Histoire de la Rote Armee Fraktion
Conception de la guérilla urbaine (RAF, 1971)

Introduction

Les capacités de récupération de l’appareil idéologico-culturel du système sont immenses.

La digestion des engagements révolutionnaires les plus remarquables, et leur transformation en icônes dépourvues de sens, équivaut à assassiner une nouvelle fois ceux qui en font l’objet : Rosa Luxembourg (aujourd’hui révérées par les sociaux-démocrates qui la firent abattre), Che Guevara (aujourd’hui montré en exemple par des partis « communistes » qui hurlent à la provocation au premier cocktail Molotov), Ulrike Meinhof…

Cet historique de la Fraction Armée Rouge ne se veut pas original ; il est d’ailleurs basé sur des travaux antérieurs. Son but est de passer par delà le mythe pour retrouver la substance de cette expérience révolutionnaire.

La RAF appartient à l’histoire. Elle fut le fait d’hommes et de femmes. Elle fut une geste héroïque. Mais enfermer l’expérience de la RAF dans l’histoire, la réduire à une conjonction d’engagements individuels, l’idéaliser comme geste héroïque, sont autant de manière de la neutraliser en prétendant lui rendre hommage.

Il faut aller par-delà le mythe, en commençant par restituer le caractère marxiste-léniniste du projet initial de la RAF. Un marxisme-léninisme vivant, cherchant des réponses neuves aux problèmes nouveaux, s’égarant parfois pour cette raison, mais d’une manière autrement plus productive que ceux dont la pratique, comme le résumait ironiquement la RAF, se réduit à une compétition « pour la meilleure interprétation de Marx devant un jury imaginaire, qui ne peut pas être la classe ouvrière parce que son langage exclut déjà leur participation. » .

Le caractère authentiquement marxiste-léniniste de la Fraction Armée Rouge est la première cible du travail de révision historique des intellectuels, artistes et publicistes qui aident la bourgeoisie à rendre digeste ce morceau plutôt dur à avaler que fut la RAF.

Aller au-delà du mythe, c’est aussi chercher dans l’expérience de la RAF les éléments utiles pour la lutte révolutionnaire aujourd’hui, ce qui ne va pas sans une évaluation critique.

Cela impose notamment de comprendre comment un projet marxiste-léniniste a peu à peu glisser dans le militarisme puis dans l’opportunisme. Faux paradoxe : le pire des militarismes engendre le pire des opportunismes. Ce qui fait l’unité interne entre le militarisme et l’opportunisme, c’est le subjectivisme. Déterminer sa lutte (ses objectifs, ses stratégies, ses méthodes) en fonction de ses propres indignations, aspirations, envies, dégoûts, plutôt qu’à la faveur d’une analyse scientifique, conduit à une radicalisation portant à faux, débouchant forcément sur une impasse puis sur une capitulation aussi déraisonnable que ne l’avait été la radicalisation. La RAF offre un exemple presque parfait de ce processus classique. Il y a autant à apprendre des choix à la fois audacieux et théoriquement réfléchis de la RAF de 1972, que du processus de déglingue politico-idéologique qui l’a conduit du « frontisme » de 1982 à l’auto liquidation de 1992.

Il faut approcher la RAF comme une expérience révolutionnaire complexe, pleine d’enseignements sur ce qu’il est possible et impossible de tenter, possible et impossible de faire – et se nourrir de cette approche pour enrichir ici et aujourd’hui la lutte contre l’impérialisme. C’est le seul véritable hommage que l’on puisse rendre à Rosa Luxembourg, à Che Guevara, à Ulrike Meinhof, à tous les révolutionnaires assassinés par la bourgeoisie : qualifier par leur expérience notre propre lutte contre l’oppression.

Rédaction Clarté

Histoire de la Rote Armee Fraktion

1. Origines

Vers le milieu des années 1960, les mouvements de lutte de la jeunesse étudiante et prolétarienne se développèrent en Allemagne comme partout. En décembre 1966, c’est le début de la fin du « miracle économique allemand », ce grand boom économique qui suivit la reconstruction de l’après-guerre, (il y aura carrément récession en 1967). Les deux principaux partis politiques bourgeois (sociaux-démocrates du SPD et démocrates chrétiens de la CDU et de la CSU, qui totalisent 90% des sièges au parlement) forment la « grande coalition » qui verrouille totalement la vie politique. De la contestation des étudiants socialistes du SDS, conduit par Rudi Dutschke, émerge l’Opposition ExtraParlementaire (APO). Les mobilisations de masse contre la guerre impérialiste US au Vietnam ne cessent de gagner en puissance, mais c’est lors d’une manifestation contre la visite du Chah d’Iran, dictateur sanglant, marionnette des USA, qu’un jeune manifestant, Benno Ohnsorg est tué par un policier le 2 juin 1967. Les manifestations qui s’ensuivront marquent la véritable naissance de l’APO.

Pâques 1968: des dizaines de milliers de manifestants, ainsi que des délégations de nombreux pays, se réunissent à Berlin-Ouest pour un grand congrès contre la guerre du Viêt-Nam et pour la révolution mondiale. Le 2 avril, des bombes incendiaires explosent dans la nuit dans deux grands magasins de Francfort. Deux jours plus tard Andreas Baader, Gudrun Ennslin, Thorwald Proll, Horst Söhnlein sont arrêtés. Au cours de leur procès ils déclareront avoir provoqué l’incendie pour protester contre l’indifférence vis-à-vis du génocide au Viêt-Nam. Ulrike Meinhof, rédactrice en chef de la célèbre revue de gauche Konkret , prend leur défense.

Le 11 avril 1968, un fasciste tire trois balles dans la tête de Rudi Dutschke. C’est le résultat d’une campagne de presse hystérique de la presse du magnat Springer. Dans toute la R.F.A. les universités sont occupées, et le bilan des manifestations est lourd: un millier d’arrestations, des centaines de blessés, deux morts. Le 15 mai, le parlement approuve les lois d’urgence qui donneront au gouvernement des pouvoirs extraordinaires « en cas de guerre et de tension interne ».

Le 31 octobre 1968, le tribunal de Francfort condamne les quatre auteurs de l’incendie de Francfort à trois ans de prison ferme, la plus forte prononcée jusqu’alors en RFA pour un acte politique. 13 juin 1969, ils bénéficient de la liberté provisoire mais, risquant une nouvelle incarcération, Baader, Ennslin et Proll se réfugient à Paris.

En août 1969, le SDS s’auto dissout, et en septembre survient une vague sans précédent de grèves sauvages. Le groupe revient en R.F.A. mais le 4 avril 70, Andreas Baader est arrêté à Berlin-Ouest au cours d’un contrôle de routine. Le 14 mai, il est libéré par un commando armé (un fonctionnaire est blessé dans l’action) : c’est la naissance officielle de la RAF qui écrit à la revue 883 : « camarades du 883, cela n’a pas de sens que de vouloir expliquer ce qui est juste aux mauvaises personnes- Nous l’avons déjà fait assez longtemps comme cela. L’action de libération d’Andreas Baader, nous n’avons pas à l’expliquer aux radoteurs intellectuels, aux peureux, à ceux qui savent tout, mais à la partie potentiellement révolutionnaire du peuple. » La RAF se réfère, aux familles nombreuses, aux jeunes travailleurs et apprentis… tous ceux qui ne sont pas touchés par la consommation, les crédits, les contrats logements. L’action est annoncée mais comme la première action d’un nouveau type en R.F.A., et le texte se conclu par ces mots d’ordre: « développer les luttes de classe, organiser le prolétariat, commencer avec la résistance armée à construire l’armée rouge! » .

Le parking de la direction de la police criminelle de Munich le 12 mai 1972, après l’attaque de la RAF

2. « intervenir ici et maintenant de manière révolutionnaire ! »

De juin à août 1970, plusieurs militants de la RAF (Horst Mahler, Andreas Baader, Gudrun Ensslin, Ulrike Meinhof, Peter Homann et Brigitte Asdonk) séjournent dans un camp palestinien en Jordanie. Ils y mènent des discussions avec des représentants de la gauche révolutionnaire palestinienne et acquièrent une formation à la guérilla.

La RAF réussit ensuite une série d’opérations financières et logistiques: attaque de trois banques à Berlin-Ouest le même jour (le 29 septembre 1970) ; effraction nocturne avec saisie de tampons officiels et des passeports dans la mairie de Neustadt (16 novembre) et à Lang-Gons (21 novembre) ; attaque d’une banque à Kaiserlautern (22 décembre, un policier est tué dans l’opération) ; attaque de deux caisses d’épargne à Kassel (15 janvier 1971). Fin 1970-début 1971, la police arrête Horst Mahler, Ingrid Schubert, Monika Berberich, Brigitte Asdonk, Irene Goergens, Astrid Proll, Hans-Jürgen Bäcker et Margrit Schiller.

En avril 1971, la RAF rend public un remarquable texte manifeste : Conception de la guérilla urbaine .

«La peur a traversé le dos des dominants, qui pensaient déjà avoir tout en main, cet Etat et tous ses habitants et classes et contradictions, et réduit les intellectuels à leurs revues, enfermé les gauchistes dans leurs cercles, désarmé le marxisme-léninisme. La structure de pouvoir qu’ils représentent n’est pourtant pas aussi vulnérable que leur effarouchement peut nous le laisser penser. Leurs vociférations ne doivent permettre de nous surestimer. Nous affirmons que l’organisation de groupes armés de résistance est actuellement juste, possible et justifiée en République fédérale et à Berlin-Ouest, qu’il est juste, possible et justifié de mener id et maintenant la guérilla urbaine. Que la lutte armée comme « plus haute forme du marxisme-léninisme » (Mao) peut et doit commencer maintenant, que sans cela il n’y a pas de lutte anti-impérialiste dans la métropole. »

La RAF analyse sévèrement la situation en R.F.A. «Sous le couvert de « l’intérêt général » le dirigisme étatique tient en bride les bureaucraties syndicales par le biais des contrats de progrès des salaires et la concertation. (…) Participant avec l’aide militaire et économique aux guerres d’agression des USA, la république fédérale profite de l’exploitation du tiers-monde sans avoir la responsabilité de ces guerres, sans avoir affaire avec une opposition intérieure. Pas moins agressive que l’impérialisme US, mais moins attaquable. Les possibilités politiques de l’impérialisme ne sont épuisées ni dans leur variante réformiste, ni dans leur variante fasciste, ses capacités d’intégrer ou d’opprimer les contradictions qu’il produit lui-même ne sont pas terminées. Le concept de guérilla urbaine de la fraction armée rouge ne se base pas sur une estimation positive de la situation en république fédérale et à Berlin-Ouest. »

La RAF affirme que même si le mouvement étudiant a vu ses origines bourgeoises le rattraper, il ne faut pas le sous-estimer car il « a reconstruit le marxisme-léninisme comme arme dans la lutte de classe et a posé le contexte international pour le combat révolutionnaire dans les métropoles » . Mais la RAF affirme qui faut aller plus loin : « II n’y aura pas de rôle dirigeant des marxistes-léninistes dans les futurs luttes de classes si l’avant-garde ne tient pas elle-même la bannière rouge de l’internationalisme prolétarien et si l’avant-garde ne répond pas elle-même à la question de savoir comment sera érigé la dictature du prolétariat, comment le pouvoir politique du prolétariat doit être exigé, comment le pouvoir de la bourgeoisie doit être brisé, si elle n’est pas prête avec une pratique à y répondre. L’analyse de classe dont nous avons besoin n’est pas à faire sans pratique révolutionnaire, sans initiative révolutionnaire » . Et de se revendiquer de la primauté de la pratique: « Sans pratique la lecture du « Capital » n’est qu’une étude bourgeoise. Sans pratique tes déclarations politiques ne sont que du baratin. Sans pratique, l’internationalisme prolétarien n’est qu’un mot ronflant. Prendre théoriquement le point de vue du prolétariat, c’est le prendre pratiquement.»

Car la RAF veut ouvrir une nouvelle ligne de front : « S’il est juste que l’impérialisme américain soit un tigre de papier, c’est-à-dire qu’en dernier recours il peut être vaincu; et si la thèse des communistes chinois est juste, que la victoire sur l’impérialisme américain est devenue possible par le fait que dans tous les coins et bouts du monde la lutte soit menée contre lui, et qu’ainsi les forces de l’impérialisme soient éparpillées et que par cet éparpillement il soit possible de l’abattre – si cela est juste, alors il n’y a aucune raison d’exclure un pays quel qu’il soit ou une région quelle qu’elle soit parce que les forces de la révolution sont particulièrement faibles, les forces de la réaction particulièrement fortes (…). La guérilla urbaine part du principe qu’il n’existe pas d’ordre de marche prussien où beaucoup de soi-disant révolutionnaires voudraient guider le peuple dans la lutte révolutionnaire. Part du principe que lorsque la situation sera mûre pour la lutte armée il sera trop tard de la préparer. »

« La légalité est l’idéologie du parlementarisme, du partenariat social, de la société pluraliste. Elle devient un fétiche quand ceux qui s’en targuent ignorent que les téléphones peuvent être légalement écoutés, le courrier légalement contrôlé, les voisins légalement interrogés, les indics légalement payés, que l’on peut légalement surveiller – que l’organisation du travail politique, si elle ne veut pas être mise hors circuit de manière permanente par l’attaque de la police politique, doit être en même temps légale et illégale (…) Qui n’a pas réalisé que les conditions de la légalité, avec la résistance active, se modifient nécessairement et qu’il est pour cela nécessaire d’utiliser la légalité pour la lutte politique et en même temps pour organiser l’illégalité, et qu’il est faux d’attendre l’illégalisation comme un coup du sort imposé par le système, parce que l’illégalisation signifie l’écrasement immédiat, et que la question est alors réglée. La fraction armée rouge organise l’illégalité comme position offensive pour l’intervention révolutionnaire. Mener la guérilla urbaine, c’est mener la lutte anti-impérialiste de manière offensive. La fraction armée rouge pose le lien entre lutté légale et illégale, lutte nationale, lutte politique, lutte armée, et la définition tactique et stratégique du mouvement communiste international. La guérilla urbaine c’est malgré la faiblesse des forces révolutionnaires en république fédérale et Berlin-Ouest intervenir ici et maintenant de manière révolutionnaire! » .

Le 15 juillet 1971, la police abat une militante de la RAF, Petra Schelm, et arrête Werner Hoppe. Le 17 janvier 1972 survient un échange de coups de feu au cours d’un contrôle de police. Selon la police Andreas Baader était dans la voiture, ce qui donne lieu à une campagne de presse monstre. Le 2 mars 72, la police abat à Augsburg Thomas Weisbecker, un militant de la RAF qui n’était pas armé. Le 3 mars, lors d’une fusillade, un commissaire de police est tué et une militant de la RAF, Manfred Grashof, est grièvement blessé. Un autre militant, Wolfgang Grundmann est arrêté à cette occasion.

En avril 1972, la RAF rend public Guérilla urbaine et lutte de classe. La RAF y analyse la grève des travailleurs du secteur chimique, la militarisation de la lutte de classe, l’actualité objective de la question sociale, les liens entre les trusts et l’Etat, les différents réformismes, la possibilité et la fonction de la guérilla urbaine.

Le 11 mai 1972, trois bombes (80 kg de TNT) explosent dans le quartier général du 5ème Corps US à Francfort Un officier est tué, treize soldats sont blessés. Le commando Petra Schelm de la RAF revendique l’action: «L’Allemagne de l’Ouest et Berlin-Ouest ne doivent plus être un arrière-pays tranquille pour les stratèges de la destruction du Viêt-Nam. Ils doivent savoir que leurs crimes contre le peuple vietnamien leur ont amené de nouveaux ennemis décidés, qui n’y aura plus aucun endroit au monde où ils seraient en sécurité des attaques des unités et de la guérilla révolutionnaire. » .

12 mai 1972, le commando Thomas Weisbecker de la RAF fait exploser deux bombes à la direction de la police d’Augsbourg (six blessés) et sur le parking de la police criminelle de Munich (dix blessés et 100 voitures détruites). Le 16 mai 1972, une bombe vise Buddenberg, juge à Karlsruhe, que le commando Manfred Grashof de la RAF rend responsable de la narcotisation forcée de la prisonnière Carmen Roll et des conditions d’isolement. La RAF exige l’application de la Convention des droits de l’homme (Genève) et de la Charte des Nations Unies en ce qui concerne le droit des prisonniers.

Le 19 mai 1972, La RAF fait exploser deux bombes au siège des éditions Springer. Il y a 34 blessés dont de nombreux travailleurs. A deux reprises pourtant des appels téléphoniques prévenaient de l’action. L’action est revendiquée par le commando 2 juin de la RAF, qu’il ne pas confondre avec le Mouvement du 2 Juin, (un groupe de guérilla urbaine qui avait une conception organisationnelle décentralisée et une orientation politique socialiste-révolutionnaire, dont le nom fait également référence à l’assassinat de Benno Ohnsorg). Cinq jours plus tard, dans une lettre à la radio allemande, le commando regrette que des travailleurs aient été blessé et accuse Springer d’avoir pris clairement le risque de blesser ou tuer des ouvriers en n’écoutant pas leurs avertissements.

Le 24 mai 1972, le Commando 15 juillet de la RAF attaque à l’explosif du quartier général du Corps d’armée US stationnée à Heidelberg, et détruit l’ordinateur central coordonnant les bombardements américains au Nord Viêt-Nam. Trois soldats US sont tués. Le communiqué rappelle que plus de bombes ont été déversées sur le Viêt-Nam que sur le monde entier durant toute de la seconde guerre mondiale. Les bombardements sont interrompus pendant quelques jours et cette action aura un retentissement immense.

Le 31 mai 1972, la presse Springer annonce que la RAF veut faire sauter des bombes dans la ville de Stuttgart. La campagne de guerre psychologique ne cessera plus : on accusera la RAF de vouloir tirer des roquettes sur les stades lors des matchs de football, de vouloir prendre des enfants en otage, de vouloir empoisonner l’eau potable, etc. Cette guerre psychologique vise le capital de sympathie accumulé par la RAF : un sondage indique que 20% des Allemands accepteraient de subir des poursuites judiciaires pour pouvoir cacher un membre de la RAF…

Le 1er juin 1972, Andreas Baader, Holger Meins et Jan-Cart Raspe sont arrêtés lors d’une opération spéciale: 300 policiers équipés de pistolets-mitrailleurs, avec l’aide d’un blindé, les arrêtent dans la banlieue de Francfort. Les trois militants sont blessés (Baader grièvement) dans un échange de coups de feu. Le 15 juin Ulrike Meinhof et Gerhard Müller sont arrêtés dans la banlieue de Hanovre, suite à la dénonciation d’un syndicaliste social-démocrate qui les avait hébergés. D’autres arrestations suivent: Gudrun Ennslin, Brigitte Monhaupt, Bernard Braun, Gerhard Müller, Irmgard Möller, Klaus Jünschke, …

Le 5 septembre 1972, huit combattants palestiniens prennent en otage neuf sportifs israéliens aux jeux olympiques à Munich, et propose de les échanger contre 200 personnes détenues en Israël. Les autorités feignent de négocier, mais tendent une embuscade à l’aéroport : neuf Israéliens, cinq Palestiniens et un policier allemand meurent dans la fusillade. Le 7 septembre l’aviation israélienne bombarde les camps de réfugiés au Liban et tue 200 civils. En novembre, la RAF rend public à cette occasion un texte exposant que la stratégie de la lutte anti-impérialiste amène la lutte dans le centre. Le document analyse la signification du Proche-orient pour l’impérialisme, conçoit l’impérialisme comme unité des contradictions, étudie les rapports entre impérialisme et tiers-monde, traite des mouvements de libération anti-impérialiste, de l’opportunisme dans la métropole de l’exploitation, de la consommation de masse, des mass médias, de la domination du système 24 heures sur 24, du sujet révolutionnaire, du fascisme et de l’antifascisme, de l’antifascisme et de l’anti-impérialisme.

3. La torture blanche

En prison, les militants de la RAF subissent un traitement spécial scientifiquement établi pour leur destruction : isolement, promenade les mains liées pendant des années, des mois de sections silencieuses, des anesthésies de force. Cette torture blanche est issue d’un programme de recherche nommé « camera silens » : le prisonnier est dans une cellule sans fenêtre ni lumière du jour, la lumière artificielle s’allume de telle manière à briser le cycle du sommeil du prisonnier, les murs sont blancs afin de briser la vue, la cellule est totalement insonorisée. Ulrike Meinhof tentera d’expliquer les sensations produites par la torture blanche: « le sentiment que ta tête explose » , « on ne peut pas expliquer si l’on tremble de fièvre ou de froid – on gèle » , « on ne peut plus identifier la signification des mots, seulement deviner – l’utilisation de lettres en sch (ch). ss, z, s est absolument insupportable » , « La construction de la phrase, la grammaire, la syntaxe, on ne contrôle plus rien » , « le sentiment qu’on t’a enlevé la peau » . Le 17 janvier 1973, quarante prisonniers entrent en grève de la faim en revendiquant la fin de l’isolement, et en particulier la sortie d’Ulrike Meinhof de « l’aile morte » de la prison de Cologne-Ossendo. La grève de la faim est « durcie » par l’Etat qui cesse de donner de l’eau aux prisonniers. Mais le 9 février, Meinhof est placée dans une cellule isolée d’une prison masculine où elle peut entendre des bruits humains. La grève prend fin le 12 février.

Le 8 mai 1973, deuxième grève de la faim, 40 prisonniers politiques revendiquent les mêmes droits que les autres prisonniers, et une information politique libre. A nouveau la distribution d’eau est supprimée à certains prisonniers, dont Andreas Baader. La grève se termine le 29 juin 1973.

Margrit Schiller, qui avait été libérée l’année précédente et qui avait repris la lutte, est arrêtée une nouvelle fois. Sont aussi arrêtés Christa Eckes, Helmut Pohl, Ilse Stachowiak, Eberhard Becker, Wolfgang Beer, … Le 10 septembre 1974: début du procès contre Horst Mahler et Ulrike Meinhof, qui développe le 13 septembre un discours sur la lutte armée et l’usage par la contre-révolution de la guerre psychologique contre le peuple. Horst Mahler est condamné à 14 années de prison (dissocié et repentit, il sera libéré en 80 et adoptera des positions de plus en plus réactionnaires), Ulrike Meinhof à huit années.

Le 13 septembre 1974 commence la troisième grève de la faim, qui dure jusqu’au 5 février 1975. Contre l’élimination des prisonniers politiques, la RAF rappelle que la grève de la faim est la seule possibilité de résistance collective, de se défendre, psychiquement et physiquement : « Lutter, c’est faire de faiblesses une force » . Le 9 novembre 1974, Siegfried Haag, avocat de Holger Meins, se rend à la prison de Wittich. Il n’obtient l’autorisation de le voir qu’après de nombreuses démarches. Il raconte : « Holger Meins est amené sur un brancard par deux gardiens. Ils déposent le brancard tout près de la porte ouverte, à côté de deux cartons renfermant des dossiers de sa défense et une bouteille d’eau, puis ils se retirent. Holger Meins a les yeux clos, il n’est pas capable de se remuer, il ne peut même pas replier ses jambes. C’est un squelette. Un mètre quatre-vingt-cinq environ. Quarante-deux kilos seulement. Ils lui ont bourré les pantalons de papier. Holger ne peut plus parler. Il peut difficilement murmurer quelques mots en s’interrompant Pendant plusieurs instants, il ne semble pas entendre. » Le même jour l’avocat Klaus Croissant, prévenu de l’état très grave de Meins, porte lui-même une lettre au président du tribunal, le sommant de permettre que des médecins de confiance puissent se rendre auprès de lui. A 18 heures Croissant reçoit un télégramme lui apprenant la mort de Holger Meins. Le 12 novembre 1974, le président du tribunal de grande instance de Berlin, Von Drenkmann, est exécuté. 21 novembre 1974, une bombe explose devant le domicile de Gerd Ziegler, juge du tribunal de Hambourg.

Le 20 janvier 75, l’hebdomadaire Spiegel publie une grande interview des prisonniers de la RAF. Les prisonniers y exposent leur vision de la R.F.A. : « Centre impérialiste. Colonie américaine. Base militaire américaine. Puissance dirigeante impérialiste en Europe et dans le Marché commun. Deuxième puissance militaire de l’OTAN. Représentant patenté des intérêts de l’impérialisme américain en Europe de l’Ouest. La fusion de l’impérialisme ouest-allemand (politiquement, économiquement, militairement, idéologiquement fondé sur les mêmes intérêts d’exploitation du Tiers-monde, ainsi que sur l’homogénéité des structures sociales au moyen de la concentration des capitaux et de la culture de consommation) avec l’impérialisme américain caractérise la position de la République fédérale vis-à-vis des pays du Tiers-monde : en tant que parti dans les guerres conduites contre eux par l’impérialisme américain, en tant que « ville » dans le processus révolutionnaire mondial d’encerclement des villes par les campagnes. Dans cette mesure, la guérilla dans les métropoles est une guérilla urbaine aux deux sens du terme : géographiquement, elle surgit, opère et se développe dans les grandes villes, et au sens stratégique et politico-militaire elle est une guérilla urbaine car elle s’attaque de l’intérieur à la machine répressive de l’impérialisme dans les métropoles, elle combat comme unité de partisans sur les arrières de l’ennemi. C’est ce que nous entendons aujourd’hui par internationalisme prolétarien. En un mot : la République fédérale faisant partie du système étatique de l’impérialisme américain, n’est pas une Nation opprimée mais une Nation qui opprime. Dans un tel Etat, le développement du contre-pouvoir prolétarien et de sa lutte de libération, le démantèlement complet des structures dominantes, de pouvoir, ne peuvent être, dès leurs débuts, qu’internationalistes, ne sont possibles qu’en relation tactique et stratégique avec les luttes de libération des Nations opprimées.

Historiquement : depuis 1918-1919, la bourgeoisie impérialiste – son Etat – possède l’initiative dans le déroulement des luttes de classe en Allemagne et est à l’offensive contre le peuple ; et cela jusqu’à ce que les organisations du prolétariat se soient trouvées totalement défaites dans le fascisme jusqu’à la défaite de l’ancien fascisme, défaite due non pas à la lutte armée, mais aux alliés occidentaux et à l’armée soviétique. Dans les années 20, il y a eu la trahison de la Troisième Internationale : alignement total des partis communistes sur l’Union soviétique, qui se trouve à l’origine de l’incapacité du K.P.D. (parti communiste d’Allemagne) d’en venir à une politique orientée vers la révolution par la lutte armée et la conquête prolétarienne du pouvoir politique. Après 1945, il y a eu l’offensive lavage de cerveau de l’impérialisme américain contre le peuple au moyen de l’anticommunisme, de la culture de consommation, de la restauration-refascisation politique, idéologique, et finalement militaire sous la forme de guerre froide et d’une R.D.A. (République démocratique allemande) qui n’a pas développé la politique communiste comme guerre de libération. Il n’y a pas eu ici de résistance antifasciste, de masses armées comme en France, Italie, Yougoslavie, Grèce, Espagne, même Hollande. Les conditions pour cela ont été immédiatement brisées par les alliés occidentaux après 1945.Tout cela signifie pour nous et pour la gauche légale, ici : il n’y a rien à quoi nous rattacher, sur quoi nous appuyer historiquement, il n’y a rien que nous puissions présupposer d’une manière ou d’une autre en termes organisationnels ou de conscience prolétarienne, pas même des traditions démocratiques pu républicaines. Au plan de la politique intérieure, il s’agit là d’un des motifs qui rend possible sans retenue le processus de fascisation, la surcroissance et l’excroissance de l’appareil policier, de la machine de sûreté de l’Etat comme police de l’Etat dans l’Etat, la suppression factice de la division des pouvoirs, la promulgation de lois d’exception fascistes dans le cadre du programme de « sécurité interne »- depuis les lois d’urgence jusqu’aux lois d’exception actuelles qui permettent le déroulement de procès sans accusés ni défenseurs, comme pure entreprise de spectacle, mais également l’exclusion de « radicaux » des services publics, l’élargissement des compétences de l’Office de police criminelle. Une démocratie qui n’a pas été conquise, qui n’est pour le peuple qu’un bourrage de crâne et n’a pas de base de masse, ne peut pas être défendue et ne l’est pas non plus. »

Les prisonniers exposent les effets politiques de l’action de la RAF :

« 1° au niveau où beaucoup, modifiant leur opinion sur cet Etat étant donné les mesures prises par le gouvernement contre nous, commencent à le reconnaître pour ce qu’il est : la machine répressive de la bourgeoisie impérialiste ;

2° au niveau où nombreux sont ceux qui, s’identifiant avec notre lutte, devenant conscients et relativisant dans leur pensée, leur sensibilité et finalement dans leur action, l’absolutisme de pouvoir du système, reconnaissent ce qu’il est possible de faire, que le sentiment d’impuissance ne reflète pas la réalité objective ;

3° au niveau de l’internationalisme prolétarien, de la conscience de la relation entre des luttes de libération dans le Tiers-Monde et ici, de la possibilité et de la nécessité de collaborer légalement et illégalement.

Au niveau de la praxis : qu’il ne suffit pas seulement de parler, mais qu’il est possible et nécessaire, nécessaire et possible d’agir. (…)

Aucun révolutionnaire ne pense à renverser seul le système, c’est absurde. Il n’y a pas de révolution sans le peuple. De telles affirmations contre Blanqui, Lénine, Che Guevara, contre nous maintenant n’ont jamais été autre chose que la dénonciation de toute initiative révolutionnaire, la référence aux masses ayant pour fonction de justifier, de vendre la politique réformiste. Il ne s’agit pas de lutter seul, mais de créer à partir des luttes quotidiennes, des mobilisations et des processus d’organisation de la gauche légale, une avant-garde, un noyau politico-militaire qui devra mettre en place une structure illégale – condition préalable, nécessaire à la possibilité d’agir et qui, étant donné les poursuites et l’illégalité, et la praxis peut donner aux luttes légales dans les usines, les quartiers, la rue et les universités, orientation, force et but pour atteindre ce dont il s’agira dans les développements de la crise économique et politique de l’impérialisme : la prise du pouvoir politique. La perspective de notre politique – le développement pour lequel nous nous battons : un fort mouvement de guérilla dans les métropoles – est, au cours de ce processus de chute définitive et d’écroulement de l’impérialisme américain, un moyen nécessaire, une étape, dans la mesure où les luttes légales et les luttes qui se développeraient spontanément à partir des contradictions du système pourraient être brisées par la répression dès qu’elles se manifestent. Ce que le parti de cadres bolchevique représentait pour Lénine, correspond à l’époque de l’organisation multinationale du capital, des structures transnationales de la répression impérialiste à l’intérieur et à l’extérieur, où nous nous trouvons aujourd’hui, à l’organisation du contre-pouvoir prolétarien issu de la guérilla. Au cours de ce processus – national et international – elle se développe en parti révolutionnaire. »

Les prisonniers décrivent les traitements spéciaux dont ils font l’objet et dénoncent : Holger Meins « a été exécuté sciemment par une sous-nutrition systématique, la nutrition artificielle était, dès le début, à la prison de Wittlich une méthode pour assassiner. Au début, brutale, directe, violente, pratiquée pour briser la volonté, et par la suite pratiquée seulement en apparence. 400 calories par jour: il s’agit seulement d’une question de temps, de jours, jusqu’à ce que l’on meurt. Le procureur fédéral Büback et les services de sécurité ont manigancé cela en s’arrangeant pour que Holger Meins reste à la prison de Wittlich, jusqu’à qu’il soit mort. Le 21 octobre, le tribunal (O.L.G.) de Stuttgart avait ordonné le transfert de Holger Meins à Stuttgart au plus tard le 2 novembre. Dès le 24 octobre, Büback, procureur fédéral, faisait savoir au tribunal de Stuttgart que la date du transfert ne pouvait pas être respectée par les services de sûreté de l’Etat : cette information n’a toutefois été rendue publique qu’après la mort de Holger Meins. Pour terminer, le médecin de la prison Hutter, a cessé complètement la nutrition artificielle et est parti en voyage. Il faut également préciser que l’Office fédéral de police criminelle était informé sur l’état des prisonniers, pendant toute la durée de la grève de la faim, par les directions des prisons. II faut souligner que Hutter, avant qu’il se retire, parce que Holger était mourant, a demandé à Degenhardt de lui assurer qu’il ne ferait l’objet d’aucune plainte – de la même manière, toutes les plaintes portées contre Degenhardt ont été annulées. Degenhardt est le médecin qui, durant l’été 1973, pendant la seconde grève de la faim à Schwalmstadt, a supprimé l’eau « pour raisons médicales » pendant neuf jours, jusqu’au coma. »

A la question du Spiegel « La mort de Holger Meins a-t-elle été une opportunité pour le collectif R.A.F. ? », les prisonniers répondent : « Cela, c’est de la projection fasciste ; la réflexion de quelqu’un qui ne peut plus penser autrement qu’en termes de marché : le système qui réduit toute vie humaine à de l’argent, de l’égoïsme, du pouvoir, de la réussite. Comme le Che, nous disons : « LE GUERILLERO NE DOIT RISQUER SA VIE QUE SI CELA EST ABSOLUMENT NECESSAIRE, MAIS DANS CE CAS SANS HESITER UN SEUL INSTANT. » Et cela est tout à fait vrai pour la mort de Holger Meins : « la résonance de l’histoire », celle qui s’est éveillée par la lutte armée anti-impérialiste, est entrée dans l’histoire des peuples du monde. Elle a « été une opportunité », cela veut dire qu’elle a brisé le boycott de l’information. Car, si beaucoup de gens ne s’éveillent seulement que lorsque quelqu’un est assassiné et à partir de ce moment commencent seulement à comprendre de quoi il s’agit, c’est que vous en êtes également responsable. C’est ainsi que le Spiegel a passé sous silence pendant huit semaines la grève de la faim de quarante prisonniers politiques afin d’empêcher solidarité et protection. » Et quand le Spiegel se demande s’ils sont préparé à d’autre cas mortels, les prisonniers répondent : « Büback attend ça dans son bureau. » Le 5 février 1975, les prisonniers arrêtent la grève de la faim.

Le 27 février 1975, deux jours avant les élections, le Mouvement du 2 juin enlève Peter Lorenz, député libéral et candidat à la mairie de Berlin-Ouest, et propose de le libérer contre la libération de Rolf Pohle, Verena Becker, Rolf Heissler, Gabi Kröcher-Tiedemann et Horst Mahler. Horst Mahler refusera d’être libéré mais les autres militants peuvent trouver refuge au Yemen socialiste, tandis qu’à Berlin, le Mouvement du 2 juin libère Peter Lorenz.

Le 24 avril 1975, peu avant midi, le commando Holger Meins de la RAF occupe l’ambassade de R.FA. à Stockholm, prend en otage douze fonctionnaires, et réclame la libération de 26 prisonniers. La police attaque le bâtiment : deux fonctionnaires (dont l’attaché militaire, le comte Andreas von Mirbach) sont tués ainsi qu’un membre de la RAF, Ulrich Wessel. Un autre membre du commando, Siegfried Hausner, est grièvement blessé et contre l’avis des médecins suédois est immédiatement transporté en R.F.A. II n’est pas amené à l’hôpital mais à la station intensive de la prison de Stammheim, sur ordre de Büback, où il meurt faute des soins adéquats le 4 mai. Sont aussi capturés à Stockholm et extradés en R.F.A. : Karl-Heinz Dellwo, Lutz Taufer, Bernhard Rößner et Hanna Krabbe.

Le procès d’Andreas Baader, Gudrun Ennslin, Jan-Carl Raspe et Ulrike Meinhof s’ouvre le 21 mai 1975 dans une annexe de la prison de Stuttgart-Stammheim construite pour l’occasion sur le budget de la Sûreté de l’Etat. C’est une forteresse de béton de 150 millions de marks gardée par des policiers de trois Länders. C’est au cours du même mois que le défenseur de Gudrun Ensslin déposera la première demande de récusation pour présomption légitime du juge Theodor Prinzing qui préside le tribunal. Elle sera suivie de 84 requêtes identiques. Au procès les militants se positionnent en prisonniers de guerre et exigent que l’intégralité des actions contre les bases US soient considérées comme une partie de la guerre du Viêt-Nam. En août, les avocats réclament une expertise médicale, assurant que leurs clients sont incapables, en raison de leur état de santé, de suivre le débat. Le procureur lit alors l’acte d’accusation en l’absence des inculpés et de leurs défenseurs. Plus tard, les médecins estiment qu’ils ne peuvent suivre tes débats que trois heures par jour. En septembre, les experts médicaux jugent les accusés inaptes à assister aux débats. Le tribunal décide alors que le procès peut se poursuivre en leur absence et la cour de justice fédérale le suit dans ses conclusions. Le travail des avocats est rendu impossible : la presse Springer reçoit des dossiers que les services du procureur refuse de communiquer aux défenseur ; les dossiers sont caviardés et truqués ; les défenseurs sont surveillés jour et nuit ; leur courrier contrôlé et leur téléphone écouté. Les avocats subissent des sanctions disciplinaires de la part de leur Ordre parce qu’ils dénoncent les conditions de détention des prisonniers et le 23 juin, quatre d’entre eux sont perquisitionnés et deux (Klaus Croissant et Hans-Christian Ströbele) passent quelques semaines en prison.

Hiver 1975: le parlement approuve une loi qui subordonne l’appartenance à un parti, même légal, à la fidélité à la constitution: c’est la consécration définitive des Berufsverbote (interdiction de travail), de l’exclusion de la fonction publique de tous ceux qui ne donnent pas de preuves suffisantes de leur fidélité à la constitution. Etre soupçonné d’être militant du Parti Communiste (simplement toléré en R.F.A., il ne sera légalisé qu’en 81) bloque toute possibilité de devenir instituteur ou cheminot.

Janvier 1976: le parlement vote une nouvelle série de lois répressives, à caractère préventif.

Le 9 mai 1976, les autorités annoncent qu’Ulrike Meinhof a été retrouvée « suicidée » dans sa cellule. Ce suicide est totalement exclu par les militants de la RAF : Ulrike Meinhof a été tué en raison de son importance au sein de la RAF. Peu avant, se sachant menacée, elle avait dit à sa sœur que si on lui annonçait sa mort, c’est que les autorités l’auraient assassinée. Les jours qui suivent ce meurtre sont marqués par des centaines d’actions de protestations dans le mode entier (actions armées en France, Australie, R.F.A., Italie, Grèce, etc…).

Le 29 mai 1976, la « loi anti-terreur » est votée. Elle modifie la définition de « formation d’association terroriste » et renforce le contrôle du courrier entre les prisonniers et les avocats.

Le 1er juin 1976, attentat contre le quartier général des forces américaines à Francfort (16 blessés). Le 10 juin 1976, l’avocat Langner défenseur de la militante de la RAF, Margaret Schiller, fait l’objet d’un attentat fasciste (un mort et cinq blessés). Le 30 novembre, arrestation de Siegfried Haag et Roland Mayer.

En octobre, le procureur annonce son réquisitoire dans lequel il considère les inculpés comme des prisonniers de droit commun et réclame la réclusion à perpétuité pour chacun d’eux. En janvier 1977: la présidence du tribunal est retirée au juge Prinzing pour « comportement partial ». En mars on apprend que les services secrets enregistraient toutes les conversations entre les avocats et les prisonniers de Stammheim. Le 8 février, Brigitte Monhaupt est libérée ; elle rejoint la lutte peu de temps après.

4. L’offensive de 1977 et le massacre de Stammheim

Ulrike Meinhof à la prison de Cologne-Ossendorf

Ulrike Meinhof à la prison de Cologne-Ossendorf

Les prisonniers commencent une nouvelle grève de la faim le 30 mars 1977. Ils demandent leur regroupement par groupes de 15 à 20 personnes, selon une recommandation des médecins qui les ont observés. Ils demandent aussi des garanties minima sur les prisonniers de guerre.

Le 7 avril 1977, le procureur Buback est exécuté à Karlsruhe par le commando Ulrike Meinhof de la RAF. Le 28 avril, Andreas Baader, Gudrun Ennslin et Jan-Carl Raspe sont condamnés à la détention à vie. Les prisonniers continuent la grève de la faim, mais le 30 avril, le ministre de la justice du Land de Bade-Wurtemberg promet le regroupement. La grève de la faim s’arrête sur un succès. Reste à transférer de nouveaux prisonniers à Stammheim, pour constituer des groupes capables « d’interactions sociales » selon la formule des médecins.

Le 3 mai 1977: Gunter Sonnenberg et Verena Becker (revenue clandestinement du Yemen) sont arrêtés à Singen après un échange de coups de feu avec la police. Gunter Sonnenberg est dans le coma, une balle dans la tête. Ils sont accusés d’avoir participé à l’exécution du Buback. Verena Becker collaborera avec la police quelques temps après.

Le 22 juin 1977, Lutz Taufer, Kari-Heinz Dellwo, Bernd Rössner et Hanna Krabbe, qui ont été condamnés à la prison à vie pour l’attaque de l’ambassade à Stockholm, commencent une grève de la faim afin d’être transférés dans la même prison que les autres membres de la RAF, à Stuttgart-Stammheim, pour être regroupés avec eux. Verena Becker et Sabine Schmitz poursuivent également une grève de la faim depuis le 24 mai pour les mêmes raisons.

Le 1er juillet, la RAF attaque une armurerie à Francfort et récupère 18 pistolets et revolvers.

Le 11 juillet, Klaus Croissant, avocat d’Andreas Baader, persécuté par la police allemande, demande l’asile politique à la France.

Le 30 juillet 1977: Jurgen Ponto, président de la Dresdner Bank, est abattu à Bad Hombourg lors d’une tentative d’enlèvement par la RAF.

A la suite d’une provocation des gardiens, une partie des prisonniers de Stammheim, qui avaient été amené pour constituer des « groupes capables d’interactions sociales » conformément aux promesses du ministre de la justice, sont transférés le 8 août dans d’autres prisons. L’isolement est rétabli. Les détenus de Stammheim entament une nouvelle grève de la faim qui est suivie par d’autres prisonniers.

Le 25 août, un attentat à la roquette de la RAF est déjoué contre les bureaux du procureur fédéral Rebman à Karlsruhe.

5 septembre 1977: Hans Martin Schleyer est enlevé par le commando Siegfried Hausner de la RAF; son chauffeur et ses gardes du corps sont tués dans l’embuscade. Hans Martin Schleyer, « patron des patrons » c’est-à-dire chef des fédérations patronales allemandes, avait milité aux jeunesses hitlériennes et avait été pendant la guerre un responsable de la SS (il avait notamment supervisé le pillage de la Tchécoslovaquie). Après guerre, il avait fait partie du conseil de direction de Daimler-Benz. L’Etat réagit frénétiquement : 1.200 perquisitions en deux jours, vérification des personnes payant l’électricité, contrôle des identités et des voitures, des camions, des personnes entre 20 et 35 ans sur Interpol, etc. Malgré le fait que l’Etat lui-même reconnaît que l’action n’a pas pu être commandité « de l’intérieur », les contacts avec les prisonniers deviennent impossibles. La RAF propose d’échanger Schleyer contre les prisonniers.

Le 22 septembre, à Utrecht Knut Folkerts est arrêté après une fusillade avec la police néerlandaise. Il sera extradé vers la R.F.A. Le 31 septembre 1977: Klaus Croissant est arrêté à Paris ; il sera extradé vers la R.F.A.

13 octobre 1977: un avion de la Lufthansa est détourné de Palma de Majorque par le commando Martyr Halimeh de l’Organisation de Lutte contre l’Impérialisme Mondial, qui exige la libération des prisonniers de la RAF. C’est la première fois que des combattants du Tiers-monde soutiennent directement les révolutionnaires de la métropole. La nuit du 17 au 18, les policiers d’élite allemands attaquent de l’avion qui s’était posé à Mogadiscio. Trois combattants palestiniens (des militants du FPLP) sont abattus, une quatrième, Souhaila Andrawes Sayeh, grièvement blessée. La même nuit, Andreas Baader, Gudrun Ensslin et Jan Carl Raspe, détenus en cellule d’isolement et faisant l’objet d’une surveillance de chaque instant, sont pendus ou abattus à coups de pistolet dans la nuque. Irmgard Möller en réchappe miraculeusement. Elle a été blessée de plusieurs coups de couteaux dans la poitrine. L’équipe du matin des surveillants la découvre baignant dans son sang, appelle un infirmier qui la sauve in extremis avec une transfusion. Elle pourra témoigner du massacre des prisonniers, mais le black out sera fait sur ce témoignage : officiellement, il s’agit de suicides concertés… Le 16 octobre, nouvelles attaques contre les d’avocats (perquisitions, arrestations). Le 19 octobre 1977, la RAF exécute Schleyer en représailles. Le 12 novembre, une autre militante de la RAF, Ingrid Schubert meurt pendue dans sa cellule.

28 octobre 1977 : nouvelle loi anti-terreur, qui définit « les causes politiques et spirituelles du terrorisme » : l’attaque contre l’Etat, l’attaque contre la confiance du citoyen en l’Etat, attaque contre l’ordre des valeurs, critique sociale sans limite, marxisme, fausse analyse du passé…

Au cours de l’hiver 1977/1978, la définition d’une politique anti-impérialiste donne lieu à des débats dans la scène autonome anti-impérialiste (particulièrement forte à Hambourg et à Berlin). La bataille qui s’est soldée par l’assassinat des prisonniers de la RAF est vue comme un échec pour le mouvement révolutionnaire, mais le point positif consiste « en ce que la lutte des prisonniers et les actions de la guérilla a montré qu’ici en R.FA. il y a une résistance anti-impérialiste armée » . Il ressort d’un document résultant de ces discussions qu’une nouvelle mobilisation s’est développée, et que celle-ci doit se concrétiser « dans la lutte de classe révolutionnaire pour te communisme » . Une nouvelle conscience s’est développée dans les avant-gardes combattantes, « la conscience de la maturité d’une nouvelle offensive de l’internationalisme prolétarien » .

Le 11 mai 1978, Stefan Wisniewski est arrêté à Orly, il sera extradé en R.F.A. Le même jour, Brigitte Mohnhaupt, Peter-Jürgen Boock, Sieglinde Hofmann et Rolf Klemens Wagner sont arrêtés en Yougoslavie. Après six mois de détention, ils sont expulsés au Yémen. Le 6 septembre 1978, la police abat Willy-Peter Stoll à Düsseldorf. Stoll n’était pas armé. Le 15 septembre, Astrid Proll est arrêtée à Londres et extradée en R.F.A. Le 24 septembre, des policiers surprennent trois militants de la RAF qui s’entraînent dans un bois près de Dortmund. Dans la fusillade, deux policiers sont tués, un autre blessé, et une militante (Angelika Speitel) est capturée. Le 1er novembre, fusillade au poste frontière germano-néerlandais, Rolf Heißler revenu clandestinement du Yémen pour reprendre la lutte dans la RAF, échappe à la police.

En 1978 survient une vague d’actions anti-impérialistes, principalement contre des installations militaires US. Les Cellules révolutionnaires (RZ) mènent de nombreuses actions contre l’industrie de l’armement et aéronautique, l’industrie nucléaire, l’industrie chimique et pharmaceutique, ainsi que le génie génétique. Entre 1978 et 1995, le groupe féministe révolutionnaire Rote Zora incendiera ou dynamitera 45 sex shops, laboratoires de recherche en génétique ou entreprises contribuant à l’oppression de la femme.

La RAF exproprie avec succès deux banques en mars et avril 79. Le 4 mai, la police anti-terroriste attaque un appartement de la RAF à Nuremberg, Elisabeth von Dyck s’y trouve, sans arme, elle est abattue. Le 9 juin, Rolf Heißler tombe dans un piège de la police anti-terroriste qui lui met une balle dans la tête ; il survit miraculeusement.

Le 25 juin 79, le commando Andreas Baader de la RAF attaque à l’explosif, en Belgique, le général Alexander Haig, commandant en chef des forces armées de l’OTAN. L’action, qui manque de peu son but, marque le retour à l’offensive de la RAF. Le 19 novembre, la RAF exproprie une banque à Zurich. Dans la fusillade qui suit, la police tue une passante et arrête Rolf Klemens Wagner.

Le 5 mai 1980, arrestation à Paris de Sieglinde Hofmann et de quatre militantes du Mouvement du 2 Juin, elles seront toutes extradées vers la R.F.A. Le 2 juin 80, une partie du Mouvement du 2 juin se dissout pour continuer la lutte « dans la RAF, en tant que RAF » (une partie des prisonniers du Mouvement s’aligne sur cette décision et deviennent des prisonniers de la RAF comme Inge Viett, arrêtée le 2 mai 72, évadée en juillet 73 et reprise en septembre 75). Le communiqué de dissolution expose : « Le Mouvement du 2 juin s’est créé à l’encontre de la RAF, avec l’intention confuse de mener une « politique prolétarienne spontanée » Nous avons considéré que la théorie révolutionnaire, l’analyse des conditions – seules à partir desquelles la stratégie et la tactique, la continuité et la perspective du combat, peuvent être développées – n’étaient pas importantes et nous avons « combattu à tort et à travers » avec l’intention « d’enthousiasmer » la jeunesse. Et c’est ainsi que nous avons déterminé notre pratique en nous posant la question : « qu’est-ce qui enthousiasme », et non pas en nous posant la question de savoir où sont les véritables contradictions, les frictions dans la stratégie impérialiste que nous devons attaquer. Le mouvement était une soi-disant alternative a la RAF, en tant que possibilité pour ces camarades qui pensaient que le combat sans compromis était allé trop loin. Pendant 10 ans, cela a produit division, concurrence et désorientation dans la gauche et aussi parmi la guérilla, et cela a également ralenti notre propre processus révolutionnaire. » Le reste du Mouvement se disperse.

Le 25 juillet 80, deux militants de la RAF, Juliane Plambeck et Wolfgang Beer, perdent la vie dans un accident de voiture. Janvier 1981, arrestation de Peter-Jürgen Boock à Hambourg.

Le 2 février, 68 prisonniers détenus dans 16 prisons entament la huitième grève de la faim collective avec pour revendication le regroupement. Le 15 mars des médecins ouest-allemands protestent contre l’isolement par une lettre ouverte, et le 16 avril 1981, Sigurd Debus, militant de la Résistance et qui avait rejoint la RAF en prison, meurt. Il était depuis le 19 mars nourri de force.

Le 31 août 1981, le commando Sigurd Debus de la RAF attaque le quartier général de l’US Air Force en Europe, à Ramstein. La RAF met en avant les mots d’ordre : « attaquer les centres, les bases et les stratèges de la machinerie militaire américaine » , « développer la résistance contre la destruction en front pour la révolution en Europe » , « Mener la lutte dans la métropole ensemble avec les révolutionnaires du tiers-monde » . Le 15 septembre: le commando Gudrun Ennslin de la RAF dresse une embuscade contre le général Kroesen, commandant des forces terrestres US en Europe (la voiture blindée du général résiste à l’impact de la roquette antichar !).

5. Le « front anti-impérialiste »

En mai 1982, la RAF rend public un document stratégique intitulé Guérilla, résistance et front anti-impérialiste. Définissant 1977 comme passage à une nouvelle étape, la RAF propose une nouvelle stratégie « de libération » et la construction du front anti-impérialiste dans le centre impérialiste. Le système impérialiste, dit la RAF, est rendu instable suite à sa défaite au Viêt-Nam et l’Europe de l’Ouest est au cœur des contradictions Est-Ouest, Nord-Sud, état-société; signification de la lutte dans le centre pour la guerre de classe internationale. Ce document (qui propose aussi une analyse de la défaite de 1977) marque clairement l’abandon des catégories marxistes qui déterminaient les thèses fondatrices de la RAF. Le projet devient ouvertement subjectiviste : on part de l’ensemble des luttes radicales contre le système (anti-guerre, anti-impérialiste, anti-patriarcale, squatts, etc.) plutôt que d’en dépasser les faiblesses ; et plutôt de dégager des axes stratégiques et créer une véritable unité, on constitue un « front » qui juxtapose les dynamiques existantes. Il n’y a plus de stratégie révolutionnaire mais une lutte contre les projets et les forces de l’ennemi ( « notre stratégie est d’être contre leur stratégie » ).

Cette pauvreté du discours de la RAF s’accompagne d’une véritable interaction avec un large mouvement de résistance anti-impérialiste, lui-même marqué par le subjectivisme. La RAF est en phase avec une nouvelle base sympathisante, active notamment dans l’aile radicale du vaste mouvement de lutte contre l’installation des missiles atomiques US Pershing en R.F.A. et, en règle générale, contre les projets de guerre visant l’URSS et qui transformeraient l’Europe centrale en champ de bataille. Le sommet de l’OTAN du 18 juin 1982 donne lieu à une grande manifestation de l’anti-impérialiste radical.

Le 15 septembre la RAF exproprie une banque à Bochum. Fin septembre, la police découvre le principal arsenal de la RAF, à Francfort. Elle y place une souricière qui permet d’arrêter, le 11 novembre 82, Brigitte Mohnhaupt et Adelheid Schulz. Le 16 novembre 1982, Christian Klar est arrêté ä Friedrichsruh (il est toujours en prison).

Le 25 juin 1983 a lieu une grande manifestation anti-guerre et anti-impérialiste en RFA à l’occasion de la venue du vice-président américain Georges Bush : 100.000 manifestants dont 1.500 autonomes qui affrontent la police.

Le 26 mars 84, la RAF exproprie une banque à Würzburg. Le 2 juillet, Helmut Pohl, Christa Eckes, Stefan Frey, Ingrid Jakobsmeier, Barbara Ernst et Ernst Volker sont arrêtés à Francfort.

Le 5 novembre 1984, la RAF exproprie une armurerie à Maxdorf et saisit 22 armes de poings (certaines seront retrouvées en décembre 85 lors de l’arrestation des militants des Cellules Communistes Combattantes).

Le 4 décembre débute une nouvelle grève de la faim collective pour l’application de la convention de Genève. En décembre toujours, à l’occasion de leur procès, Christian Klar et Brigitte Monhaupt donnent une analyse de la bataille de 1977 : en 76/77, la guérilla s’était reformée en liaison avec les luttes et les prisonniers. La ligne dure de l’Etat ouest-allemand en 77 résulte de deux facteurs. D’abord, l’Etat impérialiste optait pour des solutions militaires, depuis que la crise économique et la vague de luttes de libération dans le Tiers-monde lui avaient fait perdre sa perte de marge de manoeuvre politique. Ensuite, la R.F.A. devait jouer un rôle dirigeant dans la constitution de Europe de l’Ouest comme base de guerre contre l’URSS et les mouvements de libération.

Le 18 décembre, une énorme charge d’explosifs (provenant du stock de 800 kg dérobé à Ecaussines, en Belgique, et également utilisé par les CCC) est désamorcée à la Shape School d’Oberammergau, école de formation des cadres militaires de l’OTAN. Le 15 janvier 85 les CCC attaquent une base de l’OTAN à la voiture piégée (deux soldats US blessés) et dédient cette aux prisonniers de la RAF en grève de la faim.

En R.F.A., la Résistance anti-impérialiste ne cesse de se développer : il y a au milieu des années 80 plus d’un attentat par jour (par exemple l’incendie d’un bureau des services secrets US, le Military Intelligence Detachment-Bataillon le 29 décembre 1984, l’attaque à l’explosif d’une station émettrice de l’armée US à Heidelberg le 30 décembre, et d’innombrables petites actions comme l’incendie de véhicules militaires).

En janvier 1985, la RAF et le groupe français Action Directe publie un document commun: « Nous déclarons: il est aujourd’hui nécessaire et possible d’ouvrir dans les centres impérialistes une nouvelle phase du développement de la stratégie révolutionnaire authentique, et l’une des conditions à ce saut qualitatif est de créer l’organisation internationale du combat prolétarien dans les métropoles, son noyau politico-militaire: la guérilla ouest-européenne ». Le 25 janvier, le commando Elisabeth von Dyck d’Action Directe exécute le général Audran qui supervise la production et les ventes d’armes de l’Etat français et le 1er février 1985, le commando Patsy O’Hara de la RAF exécute Ernst Zimmerman, patron des patrons dans l’industrie aéronautique.

La proposition d’adhérer au « »Front de la guérilla ouest-européenne » est rejetée par le PCE(r) et les Groupes de Résistance Antifasciste du Premier Octobre (GRAPO) en Espagne et par les CCC en Belgique. Ces organisations sont basées sur les catégories du marxisme-léninisme, notamment en ce qui concerne l’analyse de classe et la nécessité d’un parti de classe. Pour elles, le devoir des révolutionnaires est de se lier au prolétariat de son pays et d’en unifier les avant-gardes sur une ligne révolutionnaire de classe. Or, le courant animé par la RAF appelait indistinctement toutes les forces d’opposition radicale ou révolutionnaire à s’articuler dans une dynamique plus ou moins commune. Il ne s’agissait donc pas de formaliser, renforcer et qualifier une unité reposant sur des caractères politiques (communauté du but et des objectifs, des principes et des méthodes, etc.) mais plutôt de se rassembler sans ligne ni projet (autre que celui de combattre le système) dans une « unité » recouvrant en fait l’éclectisme social et politique justifié par l’ « autodétermination des pôles de lutte » ou du « poids grandissant de la subjectivité » .

Mi-février 85: arrêt de la grève de la faim. 3 juin, la RAF exproprie un transfert de fonds (butin : 157.000 Mark). Un convoyeur est blessé lors de l’opération.

Le 8 août 1985: le commando George Jackson RAF/Action Directe, attaque l’Air base qui est le plus grand aéroport militaire en dehors des USA : deux Américains sont tués dans l’explosion qui fait pour plus d’un million de Mark de dégâts. Pour pénétrer dans le camp militaire la RAF avait besoin d’un passe, et avait enlevé et abattu pour cela un simple sergent US, Edward Pimmental En janvier 86, la RAF accepte les critiques venues du mouvement et déclare qu’il n’y avait pas de nécessité de tuer un simple soldat comme Pimmental, « parce qu’une telle action ne peut qu’être définie politiquement et stratégiquement et que le développement subjectif de la résistance ici et la situation objective n’y correspondent pas » . Selon la RAF, il aurait été juste de tuer Edward Pimmental dans le tiers-monde, dans la résistance armée à une des multiples agressions des USA, mais erroné de tuer le même Edward Pimmental en Europe. Le fait qu’Edward Pimmental soit un lampiste ne doit pas masquer le glissement qui s’opère dans la conception de l’internationalisme de la RAF. La RAF n’est plus un détachement avancé de la grande armée des peuples en lutte contre l’impérialisme, qui porte la guerre des peuples dans les métropoles impérialistes. Elle se détermine en fonction de la société allemande, mais ce glissement s’accompagne d’une autre évolution : l’abandon du marxisme. Le recentrage « national » de la RAF se produit au moment ou la RAF a cessé d’analyser la société allemande en terme de classes et de lutte de classe, mais avec des catégories subjectivistes qui tournent vite en rond (il faut lutter avec ceux qui veulent lutter).

Du 31 janvier au 4 février 1986 se tient le grand Congrès de la résistance anti-impérialiste et anticapitaliste en Europe de l’Ouest à Francfort. De 2 à 3.000 congressistes (parfois cagoulées), majoritairement des autonomes, des anti-impérialistes, des sympathisants de la RAF, mais aussi de nombreux délégués de presque tous les forces révolutionnaires européennes, débattent des perspectives du mouvement révolutionnaire sous la protection d’un service d’ordre efficace. Le Congrès de Francfort (dont la résolution finale appelait à combattre l’OTAN comme force d’agression vers l’extérieur et de contre-insurrection vers l’intérieur), et l’offensive politico-militaire qui suivit, peuvent être considérés comme le sommet du mouvement de résistance anti-impérialiste en Europe.

Le 9 juillet 1986, le commando Mara Cagol de la RAF exécute Beckurts, responsable de la recherche et des techniques chez Siemens et de la Commission de travail à l’énergie atomique de l’Union des industriels allemand. L’action de la Résistance ne faiblit pas : le 8 septembre par exemple, le siège de la Sûreté de l’Etat est détruit par l’Unité Combattante Christos Tsoutsouvis (un militant grec à Athènes tué par la police en octobre 77 lors d’une action de protestation contre le massacre à Stammheim), et le 15 septembre, les immeubles où sont conçus des chasseurs de l’aviation militaire sont dynamités par l’Unité combattante Anna Maria Ludmann. Le 10 octobre, le directeur politique du ministère des affaires étrangères, von Braunmühl, est exécuté par le commando Ingrid Schubert de la RAF : « Notre attaque vise l’appareil d’Etat de R.F.A. agressif dans sa fonction d’Etat noyau de la formation politique de l’Europe de l’Ouest dans la stratégie de guerre impérialiste » . Le 16 novembre, le siège d’IBM est détruit par l’Unité combattante Hind Alameh, et le 19 décembre, l’Unité combattante Rolando Olalia attaque la première société spécialisée dans le crédit à haut taux d’intérêts aux pays sous-développés. Le 20 décembre a lieu une importante manifestation en défense de la Hafenstraße, grande rue de Hambourg dont les maisons sont occupées, sous le mot d’ordre « Un seul front : regroupement des prisonniers; libération de Gunther Sonnenberg; la Hafenstrasse reste! » . Le lendemain, l’Unité combattante Mustafa Aktas (Celal) attaque la Fondation Friedrich Ebert, une école de cadres pour la contre-insurrection — une des nombreuses actions de la Résistance.

Le 2 août 1986, Eva Haule-Frimpong (militante de la RAF), Luitgard Hornstein et Christian Kluth (militants de la Résistance luttant avec la RAF dans le cadre du Front) sont arrêtés à Rüsselsheim. Le 10 octobre 1986, le commando Ingrid Schubert de la RAF exécute Gerold von Braunmühl, haut responsable des affaires étrangères.

Le 21 février 1987, démantèlement d’Action Directe en France. La même année, une première vague d’arrestations frappe les RZ. En 1986-87 les Cellules révolutionnaires avaient mené des actions directes contre les différents rouages ou acteurs de cette politique en Allemagne : attentats contre les juges (blessés délibérément aux jambes) et les tribunaux condamnant les réfugiés, contre la police des étrangers et ses représentants, contre la police des frontières qui pourchasse les sans papiers et contre le siège social de la Lufthansa qui procède aux expulsions…). Les RZ surmonteront cette vague d’arrestations et poursuivront la guérilla.

Le 20 septembre 1988, à l’occasion d’une tentative d’exécution de Hans Tietmeyer, secrétaire l’Etat du ministère des finances, par son commando Khaled Aker, la RAF rend public un document commun avec les Brigades Rouges-PCC : « Le saut à la politique du front est possible et nécessaire pour tes forces révolutionnaires, afin d’amener la confrontation à l’acuité adéquate. Pour cela toutes les positions idéologiques-dogmatiques existantes encore à l’intérieur des forces combattantes et du mouvement révolutionnaire doivent être combattues et dépassées, parce qu’elles divisent les combattants, et parce que ces positions ne peuvent pas atteindre le niveau dont on a besoin pour amener les luttes et les attaques à leur acuité politique nécessaire. L’attaque unitaire des lignes stratégiques de la formation de l’Europe de l’Ouest ébranle le pouvoir impérialiste. Organiser la lutte armée en Europe de l’Ouest. Construire dans l’attaque l’unité des forces révolutionnaires combattantes: organiser le front. Lutter ensemble ».

Le 1er février 1989 commence la 10ème grève de la faim des prisonniers de la RAF pour le rassemblement en un ou deux groupes, pour la libération des prisonniers malades et pour la libre communication avec des groupes sociaux extérieurs. Le mouvement bénéficie d’un large soutien. Les squats de la Hafenstraße de Hambourg, qualifiés de base pour la RAF, sont attaqués par 1.000 policiers. La grève de la faim se termine le 12 mai.

Le 30 novembre 89, le président de la Deutsche Bank, Alfred Herrhausen, est tué dans une embuscade à l’explosif contre sa voiture blindée par le commando Wolfgang Beer de la RAF.

Pendant des années, la R.D.A. avait accueilli d’anciens membres de la RAF qui avaient quitté la RAF soit pour des raisons idéologiques (divergences avec la nouvelle ligne de 1982), soit par volonté d’abandonner la pratique révolutionnaire. La R.D.A. leur avait fournit la possibilité de refaire leur vie (nouvelle identité, logement et emploi). En juin 90 l’annexion de la R.D.A. permet aux services spéciaux de la R.F.A. d’arrêter Suzanne Albrecht, Ralf Baptist Friedrich, Sigrid Sternebeck, Inge Viett, Werner Lotze, Christine Dümlein, Ekkehard von Seckendorff-Gudent, Monika Helbing, Silke Maier-Witt et Henning Beer. Les anciens de la RAF sont soumis au chantage : soit ils fournissent suffisamment d’informations pour charger les militants de la RAF, soit ils iront eux-mêmes en prison pour la vie. La majorité refuse, certains acceptent.

Le 27 juillet 90, Hans Neusel, expert en répression de soulèvement et secrétaire d’Etat du ministère de l’intérieur, est attaqué par le commando José Manuel Sevillano (prisonnier des GRAPO mort lors d’une grève de la faim) de la RAF. Neusel (qui en réchappe) était l’un des membres les plus dynamiques dans les rencontres du TREVI, organe de coordination internationale contre le terrorisme. Dans le communiqué la RAF explique que « l’impérialisme a gagné la guerre froide » , que la chute « du bloc socialiste et ainsi de sa fonction historique pour le processus de libération des trois continents a conduit à une nouvelle stabilisation du bloc formé par le pouvoir impérialiste » .

Le 13 février 91, le commando Ciro Rizatto de la RAF attaque à la mitrailleuse lourde l’ambassade US à Bonn, « parce que les USA ont pris dès le départ dans la guerre de destruction contre le peuple irakien le rôle de conducteur » . Le 1er avril 1991, Detlev Rohwedder, chef de la « Treuhand » (l’organe de privatisation et de « dégraissage » des entreprises de l’ex-R.D.A.), est exécuté par le commando Ulrich Wessel de la RAF qui affirme la nécessité d’opposer au « saut de la bête impérialiste le propre saut révolutionnaire » : « Qui ne combat pas meurt à petit feu, la liberté n’est possible que dans la lutte pour la libération » .

6. La liquidation

Mais la chute du bloc socialiste et la fin de la vague des mouvements de libération nationale progressistes dans le Tiers-monde pose un problème fondamental à la RAF. Comme elle a abandonné les catégories marxistes qui fondent la légitimité et la nécessité d’une lutte révolutionnaire sur base des contradictions de classe, elle peine à trouver un fondement et un projet stratégique. Le 5 janvier 92, le responsable du parti libéral (FDP) Kinkel fait une ouverture pour une « solution négociée ». Le 10 avril, la RAF annonce qu’elle arrête l’escalade militaire contre l’état, et qu’elle cessera d’attaquer des responsables de l’économie ou de la politique. La raison annoncée par la RAF est que l’ouverture d’un débat sur les perspectives est nécessaire, et que l’escalade militaire n’aurait dans ce cadre que peu de sens. Les réactions à cette annonce sont négatives chez les autres forces de guérilla révolutionnaire. Elles s’expriment dans plusieurs documents : Une perspective révolutionnaire en Europe du collectif « Wotta Sitta » des prisonniers des BR, Liquidation ou redéfinition? du PCE(r), Une déclaration injustifiable des prisonniers des CCC. Ces critiques remarquent surtout ce qui est annoncé « en creux » dans le texte : l’abandon de la lutte armée et du projet révolutionnaire au profit d’une vague pratique « produisant » du lien social. Le document de 82 montrait qu’avec l’abandon ouvert des catégories marxistes, RAF cherchait à fusionner avec le courant « alternatif ». En 1982, la chose devait se faire en liquidant le courant (la RAF écrivait « il ne s’agit plus de « changer le système », de « modèles alternatifs » à l’intérieur de l’État, tout cela est devenu complètement grotesque » ). Dix ans plus tard, c’est par la liquidation de leur organisation que les militants de la RAF imaginent cette fusion.

En août 92, nouveau texte de la RAF, Nous devons trouver du neuf : « Aujourd’hui beaucoup ont peur de l’existence, la destruction du social dans la société en est arrivée à une nouvelle dimension, l’explosion de l’autodestruction, de la violence des gens entre eux/elles. Du manque d’espoir et de l’absence de perspective pour en arriver à des changements positifs, de plus en plus de gens se réfugient dans l’alcool et la drogue, et les taux de suicides augmentent. La frustration, la peur et l’agression se dirigent vers soi-même ou vers d’autres qui sont encore plus bas dans la hiérarchie sociale. Ce sont les nazis contre les gens d’autres couleurs, d’autres nationalités, les homosexuels et les lesbiennes, l’accroissement de la violence contre les femmes, tes enfants et tes personnes âgées. Les campagnes médiatiques contre les réfugié/e/s et le matraquage des antifascistes dans tes rues montrent clairement les intérêts de l’Etat et du Capital à canaliser tes mécontentements croissants dans une mobilisation raciste et réactionnaire. A rencontre de cela il est difficile de cerner là possible de développer et imposer des réponses ayant du sens, et justes, dans la construction de liens solidaires et d’auto-organisation par en bas, partant de la réalité de la vie quotidienne des gens. (…) [la] destruction du social est une des bases essentielles pour te pouvoir et la continuation du système capitaliste. Un contre-pouvoir n’existera que s’il propose une alternative à la normalité des dominants dans cette société et au système. Cela signifie essentiellement: opposer une organisation à la destruction du social, l’aliénation et le chacun pour soi, et en arriver à des espaces sociaux où la solidarité soit vaste et d’où beaucoup prennent en main la responsabilité de développements sociaux – ce que nous appelons processus d’appropriation sociale. De cela vient une force d’attraction, car la lutte pour le social entre les gens est l’alternative sensible à la solitude dans le système, aux fascistes » . Et de conclure: « La voie de la libération passe par le processus d’appropriation sociale, qui deviendra une partie de la nouvelle lutte internationale pour le bouleversement » .

Les réactions à ce texte sont négatives de la part des forces et prisonniers de la guérilla en Europe. En Allemagne, apparaît une nouvelle organisation, les Cellules anti-impérialistes (AIZ), qui ne critiquent pas (encore) les nouveaux choix de la RAF mais qui réaffirme la nécessité de la lutte armée pour la lutte anti-impérialiste. Les AIZ affirmeront par la suite que la thèse de la RAF n’est pas suivie et prennent la responsabilité d’assurer la continuité la politique menée par la RAF de 1972 (libération d’Andreas Baader) à 1991 (mitraillage de l’ambassade US). En fait, les AIZ reprennent la ligne de 1982 (frontisme anti-impérialisme) plutôt que celle de 1972 (anti-impérialisme comme dimension stratégique de la lutte de classe). Elles poussent même le frontisme anti-impérialisme (qui définit l’unité non par le projet social mais par l’ennemi commun : l’impérialisme) jusqu’à trouver un caractère révolutionnaire au mouvement islamique. Cette dérive idéologique isolera les AIZ aussi bien du côté marxiste que du côté subjectiviste (à commencer, bien entendu, par les forces autocentrée sur la lutte anti-patriarcale). Une vague d’arrestations démantèlera les AIZ après quelques actions (contre le siège de l’association patronale de la métallurgie en novembre 93 et celui de la CDU en juin 94).

Le 30 mars 1993, le commando Katharina Hammerschmidt de la RAF fait sauter la superprison en construction de Weiterstadt avec plus de 500 kilos d’explosifs. Une partie des prisonniers de la RAF critique cette action « apolitique » qui ne vise qu’à faire pression pour que les prisonniers soient libérés en échange de l’abandon de la lutte armée. Dans l’intervalle un agent parvient à s’infiltrer parmi les sympathisants proches la RAF. Il est à l’origine de l’arrestation à Bad Kleinen de Brigitte Hogefeld, et du meurtre de Wolfgang Grams. Celui-ci avait tué un policier dans la fusillade et avait lui-même été blessé. Gisant à terre, blessé, menotté et désormais sans arme, il est exécuté d’une balle dans la tête. En novembre 1993: la majorité des prisonniers de la RAF critique la RAF (et quelques prisonniers) pour sa tentative de deal avec l’Etat. L’avocat Ströbele aurait discuté avec le chancelier Kohl, et avec des patrons pour que ceux-ci fassent pression en faveur d’un accord politique (arrêt de la lutte armée et libération des prisonniers). La RAF écrit en mars 1994 dans un communiqué qu’il n’a jamais été question de faire un deal avec qui que ce soit, que seul le rapport de force peut libérer les prisonniers. Elle développe à nouveau le thème des « contre-pouvoirs sociaux ».

En août 1994, nouvelle grève de la faim de la majorité des prisonniers pour la libération Irmgard Möller (en prison depuis 21 années). La grève dure une semaine et bénéficie d’un large soutien.

Le 20 avril 1998, la RAF rend public un texte daté de mars et intitulé : Pourquoi nous arrêtons . C’est le point final de la dérive subjectiviste : au lieu de revenir à la position d’avant-garde de la lutte révolutionnaire qui était la sienne en 72, la RAF se dissout dans le courant alternatif. Des conceptions frontistes énoncées par la RAF en 1982 à la proclamation du « Front de la guérilla ouest-européenne » en 1985 pour aboutir au « contre-pouvoir à la base » en 1989, le subjectivisme, qui s’était exprimé d’abord dans le militarisme, sombre dans l’opportunisme et la capitulation.

Le 20 juillet 1999, la police trouve des empreintes ADN de militants de la RAF arrêtés sur un lance roquette qui a servit à une attaque de transport de fonds (butin : un million de Mark).

Le 15 septembre 1999, Horst-Ludwig Meyer est tué à Vienne dans une fusillade avec les policiers qui viennent l’arrêter. Andrea Klump est aussi arrêtée ; elle collaborera avec la police peu après. La Résistance subira en général un grand recul à la fin des années 90. Fin 1999, trois vagues d’arrestations démantèlent les RZ qui auront revendiqué plus de 140 actions armées. La lutte armée n’a cependant jamais cessé en R.F.A., elle prend actuellement la forme d’une guérilla diffuse qui s’exprime par des dizaines de petites actions (incendies de sièges d’entreprises d’administration de voitures de fonction, etc.) menées par de petites organisations comme le groupe Klasse gegen Klasse, l’Autonome Miliz, la Militante Antimilitaristische Initiative, et le Militante Gruppe. Ce groupe communiste a récemment lancé un grande débat sur la question politico-militaire révolutionnaire, débat (publié dans la revue Interim ) dans lequel sont intervenues de nombreuses forces actives aujourd’hui en R.F.A.

« Entre l’ennemi et nous, il nous faut tracer une ligne de démarcation bien nette. »
Mao-Tsé-Toung

Fraction Armée Rouge
Conception de la guérilla urbaine

« Etre attaqué par l’ennemi est une bonne chose et non une mauvaise chose; en ce qui nous concerne, qu’il s’agisse d’un individu, d’une armée, d’un parti ou d’une école, j’estime que l’absence d’attaque de l’ennemi contre nous est une mauvaise chose, car elle signifie nécessairement que nous faisons cause commune avec l’ennemi.

Si nous sommes attaqués par l’ennemi, c’est une bonne chose car cela prouve que nous avons établi une ligne de démarcation bien nette entre lui et nous.

Et si celui-ci nous attaque avec violence, nous peignant sous les couleurs les plus sombres et dénigrant tout ce que nous faisons, c’est encore mieux, car cela prouve non seulement que nous avons établi une ligne de démarcation nette entre l’ennemi et nous, mais encore que nous avons remporté des succès remarquables dans notre travail. »

Mao-Tsé-Toung, 26 mai 1939

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1. Réponses concrètes à des questions concrètes

« Je persiste à soutenir qu’à moins d’avoir enquêté, on ne peut prétendre au droit à la parole. »

Mao

Quelques camarades ont déjà des idées toutes faites à notre sujet. Pour eux, rattacher ce « groupe anarchiste » au mouvement socialiste n’est que « démagogie de la part de la presse bourgeoise ».

Dans la mesure où ils l’utilisent de manière fausse et dénonciatrice, leur conception de l’anarchisme ne va plus loin que celle de la presse Springer. Nous ne discuterons avec personne à un niveau aussi débile.

Pourtant, de nombreux camarades désirent savoir ce que nous en pensons. Notre lettre à 883 [journal underground berlinois NDE] était trop générale. La bande magnétique d’une certaine Michèle Ray dont le Spiegel a publié des extraits n’était pas authentique et provenait simplement de conversations privées.

Cette femme voulait écrire un article en se servant de la bande comme aide-mémoire. Elle nous a roulés ou nous l’avons surestimée. Si notre pratique était aussi à l’emporte-pièce que certaines de ses formules, on nous aurait arrêté depuis longtemps. Le Spiegel a payé Michèle Ray 1000 dollars pour cela.

Que presque tout ce que les journaux publient sur nous – et comment ils l’écrivent – n’est que mensonge, cela est clair. Les projets d’enlèvement de Willy Brandt qu’ils nous attribuent ont pour but de nous faire passer pour des débiles politiques; le rapprochement qu’ils établissent entre nous et ceux qui ont enlevé un enfant tend à nous assimiler à des criminels sans scrupule quant au choix de leurs moyens. Cela va jusqu’à des « détails de source sûre » dans Konkret (N°5, mai 1971), détails sans importance bâclés ensemble pour la forme.

Il y aurait parmi nous des « officiers et des soldats »; certains d’entre nous seraient dépendants, certains d’entre nous auraient été liquidé; ceux qui nous ont quitté auraient à craindre de nous; nous entrerions dans les appartements ou aurions accès aux passeports le flingue à la main; nous exercerions un « terrorisme de groupe » – tout cela n’est que du vent.

Qui se représente une organisation illégale de résistance d’après le modèle d’organisation des Freikorps et de la Sainte-Vehme [organisation paramilitaires ultra-réactionnaires allemandes de l’entre-deux guerre, NDE], veut lui-même le pogrome. Horkheimer et Adorno, dans La personnalité autoritaire , et Wilhelm Reich, dans Psychologie de masse du fascisme , ont montré le rapport entre le fascisme et les mécanismes psychiques qui produisent de telles projections.

Le caractère révolutionnaire forcé est une contradiction en soi – une contradiction improductive. Une pratique politique révolutionnaire, dans les rapports dominants que nous connaissons – ou même dans tous les cas -, suppose la concordance permanente du caractère individuel et de la motivation politique, c’est-à-dire l’identité politique. Critique et auto-critique marxistes n’ont pas grand chose à voir avec « l’auto-libération », mais bien plutôt avec la discipline révolutionnaire.

Qui veut « uniquement faire les premières pages », ce n’est même pas une quelconque « organisation de gauche », qui le ferait anonymement, mais Konkret lui-même, dont le rédacteur en chef soigne son image de bras gauche d’Edouard Zimmermann [rédacteur en chef de l’émission XYZ sur ZDF où la population est appelée à devenir les assistants de la police criminelle, NDE], afin de permettre à cette présentation d’étudiants membres de corporations de remplir une part de marché.

Il y aussi beaucoup de camarades qui répandent des mensonges. Ils se font mousser en racontant que nous aurions habité chez eux, qu’ils auraient organisé nos voyages en Palestine, qu’ils seraient informés de nos contacts, qu’ils auraient fait des choses pour nous alors qu’ils n’ont rien fait.

Certains veulent juste montrer qu’ils sont « in ».

Cela a rattrapé Günther Voigt, qui s’était vanté devant Dürrenmatt d’être un des libérateurs de Baader, ce qu’il aura regretté quand les flics sont arrivés.

Le démenti, même s’il exprime la vérité, n’est après pas si simple. Certains veulent par là prouver que nous sommes idiots, irresponsables, imprudents, dingues. Ainsi ils en amènent d’autres contre nous.

Ils consomment. Nous n’avons rien à faire avec ces beaux parleurs, pour qui la lutte anti-impérialiste se déroule au café. Ils sont beaucoup ceux qui ne racontent pas n’importe quoi, qui ont une conception de la résistance, ceux qui en ont suffisamment marre pour nous souhaiter bonne chance, parce qu’ils savent que leur intégration et leur adaptation à la vie ne vaut rien.

Le logement de la Knesebeckstrasse, où Malher a été arrêté, n’a pas été découvert à cause d’une négligence de notre part, mais à la suite d’une trahison.

L’indicateur était l’un d’entre nous. A l’inverse, pour ceux qui font ce que nous faisons il n’y pas de moyen de se défendre; contre le fait que les camarades se font briser par les flics, qu’un autre craque car ne supportant plus la terreur que le système développe contre ceux qui la combattent. Ils n’auraient pas le pouvoir, les porcs, s’ils n’avaient pas les moyens.

Certains, à cause de nous, sont contraints à de pénibles justifications. Pour éviter toute discussion politique et la mise en cause de leur propre pratique par la nôtre, ils n’hésitent pas à falsifier de simples faits.

Ainsi il est toujours affirmé que Baader n’avait plus que trois, neuf ou douze mois de prison à purger, avant que nous ne le libérions, bien qu’il soit facile de rétablir la vérité: trois ans pour incendie, six mois d’un précèdent sursis, six mois pour falsification de documents, etc., et le procès devait encore avoir lieu. Andreas Baader avait déjà purgé quatorze de ces quarante-huit mois dans dix prisons différentes de la Hesse, et avait déjà été neuf fois transféré de l’une dans l’autre pour mauvaise conduite: organisation de mutinerie, résistance. Le calcul, où 34 mois deviennent trois, neuf ou douze, avait pour but d’ôter tout impact à sa libération le 14 mai.

C’est ainsi que rationalisent certains camarades leur peur devant les conséquences personnelles qu’aurait une discussion avec nous.

La question de savoir si nous aurions libéré Baader sachant qu’une personne de gauche (employé de l’institut berlinois des questions sociales, où Andreas Baader a été libéré) allait être blessé dans l’opération – elle nous a suffisamment été posé – ne peut être répondu que par la négative.

La question du type, que ce serait-il passé si, est pourtant ambiguë – pacifique, platonique, moraliste, sans parti pris. Qui réfléchit sérieusement à une libération de prisonniers ne pose la question – il trouve la réponse lui-même.

Avec de telles questions les gens veulent savoir si nous sommes aussi brutaux que nous présente la presse Springer; on devrait nous faire réciter le catéchisme. C’est une tentative de bricoler la question de la violence révolutionnaire, de placer à un dénominateur commun la violence révolutionnaire et la morale bourgeoise, ce qui ne marche pas. Il n’y avait dans la prise en considération et des modalités aucune raison de penser qu’un civil pourrait, et c’est ce qui s’est passé, se jeter au milieu.

Que les flics s’en moqueraient, c’était clair pour nous. La pensée voulant qu’une libération de prisonniers soit menée sans armes, est suicidaire.

Le 14 mai, comme à Francfort où deux d’entre nous se sont barrés parce qu’ils devaient être arrêté, parce que nous ne laissons pas arrêter facilement, – les flics ont tiré en premier. Les flics ont à chaque fois ajusté leurs tirs. Nous n’avons en partie pas du tout tiré – et si nous avons tiré c’est sans viser: à Berlin, Nürnberg, Francfort.

C’est prouvable, parce que c’est vrai. Nous ne faisons pas « utilisation de nos armes sans ménagements ». Le flic, qui se trouve dans la contradiction entre son statut de « petit homme » et celui d’esclave du capitaliste, entre le fait de recevoir un petit salaire et celui de fonctionnaire du capitalisme monopoliste, ne se trouve pas en situation de détresse. Nous tirons si l’on tire sur nous. Les flics qui nous laissent courir, nous les laissons aussi courir.

Il est juste d’affirmer qu’avec l’immense dispositif de recherche contre nous c’est toute la gauche socialiste de R.F.A. et de Berlin-Ouest qui est visée.

Ni le peu d’argent que nous aurions pris, ni le vol de voitures ou de documents pour lesquels on nous recherche, ni la tentative de meurtre qu’on cherche à nous mettre sur le dos, justifient toute cela.

La peur a traversé les os des dominants, qui pensaient déjà avoir totalement en main cet Etat et tous ses habitants et classes et contradictions, réduit les intellectuels à leurs revues, enfermé les gauchistes dans leurs cercles, désarmé le marxisme-léninisme. La structure de pouvoir qu’ils représentent n’est pourtant pas aussi vulnérable que leur effarouchement peut nous le laisse penser.

Leurs vociférations ne doivent pas permettre de nous surestimer.

Nous affirmons que l’organisation de groupes armés de résistance est actuellement juste, possible et justifiée en République fédérale et à Berlin-Ouest.

Qu’il est juste, possible et justifiée de mener ici et maintenant la guérilla urbaine. Que la lutte armée comme « plus haute forme du marxisme-léninisme » (Mao) peut et doit commencer maintenant, que sans cela il n’y a pas de lutte anti-impérialiste dans la métropole.

Nous ne disons pas que l’organisation de groupes armés illégaux de résistance peut remplacer les organisations prolétaires légales, ni que les actions individuelles remplacent les luttes de classe, ni que la lutte armée peut remplacer le travail politique dans l’usine ou dans le quartier. Nous affirmons seulement que le développement et le succès de l’un suppose l’autre.

Nous ne sommes ni des blanquistes ni des anarchistes, bien que nous tenions Blanqui pour un grand révolutionnaire et que nous ne méprisions nullement l’héroïsme de beaucoup d’anarchistes.

Notre pratique n’a pas une année. C’est trop peu pour pouvoir déjà parler de résultats. La grande publicité que nous a faite les messieurs Genscher, Zimmermann & Co nous permet d’apparaître opportunément de manière propagandiste, de faire déjà quelques remarques.

« Si vous voulez savoir ce que pensent les communistes, regardez leurs mains et non leur bouche » a dit Lénine.

2. La métropole république fédérale

« La crise ne naît pas tant de l’arrêt des mécanismes de développement que du développement lui-même. Ayant pour but le pur accroissement du profit, ce développement favorise de plus en plus le parasitisme et le gaspillage, relègue des couches entières de travailleurs en marge de la société, produit des besoins croissants qu’il ne parvient pas à satisfaire et accélère la désagrégation de la vie sociale.

Seul un monstrueux appareil de manipulation de l’opinion et de répression ouverte peut contrôler les tensions et les révoltes ainsi alimentées! La rébellion des étudiants et du mouvement noir en Amérique, la crise de l’unité politique de la société américaine, l’extension des luttes étudiantes en Europe, la reprise vigoureuse et les nouveaux contenus de la lutte ouvrière et de la lutte de masse, jusqu’à l’explosion du Mai français, jusqu’à la tumultueuse crise sociale de l’Italie et la reprise de l’insatisfaction en Allemagne, telles sont les grandes lignes de ce tableau. »

Il Manifesto, Pour le Communisme , thèse 33

Les camarades du Manifesto mentionnent la république fédérale en dernière position et caractérisent sa situation par le terme vague d’insatisfaction. L’Allemagne, dont Barzel disait, il y a six ans, qu’elle était un géant politique mais un nain politique – sa force économique ne s’est pas amoindrie, contrairement à sa force politique, à l’intérieur comme à l’extérieur.

Avec la formation de la grande coalition de 1966 on devance le danger politique qui aurait pu naître alors spontanément de l’imminente récession. Avec les lois d’urgence on s’est donné l’instrument qui assure l’action unifiée des dominants pour les crises futures – l’unité entre la réaction politique et tous ceux qui sont encore attachés à la légalité.

La coalition sociale-libérale a réussi à notablement absorber « l’insatisfaction » qui s’est fait remarquer par le mouvement étudiant et le mouvement extra-parlementaire, dans la mesure où le réformisme du parti social-démocrate n’a pas perdu de sa valeur dans la conscience de ses partisans, où est repoussé, grâce à ses promesses de réforme, l’actualité d’une alternative communiste pour la majeure partie de l’intelligentsia, où est enlevé aux protestations anti-capitalistes sa pointe.

Leur ostpolitik [politique de normalisation des rapports avec l’URSS et la RDA, NDE] amène au capital de nouveaux marchés, permet la contribution allemande à l’équilibre et l’alliance entre l’impérialisme US et l’Union Soviétique dont les USA ont besoin pour avoir les mains libres dans leurs guerres d’agression dans le tiers-monde.

Ce gouvernement semble également arriver à séparer la nouvelle gauche des vieux anti-fascistes et ainsi à isoler une fois de plus la nouvelle gauche de son histoire, celle du mouvement ouvrier. Le DKP, qui doit sa permission d’exister à la nouvelle complicité de l’impérialisme US et du révisionnisme soviétique, organise des manifestations en faveur de l’ostpolitik de ce gouvernement; Niemöller – figure symbolique antifasciste – concoure pour le SPD dans les prochaines luttes électorales…

Sous le couvert de « l’intérêt général » le dirigisme étatique tient en bride les bureaucraties syndicales par le biais des contrats de progrès des salaires et la concertation Les grèves de septembre ’69 ont montré qu’on avait passé la mesure en faveur du profit, ont montré dans leur déroulement comme grève seulement économique comment on les tenait bien en main.

Le fait que malgré ses presque deux millions de travailleurs étrangers la république fédérale peut utiliser dans la récession se dessinant un chômage approchant les 10%, toute la terreur, tous les mécanismes de discipline, sans avoir à faire face à une armée de chômeurs, sans avoir au cou la radicalisation politique de ces masses, permet une conception de la force du système.

Participant avec l’aide militaire et économique aux guerres d’agression des USA, la république fédérale profite de l’exploitation du tiers-monde, sans avoir la responsabilité de ces guerres, sans avoir à se disputer avec une opposition à l’intérieur. Pas moins agressive que l’impérialisme US, mais moins attaquable.

Les possibilités politiques de l’impérialisme ne sont épuisées ni dans leur variante réformiste ni dans leur variante fasciste, ses capacités d’intégrer ou opprimer les contradictions qu’il produit lui-même ne sont pas terminées.

Le concept de guérilla urbaine de la fraction de l’armée rouge ne se base pas sur une estimation positive de la situation en république fédérale et à Berlin-Ouest.

3. Les révoltes étudiantes

« De la connaissance du caractère unitaire du système de domination capitaliste résulte l’impossibilité de séparer la révolution dans les points  » culminants  » de celle des  » régions arriérées « . Sans une relance de la révolution en occident, on ne peut empêcher avec certitude l’impérialisme, entraîné par sa logique de violence, de chercher un débouché dans une guerre catastrophique, ou les super-puissances d’imposer au monde un joug écrasant ».

Il Manifesto, thèse 52

Rabaisser le mouvement étudiant au niveau d’une révolte petite-bourgeoise, c’est: le réduire à ses propres surestimations qui l’ont accompagné; c’est: nier son origine qu’est la contradiction concrète entre l’idéologie bourgeoise et la société bourgeoisie; c’est: nier le niveau théorique, avec la connaissance de ses limites forcées, que sa protestation anticapitaliste a déjà atteint.

Bien sûr le pathos avec lequel s’identifiaient les étudiants, qui prenaient conscience de leur misère psychique dans les usines du savoir, avec les peuples exploités d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie, était exagéré; la comparaison entre l’impression massive du journal Bild ici et les bombardements de masse sur le Viêt-Nam était une grande simplification; la comparaison entre la critique du système idéologique ici et la lutte armée là-bas était orgueilleux; la considération d’être le sujet révolutionnaire – tant que c’était au nom de Marcuse – était ignorante de la figure réelle de la société bourgeoise et des rapports de production la fondant.

En république fédérale et à Berlin-Ouest, il revient au mouvement étudiant – ses combats de rue, ses incendies, son utilisation de la violence, son pathos, donc aussi ses exagérations et ses ignorances, bref: sa praxis, d’avoir reconstruit le marxisme-léninisme comme théorie politique, dans la conscience au moins de l’intelligentsia, sans laquelle les faits politiques, économiques et idéologiques et leurs modes d’apparition ne peuvent pas être saisis, et sans laquelle leurs connexions intérieures et extérieures ne peuvent pas être décrites.

C’est justement parce que le mouvement étudiant part de l’expérience concrète de la contradiction entre l’idéologie de la liberté du savoir et la réalité de la mainmise du capital monopoliste sur l’Université, parce qu’il n’a pas été que initié idéologiquement, il n’a pas rendu son dernier souffle jusqu’à ce que le lien entre crise de l’Université et crise du capitalisme soit examiné de fond en comble, au moins théoriquement.

Jusqu’à ce que pour eux et pour leur « public » il soit clair que ce ne sont pas la « liberté, égalité, fraternité », pas les droits de l’homme, pas la charte de l’ONU qui forment le contenu de cette démocratie; qu’ici est valable ce qui l’a toujours été pour l’exploitation colonialiste et impérialiste de l’Amérique latine, de l’Afrique et de l’Asie: la discipline, la soumission et la brutalité à l’encontre des opprimés, pour ceux qui se mettent de leur côté, pour ceux qui soulèvent des protestations, qui résistent, qui mènent la lutte anti-impérialiste.

De manière idéologique critique, le mouvement étudiant a quasiment saisi tous les domaines de la répression étatique comme expression de l’exploitation impérialiste: dans la campagne de presse de Springer, dans les manifestations contre l’agression américaine au Viêt-Nam, dans la lutte contre la justice de classe, dans la campagne contre l’armée, contre les lois de l’état d’urgence, dans le mouvement lycéen. Expropriez Springer!, Brisez l’OTAN!, luttez contre le terrorisme de la société de consommation!, luttez contre la terrorisme de l’éducation!, luttez contre le terrorisme des loyers! ont été des slogans politiques justes.

Ils visaient l’actualisation des contradictions produites par le capitalisme mûr lui-même dans la conscience de tous les opprimés, entre les nouveaux besoins et les nouvelles possibilités de satisfaction des besoins par le développement des forces productives d’un côté et la pression à la soumission irrationnelle dans la société de classes.

Ce qu’il y avait dans leur propre conscience, ce n’était pas des luttes de classe élargis ici, mais la conscience d’être une partie du mouvement international, d’avoir affaire au même ennemi de classe ici que les Vietcongs là-bas, avec les mêmes tigres de papier, avec les mêmes porcs.

Le deuxième mérite du mouvement étudiant est d’avoir brisé la coupure provincialiste des vieilles gauches: la stratégie de front populaire comme marche de Pâques, Union allemande pour la paix, journal populaire allemand, comme espoir irrationnel en un « grand tremblement de terre » à n’importe quelle élection, sa fixation parlementaire sur Strauss ici, sur Heinemann là, sa fixation pro- et anti-communiste sur la R.D.A., leur isolement, leur résignation, leur déchirement moral: prêt à tout sacrifice, capable d’aucune praxis.

La partie socialiste du mouvement étudiant a pris conscience d’elle-même – malgré des imprécisions théoriques – de la reconnaissance juste du fait que « l’initiative révolutionnaire occidental peut aujourd’hui compter sur la crise de l’équilibre global du monde et sur la maturation de forces nouvelles dans tous les pays. » ( Il Manifesto , thèse 55).

Ils ont donné comme contenu de leur agitation et propagande cela de quoi ils pouvaient se revendiquer eu égard des rapports allemands: que contre la stratégie globale de l’impérialisme la perspective de luttes nationales doit être internationaliste, que seulement la liaison des contenus nationaux avec les contenus internationaux peut stabiliser des formes traditionnelles de luttes avec les initiatives révolutionnaires internationalistes.

Ils ont fait de leur faiblesse leur force car ils ont reconnu qu’il n’y a qu’ainsi qu’une résignation renouvelée, un découpage provincial, le réformisme, la stratégie de front populaire, l’intégration, pouvaient être évités – les culs-de-sac de la politique socialiste dans les conditions post- et préfascistes, comme elles sont en république fédérale et à Berlin-Ouest.

Les gauches savaient alors qu’il aurait été juste de relier la propagande socialiste dans les usines avec l’empêchement pratique de la distribution du journal Bild .

Qu’il aurait été juste de relier la propagande pour les GI’s, pour qu’ils ne se laissent pas envoyer au Viêt-Nam, avec les attaques pratiques contre des avions militaires pour le Viêt-Nam, la campagne de l’armée avec les attaques pratiques contre les bases aériennes de l’OTAN. Qu’il aurait été juste de relier la critique de la justice de classe avec les explosions des murs de prison, la critique du conglomérat de Springer avec le désarmement de ses milices patronales, juste de mettre en marche une propre radio, de démoraliser la police, d’avoir des logements illégaux pour les déserteurs de l’armée, de pouvoir falsifier des papiers d’identité pour l’agitation chez les travailleurs étrangers, d’empêcher par des sabotages dans les usines la production de napalm.

Et il est faux de rendre sa propagande dépendante de l’offre et de la demande : pas de journal parce que les travailleurs ne peuvent pas encore les financer, pas de voiture, parce que le « mouvement » ne peut pas encore l’acheter, pas d’émetteur, parce qu’il n’y a pas de licence, pas de sabotage, parce que le capitalisme ne s’écroule pas pour autant tout de suite.

Le mouvement étudiant s’écroula lorsque sa forme d’organisation spécifiquement étudiante/petite-bourgeoise, le « camp anti-autoritaire », se révéla inapte à développer une pratique appropriée quant à ses objectifs, parce qu’il ne pouvait pas y avoir d’élargissement de sa spontanéité aux entreprises ni dans une guérilla urbaine capable, ni dans une organisation socialiste de masse. Il s’écroula, lorsque l’étincelle du mouvement étudiant – différemment d’en Italie ou d’en France – n’est pas devenu le brasier des prairies de luttes de classe élargie. Il pouvait nommer les buts et contenus de la lutte anti-impérialiste – mais n’était pas lui-même le sujet révolutionnaire, ne pouvait pas se permettre la médiation organisationnelle.

A la différence des « organisations prolétaires » de la nouvelle gauche, la fraction de l’armée rouge ne nie pas sa préhistoire comme histoire du mouvement étudiant, qui a reconstruit le marxisme-léninisme comme arme dans la lutte de classe et a posé le contexte international pour le combat révolutionnaire dans les métropoles.

4. Primat de la pratique

« Pour connaître directement tel phénomène ou tel ensemble de phénomènes, il faut participer personnellement à la lutte pratique qui vise à transformer la réalité, à transformer ce phénomène ou cet ensemble de phénomènes, car c’est le seul moyen d’entrer en contact avec eux en tant qu’apparences; de même, c’est là le seul moyen de découvrir l’essence de ce phénomène ou de cet ensemble de phénomènes, et de les comprendre. Mais le marxisme accorde une grande importance à la théorie justement et uniquement parce qu’elle peut être un guide pour l’action. Si, étant arrivé à une théorie juste, on se contente d’en faire un sujet de conversation, pour la laisser ensuite de côté, sans la mettre en pratique, cette théorie, si belle qu’elle puisse être, reste sans intérêt. »

Mao-Tsé-Toung, De la pratique

Le retour des gauchistes, de socialistes, qui étaient en même temps les autorités du mouvement étudiant, à l’étude du socialisme scientifique, l’actualisation de la critique de l’économie politique comme leur autocritique vis-à-vis du mouvement étudiant, a été en même temps un retournement à des travaux livresques.

A juger par la production de papier, leurs modèles d’organisation, du mal qu’ils se donnent pour et dans leurs explications, on pourrait penser que les révolutionnaires revendiquent la direction de luttes de classe violentes, comme si l’année 67/68 était le 1905 du socialisme en Allemagne.

Lorsque Lénine, en 1903 dans Que faire? , soulignait le besoin théorique des travailleurs russes et donnait comme postulat, contre les anarchistes et les socialistes révolutionnaires, la nécessité d’une analyse de classe, de l’organisation, d’une propagande démystifiante, c’est parce que des luttes de classe massives se déroulaient.

« C’est justement à travers les infamies de la vie russe que les masses ouvrières vont se réveiller avec force et nous ne savons même pas réunir, concentrer, si l’on peut parler ainsi, toutes les gouttes et les rigoles des passions populaires qui sourdent de la vie russe en foule innombrable, plus grande que nous ne l’imaginions ou ne le croyons, et qui doivent être unies en un fleuve impétueux » (Lénine, Que faire? )

Nous doutons qu’il soit déjà possible de développer dans les conditions présentes en république fédérale et à Berlin-Ouest une stratégie unifiant la classe ouvrière, d’en arriver à une organisation qui soit à la fois expression et initiatrice d’un processus d’unification nécessaire. Nous doutons que l’alliance entre les intellectuels socialistes et le prolétariat puisse être soudée par des déclarations de programmes ou être obtenue par la prétention de créer des organisations prolétariennes. Les gouttes et les rigoles des infamies de la vie allemande sont rassemblées jusque là par le conglomérat Springer, qui les conduit à de nouvelles infamies.

Nous affirmons que sans initiative révolutionnaire, sans l’intervention pratique de l’avant-garde, des travailleurs et intellectuels socialistes, sans la lutte anti-impérialiste concrète il n’y a pas de processus d’unification, que l’union ne peut être posé que par les luttes communes ou pas du tout, dans lesquelles la fraction consciente des travailleurs et intellectuels ne dirige pas la « mise en scène », mais montre l’exemple.

Dans la production de papier des organisations nous reconnaissons leur pratique à leur lutte concurrentielle d’intellectuels, qui luttent pour la meilleure interprétation de Marx devant un jury imaginaire, qui ne peut pas être la classe ouvrière parce que son langage exclut déjà leur participation. Ils sont davantage gênés d’être attrapé à s’être trompé dans une citation de Marx que de mentir quant à leur pratique.

La page qu’il donne toujours avec la remarque correspond presque toujours, le nombre d’adhérents à leur organisation ne correspond presque jamais. Ils ont plus peur du reproche d’impatience révolutionnaire que celui de corruption dans les professions bourgeoises; prévoir le long terme avec Lukacs est important pour eux, comme est suspect de se laisser agiter à court terme par Blanqui.

Leur internationalisme s’exprime dans la censure vis-à-vis de telle organisation commando palestinienne par rapport à une autre – des messieurs blancs qui jouent aux mandataires du marxisme; ils l’expriment dans les faits sous la forme du mécénat, dans la mesure où ils mendient auprès de leurs riches amis au nom du Black Panther; ils portent à leur crédit, en vue du jugement dernier, ce qu’on leur donne par mauvaise conscience alors que leur premier souci, plutôt que la victoire de la guerre populaire, est de jouir de leur bonne conscience.

Ce n’est pas cela, une méthode révolutionnaire d’intervention.

Mao, dans son Analyse des classes de la société chinoise (1926) oppose la lutte de la révolution à celle de la contre-révolution lorsque la « bannière rouge de la révolution, levé par la IIIème Internationale, afin de rallier autour d’elle toutes les classes opprimées du monde; l’autre est le drapeau blanc de la contre-révolution, et c’est la Société des Nations qui l’a levé afin de rallier autour d’elle toutes les forces contre-révolutionaires du monde » .

Mao distingue les classes de la société chinoise en fonction de comment elles se décideraient, pour l’avancée de la révolution, entre la bannière rouge et la bannière blanche. Cela ne lui suffisait pas d’analyser la situation économique des différentes classes de la société chinoise. Faisait partie de son analyse également la prise de position des différentes classes par rapport à la révolution.

Il n’y aura pas de rôle dirigeant des marxistes-léninistes dans les futurs luttes de classes si l’avant-garde ne tient pas elle-même la bannière rouge de l’internationalisme prolétarien et si l’avant-garde ne répond pas elle-même à la question de savoir comment sera érigé la dictature du prolétariat, comment le pouvoir politique du prolétariat doit être exigé, comment le pouvoir de la bourgeoisie doit être brisé, si elle n’est pas prête avec une pratique à y répondre.

L’analyse de classe dont nous avons besoin n’est pas à faire sans pratique révolutionnaire, sans initiative révolutionnaire.

Les « revendications révolutionnaires de transition » que les organisations prolétaires ont posé ici et là, comme la lutte contre l’intensification de l’exploitation, la réduction du temps de travail, contre le gaspillage de la richesse sociale, pour le même salaire entre hommes, femmes et travailleurs immigrés, contre les cadences infernales, etc. – ces revendications de transition ne sont rien que de l’économisme syndicaliste, tant que n’est pas répondu en même temps à la question de savoir comment briser la pression politique, militaire et propagandiste qui se mettront de manière agressive au travers de la route de ces revendications si elles soulèvent des luttes de classe massives.

Mais après – si on en reste à elles – ce n’est plus que de merde économiste, parce que pour elles cela ne vaut pas le coup de prendre en charge le combat révolutionnaire et de mener à la victoire, parce que « vaincre suppose que l’on accepte le principe selon lequel la vie n’est pas le bien suprême pour les révolutionnaires » (Debray). On peut intervenir de manière syndicaliste avec ces revendications – mais « la politique trade-unioniste de la classe ouvrière est la politique bourgeoise de la classe ouvrière » (Lénine). Ce n’est pas une méthode d’intervention révolutionnaire.

Les soi-disant organisations prolétaires ne se différencient du DKP, quand elles ne posent pas la question de l’armement comme réponse aux lois d’urgence, à l’armée, aux gardes-frontières, à la police, à la presse Springer, quand elles passent cela sous silence de manière opportuniste, que parce qu’elles sont encore moins ancrées dans les masses, parce qu’elles sont plus radicales en parole, parce qu’elles en savent plus au niveau théorique.

En pratique elles s’agitent au niveau des spécialistes du droit, qui pour la popularité à tout prix soutiennent les mensonges de la bourgeoisie qu’il y aurait encore dans cet Etat quelque chose à obtenir avec les moyens de la démocratie parlementaire, encouragent le prolétariat à des luttes qui vu le potentiel de violence de cet Etat ne peuvent être que perdues – de manière barbare.

« Ces fractions ou partis marxistes-léninistes » écrit Debray à propos des communistes en Amérique latine – « agissent à l’intérieur des mêmes questionnements politiques que ceux contrôlés par la bourgeoisie. Au lieu de les modifier, ils ont contribué à les ancrer encore plus fortement… »

Aux milliers d’apprentis et de jeunes qui ont tiré comme conclusion de leur politisation pendant le mouvement étudiant de se retirer de la pression de l’exploitation dans l’entreprise, ces organisations ne proposent aucune perspective politique, avec la proposition de s’accommoder encore une fois de la pression capitaliste de l’exploitation. Elles prennent vis-à-vis de la criminalité de la jeunesse le même point de vue que les directeurs de prison, vis-à-vis des camarades en tôle le point de vue de leurs juges, vis-à-vis de l’Underground le point de vue des travailleurs sociaux.

Sans pratique, la lecture du Capital n’est rien qu’une étude bourgeoise.

Sans pratique, les déclarations politiques ne sont que du baratin. Sans pratique, l’internationalisme prolétarien n’est qu’un mot ronflant. Prendre théoriquement le point de vue du prolétariat, c’est le prendre pratiquement.

La fraction armée rouge parle de primat de la pratique. S’il est juste d’organiser maintenant la résistance armée dépend de sa possibilité; si cela est possible ne peut être compris qu’en pratique.

5. Guérilla urbaine

« Ainsi, considérés dans leur essence, du point de vue de l’avenir et sous l’angle stratégique, l’impérialisme et tous les réactionnaires doivent être tenus pour ce qu’ils sont: des tigres en papier. C’est là-dessus que se fonde notre pensée stratégique. D’autre part, ils sont aussi des tiges vivants, des tigres de fer, de vrais tigres; ils mangent des hommes. C’est là-dessus que se fonde notre pensée tactique. »

Mao Tse Toung, 1.12.1958

S’il est juste que l’impérialisme américain soit un tigre de papier, c’est-à-dire qu’en dernier recours il peut être vaincu; et si la thèse des communistes chinois est juste, que la victoire sur l’impérialisme américain est devenu possible par le fait que dans tous les coins et bouts du monde la lutte soit menée contre lui, et qu’ainsi les forces de l’impérialisme soient éparpillées et que par cet éparpillement il soit possible de l’abattre – si cela est juste, alors il n’y a aucune raison d’exclure un pays quel qu’il soit ou une région qu’elle quelle soit parce que les forces de la révolution sont particulièrement faibles, les forces de la réaction particulièrement fortes.

Comme il est faux de décourager les forces de la révolution dans la mesure où on les sous-estime, il est faux de leur proposer des conflits où elles ne peuvent que s’affaiblir et être détruites. La contradiction entre les camarades sincères au sein des organisations – laissons les baratineurs de côté – et la fraction armée rouge réside en ce que nous leur reprochons de décourager les forces de la révolution, et qu’ils nous soupçonnent d’affaiblir les forces de la révolution.

Qu’ainsi soit donné la direction où peuvent « traverser le fleuve » la fraction des camarades travaillant dans les usines et les quartiers et la fraction armée rouge; cela correspond à la réalité. Le dogmatisme et l’aventurisme sont depuis longtemps les déviations caractéristiques dans les périodes de faiblesse de la révolution dans un pays. Que depuis longtemps les anarchistes aient été les plus sévères critiques de l’opportunisme, a amené le fait que celui qui critique l’opportunisme se voit opposé le reproche d’anarchisme. C’est d’une certaine manière un classique.

Le concept de guérilla urbaine provient d’Amérique latine. C’est là-bas la même chose que ce qui peut seulement être ici: la méthode d’intervention révolutionnaire de forces révolutionnaires faibles en général.

La guérilla urbaine part du principe qu’il n’existe pas d’ordre de marche prussien où beaucoup de soi-disant révolutionnaires voudraient guider le peuple dans la lutte révolutionnaire. Part du principe que lorsque la situation sera mûre pour la lutte armée il sera trop tard de la préparer.

Que sans initiative révolutionnaire dans un pays dont le potentiel de violence est si grand, dont la tradition révolutionnaire est si cassée et si faible comme en république fédérale, il n’y aura aucune orientation révolutionnaire quand les conditions pour la lutte révolutionnaire seront plus favorables qu’elles ne le sont maintenant – à cause du développement politique et économique du capitalisme tardif lui-même.

La guérilla urbaine est dans cette mesure la conséquence de la négation accomplie depuis longtemps de la démocratie parlementaire par ses propres représentations, la réponse inévitable aux lois d’urgence et aux lois des grenades à main, la disposition à lutter avec les moyens que le système s’est déjà mis à la disposition afin d’éliminer ses opposants. La guérilla urbaine se base sur la reconnaissance de faits, au lieu de l’apologie de faits.

Ce que la guérilla peut faire, le mouvement étudiant l’a en partie déjà su. Elle peut rendre concrète l’agitation et la propagande où le travail de la gauche est encore réduit.

On peut se présenter cela pour la campagne de la presse Springer d’alors, et pour la campagne Cabora Bassa des étudiants d’Heidelberg, pour les occupations de maisons de Francfort, en relation avec les aides militaires que la république fédérale donne aux régimes compradores d’Afrique, en relation avec la critique du régime de semi-liberté, de la justice de classe, des milices patronales et de la justice dans l’entreprise.

Elle peut concrétiser l’internationalisme verbal comme la fourniture d’armes et d’argent. Elle peut émousser l’arme du système, l’illégalisation des communistes, dans la mesure où elle organise la clandestinité, qui reste enlevée à l’intervention policière. La guérilla urbaine est une arme dans la lutte de classe.

La guérilla urbaine est lutte armée, dans la mesure où c’est la police qui fait utilisation sans restriction des armes à feu, et c’est la justice de classe qui acquitte les policiers responsables de bavures, et enterre vivant les camarades, si on ne l’en empêche pas. La guérilla urbaine signifie ne pas se laisser démoraliser par la violence du système.

La guérilla urbaine vise à détruire l’appareil de domination étatique en certains points, à le mettre à certains moments hors d’état de nuire, à anéantir le mythe de l’omniprésence du système et de son invulnérabilité.

La guérilla urbaine a comme présupposé l’organisation d’appareil illégal, ce sont des appartements, des armes, des munitions, des voitures, des papiers. Ce qui est à considérer en particulier a été décrit par Marighella dans son Petit manuel du guérillero urbain . Ce qui à quoi il faut encore faire attention, nous sommes prêts à tout moment de le dire à celui qui veut la faire, si il s’est décidé. Nous ne connaissons pas encore grand’ chose, mais savons déjà certaines choses.

Il est important qu’avant de se décider à lutter par les armes on ait déjà fait des expériences politiques légales. Là où la liaison avec la gauche révolutionnaire ne représente qu’un besoin de mode, on ne se décide vraiment que là où on l’on peut retourner.

La fraction armée rouge et la guérilla urbaine sont respectivement la fraction et la pratique qui, dans la mesure où elles tracent un trait clair entre elles et l’ennemi, sont le plus terriblement combattues. Cela présuppose qu’un processus d’apprentissage se soit déjà déroulé.

Notre concept originel d’organisation impliquait la liaison de la guérilla urbaine et le travail à la base. Nous voulions que chacun d’entre nous participe en même temps dans les quartiers ou dans les usines dans les groupes socialistes existant là-bas, influence le processus de discussion, fasse des expériences, apprenne. Il s’est montré que cela ne marche pas.

Que les contrôles que la police politique fait sur ces groupes, leurs rendez-vous, leurs réunions, leurs contenus de discussion, portent déjà si loin qu’on ne peut pas être là-bas si l’on ne veut pas être contrôlé. Que le seul travail légal ne peut pas être relié avec le travail illégal.

La guérilla urbaine présuppose être clair quant à ses motivations, être sûr que les méthodes à la Bild-Zeitung ne fasse pas d’effet sur quelqu’un, que le syndrome antisémites – criminels – sous-hommes et incendiaires qui est plaqué sur les révolutionnaires, toute ces merdes, qui ne sont qu’en mesure d’isoler et d’articuler, et qui influencent encore beaucoup de camarades dans leur jugement sur nous, que cela ne touche personne.

Car naturellement le système ne nous laisse pas le terrain et il n’y a aucun moyen – même pas avec la calomnie -, qu’ils ne seraient pas prêt d’utiliser contre nous.

Et il n’y a pas d’opinion publique qui aurait un autre but que de mettre à profit d’une manière ou d’une autre les intérêts du capital, et il n’y a pas d’opinion publique socialiste, qui se dépasserait elle-même, son cercle, sa diffusion manuelle, ses abonnés, qui ne se déroulerait pas majoritairement dans des formes hasardeuses, privées, personnelles, bourgeoises.

Il n’y pas de moyen de publication qui ne seraient pas contrôlés par le capital, par le marché de la pub, par l’ambition des auteurs de rentrer dans le grand establishment, par les avis des médias, par la concentration sur le marché de la presse. L’opinion publique dominante est l’opinion publique des dominants, divisés en parts de marché, se développant en idéologies spécifiques aux couches sociales, ce qu’elle diffuse sert à sa propre affirmation sur le marché. La catégorie journalistique signifie: vente.

L’information comme marchandise, la nouvelle comme consommation. Ce qui n’est pas consommable doit les emmerder. La liaison des journaux avec les moyens de publication, les taux d’écoute à la télévision – cela ne peut permettre aucune contradiction entre soi et le public, pas d’antagonismes, pas de suites.

La liaison avec les plus puissants faiseurs d’opinion sur le marché est nécessaire à celui qui veut rester sur le marché; c’est-à-dire que la dépendance vis-à-vis du trust Springer grandit dans la mesure où le trust grandit, trust qui a également commencé à acheter les journaux locaux. La guérilla urbaine n’a rien d’autre à attendre de cette opinion publique que l’inimité amère. Elle doit s’orienter avec la critique marxiste et l’autocritique, sinon rien.

« Qui n’a pas peur d’être écartelé ose renverser l’empereur de son cheval » dit Mao à propos de cela.

Le long terme et le travail à petite échelle sont les postulats qui sont vraiment valables pour la guérilla dans la mesure où l’on ne fait pas qu’en parler, mais qu’on agit aussi par la suite. Sans laisser ouvert le retour à un emploi bourgeois, sans pouvoir ou vouloir mettre la révolution au clou, c’est-à-dire avec la conviction que Blanqui a exprimé: « le devoir d’un révolutionnaire est de toujours lutter, de lutter malgré tout, de lutter jusqu’à la mort » .

– il n’y a pas de lutte révolutionnaire et il n’y en a pas eu dont la morale n’était pas celle-là: Russie, Chine, Cuba, Algérie, Palestine, Vietnam.

Certains disent que les possibilités politiques de l’organisation, de l’agitation, de la propagande sont loin d’être épuisées, mais que seulement après on pourrait poser la question de l’armement. Nous disons: les possibilités politiques ne seront pas vraiment utilisées tant que le but, la lutte armée, n’est pas reconnaissable comme but de la politisation, tant que la définition stratégique, que tous les réactionnaires ne sont que des tigres de papier, n’est pas reconnaissable derrière la définition tactique, qu’ils sont des criminels, des meurtriers, des exploiteurs.

Nous ne parlerons pas de « propagande armée », mais nous la ferons. La libération de prisonniers ne se déroule pas pour des raisons de propagande, mais pour sortir le type. Les cambriolages de banques, comme on les cherche à nous attribuer, nous ne les ferions que pour nous procurer de l’argent. Les « succès brillants » dont Mao dit que nous devrions les avoir visé, « quand l’ennemi nous dépeint des couleurs les plus noires » , ne sont que la rançon de nos propres succès. Les grandes clameurs qui ont été faites à notre propos nous en remercions plus les camarades latino-américains – en raison du trait clair entre soi-même et l’ennemi qu’ils ont déjà tracés -, qui fait que les dominants ici nous « rentrent énergiquement dedans » à cause du soupçon de quelques braquages de banques comme s’il y avait déjà ce que nous avons commencé de construire: la guérilla urbaine de la fraction armée rouge.

6. Légalité et illégalité

« Le développement de la révolution en occident, la contestation du pouvoir capitaliste à l’intérieur de ses places-fortes sont à l’ordre du jour et ont une signification décisive. Il n’existe dans le monde ni l’endroit, ni les forces capables de garantir une évolution pacifique et une stabilisation démocratique; la crise tend à s’aggraver. S’enfermer dans des horizons bornés ou repousser la lutte à plus tard, c’est se laisser emporter par la dégénérescence totale ambiante. »

Il Manifesto, thèse 55

Le slogan des anarchistes « détruis ce qui te détruit » vise la mobilisation directe de la base, des jeunes dans les tôles et les foyers, dans les écoles et dans l’apprentissage, se dirige vers ceux qui sont le plus dans la merde, vise à une compréhension spontanée, est l’appel à la résistance directe. Le slogan black power de Stokely Carmichael: « fais confiance à ta propre expérience ! » voulait dire exactement cela.

Le slogan part de l’examen que dans le capitalisme rien, mais qu’il n’y a également rien, qui oppresse, fait souffrir, gêne, qui n’aurait pas son origine dans les rapports de productions capitalistes, que chaque oppresseur, quel que soit la forme avec laquelle il apparaît, est un représentant du capital, c’est-à-dire: un ennemi de classe.

Dans cette mesure le slogan des anarchistes est juste, prolétaire, combattant de classe. Il est faux tant qu’il amène la fausse conscience qu’il suffirait simplement de frapper, de taper dans la gueule, que l’organisation serait de seconde importance, la discipline bourgeoise, l’analyse de classe superflue.

Sans défense face à la répression renforcée qui suit leurs actions, bloqué, sans avoir fait attention organisationnellement à la dialectique de la légalité et de l’illégalité, ils sont légalement arrêtés.

La phrase de beaucoup d’organisations « les communistes ne sont pas assez simplistes pour s’illégaliser eux-mêmes » fait écho à la justice de classe, et à personne d’autre. Tant qu’elle signifie que les possibilités légales d’agitation et de propagande communiste, de lutte politique et économique, doivent être à tout prix utilisées et ne doivent pas être mis en jeu avec légèreté, c’est juste – mais ce n’est pas du tout cela qui est dit.

Elle veut dire que les frontières que l’Etat de classe et sa justice posent au travail socialiste suffisent pour utiliser tous les moyens, que l’on doit s’en tenir à ces (dé)limitations, que face aux attaques illégales de cet Etat, qui sont à chaque fois légalisées, on doit à tout prix reculer – la légalité à tout prix. Arrestations illégales, jugements de terreur, attaques de la police, chantage et pression par la magistrature – marche ou crève, les communistes ne sont pas si simplistes…

Cette phrase est opportuniste. Elle est non solidaire. Elle abandonne les camarades en tôle, elle exclu l’organisation et la politisation de tous ceux du mouvement socialiste qui à cause de leurs origines sociales et de leurs situations ne peuvent pas faire autre chose que survivre comme criminel: l’underground, le sous-prolétariat, les innombrables jeunes prolétaires, les travailleurs immigrés.

Elle sert la criminalisation théorique de tous ceux qui ne se raccordent pas aux organisations. Elle est leur union avec la justice de classe. Elle est bête.

La légalité est une question de pouvoir. Le rapport entre légalité et illégalité est à définir par la contradiction entre l’exercice réformiste et fasciste du pouvoir, dont les représentants à Bonn est à présent la coalition social/libéral ici, Barzel/Strauss là-bas, dont les représentants publicistes sont par exemple le journal Süddeutsche Zeitung , la revue Stern , le troisième programme de radio-Cologne et de radio Berlin libre , le journal Frankfurter Rundschau , du trust Springer, de la deuxième chaîne de télévision (ZDF), du courrier bavarois, de la police et de sa ligne munichoise ou du modèle berlinois, avec la justice du tribunal constitutionnel ici, la cour fédérale de justice là-bas.

La ligne réformiste vise à éviter les conflits par des promesses de réformes (dans le régime de semi-liberté par exemple), dans la mesure où elles évitent les provocations (la ligne souple de la police berlinoise et du tribunal constitutionnel de Berlin par exemple), par des reconnaissances verbales de malentendus (dans l’éducation publique dans la région de Hesse et à Berlin par exemple).

Cela appartient à la tactique du réformisme évitant les conflits que de se mouvoir à l’intérieur et un peu moins à l’extérieur de la légalité, cela lui donne l’apparence de la légitimité, l’apparence d’avoir les lois constitutionnelles sous le bras, cela vise l’intégration des contradictions, cela laisse tourner à vide la critique de gauche, disparaître, car cela les jeunes socialistes et le parti socialistes veulent le garder.

Que la ligne réformiste au sens d’une stabilisation à long terme de la domination capitaliste est la ligne la plus effective, on ne peut pas en douter, mais cela est lié à des présuppositions précises.

Elle présuppose la prospérité économique, car la ligne souple de la police munichoise est par exemple beaucoup plus coûteuse que le tour dur de la police berlinoise – comme le président de la police de Munich l’a présenté de manière évidente: « deux fonctionnaires avec des mitrailleuses tiennent 1000 personnes en échec, 100 fonctionnaires avec des matraques peuvent tenir 1000 personnes en échec. Sans de tels instruments on aurait besoin de 300 à 400 policiers » . La ligne réformiste présuppose une opposition anticapitaliste peu ou pas du tout organisée – comme on le sait depuis l’exemple de Munich.

De surcroît la monopolisation du pouvoir étatique et économique grandit sous le manteau du réformisme politique, ce qu’entreprend Schiller avec sa politique économique et Strauss a imposé avec sa réforme financière – l’aggravation de l’exploitation par l’intensification du travail et la division du travail dans le domaine de la production, par des mesures à long terme de rationalisation dans le domaine de la gestion et des performances des services.

Que l’accumulation de violence dans les mains fonctionne avec un peu moins d’absence de résistance, quand on la mène silencieusement, quand on évite pour cela des provocations inutiles qui pourraient avoir pour suite des processus de solidarisation incontrôlables – on l’a appris du mouvement étudiant et de mai à Paris.

C’est pourquoi les cellules rouges ne sont pas encore interdites, c’est pourquoi le PC d’Allemagne est – sans levée de l’interdiction du PC d’Allemagne – autorisée comme PC allemand [la loi ouest-allemande interdisait le KPD, mais feignait de ne pas voir que le DKP était sa continuité, NDE], c’est pourquoi il y a encore des émissions de télévision libérales et c’est pourquoi certaines organisations peuvent encore se permettre de ne pas se considérer comme aussi simplistes qu’elles le sont.

Le champ de la légalité que le réformisme propose est la réponse du capital aux attaques du mouvement étudiant et de l’opposition extra-parlementaire (APO) – tant qu’on peut se permettre la réponse réformiste, c’est la plus effective.

Miser sur cette légalité, compter sur elle, l’allonger métaphysiquement, l’estimer statiquement, ne vouloir que la défendre, c’est répéter la stratégie de zones d’auto-défense en Amérique latine, c’est ne rien avoir appris, laisser du temps à la réaction pour se former, se réorganiser, jusqu’à ce qu’elle, non pas illégalise la gauche, mais l’anéantit.

Willy Weyer ne joue même pas sur la tolérance, mais manoeuvre et rétorque à la presse libérale qui le critique de transformer par ses alcootests chaque automobiliste en criminel: « nous continuerons! » – montrant à l’opinion publique libérale son absence de signification.

Edouard Zimmerman fait de tout un peuple des policiers, le trust Springer a fait la direction de la police berlinoise, le journaliste du journal de Berlin (la BZ) écrit les ordres d’arrestations pour les juges berlinois. La mobilisation de masse au sens du fascisme, d’attaque, de peine de mort, de force de frappe, d’intervention – avec comme façade le new look que l’administration de Brandt, Heinemann et Scheel ont donné à la politique de Bonn.

Les camarades qui traitent si superficiellement la question de légalité et d’illégalité ont apparemment mal saisi le sens de l’amnistie par laquelle on a rendu inoffensif le mouvement étudiant. Dans la mesure où l’on supprime la criminalisation de centaines d’étudiants, ceux-ci reviennent de leur peur, on prévient à une radicalisation continue, on leur rappelle énergiquement à quel point les privilèges estudiantins ont de la valeur, malgré une université usine du savoir, l’ascension sociale.

Ainsi les barrières de classes entre eux et le prolétariat sont à nouveau formées, entre leur quotidien privilégié comme étude et le quotidien du travailleur et de la travailleuse dépendant/e des accords sur le salaire, qui n’ont pas été amnistié par le même ennemi de classe. Ainsi encore une fois la théorie a été coupée de la pratique. Le compte – amnistie égale pacification – était bon.

L’initiative social-démocrate des électeurs, faite par certains écrivains honorables – pas seulement cet enfoiré de Grass – comme tentative d’une mobilisation positive, démocratique comprise comme défense contre le fascisme et ainsi à considérer, confond la réalité de certaines éditions et rédactions des médias, qui ne sont pas encore soumises à la rationalité des monopoles qui boîte derrière, avec le tout de la réalité politique.

Les domaines où la répression s’est aggravée ne sont pas ceux avec lesquels un écrivain a à faire en premier: prisons, justice de classe, guerre des tarifs salariaux, accidents du travail, consommation choisie, école, journal Bild et BZ (de Berlin), les casernes-appartements des banlieues, les ghettos pour étrangers – tout cela les écrivains le reçoivent au mieux de manière esthétique, pas politiquement.

La légalité est l’idéologie du parlementarisme, du partenariat social, de la société pluraliste. Elle devient un fétiche quand ceux qui s’en targuent ignorent que les téléphones peuvent être légalement écoutés, le courrier légalement contrôlé, les voisins interrogés légalement, les indics payés légalement, que l’on peut légalement surveiller – que l’organisation du travail politique, si elle ne veut pas être mise hors-circuit de manière permanente par l’attaque de la police politique, doit être en même temps légal et illégal.

Nous ne misons pas sur la mobilisation antifasciste spontanée par la terreur même, et le fascisme, et ne considérons pas la légalité comme une corruption et savons que notre travail fournit des prétextes, comme l’alcool de Willy Meyer et la criminalité en hausse pour Strauss, l’ostpolitik pour Barzel et le feu rouge que le yougoslave grille pour les taxis de Francfort, la main dans le sac pour le meurtrier du voleur de voiture à Berlin.

Et pour encore plus de prétextes, parce que nous sommes communistes, et qu’il dépend des communistes si la terreur et la répression n’amènent que peur et résignation, ou provoquent résistance et haine de classe et solidarité, si tout ici est net au sens de l’impérialisme est balancé par dessus bord ou pas. Parce que cela dépend si les communistes sont si naïfs pour tout se laisser faire ou utilisent la légalité entre autres pour organiser l’illégalité, au lieu d’en fétichiser l’un par rapport à l’autre.

Le sort du Black Panther Party et le sort de la Gauche Prolétarienne devaient découler d’une fausse appréciation, qui n’a pas réalisé la contradiction de fait entre constitution et réalité de la constitution, et de l’aggravation de celle-ci quand la résistance organisée fait son entrée.

Qui n’a pas réalisé que les conditions de la légalité, avec la résistance active, se modifient nécessairement et qu’il est pour cela nécessaire d’utiliser la légalité pour la lutte politique et en même temps pour l’organisation de l’illégalité, et qu’il est faux d’attendre l’illégalisation comme coup du sort imposé par le système, parce que l’illégalisation signifie l’écrasement immédiat, et que la question est alors réglée.

La fraction armée rouge organise l’illégalité comme position offensive pour l’intervention révolutionnaire.

Mener la guérilla urbaine, c’est mener la lutte anti-impérialiste de manière offensive. La fraction armée rouge pose le lien entre lutte légale et illégale, entre lutte nationale, entre lutte politique et lutte armée, entre la définition tactique et stratégique du mouvement communiste international.

La guérilla urbaine c’est, malgré la faiblesse des forces révolutionnaires en république fédérale et Berlin-Ouest, intervenir ici et maintenant de manière révolutionnaire!

Vous êtes partie prenante de l’aggravation ou de la solution du problème. Entre les deux il n’y a rien. Depuis des décennies et des générations on a contemplé et analysé la merde de tous les côtés. Je suis personnellement d’avis que la plupart des choses qui se passent dans ce pays n’ont pas besoin d’être analysées plus longtemps – dit Cleaver

SOUTENIR LA LUTTE ARMEE !
VICTOIRE DANS LA GUERRE POPULAIRE !


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