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La séparation entre la Belgique et les Pays-Bas n’a pas été naturelle ; elle a été précipitée par l’Espagne de Philippe II entendant principalement supprimer le calvinisme porteur d’une démarche anti-féodale, alors que le capitalisme se développait de manière forte dans cette zone géographique.
L’échec à maintenir l’unité tient à de multiples raisons précipitant la défaite militaire dans la partie belge. Autant la Belgique est aisément un lieu de passage, comme en témoignent les multiples guerres qui se sont déroulées historiquement sur son territoire, autant la partie nord était préservée en partie des offensives militaires dans son opposition à l’Espagne par la grande importance des canaux.
Un autre facteur important fut le plus grand développement du capitalisme dans la partie sud, amenant les patriciens et l’aristocratie à vouloir éviter un affrontement ouvert mettant en branle un prolétariat naissant déjà numériquement conséquent et par conséquent menaçant. En témoigne notamment le sort du stathouder et chevalier de la Toison d’or Lamoral, comte d’Egmont, décapité sur ordre du Conseil des troubles au service de l’Espagne.
Enfin, il faut souligner l’orientation maritime des Pays-Bas, qui disposait de plus grands ports que la Belgique et avait davantage d’intérêt à affronter l’Espagne, afin de chercher à briser son monopole maritime en Amérique et en Asie.
Lors de l’intervention espagnole, il y eut le renforcement naturel des forces catholiques historiquement liées à la féodalité et par ailleurs historiquement mieux implantées dans la partie sud que dans la partie nord.
La principale conséquence de la séparation de la Belgique avec ce qui sera alors les Provinces-Unies consiste de ce fait en le triomphe du catholicisme et une vague de recatholicisation générale de la société, dans l’esprit des Lettres de Ségovie de 1566 rédigées par Philippe II d’Espagne.
L’inquisition et un refus féodal de tout qui renforce le capitalisme ont provoqué une stagnation terrible de la Belgique, renforçant d’autant plus l’influence catholique, tant intellectuelle, que culturelle et sociale, notamment avec sa politique de « charité ».
Les états-généraux se réunirent pour la dernière fois en 1600 ; la vie politique et culturelle s’effacèrent alors que le pays devenait une arrière-cour isolée de l’Espagne. La comparaison avec la richesse intellectuelle et culturelle historique des Pays-Bas au même moment, avec sa politique tolérante bourgeoise, est d’autant plus frappante.
Lorsque l’Espagne s’est effondrée historiquement, c’est l’Autriche qui a pris possession de la Belgique, se transformant de « Pays-Bas espagnols » en « Pays-Bas autrichiens ». Cependant, ce n’était qu’un aspect de la dépendance qui se formait alors.
En effet, par le traité de la Barrière au début du 18e siècle, les Provinces-Unies prirent possession de places-fortes en Belgique, avec le soutien massif de la Grande-Bretagne souhaitant contrer l’expansionnisme français et empêcher la France de se rapprocher d’elle géographiquement.
Cette situation était permise par l’importance des forces centrifuges et cléricales en Belgique. Ces forces purent même prendre la tête de la révolution brabançonne donnant naissance à des éphémères États-Belgiques-Unis en 1790, dans l’opposition à la politique absolutiste de l’empereur autrichien Joseph II.
Historiquement, c’est le clergé belge, associé à l’aristocratie hongroise, qui a scellé le sort de l’empire autrichien incapable de passer au stade de la monarchie absolue et de s’arracher à une puissante base féodale.
Naturellement, cette situation eut comme effet d’approfondir la Belgique en renforçant encore plus le clergé et la réaction générale, rendant le pays particulièrement vulnérable devant l’expansionnisme français.
Le moment historique de dépendance de la Belgique a tenu à la non-émergence d’un mouvement bourgeois de libération nationale contre l’empereur autrichien Joseph II. C’est la réaction qui a pris la direction de l’opposition à l’Autriche, cherchant à maintenir les privilèges urbains maintenant une division interne du pays, ainsi que la position de force du clergé.
Comme l’intervention expansionniste français transportait également des valeurs liées à la révolution française, cela trouble profondément le cadre national historique belge existant alors.
Initialement, lors de l’épisode des États-Belgiques-Unis de 1790, les forces cléricales de Henri van der Noot, appelées les « statistes », s’étaient appropriées la question nationale, aux dépens des forces républicaines de Jean-François Vonck. Toutefois, lorsque la France prit le contrôle de la Belgique, tout d’abord en 1792, puis en 1794, des réformes anti-féodales furent réalisées, notamment aux dépens du clergé.
Cela signifie que la question démocratique a connu une réponse, de manière paradoxale, sur une base anti-nationale. En conséquence de quoi, d’un côté, il y eut une forte tendance à soutenir l’élan républicain français expansionniste permettant à la bourgeoisie de se développer, de l’autre il y eut une tendance à rejeter cette évolution, comme en témoigne l’épisode de la guerre menée par des secteurs des paysans flamands en 1789, mis en parallèle avec les matines de Bruges et la bataille des éperons d’or, lorsqu’au tout début du 14e siècle, la tentative d’annexion du roi français Philippe le Bel fut mise en échec.
Lors de l’effondrement napoléonien, la Grande-Bretagne voulait éviter à tout prix qu’une Belgique indépendante ne se forme, en raison de la sympathie historique étant née pour la France dans une partie de la population. En conséquence, son annexion par les Pays-Bas fut organisée.
Cependant, si la partie belge avait une population plus nombreuse que la partie hollandaise – plus de 3,5 millions contre 2,5 millions – elle restait dès le départ politiquement et administrativement à l’écart du pouvoir organisant une dimension pratiquement coloniale.
En 1830, 1 ministre sur 7 était belge, 11 sur 117 hauts fonctionnaires du ministère de l’intérieur, 288 sur 1967 officiers de l’armée. Les Pays-Bas amenaient également une dette nationale de deux milliards, la Belgique n’en ayant que 30 millions.
La situation ne dura guère longtemps avant la bataille pour l’indépendance et on peut voir que lors de la révolution de 1830, il n’y avait que 17 bourgeois sur les 456 personnes tuées, et 41 bourgeois sur les 1226 blessées.
La base populaire belge commençait à s’affirmer historiquement, elle cherchait la voie pour une révolution démocratique, alors que le socialisme commençait à s’affirmer avec le développement du capitalisme et donc du prolétariat.
La révolution industrielle, avec les progrès de la manufacture et l’émergence des machines à vapeur, va transformer la Belgique, qui va devenir une plaque tournante avec la production de charbon.
Celle-ci, annuellement, passa de 2,6 millions de tonnes en 1831 à 10,6 en 1861, puis 22,7 en 1901. Cela signifie qu’au milieu du 19e siècle, si la Belgique produisait bien moins de charbon que la Grande-Bretagne (45 millions de tonnes), elle dépassait déjà l’Allemagne et la France, produisant de leur côté seulement 3,5 et 3,4 millions de tonnes respectivement.
Alors que le transport par canaux avait été mis de côté (puisque l’accès à la mer passait par les Pays-Bas), dès 1870 il existait 863 km de lignes de chemin de fer possédées par l’État et 2 231 km par des compagnies privées ; en 1879, il y avait déjà 720 gares.
Karl Marx, dans Le Capital, notait ainsi au sujet de la Belgique :
« La Belgique, ce paradis du libéralisme continental, ne laisse voir aucune trace de ce mouvement [pour la la réglementation de la journée de travail].
Même dans ses houillères et ses mines de métal, des travailleurs des deux sexes et de tout âge sont consommés avec une « liberté » complète, sans aucune limite de temps. Sur mille personnes employées il y a sept cent trente-trois hommes, quatre-vingt-huit femmes, cent trente-cinq garçons et quarante-quatre jeunes filles au-dessous de seize ans.
Dans les hauts fourneaux sur mille également, il y a six cent quatre-vingt-huit hommes, cent quarante-neuf femmes, quatre- vingt-dix-huit garçons et quatre-vingt-cinq jeunes filles au-dessous de seize ans. Ajoutons à cela que le salaire est peu élevé en comparaison de l’exploitation énorme des forces de travail parvenues ou non à maturité; il est par jour en moyenne de deux shillings huit pence pour hommes, un shilling huit pence pour femmes et deux shillings six pence pour les garçons. Aussi la Belgique a-t-elle en 1863, comparativement avec 1850, à peu près doublé la quantité et la valeur de son exportation de charbon, de fer, etc. »
La progression du capitalisme en Belgique impliquait naturellement l’apparition d’un prolétariat nombreux et concentré. Portant la démocratie, le prolétariat rentrait en confrontation directe avec la nature du régime né en 1830, la bourgeoisie ayant fait en sorte que l’indépendance n’accorde le droit de vote qu’à 44 000 personnes, dans le cadre d’une monarchie parlementaire.
Kautsky constate ainsi :
« Marx, en association avec Engels, vécut jusqu’en 1848 à Bruxelles. C’est là-bas qu’ils travaillèrent aux fondements de leur nouvel enseignement, c’est là-bas qu’ils réalisèrent le Manifeste communiste.
Dans la mesure où l’on veut qualifier un seul pays comme le pays d’origine du marxisme, la Belgique a le droit de réclamer cette dénomination pour elle.
Comme pays de transit, où se rencontraient les influences et idées allemandes, françaises, anglaises, la Belgique proposait le sol adéquat pour un enseignement international, qui unissait en une unité plus élevée la philosophie allemande, l’économie anglaise, l’esprit français de la révolution. »
Contrairement aux tentatives désordonnées, nombreuses, de révoltes éparpillées, comme l’insurrection wallonne de 1886, la social-démocratie née avec le Parti Ouvrier Belge en 1885 développa une ligne de masses aboutissant à de multiples grève politique de masse, en 1891, 1892, 1893, 1902 et 1913.
Dans ce cadre, l’un des écrits connus et diffusés massivement, à 300 000 exemplaires, fut le Catéchisme du Peuple d’Alfred Defuisseaux. Le résultat des campagnes ouvrières fut l’élargissement du droit de vote, le suffrage universel et égalitaire étant établi en 1913.
Le problème de la social-démocratie, cependant, est que dans le cadre belge elle ne faisait que s’appliquer à appeler à réaliser les tâches démocratiques que la bourgeoisie n’avait pas été en mesure de vouloir appliquer, tout en s’imaginant qu’il s’agissait d’une dynamique socialiste.
Le Parti Ouvrier Belge ne fut pas en mesure de saisir réellement le marxisme ; il se positionnait seulement comme un parti authentiquement démocratique, comme on le constate avec ses positions pour l’éducation, alors qu’en 1866 la moitié de la population était encore analphabète, ainsi qu’en faveur des arts et contre l’alcool.
Il ne fut pas en mesure de tenir le choc face à l’intégration dans les institutions bourgeoises, comme l’exprima Rosa Luxembourg dans sa polémique de 1902-1903 avec Émile Vandervelde.
Rosa Luxembourg :
« L’écroulement soudain de la grande action de la classe ouvrière belge, vers laquelle étaient dirigés les regards de tout le prolétariat international, est un rude coup pour le mouvement de tous les pays (…).
Ce qui, avant tout, saute aux yeux lorsqu’on passe en revue la courte campagne des dernières semaines, c’est le manque d’une tactique claire et conséquente chez nos dirigeants belges.
Tout d’abord nous les voyons limiter la lutte au cadre de la Chambre. Bien qu’il n’y eût pour ainsi dire, dès le début, aucun espoir que la majorité cléricale capitulât, la fraction socialiste semblait ne pas vouloir proclamer la grève générale. Celle-ci éclata bien plus par la décision souveraine de la masse prolétarienne impatiente. (…).
Mais, la grève générale ayant éclaté d’elle-même, les chefs socialistes se déclarèrent immédiatement solidaires des masses ouvrières et de la grève générale, suprême moyen de lutte. La grève générale jusqu’à la victoire, tel fut le mode d’ordre lancé par la fraction socialiste et par la direction du parti (…).
Le Peuple du 18 affirme :« La grève générale durera aussi longtemps qu’il sera nécessaire pour conquérir le suffrage universel. » Le même jour, le Conseil général du Parti Ouvrier décida de continuer la grève générale, après le refus de révision par la Chambre. Le matin du 20 avril, l’organe central de Bruxelles s’exclamait : « Continuer la grève générale, c’est sauver le suffrage universel. »
Et, le même jour, la fraction socialiste et la direction du parti, par une volte-face subite, décidèrent de cesser la grève générale (…).
Dès lors la seule voie permettant d’obtenir la dissolution du Parlement paraît être l’intervention auprès du roi. Ainsi s’enchevêtraient, se croisaient et s’entre-choquaient au cours de la récente campagne belge les différents mots d’ordre : obstruction au Parlement, grève générale, dissolution de la Chambre, intervention du roi. Aucun de ces mots d’ordre ne fut poursuivi jusqu’au bout et finalement toute la campagne fut étouffée d’un seul coup, sans aucune raison apparente, et les ouvriers furent renvoyés chez eux, consternés, les mains vides (…)
Ainsi la défaite finale apparaît comme la conséquence inévitable de la tactique de nos camarades belges. Leur action parlementaire est restée sans effet parce que la pression de la grève générale à l’appui de cette action fit défaut. Et la grève générale resta sans effet parce que, derrière elle, il n’y avait pas de spectre menaçant du libre essor du mouvement populaire, le spectre de la révolution.
En un mot, l’action extra-parlementaire fut sacrifiée à l’action parlementaire, mais, précisément à cause de cela, toutes les deux furent condamnées à la stérilité, et toute la lutte à l’échec.
L’épisode de la lutte pour le suffrage universel qui vient de se terminer représente un tournant dans le mouvement ouvrier belge.
Pour la première fois en Belgique, le parti socialiste entre dans la lutte, lié au Parti libéral par un compromis formel, et, tout comme la fraction ministérialiste du socialisme français allié au radicalisme, il se trouva dans la situation de Prométhée enchaîné.
Nos camarades sauront-ils ou non se libérer de l’étreinte étouffante du libéralisme ?
De la solution de cette question dépend, nous n’hésitons pas à le dire, l’avenir du suffrage universel en Belgique et du mouvement ouvrier en général. »
La Belgique n’a pas connu de révolution démocratique authentique, mais des multiples réformes accompagnant le développement du capitalisme. Le clergé et la religion se sont toujours maintenus, possédant un prestige certain après la séparation de la Hollande, dont le roi était protestant.
A cela s’ajouta un vaste mouvement romantique célébrant la « guerre des paysans » flamands contre l’occupant napoléonien, présentant la Belgique comme un bastion catholique dont les meilleurs défenseurs étaient la paysannerie flamande.
Or, cela se situait dans un contexte explosif, dans la mesure où la nation belge est née à travers le catholicisme et un processus de recatholicisation, la Peinture baroque flamande exprimant de manière ainsi contradictoire l’apologie de la religion et les traits nationaux belges naissants.
Cela se lit également parfaitement dans la position de Hendrik Conscience, premier véritable auteur flamand et considéré comme « celui qui a appris à lire à son peuple », dont l’oeuvre la plus connue est Le Lion des Flandres.
Lorsqu’il publia son premier ouvrage en 1837, In ‘t Wonderjaer (En l’année merveilleuse 1566), il racontait la lutte contre l’oppresseur espagnol et l’inquisition catholique. Mais les réimpressions supprimèrent toute critique du catholicisme, ce dernier ayant pris la tête idéologique de la paysannerie flamande.
Le libéralisme était présenté comme le « parti de la France » et la paysannerie flamande se voyait faire miroiter le moyen-âge idéalisé, le retour à la langue flamande et uniquement à elle étant présenté comme la seule solution pour avancer socialement et culturellement.
Cela était d’autant plus aisé que le français était devenu la langue des villes, ainsi que de toute la bourgeoisie, wallonne comme flamande. La reconnaissance administrative de la langue flamande, parlée par la majeure partie du peuple, était ainsi très lente, voire mise franchement de côté.
Ce mouvement en arrière-plan jouait un rôle fondamental dans la diffusion de la religion et d’un anticapitalisme romantique idéalisant le moyen-âge, contredisant les apparences de partis clérical, libéral et socialiste unifié.
Face aux revendications flamandes, dont la base était démocratique, mais l’expression réactionnaire, la bourgeoisie n’hésita pas à promouvoir la logique de la division, de la séparation, craignant que les revendications faites ne l’affaiblissent.
Cette tendance fut exprimée, en 1912, dans la lettre du libéral devenu « socialiste » Jules Destrée au roi Albert Ier. On y lit entre autres :
« Veuillez oublier tout d’abord, Sire, que celui qui ose ainsi s’adresser à Vous est un député socialiste. Ce que je veux Vous dire, un catholique, un libéral pourrait Vous le dire, comme moi (…).
Laissez-moi Vous dire la vérité, la grande et horrifiante vérité : il n’y a pas de Belges. J’entends par là que la Belgique est un Etat politique, assez artificiellement composé, mais qu’elle n’est pas une nationalité. Elle date de 1830 (…).
La Flandre est, en grande majorité agricole ; la Wallonie est, en grande majorité, industrielle (…). La Flandre est en grande majorité catholique et, parfois, assez agressivement et bassement catholique ; en Wallonie, au contraire, la foi n’est plus guère qu’une habitude et les libres penseurs sont très nombreux (…).
Une seconde espèce de Belges s’est formée dans le pays, et principalement à Bruxelles. Mais elle est vraiment peu intéressante. Elle semble avoir additionné les défauts des deux races, en perdant leurs qualité. Elle a pour moyen d’expression, un jargon innommable dont les familles Beulemans et Kakebroek ont popularisé la drôlerie imprévue [il s’agit de personnages de l’écrivain Léopold Courouble]. Elle est ignorante et sceptique. Elle a pour idéal un confortable médiocre (…).
Non, Sire, il n’y a pas d’âme belge. La fusion des Flamands et des Wallons n’est pas souhaitable, et, la désrât-on, qu’il faut encore constater qu’elle n’est pas possible (…).
Ils [les Flamands] nous ont pris notre passé (…). Lorsque nous songeons au passé, ce sont les grands noms de Breydel, de Van Artevelde, de Marnix, de Anneessens qui se lèvent dans notre mémoire. Tous sont des Flamands ! Nous ignorons tout de notre passé wallon (…).
Ils nous ont pris nos artistes (…). Ils nous ont pris les emplois publics (…). Ils nous ont pris notre argent (…). Ils nous pris notre sécurité (…). Ils nous ont pris notre liberté (…). Ils nous ont pris notre langue (…). Le Flamand ne recule jamais. Il a la douce obstination du fanatisme. »
Le régime politique de la Belgique était une monarchie parlementaire permettant au capitalisme de se développer librement, tout en maintenant un clergé puissant et une monarchie dont le roi Léopold II fut le chef de l’initiative de coloniser de manière meurtrière le Congo, à la fin du 19e siècle.
Dans leur ouvrage publié dans le cadre de la social-démocratie en 1911 sur Le mouvement ouvrier en Belgique, Henri de Man et Louis de Brouckère parlèrent ainsi de « mystère belge », qu’ils résument ainsi :
« La Belgique est un pays économiquement très largement avancé, mais culturellement très en retard. C’est le pays le plus industriel du monde, mais il est dirigé par un parti clérical-agraire (…).
Nulle part ailleurs n’est le Parti Socialiste composé aussi exclusivement composé d’éléments prolétariens, mais l’esprit qui les domine ici est dans une certaine mesure encore plus petit-bourgeois que par exemple en France. »
Il est intéressant de voir que, par la suite, Henri de Man devint un adepte du « néo-socialisme » et soutiendra l’Allemagne nazie, alors que Louis de Brouckère prônera une union économique dite du BENELUX (Belgique, Nederland, Luxembourg), dans l’esprit de la future Union Européenne qui prendra justement par la suite Bruxelles comme capitale.
Tant chez Henri de Man que chez Louis de Brouckère, l’idée était qu’il fallait profiter d’un élan extérieur pour parvenir à dépasser les localismes et les particularismes propres à la Belgique et dues à l’anticapitalisme romantique renforçant tant le clergé que des structures locales dans l’esprit du moyen-âge.
Ce raisonnement fut effectué également et inversement par des forces ultras-catholiques liées à la Wallonie et représentées par le rexisme de Léon Degrelle, ainsi que par des forces pro-Pays-bas comme le Verdinaso de Joris van Severen en faveur d’une « Grande-Néerlande », et les forces séparatistes flamandes liées au VNV (Ligue nationale flamande).
Contrairement aux thèses de l’historien bourgeois Henri Pirenne, auteur de sept tomes prétendant faire de la Belgique une « civilisation nationale » née à la suite de Charlemagne, la Belgique est née avec l’établissement de la base capitaliste temporairement freinée par l’intervention espagnole.
Cette naissance a été incapable d’affirmer le cadre national en raison des rapports historiques avec Joseph II et Napoléon et la conséquence a été un profond développement inégal, la division entre villes et campagnes s’accentuant aux dépens de la paysannerie flamande.
Les revendications démocratiques flamandes ont été cependant incapables de s’exprimer autrement que par des déformations idéalistes-séparatistes (Vlaams Blok, Vlaams Belang notamment) ou un basisme ultra-démocratique (AMADA, PTB notamment), permettant au libéralisme wallon de se maintenir au moyen de la ville de Bruxelles comme le garant de l’unité historique.
Le clergé, encore rémunéré par l’État à hauteur de pratiquement cent millions d’euros par an, accompagne cette stabilisation du régime à travers une instabilité notamment provoquée par le jeu des puissances impérialistes voisines, cherchant à satelliser la Belgique. Il est intéressant de voir que dans le domaine du cyclisme, l’entreprise ASO possédant le Tour de France soit approprié précisément les classiques Liège-Bastogne-Liège et la Flèche Wallonne.
Le séparatisme au service d’une satellisation, le maintien passif du régime dans le cadre de l’Union Européenne… ne masquent pas les besoins historique d’une unification démocratique, passant par la séparation entière de l’État et de la religion, le dépassement des clivages administratifs par l’unification juridique passant par un bilinguisme absolu et systématique.
La bourgeoisie ayant échoué dans cette tâche, elle revient au socialisme. Les communistes doivent se fonder sur l’échec de 1950, lorsque malgré un mouvement des masses très important, le régime s’est maintenu alors que sa crédibilité avait été perdue. Ce maintien réactionnaire passa par le meurtre, en août 1950, du dirigeant communiste Julien Lahaut, une semaine après la cérémonie où le roi Baudouin vint prêter serment au Parlement alors que les communistes l’accueillaient aux cris de « vive la République ! ».
Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste [Belgique]
1er septembre 2016