif. L’expérience vécue jusqu’à aujourd’hui par le mouvement populaire chilien montre combien il est incorrect de dessiner une politique d’attente de l’affrontement en concevant celui-ci uniquement et exclusivement comme un choc armé. » (10)

Le PC chilien se contenta donc de « l’évidence publique de la décision de lutte » du peuple, sans lui donner les moyens de la force armée. Malheureusement pour lui, la bourgeoisie chilienne et l’impérialisme US ont montré plus d’intelligence historique quant à la nature réelle de l’antagonisme de classe. Cette bourgeoisie s’était bien pénétrée de cette vérité selon laquelle « le pouvoir est au bout du fusil » , et que les masses désarmées, quelle que soit « l’évidence publique de leur décision de lutte » , peuvent aisément être réduite à l’état de pulpe sanglante.

6. Le suffrage universel n’est-il pas une conquête du mouvement ouvrier ?

Les partis de la gauche et l’extrême gauche parlementariste rappellent souvent que le suffrage universel fut arraché à la bourgeoisie par des luttes populaires massives.

C’est un fait.

Il y a même quelque chose d’obscène dans la manière dont la bourgeoisie se prévaut du caractère démocratique de son système, alors que le prolétariat lui a imposé ce caractère dans une dure lutte. La bourgeoisie envoyait alors l’armée tirer sur les manifestations ouvrières qui revendiquaient le suffrage universel…

Si la gauche et l’extrême gauche parlementaristes rappellent souvent la conquête difficile du suffrage universel, c’est pour lui donner la caractère d’acquis de la lutte de classe — de ces acquis que l’on défend comme par réflexe.

Mais c’est occulter le fait est que la bourgeoisie a pu se rassurer quant à la dangerosité réelle du suffrage universel pour son pouvoir. La direction du Parti Ouvrier Belge (ancêtre unique des partis socialistes et communistes, et dont des partis issus des scissions de ceux-ci) a toujours été majoritairement réformistes. Cette direction n’a jamais cessé de donner des garanties au régime en échange de la reconnaissance de droits économiques, politiques et sociaux au prolétariat.

Des étapes telles que le vote censitaire, le vote pluriel, puis le suffrage universel, ont été accompagnés autant par des mobilisations ouvrières que par un engagement des organisations ouvrières dans la logique du régime. Il ne s’agissait plus (sauf dans les discours) de liquider le capitalisme, mais d’améliorer la condition ouvrière dans son sein. C’est dans le cadre de ce processus que la bourgeoisie a finit par accueillir les partis ouvriers dans son parlement d’abord, dans ses gouvernements ensuite. Le terme de ce processus étant la transformation de ces partis en simple rouage du système.

Mao : « Lorsqu’un parti ouvrier dégénère, devient un parti à la solde de la bourgeoisie, il se peut que la bourgeoisie lui permette de détenir la majorité au parlement, voire de former le gouvernement. Tel est le cas, dans certains pays, avec les partis sociaux-démocrates à caractère bourgeois. Mais ceci ne fait que maintenir et consolider la dictature de la bourgeoisie, ne change rien à l’état d’oppression et d’exploitation dans lequel se trouve le prolétariat et ne peut en rien le changer. » ; « Les événements survenus depuis la seconde guerre mondiale montrent également que si les dirigeants d’un Parti Communiste se fient à la « voie parlementaire » et sont touchés par le « crétinisme », ce mal incurable, ils ne parviendront à rien, sombreront inévitablement dans le bourbier du révisionnisme et finiront par enterrer la cause révolutionnaire. » (11)

Les ultimes les avatars du crétinisme parlementaire sont les forces qui ont récemment appelé à lutter pour rendre les élections « plus démocratiques ». Cela va de l’extension du droit de vote aux étrangers à la dénonciation du vote électronique en passant par l’augmentation du temps d’antenne aux « petits partis ». On peut difficilement mieux trahir la cause révolutionnaire que s’appliquer ainsi à parfaire l’illusion démocratique…

Le crétinisme parlementaire nourrit l’illusion d’une séparation entre un « bon système politique » (la démocratie bourgeoise) et un « mauvais système économique » (le capitalisme). Or, l’Etat démocratique bourgeois n’est que la superstructure, dans les pays du centre impérialiste, du système économique basé sur la concurrence et la propriété privée des sources de richesse. Croyant faire œuvre progressiste, ils font œuvre réactionnaire, parce qu’ils ignorent que dans le mouvement dialectique de l’histoire, une chose (ici la démocratie bourgeoise, mais également le capitalisme lui-même), progressiste à son apparition, devient réactionnaire après avoir épuisé ses possibilité de développement.

Il faut insister le caractère complexe de la problématique, et comprendre par exemple que si le suffrage universel s’est révélé facilement récupérable par la bourgeoisie, c’est parce qu’il renvoie à ses catégories idéologiques. Le vote individuel et secret place chacun dans une position qui est, précisément, individualisée et non collective. Un mécanisme bien connu des luttes sociales est celui qui veut que les prises de décisions prise collectivement et en toute transparence (votes à main levée en assemblée générale) tire les travailleurs dans le sens de la solidarité et que les prises de décisions qui isole les travailleurs de leurs camarades les tire vers une décision individualiste.

C’est pour cela que les « médiateurs sociaux » et les directions syndicales imposent maintenant systématiquement des votes à bulletins secrets pour la prolongation des grèves : ils craignent (avec raison) les anciens mécanismes de démocratie ouvrière issus de la lutte des classes et servant la lutte de la classe.

En sortant l’individu du collectif (à commencer par sa collectivité de travail), le vote en isoloir le fragilise par rapport au bourrage de crâne médiatique, et l’oriente vers d’autres réflexes, souvent réactionnaires, principalement communautaristes. L’importance de cet élément est illustré par le fait que chaque liste a son black, son turc et son arabe de service, et par le fait qu’il y a comme par hasard une « crise institutionnelle » entre Flamands et Wallons la veille de chaque élection (cette fois-ci à propos de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde).

De la même manière que la bourgeoisie a progressivement expérimenté que le suffrage universel pouvait être retourné contre le prolétariat, le prolétariat doit prendre acte que cette conquête n’était pas la voie royale vers la libération qu’il avait pu imager. Perdre ses illusions, c’est gagner des forces.

7. Ne faut-il pas voter pour « barrer la route à l’extrême droite » ?

Parmi les pièges qui mènent à l’isoloir, il y a cet argument, répété à l’infini : « Ne pas voter peut faire le jeu de l’extrême droite »…

L’extrême droite (des nazis aux islamistes) est le produit direct du système. La surexploitation des uns et l’exclusion des autres créent un terrain pour la concurrence, la rivalité et finalement la haine entre différente fraction du prolétariat. La transformation du concurrent en ennemi est un mécanisme récurent du capitalisme : cela peut jeter les uns contre les autres des pays comme des communautés.

L’extrême droite (des nazis aux islamistes) ne peut faire illusion auprès des masses qu’en prétendant qu’elle va changer les choses du tout au tout. Ce n’est qu’en retrouvant une crédibilité révolutionnaire, en assumant une position de rupture avec le régime, et en proposant une stratégie prolétarienne capable de mener les masse à la victoire, que l’on coupera réellement l’herbe sous les pieds de l’extrême droite. Certainement pas en participant au train-train du système et en chantant des couplets angéliques sur l’amour du prochain.

De plus, les lois liberticides, anti-ouvrières et anti-syndicales, enfermements et la déportation des innocents (sans-papiers), la liquidations des conquêtes ouvrières, l’accompagnement des nouvelles formes d’esclavages, sont réalisés aujourd’hui par les « partis démocratiques », et non par l’extrême droite…


8. Les votes blancs/nuls ne sont-ils pas attribués à la majorité ?

Non, pure légende. Le vote est comptabilisée blanc/nul.

9. Les élections n’offrent-elles pas un « effet de tribune » ?

On peut se présenter aux élections sans vouloir jouer le « jeu du pouvoir », pour profiter d’un effet de tribune (soit lors de la campagne électorale, soit en cas de victoire, par l’audience que peut avoir un élu).

Le mouvement révolutionnaire a un grand problème de crédibilité dans les masses. Ce n’est pas en se compromettant avec le régime (même en prétendant « rouler » le régime) que les forces révolutionnaires gagneront en crédibilité, mais en pesant sur les rapports de force dans les luttes de classes et en assumant un position de rupture par rapport aux superstructures politiques (conseil communal, parlement…) officiellement interclassistes et effectivement bourgeoises. Qui écoute un député simplement parce qu’il est député ? Qui lui accorde du crédit pour cette raison ? Dans les masses, politiciens est synonyme de menteur, pas de guide.

Pouvoir faire un discours à la télé (comme PTB qui diffuse ses clips électoraux à la RTBF) ou au parlement est au minimum d’un intérêt médiocre, au pire contre-productif. Il faut mesurer ce que représente aujourd’hui la tribune parlementaire.

Ainsi, parvenir au parlement n’offre pas forcément une tribune enviable. Lénine encore : « En Europe occidentale et en Amérique, le parlement s’est rendu particulièrement odieux à l’avant-garde révolutionnaire de la classe ouvrière. C’est indéniable. Et cela se conçoit, car il est difficile de se représenter chose plus infâme, plus lâche, plus perfide, que la conduite de l’immense majorité des députés socialistes et sociaux-démocrates au parlement, pendant et après la guerre. » (12)

La campagne contre les lois anti-terroriste a révélé que la majorité des députés qui avaient voté le texte ne l’avait même pas lu. Ils votent par discipline de parti, font confiance aux technocrates issus des hautes écoles de la bourgeoisie. Lénine : « Considérez n’importe quel pays parlementaire, depuis l’Amérique jusqu’à la Suisse, depuis la France jusqu’à l’Angleterre, la Norvège, etc., la véritable besogne d’ « Etat » se fait dans la coulisse ; elle est exécutée par les départements, les chancelleries, les états-majors. Dans les parlements, on ne fait que bavarder, à seule fin de duper le « bon peuple ». » (13)

Le rôle joué par les institutions qui ne sont pas élues (FMI, Banque Mondiale, Commission européenne, etc.) est toujours plus important, et ce rôle est encore infime par rapport aux mécanismes aveugles et anonymes du marché. A tel point que lutter (par exemple) pour des institutions européennes« plus démocratiques » signifie être encore en retard d’une guerre.

La lutte des travailleurs aujourd’hui doit donc être comprise en termes de rupture, notamment par rapport au mode consensuel imposé par les directions syndicales et leur système de concertation sociale, directions syndicales faisant partie intégrante du système. Un élu « révolutionnaire » pourrait devenir la « voix des sans voix » sur une tribune stérile, voire contre-productive. Il ne donnera pas de pouvoir à ceux qui sont sans pouvoir sur leur propre vie, et il renforcera même les mécanismes qui réduisent ceux-ci à la servitude du grand capital.

Le PS s’est fait une spécialité des candidats « de gauche » pour racoler les voix de ceux qui sont critiques du PS mais qui veulent « voter utile ». On voit par exemple le PS Cornil battre les estrades militantes et dénoncer les lois antiterroristes liberticides mise en place par la PS Onkelinck. La fonction de ces Cornil (ou, dans le cas d’Ecolo, ces Dubié) est de transformer ce qui se veut un « vote critique pour pousser le PS vers la gauche » en un pur et simple vote PS. Et on se retrouve avec des Onkelinx pour une nouvelle législature.

Pour en finir avec l’argument de « l’effet de tribune », il faut signaler que si le vote blanc ou nul ne génère pas automatiquement un message clairement révolutionnaire (on peut imaginer un fasciste votant nul faute de trouver un candidat suffisamment nazi à son goût…), une campagne d’agitation et propagande appelant au vote blanc/nul sur une base révolutionnaire permet de bénéficier (indirectement mais productivement) de cet « effet de tribune ». A l’heure où tout le spectre politique va à la soupe parlementariste, faire campagne pour le vote blanc/nul permet de se démarquer spectaculairement et ainsi, de retourner en partie contre l’ennemi de classe le tapage des batteurs d’estrades électoralistes. Voter blanc/nul doit s’accompagner d’une campagne politique expliquant qu’il s’agit d’un choix politique — du seul choix vraiment politique : combattre plutôt que collaborer.

10. Quid du vote « au plus bas niveau de pouvoir » ?

On peut penser que le vote a une réelle influence dans les niveaux de pouvoir les plus bas, dans les communes par exemple.

C’est sans doute vrai, dans la mesure où un vote dans une commune peut (peut-être) contribuer à infléchir une politique communale dans un sens ou dans l’autre. Mais les problèmes fondamentaux qui se posent aujourd’hui à nous ne seront réglés qu’au niveau le plus haut. Ce n’est pas au niveau communal que l’on pourra poser les questions centrale : la collectivisation des sources de richesses, la rupture avec la loi du marché, l’établissement du pouvoir populaire.

La politique nationale est déjà totalement tributaire des contingences internationales – car le système capitaliste-impérialiste forme un tout. La marge de manœuvre de la politique communale est infime, elle s’exerce dans un cadre politico-économique encore plus étroit. Rien de décisif ne peut y être résolu. C’est ce que résumait fort bien le slogan « la banque est plus forte que vos votes » bombé sur une agence DEXIA la semaine des élections.


11. L’anti-électoralisme ne relève-t-il pas du « gauchisme » ?

Lénine : « Seuls des misérables ou des imbéciles peuvent croire que le prolétariat doit d’abord conquérir la majorité en participant aux votes effectués sous le joug de la bourgeoisie, sous le joug de l’esclavage salarié, et après seulement conquérir le pouvoir. C’est le comble de la stupidité ou de l’hypocrisie ; c’est remplacer la lutte des classes et la Révolution par des votes sous l’ancien régime, sous l’ancien pouvoir. » (14)

Les représentants de l’extrême gauche électoraliste affirment que le boycott des élections relève du gauchisme plutôt que du léninisme. Décréter la participation électorale mauvaise en toute circonstance va effectivement à l’encontre du marxisme qui ne rejette aucune forme de lutte. Mais le marxisme ne préconise pas leur emploi dans toutes les situations. Il y a des situations historiques où la participation électorale est justifiée, d’autres situations où une position de rupture politique est justifiée, et d’autres situations où une position de guerre révolutionnaire est justifiée. Tout est une question de circonstances, de conditions historiques.

A la différence des gauchistes ou des anarchistes (qui fondent leur anti-électoralisme de principe sur le refus de déléguer un pouvoir), si le Bloc ML prône le vote blanc/nul, c’est parce que les mécanismes électoraux dans les métropoles impérialistes n’ont plus d’autre fonction que d’absorber et de neutraliser les mécontentements et les contradictions. C’est une analyse conçue pour un « ici » et un « maintenant », pas un principe de tout temps et de tout lieu.

Lénine nous a enseigné que dans certains cas, les communistes pouvaient participer aux élections pour estimer, dans une certaine mesure, leur influence parmi les masses, pour utiliser la tribune parlementaire pour faire connaître leur programme, diffuser leurs mots d’ordre. Mais Lénine a bien montré qu’il convenait d’apprécier si une participation électorale était ou non avantageuse, si elle ne risquait pas de cautionner même indirectement le régime. Mais toujours, Lénine a dénoncé le parlement comme un instrument de la dictature bourgeoise.

La complaisance avec laquelle les révisionnistes usent de quelques citations de La maladie infantile du communisme pour justifier leur abandon des principes révolutionnaires, trahit soit une profonde méconnaissance du léninisme, soit une volonté de le dénaturer.

Le boycott des élections n’a rien de « gauchiste » s’il résulte d’un choix relevant d’une analyse concrète d’une situation concrète. Et ce ne sont certainement pas les acharnés de la participation électorale, qui ne vivent que d’élection en élection, qui nous donnent un exemple d’analyse concrète…

Mao : « Lénine a reproché aux révisionnistes de la IIe Internationale de s’être bercés d’illusions au sujet du système parlementaire, d’avoir abandonné la tâche révolutionnaire qui était de prendre le pouvoir, et d’avoir transformé les partis prolétaires en partis électoraux, en partis parlementaires, en appendices de la bourgeoisie et en instruments de défense de la dictature bourgeoise. En prônant à présent la « voie parlementaire », Khrouchtchev et ses disciples ne peuvent que retomber dans les erreurs mêmes des révisionnistes de la IIe Internationale. » (15)

Il y a de nombreux antécédents de boycotts d’élection dans l’histoire du mouvement communiste international. Lénine lui-même préconisa le boycott des élections de la première et de la deuxième Douma (il fit par la suite une autocritique concernant le second boycott, mais assuma toujours le premier). La première action du Parti Communiste du Pérou fut de brûler les urnes et de décréter la guerre populaire. En Belgique même, nous avons connu plusieurs précédents, le Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique (PCMLB) a toujours d’appelé au boycott des élections, tout comme les Cellules Communistes Combattantes.

12. Conclusion

Le vote blanc/nul ne constitue pas un pas vers la révolution, mais chaque vote blanc/nul est un déni de légitimité au pouvoir bourgeois. Ne pas voter est aussi significatif que voter. Simplement, le message est radicalement différent. Confiance dans le régime par le vote, rupture avec le régime avec le vote blanc/nul.

L’augmentation des votes blancs/nuls ne pourra, au mieux, être interprétée comme un rejet du régime et de ses jeux de dupe. C’est déjà çà. C’est déjà un chose de dire, à la manière de Socrate parlant d’une injustice : si je ne peux pas l’empêcher, qu’au moins elle se fasse sans moi. Et ainsi, le vote blanc/nul exprime simplement que l’on refuse de collaborer à sa propre oppression.

Il est clair toutefois que l’action négative (ne pas collaborer à la grand messe de légitimation du régime que sont les élections) ne peut remplacer l’action positive : la construction de forces révolutionnaires et la lutte pour la révolution prolétarienne. Seule cette action positive donnera un sens révolutionnaire (et plus simplement révolté) aux votes blancs/nuls. C’est à cela qu’il faut s’atteler.

Contre le système capitaliste !
Contre la logique capitaliste !
Contre les valets du capitalisme !
La lutte des classes !
Et jusqu’au communisme !

(Bloc ML)

Panneau de propagande électorale du MR surcollé par une affiche du Bloc ML

Panneau de propagande électorale du MR surcollé par une affiche du Bloc ML

NOTE :

(1) Marx : La guerre civile en France (1871).

(2) Lénine : La Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky (1918).

(3) Lénine : La Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky (1918).

(4) Lénine : La Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky (1918).

(5) Staline : Des principes du léninisme (1925).

(6) Marx : Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1852).

(7) Staline : Des principes du léninisme (1925).

(8) Mao : La révolution prolétarienne et le révisionnisme de Khrouchtchev (1964).

(9) Lénine : La Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky (1918).

(10) Revue Principios , mars-avril 1971.

(11) Mao : La révolution prolétarienne et le révisionnisme de Khrouchtchev (1964).

(12) Lénine : La maladie infantile du communisme (1920).

(13) Lénine : L’Etat et la Révolution (1917).

(14) Lénine : Salut aux communistes italiens français, allemands (1919).

(15) Mao : La révolution prolétarienne et le révisionnisme de Khrouchtchev (1964).


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