Une des thèses fondamentales soutenues dans la « résolution stratégique » de février 1978 est la suivante : « Le moyen par lequel l’impérialisme a toujours historiquement résolu ses crises périodiques de surproduction est la guerre.
En effet la guerre permet avant tout aux puissances impérialistes victorieuses d’élargir leur base productive aux dépens des vaincus.
Mais surtout, qui dit guerre dit destruction de capitaux, de marchandises, de force de travail et donc la possibilité d’une reprise du cycle économique pour une période de temps assez longue. Dans cette phase, le drame récurrent de la production capitaliste se présente de nouveau à l’impérialisme : étendre sa zone d’influence pour pouvoir élargir sa base productive.
En effet, rester plus longtemps « confiné » dans l’aire occidentale, signifie pour l’impérialisme accumuler des contradictions toujours plus déchirantes : la concentration des capitaux croît de façon accélérée, le taux de profit atteint des valeurs très basses ; la base productive se restreint de plus en plus, le chômage augmente de façon inquiétante.
A de brefs et apparents moments de reprise succèdent immanquablement des phases de récession toujours plus graves et ainsi se détermine, de fait, un processus de crise permanente (ces dernières années le démontrent amplement).
La nécessité toujours plus impérative d’élargir sa zone d’influence se pose donc à l’impérialisme. Mais cet élargissement ne peut se réaliser qu’aux dépens du social-impérialisme (l’URSS et les pays du pacte de Varsovie) et conduit donc de façon inévitable à l’affrontement USA-URSS.
Dans cette phase où la crise, par le niveau de gravité qu’elle a atteint, jette le système impérialiste dans une situation extrêmement critique, la tendance à la guerre revêt un caractère central, aussi bien pour le devenir des contradictions inter-impérialistes que pour l’approfondissement des contradictions de classe.
Les forces révolutionnaires doivent donc être capables de placer leur pratique à l’intérieur de cette perspective.
Il faut avant tout, tirer au clair cette illusion passée et présente au sein du mouvement révolutionnaire international qui considère le « camp socialiste » comme la ligne arrière des armées révolutionnaires surgissant dans la métropole impérialiste et qui subordonne de fait la stratégie de ces dernières à la stratégie mondiale du « camp socialiste ».
C’est un fait que le mythique « camp socialiste » tire (depuis de nombreuses années) ses racines matérielles d’une réalité qui n’a rien de socialiste : le capitalisme d’Etat soviétique et ses alliés, dans leur phase social-impérialiste.
Une position stratégique de ce genre, par ailleurs, est certainement possible et même praticable ; de plus, il ne faut pas négliger le fait que certains secteurs révisionnistes dans notre pays restent, plus ou moins clandestinement, liés à celle-ci.
Mais, ceci dit, il n’en reste pas moins qu’il ne s’agit plus là de révolution communiste.
Nous voulons être très explicites sur ce point : impérialisme et social-impérialisme sont deux variantes spécifiques du mode de production capitaliste dans cette phase : capitalisme privé et capitalisme d’Etat.
Ils forment un système impérialiste, où se trouve à la fois unité et contradiction : unité dans le mode de production capitaliste, contradiction entre ses formes d’existence géographiquement et historiquement déterminées.
Si donc les forces révolutionnaires peuvent et doivent mettre à profit les espaces ouverts par le devenir de la lutte inter-impérialiste et de la contradiction entre impérialisme et social-impérialisme, cela ne doit en aucun cas se traduire par une quelconque forme de collusion avec l’un pour combattre l’autre.
Ces deniers temps, on peut déjà déceler les premiers positionnements pour la troisième guerre mondiale inter-impérialiste.
Qu’est-ce d’autre, en effet, que les aventure africaines de Moscou, de Paris (plus discrètes mais non moins efficaces) et l’appui occidental renouvelé à l’Afrique du Sud raciste ?
Et la concentration massive d’armes et de troupes dans tout le Moyen-Orient ; depuis l’invasion soviétique en Afghanistan, jusqu’au soutien américain croissant au sionisme et au fantoche Sadate et à l’envoi de troupes dans toute la péninsule arabe !?
Et l’accroissement de la tension en Extrême-Orient, depuis l’invasion du Cambodge jusqu’à la suspension du retrait américain en Corée du Sud !?
Et la préparation de corps spéciaux d’invasion, aux USA, en France et ailleurs !?
Et le réarmement vertigineux en Europe, à l’Est comme à l’Ouest !?
Et les menaces d’invasion explicites, proférées par le ministre de la guerre des USA, avec l’incursion ratée en Iran !?
Il n’y a qu’une conclusion : le processus de la troisième guerre mondiale a déjà commencé. La tâche des communistes est donc de se placer dans cette perspective.
La précipitation de la crise accélérant encore cette dynamique, nous devons poser rapidement de problème aussi, au centre de notre attention, de notre analyse, de notre intervention.
Il faut cependant faire très attention de ne pas tomber dans le catastrophisme ni dans l’immédiatisme. Il est nécessaire d’approfondir l’analyse marxiste de la réalité.
Toutes les guerres présentent des caractéristiques fondamentales qui dépendent : – du type de contradictions qui les déterminent ; – du niveau atteint par les forces productives ; – des forces en jeu. Eclaircissons tout de suite un point : ce qui caractérise la phase actuelle par rapport au conflit 39-45 n’est pas tant la puissance des moyens de destruction que l’extension désormais mondiale de la guerre de classe, la présence de la guérilla communiste, et l’existence de conditions favorables à son développement dans toutes les parties du monde et en particulier dans les métropoles.
Ceci a une importance décisive : en effet pendant la seconde Guerre Mondiale aussi, la capacité destructive était énorme. Les gaz toxiques et les armes bactériologiques (diffusion artificielle de maladies très graves) étaient déjà très au point.
Mais à quelques exceptions sporadiques près à la fin du conflit, elle ne furent pratiquement pas utilisées. Même les deux bombes atomiques lâchées par les américains sur le Japon doivent être considérées comme le coup d’envoi, sans risque, de la guerre froide avec l’URSS, plutôt que comme la fin de la seconde Guerre Mondiale.
Et ceci, naturellement, non par la bonté d’âme des diverses bourgeoisies en lutte, mais parce que cela aurait signifié le déplacement des termes de l’affrontement sur le terrain de l’anéantissement généralisé qui les aurait impliqué inévitablement, au lieu de permettre la redéfinition des rapports de force entre elles par la destruction de prolétaires et de moyens de production en quantité, favorisant ainsi la reprise ultérieure du cycle de l’accumulation capitaliste.
Ainsi aujourd’hui, les accords entre grandes puissances sur l’utilisation des armes nucléaires, en particulier les armes orbitales (contre lesquelles pratiquement aucune contre-mesure n’est possible) répondent à cette exigence de maintenir la contradiction dans ses termes réels : une confrontation- affrontement pour la redéfinition permanente des sphères respectives d’influence, en évitant cependant le risque d’anéantissement réciproque et de destruction totale.
Evidemment, par le fait même que de tels moyens de destruction existent, on ne peut exclure absolument ce risque, mais aucune classe n’a de penchant réel pour le suicide.
La bourgeoisie non plus ; même si, pour exorciser ses peurs, il lui arrive de les mettre en scène au cinéma et dans les livres de politique-fiction.
C’est dans ce contexte, qui n’a pas changé de façon substantielle ces quarante dernières années, que s’insère un élément qualitativement nouveau : la guerre de classe à l’échelle mondiale.
L’impérialisme a commencé à s’embourber dans les sables mouvants de la défaite.
Tous ses mouvements, toutes ses expéditions, toutes ses manoeuvres répressives se retournent contre lui, l’enfoncent toujours plus, lui ouvrent de nouvelles contradictions.
Tout cela réduit progressivement sa capacité de mouvement et diminue son pouvoir d’intimidation même sur les pays et les peuples les plus petits, comme le Nicaragua.
Il y a 40 ans, sur le front intérieur, la plupart des pays, en particulier les plus puissants, étaient complètement pacifiés, et dans les autres, les forces prolétariennes se trouvaient sous la direction d’une fraction de la bourgeoisie contre une autre.
Aujourd’hui le font intérieur est l’objet d’inquiétudes dans les congrès internationaux et la guerre de classe enlève à la bourgeoisie impérialiste, jour après jour, son sommeil et sa vie.
Nous sommes arrivés au point où le risque d’une « insurrection du pétrole » est passé si près des USA que Carter a pris le risque de couler l’économie de ses alliés (avec les subventions aux importations de pétrole brut), à seule fin d’éloigner, même un peu, ce spectre.
Mais c’est justement la puissante reprise du mouvement prolétarien dans les métropoles ces dernières années, qui s’est chargé d’enlever de nombreuses illusions de la tête des bourgeois.
La guerre de classe n’avance pas dans la périphérie de leur sphère d’influence, comme en Italie, en Turquie, en Espagne, en Corée du Sud.
Mais c’est désormais en son coeur même qu’explosent les contradictions.
La Grande-Bretagne, la France, les USA, la Suède, la Suisse et même la très militarisée et très informatisée RFA, sont secouées par des mouvements très durs et incontrôlables.
Des sidérurgistes lorrains aux Noirs de Miami et de Bristol ; des sympathisants de la RAF de Brême ou Berlin aux métallurgistes anglais ; des mineurs et des « chicanos » américains jusqu’aux nouvelles figures du prolétariat, fils des métropoles et de la crise à Zurich comme à Stockholm ; ainsi se constitue partout, maillon après maillon, la chaîne prolétarienne qui entravera, immobilisera, étouffera le monstre impérialiste.
La censure préventive et l’inoculation scientifique de mensonges par les mass-média ne parviendra plus à dissimuler la réalité des avant-gardes armées et des grands mouvements de masse qui convergent, se dialectisent et donnent vie toujours plus souvent à de puissants mouvements de masse tendanciellement armés et s’organisent sur le terrain du pouvoir.
Voilà l’élément nouveau qui conditionnera toujours plus la marche vers la troisième guerre inter-impérialiste.
Avec la guerre de classe qui s’étend à l’intérieur de tous les pays, quelle bourgeoisie pourra se permettre d’affronter un conflit prolongé ?
D’engager toutes ses ressources dans une guerre extérieure, d’armer des millions de prolétaires ? Aucune !
Combien d’interventions contre d’autres peuples, sans solution à très court terme et sans la possibilité d’un engagement minimum de forces, pourront résister à l’usure d’une guérilla intérieure et extérieure ? Aucune !
Et en effet, les caractères spécifiques des conflits actuels commencent à se dessiner : escarmouches, incursions limitées ou temporaires, opérations de corps sur-spécialisés, etc…
L’emploi des soldats du contingent est toujours plus limité, alors que se généralise l’utilisation de troupes de carrière : véritables mercenaires de l’époque moderne.
Toutes ces spécificités pourront se modifier avec le temps. Mais ce sera toujours la contradiction principale, celle qui oppose le prolétariat à la bourgeoisie, qui les déterminera.
L’élément décisif du conflit sera toujours la guerre de classe, la force du prolétariat.
Dans cette situation, la tâche des forces révolutionnaires du monde entier, notre tâche, est de mettre ne pratique une fois de plus le mot d’ordre léniniste : « Transformer la guerre impérialiste en guerre de classe ! »
L’Etat italien est désormais prisonnier de cette inexorable logique de guerre. L’Italie, en tant que partie intégrante du front militaire impérialiste dont l’OTAN est le moteur principal, a une importance fondamentale.
Ceci aussi bien par sa place centrale dans l’échiquier méditerranéen que par son rôle de charnière sur le versant Sud-Est de l’Europe occidentale.
Tout le développement du potentiel guerrier italien, dès les premières années de l’après- guerre, s’est effectué sous l’égide de l’OTAN et de sa composante la plus puissante : les USA.
L’OTAN, avec sa puissance politico-militaire tentaculaire et pénétrante, est le trait d’union de la politique belliciste de l’impérialisme des multinationales dans l’échiquier stratégique de notre pays.
Fondée sur la base d’un traité en 1949, l’OTAN est une organisation supra-nationale de défense militaire des intérêts économiques et politiques de la structure économique et productive multinationale qui s’est développée dans la zone occidentale de l’Europe au cours de ces années précisément.
Elle se propose d’impulser et de favoriser l’intégration économico-socio-culturelle des nations qui en font partie, sous la domination des pays les plus forts bien sûr.
En particulier, cette armée multinationale de la contre- révolution impérialiste tend à construire et à renforcer un système global de défense qui, autrement, serait dispersé en divers échiquiers géographiques séparés et confiés à de simples forces nationales.
Dans la zone méditerranéenne, l’OTAN a entrepris depuis sa naissance l’édification d’une chaîne défensive englobant les points névralgiques, de l’Espagne à la Turquie.
Le rôle joué par l’Italie dans cette chaîne défensive est clair : celui de maillon central et de ligne arrière logistique principale.
Plus le processus de développement vers la troisième guerre impérialiste s’accélère, plus le prolétariat italien se trouve confronté aux implications nationales de l’OTAN.
Celle-ci, prise entre la nécessité de préparer la guerre et de maintenir la paix sur ses lignes arrières, a engagé un vaste processus de transformation des différentes armées nationales en de véritables impérialistes d’occupation.
En réalité, elles ont déjà assimilé depuis longtemps ces aspects qui les transforment toujours davantage en force agissante « sur le front intérieur » et qui, dans le même temps, les mettent dans l’obligation d’assumer les escarmouches avec les armées du social- impérialisme.
Dans ce cadre, l’Italie se trouve directement impliquée dans le processus de concentration du potentiel dissuasif de l’OTAN.
En effet, une série de fonctions intégrées de commandement au niveau européen sont concentrées sur notre territoire (« Afsouth » à Naples, « Comelandeouth » à Vérone) ainsi que d’autres structures directement subordonnées aux USA, comme le « Centre d’Etude et d’Expérimentation » de La Spezia sous le commandement de Norfolk (Virginie, USA).
Sans compter, naturellement, la myriade de bases et de dépôts répartis un peu partout et qui ont une importance stratégique.
Il suffit de penser à l’aéroport de Decimomannu (le plus grand et le mieux équipé de tout le secteur), ou à l’île de La Maddalena, base d’appui vitale des sous-marins nucléaires américains.
Ce n’est pas par hasard si maintenant nous devrons être les premiers, avec la Grande-Bretagne et la RFA à accueillir quelques centaines d’exemplaires des nouveaux missiles américains, devenant ainsi l’objectif privilégié des ripostes, nucléaires ou non, du social-impérialisme.
D’autre part, cette organisation supra-nationale est en train d’uniformiser, de modeler et de diriger les diverses armées nationales selon le projet de construction d’une armée impérialiste unique, capable d’intervenir et d’évoluer dans n’importe quel pays, même éloigné de ses bases naturelles.
En effet, depuis le début des années 70, une restructuration profonde des forces armées italiennes est en cours sur la ligne indiquée et imposée par l’OTAN.
Celle-ci organise d’ailleurs depuis longtemps déjà des opérations combinées inter-armées où, aux côtés du potentiel stratégique nucléaire, interviennent des « task force » directement offensives, avec les tactiques de déploiement rapide d’unités spéciales extrêmement mobiles, afin de concentrer la violence terrorisante maximum sur le point faible de l’ennemi.
C’est la tactique expérimentée à Entebbe et Mogadiscio et développée massivement par Israël.
Ces unités non traditionnelles constituent l’ossature à partir de laquelle s’effectue la restructuration des armées de l’OTAN.
L’armée italienne a récemment démontré sa pleine adhésion à ces exigences bellicistes en commençant à envoyer des hélicoptères au Liban, en tant que contingent de l’ONU chargé de protéger les frontières d’Israël.
Dans le même mouvement, la formation de « task force » à l’intérieur des forces armées italiennes répond à la nécessité de plus en plus urgente pour l’Etat impérialiste de faire face au développement énorme de la guerre de classe dans notre pays.
En effet, un nombre croissant de régiments sont transformés en unités spéciales anti-guérilla, composées en majorité d’officiers et de sous-officiers de carrière et de volontaires.
Ces unités sont la structure portante d’une véritable armée de métier et s’ajoutent aux détachements spéciaux de carabiniers qui en constituent le système nerveux.
Les stratèges des commandements militaires eux-mêmes font la propagande de cette évolution dans leurs revues spécialisées : « Il faut constituer le plus grand nombre possible de centres d’entraînement non traditionnels, où le personnel choisi dans la police et dans l’armée devrait recevoir l’entraînement sur- spécialisé dont il a absolument besoin (…). La formation de petites unités entraînées de façon particulière et jouissant d’un haut niveau d’autonomie et de liberté d’action doit être le premier pas dans la bonne direction.
Une fois constituées ces unités spéciales, comment faut-il les utiliser ? Le principe des actions de guérilla réside dans la brièveté et la puissance du coup porté ; la seule réponse valable est donc dans une action du même genre. »
On ne peut pas dire que les impérialistes, quand ils sentent le poids se la force révolutionnaire qui progresse, ne soient pas clairs !
La conclusion est que les forces révolutionnaires doivent en tirer est claire : l’OTAN est synonyme de guerre extérieure et intérieure.
C’est dans cette perspective qu’elle réorganise ses armées, les adaptant aux nouvelles conditions de la guerre inter-impérialiste et de la guerre de classe.
Nous devons commencer à saboter cette machine de mort, qui signifie pour le prolétariat métropolitain, contre-révolution préventive à l’intérieur et guerre d’agression à l’extérieur.
Nous devons désarticuler, en attaquant ses hommes et ses repaires, les lignes militaires restructurées en fonction de la contre-guérilla.
Nous devons développer la plus grande mobilisation politique possible sur le mot d’ordre : l’OTAN c’est la guerre impérialiste et la contre-révolution préventive.
Guerre à l’OTAN, guerre aux corps spéciaux anti-guérilla !
Il faut, sur ce mot d’ordre, construire l’unité internationaliste de tous les peuples et de toutes les forces révolutionnaires qui combattent l’impérialisme !