Colonne Walter Alasia-Encore un pas

En champs
les oranges éparpillées
En groupe
les étoiles ordonnées
En tas
les prolétaires attendent
Derrière l’angle
passe
le drapeau rouge.
(Sante Notarnicola)

Préambule.

La nouvelle conjoncture, caractérisée par le passage à la guerre totale, nous impose des tâches qualitativement nouvelles. Il ne s’agit pas en effet, d’un passage linéaire, mais d’une rupture, et surtout d’une rupture avec notre passé : il s’agit en un mot du saut de Organisation communiste combattante à Parti.

Si l’on ne construit pas le saut au Parti, on ne se donne aucune possibilité concrète de faire face aux tâches de conjoncture. De plus, on ne se donne aucune possibilité que le prolétariat métropolitain gagne la guerre sociale totale, mais seulement qu’il la subisse.

Assumer les tâches que la conjoncture nous impose comme centrales, et donc travailler avec toutes les forces pour la construction du Parti, implique cependant que toute notre expérience d’Organisation communiste combattante soit remise en discussion.

Il s’agit, en d’autres termes, de saisir, potentialiser et développer de manière adéquate tous les aspects de notre pratique sociale qui, depuis le début, tendaient à l’agir en Parti, même de manière encore partielle, et d’enterrer sans pitié les aspects de notre théorie-praxis qui nous retenaient (et nous retiennent encore) rigidement enracinés dans l’agir en Organisation communiste combattante. En ce sens, il faut opérer une rupture avec le passé, il faut « regarder le passé avec les yeux du futur ».

1. Construire le Parti signifie avant tout de comprendre les caractéristiques générales qui configurent l’actuelle conjoncture. Le passage de l’Organisation communiste combattante à Parti n’est pas en effet un simple développement quantitatif (conception qui est soutenue par les subjectivistes-militaristes). L’Organisation devient Parti en se niant comme Organisation communiste combattante, en niant les pratiques d’Organisation communiste combattante et en développant les pratiques de Parti : en effectuant ainsi un saut politique. Ce saut politique est caractérisé par une rupture : en cela, la construction du Parti est un processus continu et contradictoire, un saut, et non un passage linéaire. Le Parti se construit, il ne se fonde pas.

Avec quoi faut-il rompre ?

Principalement avec tous les aspects de la pratique d’Organisation communiste combattante qui tendent à reproduire la formule adoptée dans la phase précédente, celle de la propagande armée. Dans la phase de propagande armée, un rapport parti/masses totalement déséquilibré du point de vue du Parti s’est imposé, inévitablement et indépendamment de la volonté des camarades. Nous disons inévitablement parce que le principe même de la propagande armée et ses objectifs (enraciner l’idée-force de la justesse et de la nécessité de la lutte armée dans le prolétariat métropolitain) suppose que l’accent soit plus mis sur l’activité consciente de l’Organisation que sur celle des mouvements de masse. La propagande armée effectuée par l’Organisation et les mouvements de masse, c’est presque toujours le premier terme qui prévalait.

L’Organisation remplissait ainsi une fonction dans le même temps pédagogique et de soutien / stimulation aux mouvements de masse. Dans le contexte du rapport organisation-masses qui caractérisait la phase de la propagande armée, l’aspect principal était la fonction pédagogique.

Les exigences de la conjoncture actuelle imposent au contraire de rompre complètement avec cette configuration : il ne s’agit plus aujourd’hui de sensibiliser les masses et d’organiser les avant-gardes dans l’Organisation sur le terrain de la lutte armée ; il s’agit aujourd’hui d’organiser les masses sur le terrain de la lutte armée.

2. D’autre part, l’élément qui caractérisait l’agir en Organisation communiste combattante était l’agir dans le « politique ». C’était dans la sphère du politique que l’Organisation communiste combattante recrutait ses militants, en s’adressant aux couches de classe les plus conscientes et à leurs avant-gardes de lutte. Elle effectuait ainsi une scission de fait entre le politique (même correctement étendu comme politico-militaire) et l’économique, entendu au contraire comme terrain de lutte privilégié des masses. La lutte armée pour le communisme était ainsi une pratique pour l’avant-garde, mais pas encore une pratique sociale des masses.

Il est aujourd’hui plus que nécessaire de dépasser cette conception : organiser les masses sur le terrain de la guerre sociale totale signifie en effet les organiser tout au long de la sphère économico-sociale traversée par la contradiction entre bourgeoisie impérialiste et prolétariat métropolitain (dans l’économique, le politique, le culturel, etc… en un seul mot dans le « social ») et construire une ligne de masse qui sache agir dans chaque interstice de la société.

Le caractère total de la guerre ne vient pas, en effet, de sa destructivité ou du niveau militaire plus ou moins élevé qu’elle exprime. Dans les communiqués du procès Moro, les camarades observent justement que les guerres inter-impérialistes, même si elles ne laissent pas un seul brin d’herbe debout dans la nation vaincue, n’en sont pas pour autant des guerres totales. Le caractère total de la guerre vient au contraire du fait que celle-ci investit la totalité des rapports sociaux capitalistes. La tendance à la guerre vit dans chaque aspect des rapports sociaux capitalistes jusqu’à arriver sous une forme contradictoire, dans la conscience même des prolétaires.

Lorsque les théoriciens américains de la contre-révolution globale affirment que « la guerre contre le communisme est surtout une guerre pour la conquête des consciences », ils démontrent qu’ils ont parfaitement compris cet aspect qualitativement nouveau du rapport révolution/contre-révolution. Nouveau en ce qu’il ne commence à recouvrir l’importance actuelle qu’avec le passage de la domination formelle à la domination réelle du mode de production capitaliste sur tous les rapports sociaux. (cf. à ce propos Forcer l’horizon).

Cet aspect pourra peut-être sembler « secondaire » ou « superstructurel » aux camarades qui ne parviennent pas encore à se libérer du passé, alors qu’il s’agit d’une thèse fondamentale pour le saut au Parti. En plus du fait matériel que si l’on n’assume pas à ce niveau d’analyse, il est impossible d’expliquer des phénomènes comme celui de la trahison, par exemple.

De même que la guérilla a rompu avec le passé du mouvement ouvrier et communiste en affirmant l’unité du politique et du militaire contre les théories troisième internationalistes qui effectueraient cette scission depuis toujours (bras armé et distinction entre parti et armée), en reproduisant ainsi en leur sein la division entre pensée et action, entre travail intellectuel et travail manuel, de même il est aujourd’hui nécessaire de rompre avec les positions qui séparent l’économique, perçu comme base qui détermine plus ou moins mécaniquement tout le reste (le politique et le culturel, la conscience). Ces positions ne tiennent pas compte du fait qu’entre la structure (base économique) et la superstructure (organisation politique, juridique et sociale, etc.), il y a un rapport dialectique : c’est-à-dire que l’un influence l’autre et vice-versa.

Et c’est précisément ce vice-versa qui n’est pas compris, et de cet unilatéralisme naissent ensuite les tendances révisionnistes qui nient dans les faits la nécessité de la révolution culturelle dans la métropole ou la font passer après la prise du pouvoir, en la renvoyant à une phase à venir.

En second lieu, ces positions ne réussissent pas à voir que nous évoluons dans la phase historique de la domination réelle du capitalisme : c’est-à-dire que le capitalisme, même on coexistant, à l’échelle mondiale, avec des moyens de production pas encore capitalistes, a en réalité assujetti tout le globe, y compris les zones dans lesquelles survivent des moyens de production non-capitalistes. Mais, et c’est encore plus grave, elles ne réussissent pas à comprendre que la domination réelle du mode de production capitaliste dans les métropoles se traduit par une domination sur tous les aspects des rapports sociaux, et que sa crise se traduit par une exaltation précisément de ces aspects qu’une analyse mécaniste considérerait comme « secondaire » et « superstructurel ».

C’est pour cela qu’il est aujourd’hui d’une importance fondamentale pour le saut au Parti de reconnaître qu’il n’y a pas de séparation entre révolution culturelle dans les métropoles et guerre civile, ni en termes de temps (c’est-à-dire comme deux phases séparées), ni en termes d’espace. Guerre civile et révolution culturelle sont simplement deux aspects d’un même processus : la guerre sociale totale. C’est en posant cette considération au centre de l’activité du Parti que l’on jette les bases correctes pour la construction du système de pouvoir rouge et, dans le même temps, que l’on pose à l’ordre du jour la guerre pour la transition au communisme.

Œuvrer pour le saut au Parti signifie pour nous taire le bilan critique de toute notre expérience d’Organisation communiste combattante. Naturellement, il ne s’agit pas d’annuler tout le patrimoine d’expérience de la Colonne Walter Alasia, ni du reste de la conserver tel quel. Le saut au Parti implique la nécessité de mettre continuellement en discussion le travail effectué, de le soumettre continuellement à la vérification, c’est-à-dire de faire constamment autocritique. L’autocritique est le point de départ pour relancer l’intervention à un niveau plus élevé : elle sert à aller de l’avant, pour éliminer à chaque fois toutes les erreurs évitables que le Parti commet.

Nous voudrions ici soulever trois aspects de ce problème :

a) Les communistes ne doivent pas avoir peur d’avoir commis des erreurs. Le Parti naît et se développe justement en apprenant de ses erreurs qu’il est possible de dépasser et de faire ainsi effectuer un saut de qualité à toute notre pratique sociale.

Là aussi, il faut rompre avec l’idéologie révisionniste et troisième internationaliste qui a toujours présenté l’histoire du Parti comme un processus de croissance linéaire, dans lequel la ligne correcte a triomphé des lignes erronées, par une sorte de métaphysique droit historique, niant ainsi dans les faits la lutte entre les deux lignes au sein du Parti. Un bon exemple de cette conception est donné par le livre Histoire du Parti communiste (bolchévick) — bref cours, ainsi que, de manière plus générale, tous les écrits de Staline. À plus forte raison faut-il rompre avec la conception togliattienne, reprise ensuite par Berlinguer, et qui constitue la base du « continuisme » révisionniste selon laquelle le Parti, de fait, ne se trompe jamais, mais s’adapte à chaque fois à la situation et aux conditions objectives.

En suivant cette théorie, le P.C.I. a justifié tous les nombreux retournements stratégiques de son histoire en les déguisant en astucieux choix tactiques (des années 30 au retournement de Salerno, et jusqu’au compromis historique). D’autre part, le P.C.I. a aussi établi la mystification historico-politique de la continuité de la ligne de Parti, selon laquelle le parti du compromis historique et du pacte corporatif serait l’héritier naturel, dans la situation actuelle, du parti révolutionnaire fondé à Livourne en 1921.

Pour avancer aujourd’hui, il faut au contraire dire clairement où, quand, comment et pourquoi nous sommes-nous trompés et, surtout, ne pas entendre l’autocritique comme une exception (un point de retournement politique), mais la considérer dorénavant comme partie intégrante de tout notre travail et de notre pratique sociale.

b) Il ne suffit cependant pas d’admettre avoir commis des erreurs pour les dépasser dans la pratique. En se limitant à cela, on tombe dans l’opportunisme : c’est-à-dire qu’on transforme l’autocritique en une pratique totalement formelle, qu’on lui ôte toute vie et, de fait, qu’on finit par la nier. Il ne s’agit pas, en d’autres termes, de se faire une espèce de mea culpa, en se limitant par exemple à reconnaître comme fondées les critiques que nous avaient adressées, en leur temps, les camarades des Brigades du camp de Palmi.

Il s’agit au contraire d’aller aux racines des erreurs et de débusquer, critiquer, détruire les positions politiques, les lignes erronées qui ont influencé négativement notre analyse et notre pratique sociale. Pour ce faire, il est nécessaire de soumettre l’ensemble de notre analyse et de notre pratique sociale à un réexamen scrupuleusement critique, étant donné que la lutte entre les deux lignes a traversé l’ensemble de notre histoire, sans exceptions !

Le problème n’en consiste pas pour autant à séparer mécaniquement ce que nous avons fait d’erroné de ce que nous avons fait de juste. Il faut réexaminer globalement toute notre praxis et saisir ce qui, en elle, préfigurait la ligne révolutionnaire, en enterrant en même temps ce qui, en elle, renforçait la ligne révisionniste. C’est seulement en menant jusqu’au bout l’autocritique qu’il est possible de récupérer le véritable patrimoine révolutionnaire de la Colonne Walter Alasia dans les Brigades Rouges.

c) Le Parti commet toujours et inévitablement des erreurs. Commettre des erreurs est inévitable ! Il y a cependant deux types d’erreurs qui sont commises dans chaque phase : celles qui sont évitables et celles qui sont inévitables. Les erreurs évitables sont celles que le Parti commet subjectivement. Les erreurs inévitables sont objectivement déterminées par les caractéristiques de la phase.

Les erreurs inévitables d’une phase se transforment toutefois en erreurs évitables dans la phase suivante. En cela, le procès de critique-autocritique recouvre une signification stratégique (et permanente) dans le saut au Parti.

La colonne Walter Alasia a eu, dans sa théorie-praxis, de nombreuses limites et a commis, dans la phase précédente, de nombreuses erreurs, certaines évitables, d’autres inévitables. Aujourd’hui, ces erreurs sont évitables et doivent donc être évitées !

Le développement théorique et celui de la pratique sociale ont aujourd’hui apporté une plus grande clarté sur les thèmes centraux du saut au Parti. Le fait que cela constituait alors des erreurs inévitables ne doit en aucun cas servir d’alibi à des positions justificationnistes qui aboutissent à reproposer le schéma « continuiste » et « néo-révisionniste » selon lequel les erreurs du Parti sont la conséquence des conditions objectives dans lesquelles il doit œuvrer.

Nous aussi, nous devons aujourd’hui, et ce sans pitié, refuser ce type d’erreurs, justement parce qu’il existe aujourd’hui les conditions pour les dépasser.

Une bonne part des erreurs de Staline était alors inévitable, même si, aujourd’hui, nous critiquons ces erreurs sans pitié, en allant à leurs racines. Nous faisons peut-être un tort personnel à Staline (et au Parti bolchévik d’U.R.S.S.) en le critiquant avec le bon sens d’aujourd’hui, mais cela est cependant indispensable (et possible) aujourd’hui pour faire un pas en avant vers la transition au communisme. C’est avec le même esprit que nous devons faire une sérieuse autocritique par rapport à la théorie-praxis de notre colonne, pour jeter les bases du saut au Parti.

Crise du mode de production capitaliste. Centralité ouvrière.

On peut, directement ou indirectement, ramener toutes nos limites et toutes nos erreurs de cadrage dans l’intervention politique à la partialité de notre analyse de la crise du mode de production capitaliste.

À la base de cette partialité, il y avait une grave erreur : la séparation mécaniste entre structure et superstructure, c’est-à-dire entre économique d’une part et toutes les autres sphères de la formation économico-sociale d’autre part.

Dans le contexte de cette séparation, nous avons rendu absolu le caractère dominant de la production par rapport à tous les autres secteurs de la société. S’il est vrai, en effet, que la production de marchandises représente toujours l’aspect dominant, celui sur lequel se fonde l’extorsion de la plus-value et la valorisation du capital, il n’en est pas moins vrai qu’elle fait toutefois partie d’une totalité plus complexe : la métropole.

Au contraire, même en comprenant justement la centralité de la production, nous avons réduit schématiquement toute la totalité des rapports sociaux à ce seul aspect. La complexité dialectique qui existe entre la partie et le tout a ainsi été aplatie à un rapport automatique de cause à effet : la production détermine mécaniquement tout le reste.

Cette simplification nous a empêchés de voir la qualité nouvelle qui caractérise le rapport production / consommation dans la phase de la domination réelle totale du mode de production capitaliste.

Forcer l’horizon dit à ce propos :

«… La production de plus-value relative (domination réelle) exige la production d’une nouvelle consommation : elle exige donc que le cercle de la consommation à l’intérieur de la circulation s’élargisse de la même manière qu’avant s’élargissait le cercle de la production (…). Dans la phase de la domination réelle totale, le capital, ayant déjà occupé tout l’espace géographique (création du marché mondial) doit, pour continuer à s’étendre, et donc pour élargir ultérieurement le marché, révolutionner sans cesse la sphère de la consommation. La consommation, comme la production, est maintenant aussi sujette à des procès de restructuration continuels, en devenant un élément dynamique, actif, strictement et rigidement intégré au procès de production / reproduction. »

Et plus loin :

« Maintenant, dans la domination réelle totale, [le capital] soumet toutes les qualités de l’homme social, en le produisant comme homme du capital, fonctionnalisé aussi à la réalisation de la plus-value relative (…). Une nouvelle branche de production naît ainsi, l’ »usine de la conscience », avec les fonctionnaires qui lui sont relatifs : usine de « modèles de consommation », de « systèmes idéologiques », visant à la production / reproduction de la plus-value relative, du rapport social dominant. La production n’est plus seulement production indirecte de consommation (dans le sens que toute production présuppose une consommation) mais se constitue aussi, aujourd’hui, comme « production directe de consommation » : à côté de la production d’objets-marchandises, il y a la production de plus-value relative, il y a la production spécifiquement capitaliste de ses conditions de réalisation. »

De ce nouvel et plus intime rapport entre production et consommation, entre production de marchandises et production d’idéologie, naît la métropole, comprise comme une usine totale. C’est la métropole dans son ensemble, donc, qui constitue l’unité minimale qui doit être analysée pour obtenir un cadre global. La production de marchandises et, par conséquent, l’usine, constituent donc seulement une partie, quand bien même centrale, de cette totalité.

En se limitant seulement à cet aspect, ou en lui subordonnant mécaniquement tous les autres aspects, on tombe inévitablement dans la partialité.

Les camarades disent :

« La composition de classe, le prolétariat, doit aussi alors être caractérisé non seulement en relation à l’ »usine partielle » mais aussi à l’ »usine totale », à la métropole dans sa globalité. Il doit être vu non seulement en tant que force de travail, capacité de travail, mais aussi comme consommateur conscientisé, idéologisé. Toute distinction mécaniste entre force de travail et formes de sa conscience tombe donc d’elle-même : le prolétariat dans la métropole est en même temps force de travail du capital et consommateur conscient de celui-ci, son produit programmé et finalisé. »

L’analyse développée par la Colonne Walter Alasia au cours des deux dernières années, en restant au contraire dans ce mécanisme, ne réussissait pas à dépasser les grilles des usines : elle saisissait le particulier, mais pas le général.

De plus, en ne reliant pas la partie au tout, elle ne réussissait pas à voir stratégiquement comment le général vivait aussi dans le particulier. En rendant absolue la production de marchandises et en ne saisissant pas l’aspect d’usine totale qu’assume aujourd’hui la métropole, nous avons limité le centre de l’affrontement de classe à l’usine partielle. Dans ce cadre, même en mettant au premier plan l’aspect crise-restructuration que recouvre la crise actuelle, on donnait une interprétation partielle du procès de restructuration productive (accroissement de l’exploitation, de la nocivité, réduction de la base productive par l’atteinte à l’emploi, etc.), sans réussir à évaluer totalement ses conséquences sur la composition de classe du prolétariat métropolitain aussi hors de l’usine.

On saisissait ainsi la signification particulière de la réduction de la base productive de la classe ouvrière (accroissement de l’exploitation et réduction de l’emploi), mais non la signification stratégique générale : décomposition de la classe ouvrière et interchangeabilité avec d’autres figures sociales du prolétariat métropolitain.

On ne réussissait pas, de cette manière, à avoir une vision claire du prolétariat métropolitain en tant que classe, et l’on ne comprenait pas, en particulier, que le prolétariat métropolitain est le fruit même de la décomposition de la classe ouvrière.

Il ne s’agit donc pas de classes différentes, parfois réunies par des intérêts immédiats communs, mais d’une classe unique, stratifiée et décomposée en différentes figures sociales, réunies par un intérêt stratégique unique : la transition au communisme.

L’aspect stratégique du projet de la bourgeoisie impérialiste se fonde en effet sur l’anéantissement, la stratification et la différenciation du prolétariat métropolitain : l’objectif général du projet impérialiste de conjoncture est le maintien par la force des rapports de production actuels, qui sont désormais objectivement en décomposition sur le plan historique du fait de la crise générale du mode de production capitaliste, mais qui ne peuvent être complètement détruits que par l’édification subjective, par le prolétariat métropolitain, du système de pouvoir rouge. À partir de là, l’anéantissement ne se manifeste pas comme anéantissement direct et matériel de couches entières du prolétariat métropolitain (on ne peut mettre sur le même plan X milliers de licenciements et l’anéantissement matériel de X milliers de licenciés, ou tout bonnement de la classe ouvrière dans son ensemble).

Anéantissement, au contraire, veut surtout dire destruction des liens entre les diverses déterminations du système du pouvoir rouge et destruction, dans la conscience de couches prolétaires entières, de la possibilité même de construire une alternative collective à la crise du mode de production capitaliste. C’est là que le projet de différenciation et de décomposition construit ses fondements, en jouant sur différents niveaux et en cherchant à opposer entre elles les diverses couches du prolétariat métropolitain, et en divisant en leur sein les prolétaires entre eux, en les opposant les uns aux autres. La condition fondamentale pour y parvenir est la destruction de l’alternative collective, tant dans le sens matériel (détruire et anéantir physiquement les organisations de masse révolutionnaires en construction et les mouvements de masse révolutionnaires) qu’au niveau de la conscience même des prolétaires (en anéantissant la « mémoire » de la nécessité/possibilité de s’organiser collectivement pour la transition au communisme).

En limitant de fait la contradiction à la sphère de la production et en la concentrant dans l’usine, l’objectif politique de notre intervention était la recomposition de la classe ouvrière et non la recomposition du prolétariat métropolitain. Nous percevions au contraire cette dernière comme un système d’alliance sous l’hégémonie de la classe ouvrière et de son parti.

Dans ce cadre, la polémique sur le « peuple » (catégorie que nous avons utilisée dans toute notre production écrite et en particulier dans l’auto-interview) ne naissait pas dune simple équivoque sur les mots, mais cachait une grosse confusion de notre part.

Les camarades des Brigades du camp de Palmi observaient justement :

« Le centre qui manque dans cette contribution [notre auto-interview] est la reconnaissance du caractère historique général de la crise du mode de production capitaliste, comme processus irréversible et générateur tant de la réduction-restructuration de la base productive et des modifications de la composition de classe que de la crise sociale. »

C’est justement le caractère irréversible de la crise qui détermine une décomposition de la classe ouvrière : les figures sociales « ouvrières » se réduisent, tandis qu’augmentent les figures « marginales » et « extralégales ». Il ne s’agit naturellement pas d’un processus automatique : par exemple, l’ouvrier licencié ne devient pas immédiatement et nécessairement un prolétaire extralégal. Cependant, la tendance globale à une augmentation proportionnelle des figures marginales et extralégales par rapport à la classe ouvrière, en stricte relation avec la même décomposition (restructuration productive et réduction de la base productive), est indiscutable.

Il ne s’agit pas là d’un processus transitoire, mais bien d’un processus irréversible : c’est-à-dire qu’il est appelé à s’accentuer toujours plus avec l’approfondissement de la crise, en accentuant toujours plus la mobilité et l’interchangeabilité des diverses figures sociales du prolétariat métropolitain. De ce fait, les vieilles catégories de « classe ouvrière », « sous-prolétariat », « semi-prolétariat », etc.. ne tiennent plus. Aujourd’hui la domination réelle totale du mode de production capitaliste a définitivement prolétarisé toutes ces couches. Nous n’avons donc affaire qu’à une seule classe : le prolétariat métropolitain.

En effet, les camarades de Palmi poursuivent :

« C’est le caractère irréversible, général de la crise qui fonde l’intérêt irréversible et prolétaire de toutes les figures du prolétariat métropolitain : renverser l’actuel mode de production capitaliste. Ce qui n’ôte pas qu’à l’intérieur du prolétariat métropolitain, le travail productif conserve objectivement sa position centrale et que c’est donc au travailleur productif qu’incombe une centralité politique et de direction révolutionnaire dans le processus de recomposition de classe. Il s’ensuit que les autres figures prolétaires (marginales, improductives, etc.), en tant que fragments de la décomposition de la classe ouvrière dans le devenir de la crise, ne se situent pas en fait comme ses alliés extérieurs mais bien comme stratification interne d’une classe unique : le prolétariat métropolitain. »

Et plus loin :

« C’est justement ceci que nous nions aujourd’hui (que la classe ouvrière et les autres couches de classe aient des intérêts de classe différents) lorsque nous affirmons que le prolétariat métropolitain est une unité des multiples à dominante ouvrière, lorsque nous affirmons donc que celui-ci comprend tous les ouvriers prolétarisés et en voie de prolétarisation et que, de ce fait, il constitue l’immense majorité de la population de notre pays. En conclusion, la recomposition du prolétariat métropolitain autour de la figure de l’ouvrier-masse métropolitain ne peut avoir lieu sans que les diverses couches qui le composent se nient et dépassent leurs particularités. De même, la classe ouvrière ne peut être la direction de cette recomposition qu’en se niant comme force de travail qui valorise le capital. »

Reconnaître aujourd’hui que ces critiques sont fondées ne signifie pas accomplir un acte formel, mais jeter les bases pour dépasser nos limites d’analyse. Il s’agit en effet d’un saut non seulement essentiel sur le plan stratégique, mais aussi urgent. Ces limites d’analyse nous ont menés, dans le passé, à reprendre de manière acritique des positions erronées (comme, par exemple, la théorie révisionniste des forces productives, sur laquelle nous reviendrons de manière plus approfondie par la suite) et ont négativement influencé toute notre pratique sociale (par exemple, les programmes politiques immédiats).

Il est aujourd’hui nécessaire de rompre définitivement avec nos limites passées et surtout avec le particularisme. C’est seulement en mettant au centre de notre activité la recomposition politique du prolétariat métropolitain en tant que classe qu’il est possible de comprendre la dialectique correcte entre programme politique général de conjoncture et programmes politiques immédiats, entre Parti et masses, et entre Parti, mouvements de masse révolutionnaires et organisations de masse révolutionnaires.

Il existe en effet un rapport dialectique entre théorie et praxis : l’une influence l’autre, et vice-versa. Nos limites pratiques ont négativement influencé notre analyse, en l’enfermant dans le particularisme et en laissant place à des productions néo-révisionnistes. À leur tour, celles-ci, en se consolidant comme lignes politiques erronées, ont empêché notre pratique sociale de faire le saut politique que la conjoncture exigeait.

De ce fait, il s’agit de redéfinir à tous les niveaux notre théorie-praxis, d’aller au nœud des problèmes et, de là, de revoir toute notre expérience jusque dans les moindres détails, en la reliant aux fils conducteurs principaux. C’est de là seulement que peut partir une relance de notre pratique sociale à un niveau plus élevé.

Parti et programmes.

Nos limites d’analyse et, en particulier, l’interprétation schématique que nous faisions de la centralité ouvrière et l’incompréhension de la nature de classe du prolétariat métropolitain nous ont menés à une vision réductive du saut au Parti. C’est-à-dire que l’on ne comprenait pas que la construction du Parti et la recomposition politique du prolétariat métropolitain vivent un strict rapport dialectique : l’un n’existe pas sans l’autre, et vice-versa. C’est seulement de cette thèse fondamentale que peut découler la construction de la ligne de masse du Parti, et donc un cadrage correct du programme politique général de conjoncture et des programmes politiques immédiats.

En effet, l’agir en Parti se fonde précisément sur la capacité de relier le général au particulier dans le cadre de la dialectique destruction/construction qui caractérise la contradiction entre bourgeoisie impérialiste et prolétariat métropolitain.

Agir en Parti signifie faire vivre l’attaque au cœur de l’État, c’est-à-dire l’attaque au cœur du projet de conjoncture de la bourgeoisie impérialiste, dans toutes les déterminations du pouvoir rouge en construction ; lancer contre les nœuds centraux du projet de la bourgeoisie impérialiste toute la force concentrée du Parti, des organisations de masse révolutionnaires et des mouvements de masse révolutionnaires.

Dans le cours de ce processus, destruction et construction vivent un rapport qui ne permet pas de séparations : détruire et désarticuler le projet de la bourgeoisie impérialiste est la condition indispensable pour construire le système de pouvoir rouge ; construire le système de pouvoir rouge est la condition indispensable pour désarticuler le projet ennemi.

Dans le cadre de la tendance à la guerre sociale totale, deux systèmes de pouvoir se confrontent : celui du système impérialiste des multinationales a pour objectif le maintien par la force des rapports de production et des rapports sociaux capitalistes, celui du pouvoir rouge a pour objectif le renversement de ces rapports sociaux et la révolution sociale totale dans la métropole.

La crise historique, époquale, du mode de production capitaliste sert de fond à cette confrontation et sanctionne par la force des faits et des données économiques l’inimitié absolue entre prolétariat métropolitain et bourgeoisie impérialiste. La survie de la bourgeoisie impérialiste comme classe dominante passe à travers l’anéantissement, la stratification et la différenciation du prolétariat métropolitain et, en particulier, passe à travers l’anéantissement de son système de pouvoir : le système de pouvoir rouge.

D’autre part, l’affirmation du système de pouvoir rouge passe à travers l’anéantissement du projet de la bourgeoisie impérialiste et la recomposition politique du prolétariat métropolitain. Entre ces deux systèmes de pouvoir, comme entre les intérêts de classe dont ils sont l’expression, il ne peut aujourd’hui y avoir d’autre rapport que la guerre.

La centralisation et l’exécutivisation sont l’exemple central du projet de refondation du système impérialiste des multinationales par la guerre civile déployée.

Dans le même temps, le projet de la bourgeoisie impérialiste se propose de décomposer et différencier le prolétariat métropolitain.

Recomposer et centraliser le front bourgeois d’une part, décomposer et différencier le prolétariat métropolitain d’autre part : c’est là l’aspect dynamique du projet impérialiste dans cette conjoncture. Et c’est là le niveau d’affrontement que le projet ennemi impose au prolétariat métropolitain et à son avant-garde révolutionnaire.

Le saut au Parti et la construction du système de pouvoir rouge constituent la riposte possible et nécessaire du prolétariat métropolitain à ce projet. Le projet de la bourgeoisie impérialiste part du général pour s’articuler dans le particulier : dans le particulier vit le général. C’est-à-dire que la globalité du projet ennemi vit dans chacune de ses articulations particulières et périphériques.

De la même manière, le projet du prolétariat métropolitain, la construction du système de pouvoir rouge, doit, en partant du particulier, arriver au général, en déclenchant une offensive globale contre le projet ennemi et en construisant contemporainement une alternative globale à celui-ci, sur tous les terrains.

Ainsi, le saut au Parti fait justice de tout localisme ou particularisme et impose de faire vivre le général même lorsque l’on opère dans le particulier. Si le projet de conjoncture de la bourgeoisie impérialiste se base sur la décomposition et différenciation du prolétariat métropolitain, le programme du Parti se base sur la recomposition politique du prolétariat métropolitain contre le projet ennemi.

L’aspect stratégique qui est au centre du saut au Parti est donc la recomposition du prolétariat métropolitain : c’est précisément cet aspect qui doit vivre aussi dans le particulier, qui doit traverser toutes les déterminations du système de pouvoir rouge, du Parti aux organisations de masse révolutionnaires, aux mouvements de masse révolutionnaires.

Tout ceci doit trouver son moment de synthèse au niveau le plus élevé possible dans le programme politique général de conjoncture : coexistent donc dans le programme politique général de conjoncture tant le plus haut niveau de désarticulation / destruction du projet ennemi que le plus haut niveau de recomposition du prolétariat métropolitain, et donc de construction du système de pouvoir rouge, possibles dans cette conjoncture.

En ce sens, le programme politique général de conjoncture doit recomposer les différentes couches du prolétariat métropolitain dans l’attaque conjointe au cœur de l’État.

Les programmes politiques immédiats représentent au contraire l’articulation du programme politique général de conjoncture dans les différentes couches de classe du prolétariat métropolitain : ils doivent recomposer chaque couche de classe particulière sur des besoins qui se relient à l’aspect stratégique do la recomposition du prolétariat métropolitain et de l’attaque au cœur de l’État.

C’est justement cela que signifie faire vivre le général dans le particulier : fonder les programmes politiques immédiats sur les besoins des masses qui contiennent en eux l’aspect stratégique qui domine la conjoncture.

C’est seulement à partir de là qu’il est possible do comprendre la dialectique qui lie entre elles les lignes directrices sur lesquelles se construit le saut au Parti, et, en même temps, se concrétise le système de pouvoir rouge : organiser les avant-gardes communistes combattantes dans le Parti, activiser les mouvements de masse révolutionnaires, organiser les avant-gardes de lutte dans les organisations de masse révolutionnaires.

Dans nos campagnes sur les usines et les services, même en analysant jusqu’au bout la restructuration des moyens de production jusque dans ses moindres détails, et même en saisissant les intérêts les plus urgents et les plus ressentis par les masses, nous ne réussissions pas à déterminer l’aspect stratégique de ces besoins. De cette manière, nous ne réussissions pas à cadrer dans une dimension stratégique ni les mouvements de masse révolutionnaires dont nous suscitions la mobilisation, ni les organisations de masse révolutionnaires en construction, en les renvoyant ainsi à leur particulier.

Tant à Sesto qu’à l’Alfa, nous avons mis en avant un programme politique immédiat largement partagé et pratiqué par la classe ouvrière puisqu’il synthétisait par des mots d’ordre clairs les besoins de cette couche de classe : « Aucun licenciement ne doit passer, même déguisé », « Toutes les conditions nocives doivent être supprimées », « Aucun accroissement de l’exploitation ne doit passer ». Le problème n’est pas tant dans les mots d’ordre lancés que dans les contenus qui les font vivre, que dans la manière dont ces programmes politiques immédiats sont reliés au général.

En effet, lorsque l’on dit : « Aucun licenciement ne doit passer », on n’avance pas une simple revendication : il ne s’agit pas simplement de maintenir le poste de travail ni de travailler tous et travailler moins dans l’immédiat, mais de comprendre que la décomposition de la classe ouvrière vit comme aspect stratégique dans tous les aspects de la restructuration productive.

D’une part comme rétrécissement de la base productive (expulsion de la force de travail de l’usine) et donc comme réduction de la figure ouvrière dans le cadre de la décomposition plus générale de tout le prolétariat métropolitain.

D’autre part comme décomposition et différenciation au sein de la classe ouvrière, qui passe par l’expulsion des avant-gardes de lutte, par la mobilité, par les figures professionnalisées, etc.

C’est seulement en mettant cet aspect stratégique au centre des programmes politiques immédiats de la classe ouvrière que l’on peut relier aux programmes politiques immédiats des autres couches du prolétariat métropolitain, et donc au programme politique général de conjoncture.

Le retrait de la cassa integrazione à l’Alfa, comme articulation pratique du mot d’ordre « Aucun licenciement ne doit passer » contenait cet aspect stratégique. C’était sur ce point stratégique du programme politique immédiat que notre intervention dans les usines devait canaliser tout ce qui s’était exprimé dans la Campagne Usines : les organisations de masse révolutionnaires en construction, les mouvements de masse révolutionnaires qu’elle avait activés. En saisissant cet aspect stratégique, le programme politique immédiat effectue dans le même moment la désarticulation du projet ennemi et la recomposition de la classe ouvrière.

C’est dans le rapport construction/destruction qu’il est possible de concrétiser la recomposition de la classe ouvrière en son propre sein et dans le prolétariat métropolitain.

Recomposer la classe ouvrière ne signifie pas seulement empêcher les licenciements ou s’opposer aux effets matériels de la restructuration, mais surtout la réunifier dans la lutte offensive, jusqu’au bout, contre tous les aspects de la restructuration qui contiennent en eux la décomposition et la différenciation. Décomposition et différenciation n’opèrent pas seulement au niveau matériel mais, au contraire, ont un objectif beaucoup plus ambitieux : transformer l’ouvrier en « homme du capital », pur appendice, sans vie et sans histoire, de la machine. Et cela n’est possible qu’en anéantissant la mémoire historique collective de la classe ouvrière.

La mobilité, l’augmentation de l’exploitation et de la nocivité ne peuvent s’installer que si, dans la conscience de la classe ouvrière, le je bourgeois réussit à prévaloir sur le nous prolétaire. Accepter de monnayer la nocivité, les licenciements avec primes à la clé, etc., alors qu’ils sont la base même de la différenciation, la flèche empoisonnée de la bourgeoisie impérialiste qui vise la conscience de chaque ouvrier individuel en cherchant à le séparer de et à l’opposer à ses propres camarades de lutte et de travail.

Par conséquent, la lutte contre la mobilité, contre l’augmentation des rythmes et des charges de travail, la lutte pour les pauses contiennent en elles l’aspect stratégique de reconquérir la socialité dans l’usine, de reconquérir une collectivité de classe.

L’intervention du Parti doit reprendre ces moments particuliers de lutte de la classe ouvrière, en les mettant au centre du programme politique immédiat. Par exemple, nous devons assumer aux luttes des cassa integrati de l’Alfa le caractère d’une lutte offensive contre l’une des articulations du projet de la bourgeoisie impérialiste de décomposition différenciation et anéantissement.

En comprenant ces aspects stratégiques de sa lutte quotidienne, la classe ouvrière se trouve, en partant de la pratique particulière de son secteur, face à la globalité de l’ensemble du rapport qui existe entre prolétariat métropolitain et bourgeoisie impérialiste dans cette conjoncture : un rapport d’anéantissement, un rapport de guerre.

C’est sur ce terrain qu’il est possible d’organiser les masses dans la lutte armée pour pratiquer la transition au communisme, qu’il est possible de lier la lutte particulière dans les usines et le programme politique immédiat de la classe ouvrière à ceux des autres couches du prolétariat métropolitain. C’est dans cette compréhension que la classe ouvrière se nie comme classe à part, en se coagulant dans le prolétariat métropolitain. Par exemple, en mettant au centre l’aspect de la différenciation/décomposition/anéantissement, le programme politique immédiat de la classe ouvrière rend compréhensible aux ouvriers les mêmes aspects stratégiques qui animent les programmes politiques immédiats des autres couches du prolétariat métropolitain (ex. : les luttes et les programmes politiques immédiats des prolétaires prisonniers contre la désolidarisation/ anéantissement…, pratiquer la libération comme stratégie de recomposition des prolétaires prisonniers dans le prolétariat métropolitain).

De plus, c’est en mettant cet aspect au centre du programme politique immédiat de la classe ouvrière que l’on se noue directement à l’ensemble de la contradiction entre prolétariat métropolitain et bourgeoisie impérialiste, non plus seulement entre classe ouvrière et capitalistes (patronat), que l’on fait vivre le programme politique général de conjoncture dans le particulier, en recomposant la classe ouvrière dans le prolétariat métropolitain pour la transition au communisme.

« Cette conjoncture de transition dépend. en effet, tant de l’évolution structurelle de la crise capitaliste/impérialiste que de la capacité subjective du prolétariat métropolitain à se constituer en Parti combattant et à condenser son antagonisme en un système de pouvoir rouge, autonome, articulé et diffusé dans tous les secteurs de classe et dans tous les pôles. Le problème central de la conjoncture actuelle est la conquête des masses à la lutte armée, et cela pose avant tout la question des organisations de masse révolutionnaires. »

C’est ainsi que les camarades des Brigades Rouges, dans L’Ape et il Comunista, indiquaient l’anneau manquant pour la construction du système de pouvoir rouge : les organisations de masse révolutionnaires.

Le système de pouvoir rouge ne se définit qu’en faisant vivre et croître dialectiquement toutes ses articulations, Parti / mouvements de masse révolutionnaires/organisations de masse révolutionnaires. Les organisations de masse révolutionnaires, comme articulations du système de pouvoir rouge, se construisent avec les éléments les plus avancés et les plus combatifs du prolétariat, dans tous les secteurs de classe où le Parti a fait vivre le programme politique général de conjoncture en des programmes politiques immédiats de combat, où son intervention a saisi et frappé l’aspect stratégique du projet ennemi dans tel secteur, en s’adressant aux luttes et en les guidant, en amenant le prolétariat métropolitain à s’organiser consciemment sur le terrain de la lutte armée.

Les organisations de masse révolutionnaires ne sont et ne peuvent être le fait des cadres du parti, qui sont, eux, organisés à l’intérieur du Parti en brigades, fronts et direction. Les organisations de masse révolutionnaires sont une organisation du prolétariat métropolitain à laquelle le Parti donne des indications de combat et dans laquelle il vérifie et détermine sa ligne de masse.

« Même le Parti et la classe sont une contradiction, une unité des contraires, deux faces d’un même procès. Ils ne peuvent être séparés, ils ne peuvent se résoudre l’un dans l’autre ». (L’Ape e il Comunista.)

Donc, renforcer les brigades d’une part, construire les organisations de masse révolutionnaires de l’autre sont des tâches actuelles et urgentes !

Ce sont des tâches dont nous n’avons pas su nous acquitter jusqu’ici et le fait de ne pas les avoir exécutées a impliqué de graves retards et de lourdes défaites de la guérilla.

Nous répondons aux camarades de Palmi qui ont écrit le document Ce n’est que le début que nos défaites ne sont pas dues aux dispositions politico-militaires que nous nous sommes données, que nous tendions à nous donner en perspective, à savoir le Parti, mais bien à la ligne de masse erronée qui a été développée cette année et qui a empêché la construction des organisations de masse révolutionnaires.

C’est là que se trouve le nœud fondamental avec lequel toutes les forces révolutionnaires qui ont travaillé dialectiquement ensemble pour le saut au Parti doivent régler les comptes, et surtout :

1) Le fait d’avoir saisi exactement le projet global de la bourgeoisie impérialiste dans cette phase de dominaion réelle totale du Capital, phase objective de guerre sociale totale, mais de n’avoir pas su saisir l’aspect polyédrique et multiforme de ce projet dans divers secteurs de classe, de n’avoir pas fait vivre le programme politique général de conjoncture dans toutes les couches de classe, en faisant vivre le général dans le particulier et vice-versa, pour recomposer les figures sociales bigarrées du prolétariat métropolitain, mot d’ordre qui caractérise la conjoncture actuelle.

2) Le fait d’avoir compris l’état objectif de guerre qui existe dans cette phase (« Comment est-il possible de soutenir qu’il n’existe pas un état objectif de guerre dans les métropoles où les ouvriers sont mis en cassa integrazione, où il y a des expulsions, des affrontements avec le syndicat, des milliers de drogués, des vols à main armée avec des fusillades dignes du Far West, des désastres écologiques, etc. », Fraction communautaire, Trani) a cependant mené certaines forces révolutionnaires (en particulier le Parti-guérilla) à croire le prolétariat conscient et organisé pour soutenir maintenant, tout de suite, la guerre civile déployée.

« Nous soutenons avec force que, si divers secteurs du prolétariat métropolitain sont impliqués dans cette guerre et ont recours à la violence et même aux armes, les analyses triomphalistes ou les thèses extrémistes, comme celles qui affirment que la classe est à l’offensive et à l’attaque, n’en sont pas pour autant justifiables. En réalité, pour soutenir une telle thèse, il faudrait démontrer l’existence dans cette guerre d’une autodétermination prolétarienne riche et forte, tant dans les comportements, les contenus, les objectifs, que dans le système de relations et dans les formes d’organisation. Nous nous limitions donc à constater la présence de potentialités considérables dans quelques luttes, qui ne nous permettent cependant pas de définir le degré d’autonomie que l’on peut rencontrer comme riche et fort dans l’ensemble de l’antagonisme. » (Fraction communautaire, Trani.)

Le passage d’un état objectif de guerre à un état de guerre civile déployée, état subjectif de guerre révolutionnaire pour la transition au communisme, n’est pas automatiquement donné, mais ne peut l’être qu’à travers le dépassement de nœuds stratégiques de la conjoncture actuelle, dans la dialectique destruction / construction qui voit d’une part l’élargissement de la pratique sociale antagoniste qui frappe et désarticule les centres vitaux du système impérialiste des multinationales et, de l’autre, le saut au Parti, le développement du système de pouvoir rouge dans ses articulations Parti / mouvements de masse révolutionnaires / organisations de masse révolutionnaires.

Et donc une pratique sociale qui sache interagir dans ces deux moments fondamentaux et qui trace dans son agir les fils qui recomposent les figures du prolétariat métropolitain.

Les descentes rapides et les remontées…

Pour une critique qui enterre définitivement le subjectivisme et le militarisme.

Brèves allusions de débat sur ce qui est arrivé, pourquoi c’est arrivé, pour que ça n’arrive plus.

1) L’action de Turin. Ses présupposés.

Comme nous le soulignions ci-dessus, l’état objectif de guerre qui se répand sur notre territoire, dans ses centres moteurs, les métropoles, ne s’est pas jusqu’ici caractérisé par une attaque offensive de classe autonome et organisée. Cela signifie que nous ne sommes pas encore dans la phase de la guerre civile déployée, même si l’accélération de la crise du mode de production capitaliste nous met sous les yeux que ce moment approche toujours plus.

Dans la construction du Parti, dans le développement du système de pouvoir rouge, notre tâche est de déterminer les rythmes de la guerre.

Mais déterminer les rythmes de la guerre signifie dépasser cette phase, c’est-à-dire atteindre les objectifs suivants : construction du Parti, construction des organisations de masse révolutionnaires dans tous les secteurs de classe, recomposition du prolétariat métropolitain.

Notre pratique sociale doit donc se développer en suivant ces voies. L’action de Turin, au contraire, a non seulement sauté ipso facto les lignes directrices de combat de la phase, mais a démontré jusqu’au bout sa matrice subjectiviste et militariste.

Mais, pour comprendre Turin, il faut, selon nous, revenir en arrière, à l’action de Salerno. Avec l’action de Salerno, le Parti-guérilla lance le mot d’ordre de porter l’attaque déployée aux forces armées, mot d’ordre qui se comprend à partir de l’analyse de la phase de guerre civile déployée que les camarades du Parti-guérilla théorisent.

Si nous sommes complètement d’accord avec la dimension de réappropriation d’armes stratégiques de cette action, nous sommes en complet désaccord avec l’analyse et les mots d’ordre qui la sous-tendent parce que :

— c’est aujourd’hui de l’aventurisme, dans une phase de transition à la guerre, mais pas encore de guerre civile, que de frapper systématiquement tous les hommes des forces armées (il faut distinguer l’officier de carrière du soldat appelé !) ;

— une analyse superficielle de ce secteur nous dessine déjà les contradictions qui y règnent : entre les sommets et les militaires, entre les différents corps qui le composent, entre les militaires de carrière et les appelés.

Nous croyons au contraire que notre tâche dans cette phase est de lancer le mot d’ordre de construction des organisations de masse révolutionnaires dans les forces armées, dans les corps, dans les casernes métropolitaines où les jeunes prolétaires vivent les plus hauts niveaux de ghettoïsation, d’exploitation, d’asservissement social, politique et culturel au Pouvoir.

Mais, avec l’action de Salerno, les contradictions au sein du Parti-guérilla s’ouvrent, contradictions qui loin de se recomposer dans la critique-autocritique d’une pratique sociale erronée, se déversent dans l’action de Turin et dans la provocation contre la camarade Natalia Ligas.

À Turin, siège de la multinationale Fiat, centre des stratégies patronales anti-ouvrières, où la classe ouvrière est le secteur de classe le plus représentatif et mène une bataille encore ouverte contre la restructuration impérialiste, le Parti-guérilla ouvre la campagne d’automne par une expropriation prolétarienne qui culmine dans le procès et la condamnation à mort de deux gardiens.

Nous avons tous les éléments politiques pour qualifier cette action de provocation au sein du mouvement révolutionnaire :

A. Le Parti-guérilla prétend par cette action s’adresser aux prolétaires extra-légaux. Mais, toute pratique sociale antagoniste dans la métropole aujourd’hui doit s’adresser à toutes les couches de classe, même si elle détermine le programme politique immédiat d’une seule couche. Par exemple, la pratique de la libération comme programme politique immédiat des prolétaires prisonniers se lie à toutes les couches de classe, puisqu’en elle vit la libération du mode de production capitaliste qui implique et enchaîne tout le prolétariat métropolitain.

B. L’expropriation prolétarienne est une action politico-militaire qui a la même dignité que les autres actions. Mieux, elle en est le présupposé. Elle est le juste programme de financement que la guérilla doit pratiquer pour se doter des instruments nécessaires à la reprise de l’offensive. Le capital défend sa richesse de mille manières (dispositifs, gardiens, etc.), et c’est à l’intelligence prolétarienne de savoir désamorcer les systèmes d’alarme et désarmer les gardiens, défenseurs du capital, mais qui ne sont pas spécifiquement enrôlés dans une fonction anti-prolétarienne et anti-guérilla. Dans cette phase, il est nécessaire d’être encore sélectifs, d’être capables de repérer et distinguer, en saisissant toujours l’objectif politique que l’on veut atteindre. La condamnation à mort de deux gardiens qui sont désarmés et qui se sont rendus n’est pas aujourd’hui un objectif stratégique !

Cette action, au lieu d’éclairer dans le mouvement révolutionnaire les tâches de la phase, la signification de l’expropriation et le rôle du système bancaire, n’a apporté que désorientation, confusion et désolidarisation. C’est objectivement une provocation contre-révolutionnaire !

2) De février à aujourd’hui. Colonne Walter Alasia, si tu es là, frappe un coup !

En février 1982, la Colonne W.A. a subi une dure attaque de la contre-guérilla, qui a mené à l’arrestation de dizaines de militants, surtout dans le Front de Masse, et qui a fait « sauter » l’opération d’assaut à la prison impérialiste de San Vittore 1, qui

« aurait dû déployer force et pouvoir social, exercés dans un rapport correct Parti / mouvements de masse révolutionnaires, pour atteindre l’objectif fondamental du programme révolutionnaire : la libération des prolétaires prisonniers » (document de revendication, Lissone, juillet 1982).

Le principal artisan de cette attaque de la bourgeoisie impérialiste est un dirigeant de notre Organisation : l’infâme Galli. Nous renvoyons à ailleurs l’analyse approfondie du phénomène des infâmes, en soulignant toutefois que les repentis sont aussi, mais non pas seulement, non pas principalement, la cause des défaites subies par la guérilla au cours des dernières années. C’est aussi ce que disent les camarades de Palmi dans Ce n’est que le début.

Quoiqu’il en soit, pour la Colonne W.A., c’est un dur coup politique, peut-être aussi parce qu’il s’agit du premier repenti de notre histoire (mais « que celui qui n’a jamais pêché nous jette la première pierre », écrivaient les camarades de la Brigade Prisons en juin 1982). Tout de suite après février, la Colonne expulse de l’organisation quelques « camarades », coupables non de divergences politiques, mais bien de graves incorrections politiques internes qui avaient mis en cause l’opération San Vittore, avant même l’infâmité de Galli. Nous rappelons qu’il y avait parmi ces individus l’infâme Marocco, qui a produit tant de catastrophes à l’intérieur du Parti-guérilla (et malheureusement chez nous aussi !).

À partir de février, un débat stérile et statique se déroule dans la Colonne qui, loin d’affronter constructivement la reprise du travail dans les Brigades et dans les fronts et la reprise de la pratique sociale sur le territoire métropolitain, dans tous les secteurs du prolétariat métropolitain, en dialectique avec les autres forces révolutionnaires, se fossilise sur les aspects de méthode de travail et sur la demande de la part de certains camarades d’entrer, « ici et maintenant », dans le Parti-guérilla, abandonnant complètement le patrimoine historico-politique porté jusque-là par la Colonne Walter Alasia et les divergences d’analyse politique avec le Parti-guérilla, divergences qui, de toutes manières, ne reniaient pas un rapport dialectique constant avec celui-ci.

Malheureusement, cette situation stagnante ne se débloque qu’en juin, avec la formation d’une nouvelle Direction de Colonne.

L’action de Lissone ouvre, en juillet 1982 2, la campagne de financement de la Colonne et,

« même si l’objectif de financement n’a pas été atteint, la guérilla a été en mesure d’affronter victorieusement la situation, à travers la capacité collective de s’organiser sur le terrain de la guerre sociale, en déployant tout le patrimoine d’expérience révolutionnaire acquis au cours de ces années » (tract de revendication, Lissone).

Suit la chute de trois de nos camarades après une fusillade avec les sbires, et la mort de l’un d’entre eux, le camarade Rico. La reprise du débat et du travail des Brigades, sous la nouvelle Direction de Colonne, provoque une importante croissance politique de toute l’organisation, sous la poussée du dépassement du néo-révisionnisme et de la tendance à une pratique sociale en dialectique avec le saut au Parti, dans la recomposition du prolétariat métropolitain.

C’était là la tendance qui animait toute la Colonne à l’ouverture de la Campagne d’Automne, lorsque la contre-guérilla, encore une fois par le biais d’un infâme (Marocco), inflige une nouvelle très dure attaque aux forces révolutionnaires. Pour nous, cette attaque se concrétise par la chute de la base de Cinisello et des camarades de la Direction de Colonne et par la mort du camarade Bruno.

Face à ces graves faits, notre critique-autocritique ne peut pas être seulement « technique » et ne peut se résumer au fait d’avoir continué à utiliser une base connue de l’exclu et aujourd’hui infâme Marocco. Il est au contraire nécessaire de faire une critique politique, dure, serrée, de la praxis politico-organisationnelle de la Colonne : la tendance acquise vers le saut au Parti et à une pratique sociale qui y corresponde, n’a pas réglé ses comptes avec la situation logistico-organisationnelle de la Colonne, assez précaire, assez faible, provoquant une incroyable inadéquation entre la « volonté de faire » des camarades et la « possibilité réelle » de faire dans cette situation.

On a aussi privilégié le politique sur le logistico-militaire, alors qu’une Organisation communiste combattante clandestine doit savoir équilibrer tous les aspects politico-militaires-organisationnels de sa vie, non pour survivre, mais pour croître, se renforcer, contribuer effectivement au saut au Parti.

L’ingénuité et la « jeunesse » de la Colonne ont ensuite donné la possibilité à la contre-guérilla, au moyen de se force centrale que sont les Carabiniers, d’arrêter trois autres de nos militants au milieu de la rue.

Mais les défaites militaires ne nous abattent pas outre mesure. Elles nous font plutôt réfléchir sérieusement sur la nécessité de comportements clandestins adaptés à la militarisation croissante dans la métropole : c’est l’intelligence communiste qui doit semer l’ennemi et encercler les encercleurs.

La métropole est le centre de la guerre sociale que les prolétaires, guidés par le Parti, développent quotidiennement, à travers mille comportements antagonistes, au long des mille lignes directrices de combat, en mille feux de guérilla. C’est dans la métropole que se déchaîne la guerre sociale antagoniste : c’est là que nous sommes, présents, en reprenant l’offensive, de l’usine à la prison et au territoire, où des millions de prolétaires luttent pour la LIBÉRATION.

CONSTRUIRE LE PARTI COMMUNISTE COMBATTANT !

CONSTRUIRE LES ORGANISATIONS DE MASSE RÉVOLUTIONNAIRES !

ACTIVER LES MOUVEMENTS DE MASSE RÉVOLUTIONNAIRES !

DÉVELOPPER LE SYSTÈME DE POUVOIR ROUGE !

HONNEUR AUX CAMARADES TOMBÉS EN COMBATTANT POUR LE COMMUNISME !

Pour le Communisme
Colonne Walter Alasia « Luca »
Milan, janvier 1983

  1. Le document se réfère à l’assaut projeté à la prison milanaise de San Vitorre, au cours duquel une libération massive de prisonnniers était prévue.
  2. L’action de Lissone est une « expropriation » qui ne pût être portée à terme et se conclu par une fusillade au cours de laquelle un maréchal des carabiniers fut abattu. En représailles, la Digos massacra de sang froid trois militants de la Colonne Walter Alasia dans un bar de Milan une semaine après, tuant l’un d’entre eux et blessant grièvement les deux autres.

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