DISCOURS D’ANDREI JDANOV AU PREMIER CONGRES DES ÉCRIVAINS SOVIÉTIQUES (1934)

Au nom du Comité central du Parti communiste (bolchévik) de l’Union soviétique et du Conseil des commissaires du peuple de l’URSS, permettez-moi de transmettre au premier Congrès des écrivains soviétiques et à travers lui à tous les écrivains de notre Union soviétique, avec à leur tête le grand écrivain prolétarien Alexis Maximovitch Gorki, notre ardent salut bolchévik.

Camarades, votre Congrès se réunit dans une situation où les difficultés essentielles qui se trouvaient devant nous sur la voie de la construction socialiste sont déjà surmontées, où notre pays a achevé la construction des fondations de l’économie socialiste, qui est liée à la victoire de la politique d’industrialisation et de construction des sovkhoz et des kolkhoz.

Votre Congrès se réunit dans une période où sous la direction du Parti communiste, sous la conduite géniale de notre grand chef et maître, le camarade Staline, le mode socialiste de production a triomphé définitivement et sans retour dans notre pays. D’étape en étape, de victoire en victoire, du feu de la guerre civile à la période de rétablissement et de la période de rétablissement à la reconstruction socialiste de toute l’économie nationale, notre Parti a mené le pays à la victoire sur les éléments capitalistes, refoulant ceux-ci de tous les secteurs de l’économie nationale.

L’URSS est devenue un pays industriel avancé et le pays de la plus grande agriculture socialiste dans le monde. L’URSS est devenue le pays de la culture socialiste d’avant-garde, le pays dans lequel se déploie et grandit en couleurs luxuriantes notre culture soviétique.

Conséquence de la victoire du régime socialiste, la liquidation des classes parasitaires, la liquidation du chômage, la liquidation du paupérisme à la campagne, la liquidation des taudis urbains ont été réalisées. La physionomie du pays soviétique s’est complètement modifiée. Et la conscience des gens s’est également modifiée, de manière radicale. Les « grands hommes », chez nous, ce sont maintenant les constructeurs du socialisme, les ouvriers et les kolkhoziens.

Le renforcement de la situation extérieure et intérieure de l’Union soviétique va de pair avec les victoires du socialisme dans notre pays ; son autorité et son influence internationales grandissent, comme grandit aussi son rôle de brigade de choc du prolétariat international, de rempart puissant de la prochaine révolution prolétarienne mondiale.

Le camarade Staline, au XVIIe Congrès du Parti, a fait une analyse géniale, inégalée, de nos victoires et de leurs conditions, de notre situation dans le temps présent, et il a indiqué le programme du travail ultérieur pour l’achèvement de la construction de la société socialiste sans classes. Le camarade Staline a fait une analyse exhaustive des secteurs retardataires de notre travail et des difficultés contre lesquelles notre Parti et sous sa direction des millions d’hommes de la classe ouvrière et de la paysannerie kolkhozienne luttent sans relâche, jour après jour, pour les surmonter.

Il nous faut surmonter à tout prix le retard de secteurs aussi importants de l’économie nationale que les transports ferrés et fluviaux, la circulation des marchandises, les métaux non ferreux. Il nous faut développer notre travail pour étendre l’élevage, un des secteurs les plus importants de notre agriculture socialiste.

Le camarade Staline a mis à nu les causes de nos difficultés et de nos insuffisances. Elles découlent du retard du travail pratique d’organisation par rapport aux exigences de la ligne politique du Parti et des besoins qu’impose la réalisation du deuxième plan quinquennal. Voilà pourquoi le XVIIe Congrès de notre Parti a affirmé dans toute son ampleur la nécessité d’élever notre travail d’organisation au niveau de tâches politiques grandioses qui s’offrent à nous. Le Parti, sous la direction du camarade Staline, organise les masses dans la lutte pour la liquidation définitive des éléments capitalistes, pour l’extirpation des survivants du capitalisme dans l’économie et dans la conscience des gens, pour l’achèvement de la reconstruction technique de l’économie nationale. Extirper les survivances du capitalisme dans la conscience des gens, cela signifie lutter contre tous les restes de l’influence bourgeoise sur le prolétariat, contre le relâchement, la frivolité, la fainéantise, l’indiscipline et l’individualisme petit-bourgeois, la cupidité et le manque de conscience à l’égard de la propriété collective.

Nous avons en main une arme sûre pour surmonter les difficultés qui se trouvent sur notre chemin. Cette arme c’est la doctrine grandiose et invincible de Marx, Engels, Lénine et Staline, qu’incarne la vie de notre Parti et des soviets.

La grande cause de Marx, Engels, Lénine et Staline a vaincu. Et c’est justement à la victoire de cette cause que nous devons la réunion ici du premier Congrès des écrivains soviétiques. Sans cette victoire, notre Congrès n’aurait pas eu lieu. Un congrès comme celui-ci, personne d’autre que nous, les bolchéviks, ne peut le réunir.

Les succès de la littérature soviétique sont conditionnés par les succès de la construction socialiste. Sa croissance est l’expression des succès et des réalisations de notre régime socialiste.

Notre littérature est la plus jeune de toutes les littératures de tous les peuples et de tous les pays. En même temps, elle est la littérature la plus riche de contenu, la plus avancée et la plus révolutionnaire. Il n’y a pas et il n’y a jamais eu de littérature, en dehors de la littérature soviétique, qui ait mobilisé les travailleurs et les opprimés dans la lutte pour l’anéantissement définitif de toute exploitation et du joug de l’esclavage salarié. Il n’y a pas et il n’y a jamais eu de littérature qui mette à la base des thèmes de ses productions la vie de la classe ouvrière et de la paysannerie et leur lutte pour le socialisme. Il n’y a nulle part ailleurs, dans aucun autre pays du monde, une littérature qui défende et soutienne l’égalité en droits des travailleurs de toutes les nations, qui soutienne l’égalité en droits des femmes. Et il n’y a pas et il ne peut y avoir dans un pays bourgeois une littérature qui se dresse de manière conséquente contre tout obscurantisme, tout mysticisme, toute bigoterie et diablerie, comme le fait notre littérature.

Seule la littérature soviétique, qui est la chair et le sang de notre construction socialiste, pouvait devenir et est devenue réellement aussi avancée, riche de contenu, révolutionnaire.

Les écrivains soviétiques ont déjà créé pas mal d’œuvres de talent qui dépeignent la vie de notre pays soviétique avec exactitude et vérité. Il y a déjà une série de noms dont nous avons le droit d’être fiers. Sous la direction du Parti, sous la direction attentive et quotidienne du Comité central, avec le soutien et l’aide inlassables du camarade Staline, la masse entière des écrivains soviétiques s’est unie autour du pouvoir soviétique et du parti. Et voilà qu’à la lumière des succès de notre littérature soviétique, l’opposition entre notre régime, le régime socialiste vainqueur, et le régime du capitalisme agonisant et pourrissant apparaît encore plus grande et plus tranchée.

Que peut écrire l’écrivain bourgeois, à quoi peut-il rêver, quel enthousiasme peut entraîner ses pensées et où prendra-t-il, cet enthousiasme, lorsque l’ouvrier dans les pays capitalistes n’a pas la certitude du lendemain, qu’il ne sait pas s’il travaillera demain, que le paysan ne sait pas s’il travaillera demain sur son lopin de terre ou s’il en sera chassé par la crise capitaliste, que le travailleur intellectuel est aujourd’hui sans travail, et ne sait s’il en aura demain ?

Que peut écrire l’écrivain bourgeois, de quel enthousiasme peut-il être question pour lui, lorsque le monde, du jour au lendemain, peut-être à nouveau précipité dans le gouffre d’une nouvelle guerre impérialiste ?

La situation présente de la littérature bourgeoise est telle qu’elle ne peut déjà plus créer de grandes œuvres. Le déclin et la corruption de la littérature bourgeoise, qui découlent du déclin et de la corruption du régime capitaliste, se présentent comme le trait caractéristique, comme la particularité caractéristique de l’état de la culture bourgeoise et de la littérature bourgeoise dans le temps présent. Les temps sont révolus sans retour où la littérature bourgeoise reflétant les victoires de la société bourgeoise sur la féodalité, pouvait créer les grands œuvres de la période d’essor du capitalisme. Il se produit maintenant une dégénérescence générale de ses thèmes et de ses talents, de ses auteurs et de ses héros.

Possédé par une peur mortelle de la révolution prolétarienne, le fascisme s’attaque à la culture, il fait retourner l’humanité aux périodes les plus barbares et les plus sinistres de l’histoire, il brûle sur les bûchers, il anéantit sauvagement les productions des plus grands esprits.

Le déchaînement du mysticisme et du cléricalisme, l’engouement pour la pornographie sont caractéristiques du déclin et de la corruption de la culture bourgeoise. Les « célébrités » de la littérature bourgeoise, de cette littérature bourgeoise qui a vendu sa plume au capital, sont aujourd’hui les voleurs, les mouchards, les prostitués, les voyous.

Tout cela est caractéristique de cette partie de la littérature bourgeoise qui s’efforce de cacher la corruption de la société bourgeoise, qui essaye vainement de démontrer qu’il ne s’est rien passé, que tout va pour le mieux dans le « royaume de Danemark » et que rien n’est en train de pourrir dans la société capitaliste. Les représentants de la littérature bourgeoise qui ressentent le plus vivement cet état de choses sont envahis par le pessimisme, l’incertitude du lendemain, le goût des ténèbres ; ils préconisent le pessimisme comme théorie et pratique de l’art. Et seul un petit nombre d’écrivains, les plus honnêtes et les plus clairvoyants, essaient de trouver une issue sur d’autres chemins, dans d’autres directions, et de lier leur sort à celui du prolétariat et de sa lutte révolutionnaire.

Le prolétariat des pays capitalistes forme déjà l’armée de ses écrivains et de ses artistes, de ces écrivains révolutionnaires dont nous sommes aujourd’hui heureux de saluer les représentants au premier Congrès des écrivains soviétiques. La phalange des écrivains révolutionnaires dans les pays capitalistes n’est pas encore bien grande, mais elle s’étend et s’étendra de jour en jour à mesure que s’accentue la lutte de classes et que croissent les forces de la révolution prolétarienne mondiale.

Nous croyons fermement que la dizaine de camarades étrangers qui sont ici présents constitue le noyau et le germe de la puissante armée des écrivains prolétariens que créera la révolution prolétarienne mondiale au-delà de nos frontières.

Ainsi vont les choses dans les pays capitalistes. Il n’en est pas de même chez nous. Notre écrivain socialiste soviétique puise les matériaux de sa production artistique, ses sujets, ses images, sa langue et son style dans la vie et l’expérience des hommes du Dniéprostroï et de Magnitogorsk. Notre écrivain puise ses matériaux dans l’épopée héroïque du Tchéliouskine, dans l’expérience de nos kolkhoz, dans l’activité créatrice qui sourd en chaque endroit de notre pays.

Dans notre pays, les principaux héros des œuvres littéraires, ce sont les bâtisseurs actifs de la vie nouvelle : ouvriers et ouvrières, kolkhoziens et kolkhoziennes, membres du Parti, administrateurs, ingénieurs, jeunes communistes, pionniers. Les voilà, les types fondamentaux et les héros essentiels de notre littérature soviétique. L’enthousiasme et la passion de l’héroïsme imprègnent notre littérature. Elle est optimiste, mais pas du tout par une sorte d’instinct animal foncier. Elle est optimiste dans son essence, parce qu’elle est la littérature de la classe ascendante, du prolétariat, la seule classe progressive, d’avant-garde. La force de notre littérature soviétique, c’est qu’elle sert la cause nouvelle, la cause de la construction du socialisme.

Le camarde Staline a appelé nos écrivains les « ingénieurs des âmes ». Qu’est-ce que cela signifie ? Quelles obligations vous impose ce titre ?

Cela veut dire, tout d’abord, connaître la vie afin de pouvoir la représenter véridiquement dans les oeuvres d’art, la représenter non point de façon scolastique, morte, non pas simplement comme la « réalité objective », mais représenter la réalité dans son développement révolutionnaire.

Et là, la vérité et le caractère historique concret de la représentation artistique doivent s’unir à la tâche de transformation idéologique et d’éducation des travailleurs dans l’esprit du socialisme. Cette méthode de la littérature et de la critique littéraire, c’est ce que nous appelons la méthode du réalisme socialiste.

Notre littérature soviétique ne craint pas d’être accusée d’être tendancieuse. Oui, la littérature soviétique est tendancieuse car il n’y a pas et il ne peut y avoir, à l’époque de la lutte des classes, de littérature qui ne soit une littérature de classe, qui ne soit tendancieuse, qui soit apolitique.

Et je pense que chaque écrivain soviétique peut dire à n’importe quel bourgeois obtus, à n’importe quel philistin, à n’importe quel écrivain bourgeois qui lui parlerait du caractère tendancieux de notre littérature : « Oui, notre littérature soviétique est tendancieuse, et nous en sommes fiers parce que notre tendance, c’est que nous voulons libérer les travailleurs et tous les hommes du joug de l’esclavage capitaliste ».

Etre ingénieur des âmes, cela veut dire avoir deux pieds sur le sol de la vie réelle. Et cela signifie à son tour de rompre avec le romantisme à la vieille manière, avec le romantisme qui représentait une vie inexistante et des héros inexistants, qui faisait s’évader le lecteur des contradictions et du joug de la vie dans un monde chimérique, dans un monde d’utopie. A notre littérature, qui a les deux pieds posés sur de solides fondations socialistes matérialistes, le romantisme ne peut être étranger, mais c’est un romantisme de type nouveau, le romantisme révolutionnaire. Nous disons que le réalisme socialiste est la méthode fondamentale de la littérature et de la critique littéraire soviétique, mais cela suppose que le romantisme révolutionnaire doit entrer dans la création littéraire comme une de ses parties constituantes, car toute la vie de notre Parti, toute la vie de la classe ouvrière et son combat reviennent à unir le travail politique le plus sévère, le plus raisonné à un héroïsme et à des perspectives grandioses. Notre Parti a toujours été fort parce qu’il unissait et unit l’esprit pratique le plus vigoureux avec les perspectives les plus vastes, avec la marche continue vers l’avenir, avec la lutte pour la construction de la société communiste. La littérature soviétique doit savoir représenter nos héros, elle doit savoir regarder vers nos lendemains. Et ce n’est pas là faire preuve d’utopie, car nos lendemains se préparent aujourd’hui déjà par un travail conscient et méthodique.

On ne peut être ingénieur des âmes si on ne connaît pas la technique de l’art littéraire, et là, il est nécessaire de noter que la technique de l’écrivain possède une série de particularités qui lui sont spécifiques.

Vos armes sont nombreuses. La littérature soviétique a toutes les possibilités d’utiliser ces armes de toutes sortes (genres, styles, formes et procédés de la création littéraire) dans leur diversité et leur intégralité, en choisissant le meilleur de ce qui a été créé dans ce domaine par toutes les époques précédentes. De ce point de vue, la maîtrise de la technique, l’assimilation critique de l’héritage littéraire de toutes les époques constituent la tâche sans l’accomplissement de laquelle vous ne pourrez devenir des ingénieurs des âmes.

Camarades, de même que dans d’autres domaines de la culture matérielle et spirituelle, le prolétariat est l’unique héritier de tout ce qu’il y a de meilleur dans le trésor de la littérature mondiale. La bourgeoisie a dilapidé l’héritage littéraire, notre devoir est de le rassembler, de l’étudier et, l’ayant assimilé de manière critique, de nous porter en avant.

Etre ingénieur des âmes, cela veut dire lutter activement pour une langue riche, pour des œuvres de qualité. Notre littérature ne répond pas encore aux besoins de notre époque. Ses faiblesses reflètent le retard de la conscience sur l’économie, dont, il va sans dire, nos écrivains ne sont pas indépendants. C’est pourquoi, un travail inlassable sur eux-mêmes et sur leur équipement idéologique dans l’esprit du socialisme est la condition indispensable sans laquelle les écrivains soviétiques ne pourront rééduquer la conscience de leurs lecteurs et se faire ainsi les ingénieurs des âmes.

Nous avons besoin d’une parfaite maîtrise de l’art littéraire et, sous ce rapport, l’aide qu’Alexis Maximovitch Gorki apporte au Parti et au prolétariat, dans leur lutte pour une littérature de qualité et pour une langue riche, est inestimable.

Ainsi, les écrivains soviétiques voient toutes les conditions réunies pour qu’il leur soit possible de faire des œuvres qui soient, comme on dit, à l’unisson de l’époque, des œuvres où les contemporains puisent des leçons et qui soient l’orgueil des générations à venir.

Toutes les conditions sont créées pour que la littérature soviétique puisse se donner des œuvres qui répondent aux besoins accrus des masses sur le plan de la culture. Notre littérature et elle seule, a la possibilité de se lier aussi étroitement à ses lecteurs, à la vie des travailleurs, comme c’est le cas dans l’Union de Républiques socialistes soviétiques. Le présent Congrès est particulièrement significatif à cet égard. Il a été préparé non seulement par les écrivains, mais par tout le pays avec eux. Dans cette préparation, se sont brillamment exprimés l’amour et l’attention dont le Parti, les ouvriers et la paysannerie kolkhozienne entourent les écrivains soviétiques, la délicatesse et en même temps les exigences dont la classe ouvrière et les kolkhoziens font preuve à l’égard des écrivains soviétiques. Il n’y a que dans notre pays que la littérature et l’écrivain soient l’objet d’une telle estime.

Organisez donc les travaux de votre Congrès et, à l’avenir, le travail de l’Union des écrivains soviétiques de façon que l’activité créatrice des écrivains réponde aux victoires remportées par le socialisme.

Faites des œuvres d’une maîtrise parfaite et d’un contenu idéologique et artistique élevé.

Soyez les organisateurs les plus actifs de la rééducation de la conscience des gens dans l’esprit du socialisme.

Soyez aux premiers rangs des combattants pour la société socialiste sans classes.

(Ed. de la Nouvelle Critique, 1950 et « Théâtre et Révolution », Maspero, 1971)


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