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Dans le contexte du mouvement de révolte des étudiants en mai 68, un groupe composé de professeurs, d’assistants et d’étudiants de l’ULB se forme et s’appelle Universités Usines Union (UUU). Ce groupe s’inspire de l’exemple français et en particulier de la Gauche Prolétarienne qui publie La Cause du Peuple. UUU est à cette époque un groupe encore peu structuré d’un point de vue idéologique et organisationnel. C’est cependant à cette époque que sera apportée la première orientation idéologique maoïste.
En effet UUU regroupe des personnes venues d’horizons différents, une partie venant de militants des Comités Vietnam et donc de la lutte contre l’impérialisme américain ; une autre partie venant de personnes isolées d’un point de vue politique et organisationnel ; une troisième partie venant de militants scissionnistes en 1967 du parti de Grippa, La Voix du Peuple. L’organisation La Voix du Peuple étant elle-même issue d’une scission en 1963 dans Parti Communiste de Belgique, Le Drapeau Rouge.
Les militants représentant la gauche de La Voix du Peuple avaient quitté leur parti à l’occasion d’une crise interne apparue suite au revirement de Jacques Grippa à propos de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne. Ces militants, adeptes de la GRCP, ont donc été à l’origine de l’orientation maoïste d’UUU.
L’idéologie d’UUU à l’époque de sa création était la suivante : critiquer l’université bourgeoise à partir d’un point de vue prolétarien, réaliser le lien entre les intellectuels et les ouvriers et faire de l’agitation politique en milieu ouvrier. Le point de vue prolétarien amenait UUU à la conclusion que la tendance générale était à la révolution. Par cette position, UUU voulait se démarquer des courants anarchistes et des courants réformistes.
Dans ce contexte UUU se présentait comme un groupe marxiste-léniniste qui s’assignait comme tâche d’une part de se lier à la classe ouvrière, de mener avec elle la lutte anticapitaliste et d’autre part de se lier avec les progressistes pour mener la lutte en faveur des libertés démocratiques contre l’établissement d’un État fort, le but final étant de diriger la prise de pouvoir pour établir le socialisme, les moyens utilisés : la lutte violente, la participation aux grèves sauvages, la diffusion de la propagande dans la classe ouvrière, l’organisation de l’avant-garde du prolétariat et des intellectuels.
De 1968 à l’automne 1970, deux lignes s’affrontent dans le groupe. D’une part celle issue des ex-militants grippistes qui défendent la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne et refusent tout autre apport théorique. D’autre part celle issue des autres militants qui veulent donner plus d’importance à la réflexion théorique, en particulier à partir de « Que faire ? » de Lénine.
Des réunions de discussion sur ces deux lignes sont organisées avec comme invités des représentants d’AMADA (Alle Macht aan de Aarbeiders), organisation maoïsante issue du mouvement étudiant flamand de Louvain.
Fin 1970, la scission organisationnelle est réalisée entre les deux parties. Deux groupes se dégagent de cette scission : La Parole au Peuple composé de militants adeptes de la première ligne et TPT (Tout le Pouvoir aux Travailleurs) composé de militants de la deuxième ligne. TPT se met à la suite d’AMADA (qu’il considère comme plus avancé sur le plan théorique) dont il a repris l’appellation ainsi que son premier journal qui est la traduction littérale en français du journal d’AMADA.
Par la suite l’UC éditera un journal en son nom propre : Unité Rouge.
TPT se constitue en tant qu’organisation à partir de janvier 1971.
Le groupe adhère à cette époque à la ligne de la IIIe Internationale et fait son autocritique du spontanéisme de la période précédente. Le spontanéisme est défini comme le fait de « suivre sans réflexion les luttes ouvrières. » TPT qualifiera son spontanéisme de « courant opportuniste de gauche en apparence, de droite en réalité » et aura comme position que la classe ouvrière n’est pas en mesure de développer spontanément une pensée avancée qui peut la mener à la prise de pouvoir et à l’établissement du socialisme.
Une lutte idéologique est entreprise au sein du groupe sur base de l’étude de « Que faire » de Lénine.
Fin 1971, TPT prend contact avec l’organisation Comité Joseph Staline pour l’Unité Rouge (UR). UR est en liaison avec un groupe marxiste-léniniste portugais reconnu par la Chine. Via UR a été adoptée la critique du courant grippiste qualifié de « néo-révisionniste » (« Clarté » et « L’Exploité » issus de la scission avec « La Voix du Peuple »).
En octobre 1971, TPT participe à une Conférence des Partis Marxistes-Léninistes d’Europe, en l’absence du Parti du Travail d’Albanie.
L’idéologie de TPT à cette époque est la suivante : le mouvement marxiste-léniniste en Belgique est divisé, il faut donc réaliser cette unité pour créer le véritable Parti Communiste. Pour cela il faut déterminer les ennemis et les amis de la classe ouvrière. Les ennemis sont les révisionnistes (Le Drapeau Rouge), les révisionnistes modernes (La Voix du Peuple) et les néo-révisionnistes (Clarté–L’Exploité) qui prennent l’apparence du marxisme-léninisme mais trahissent la classe ouvrière et en premier lieu la Chine qui les a reconnus. Les amis sont ceux qui se démarquent du révisionnisme et du néo-révisionnisme dans le but de construire le vrai Parti Communiste.
TPT fait un bilan de son activité et définit le positif qui est son orientation marxiste-léniniste, le négatif qui est sa déviation dogmatique et empiriste, sa base politique et sa discipline faible et un niveau idéologique bas.
Une rectification sera mise en application avec comme thème : la question principale est l’unité des ML et la construction du Parti.
En janvier 72, TPT publie son premier bulletin : « Proposition pour l’unité des Marxistes-Léninistes de Belgique. » Au travers de ce texte TPT effectue un début d’individuation, et de lutte au niveau de la ligne politique à suivre, par rapport à AMADA. TPT propose l’unité à plusieurs organisations reconnues par eux (AMADA, Ouvrier en Colère, Unité Rouge, le Mubef) mais cette unité ne se réalise qu’avec Unité Rouge.
Suite à l’unification entre TPT et UR, l’UC(ML)B se crée début 1972 et redéfinit la situation : la classe ouvrière de Belgique est de plus en plus mobilisée contre le capitalisme mais sans la direction d’un véritable Parti elle ne peut arriver à la victoire et à la dictature du prolétariat. Les marxistes-léninistes ont des tâches envers les masses et des tâches internes.
Comme la tâche principale est la construction du Parti et que cette construction en est à sa première période, les tâches internes priment sur les tâches envers les masses qui en sont malgré tout son fondement. Il s’agit avant tout de rallier l’avant-garde du prolétariat, de l’organiser en cellules d’usines et de quartiers, de participer aux luttes économiques de la classe ouvrière et y faire la propagande pour les principes marxistes-léninistes fondamentaux, élaborer la ligne politique et surtout mener la lutte idéologique au sein de l’organisation pour transformer sa conception bourgeoise du monde en conception prolétarienne.
Le point central de démarcation avec le révisionnisme est la défense de Staline car, justement « La question de Staline est un enjeu fondamental de la lutte entre marxisme-léninisme et révisionnisme et que Staline est le seul marxiste-léniniste ouvertement attaqué par tous les réactionnaires. »
En mai 1972, l’UC(ML)B publie son deuxième bulletin qui définit cette ligne : « Voie Marxiste-Léniniste ou voie néo-révisionniste. » Le différend avec AMADA se précise en ce sens qu’AMADA défend le développement de deux centres en Belgique (AMADA pour la partie flamande et l’UC(ML)B pour la partie francophone).
En été 1972, l’UC(ML)B démarre une campagne interne qui a été intitulée « Campagne de Bolchevisation ». Cette campagne est justifiée par la participation de TPT à la Conférence des Partis Marxistes-Léninistes d’Europe en l’absence du Parti du Travail d’Albanie (PTA), seul parti ML au pouvoir en Europe.
L’UC(ML)B fera une autocritique de cette participation scissionniste et gauchiste ; scissionniste car TPT a accepté de participer à cette conférence sans la présence du PTA et a donc fait preuve d’un esprit fractionniste envers le représentant du pouvoir prolétarien en Europe ; gauchiste car faisant preuve d’un esprit prétentieux de non-reconnaissance du rôle de guide contre le révisionnisme, du PTA et du PCC (Parti Communiste de Chine).
Cette campagne de bolchevisation est donc entreprise puisque « notre conception du monde est encore pour une large part marquée par les idées et les pratiques petites-bourgeoises. »
Il faut donc se bolcheviser, c’est-à-dire « renforcer de façon décisive l’idéologie prolétarienne de tous les membres et instaurer les structures et un fonctionnement véritablement communiste. » Il faut aussi renforcer la discipline en pratiquant le centralisme démocratique pour appliquer l’utilitarisme de classe prolétarien.
Il faut élever le niveau moral pour lutter contre « l’égoïsme, la paresse, la veulerie, la volonté de garder ses distances, la mentalité de resquilleur, la fuite des tâches et des responsabilités par le mensonge. » Il faut faire une meilleure préparation à la clandestinité en renforçant les consignes de sécurité. Il faut que le Comité Central prenne une plus grande part à la construction de la ligne et qu’il y ait plus de contrôle de la base sur son travail.
La campagne de bolchevisation doit amener l’organisation à préparer la première conférence de l’UC(ML)B.
En juin 72, l’UC publie son bulletin n° 3 « Les deux lignes dans la construction du Parti » et en juillet 72 le bulletin n° 4 « Vive la glorieuse dictature du prolétariat en URSS sous la direction du Parti Communiste (bolchevik) ayant à sa tête le camarade Staline. »
En avril 1973, une nouvelle rectification a lieu au sein de la campagne de bolchevisation pour raison de bureaucratisme et de dogmatisme du Comité Central.
En effet, le Comité Central avait désigné un organe de direction de la campagne de bolchevisation : le Bureau Central. Le Comité Central donne l’origine et les conséquences de cette déviation : présomption et mépris envers les militants ouvriers et devant les tâches de direction ; les tâches envers les masses ne peuvent progresser ni l’unité des marxistes-léninistes.
La rectification amènera donc une application stricte du centralisme démocratique pour que le CC devienne le lieu de centralisation des idées justes et de direction de toute l’activité. Le plan est de dissoudre le Bureau Central et de le soumettre à la critique des Comités Locaux de Bruxelles, Liège, Charleroi.
L’UC(ML)B doit aussi renforcer son étude des textes sur la bolchevisation, écrire un rapport d’activité et préparer les militants délégués de cellules pour la conférence qui est fixée à avril-mai 1975.
L’UC(ML)B publie son bulletin n° 5 en juillet 73, « Une défaite du scissionnisme néo-révisionniste. Bilan d’UR et de son scissionnisme » (un cadre d’UR a été exclu en 1972 pour cause de complotisme) et son bulletin n° 6 en août 1973, « Critique de Lutte Communiste contre son sectarisme et son opportunisme. »
Parallèlement à ces campagnes internes, l’UC(ML)B mène diverses campagnes externes : de décembre 1972 à mai 1973 : une campagne contre la fascisation de l’État, en 1975 : une campagne démocratique dont l’idée centrale était que les deux superpuissances (USA et URSS) se disputent l’Europe et mènent le monde à la guerre et que la bourgeoisie belge trahit la cause de l’indépendance nationale par ses accords avec les deux superpuissances (Alliance Atlantique, OTAN, accord d’Helsinki). Donc « seule la révolution peut conjurer la guerre et la guerre provoquera la révolution. »
Après la conférence d’avril-mai 1975, l’UC(ML)B créera des groupes d’autodéfense (GAD) et définira la formation d’un front uni du prolétariat comme tâche principale.
En avril-mai 1975 a lieu la première conférence de l’UC(ML)B qui publie à l’occasion un communiqué portant sur quatre questions : une plateforme politique, des statuts, des thèses et résolutions, un rapport d’activité.
Les thèses sont : la lutte entre les deux superpuissances mène à la guerre ; il faut travailler à l’intérieur des syndicats pour les conquérir et former le front unique prolétarien ; il faut organiser les ouvriers immigrés avec les ouvriers belges dans le parti, la bourgeoisie belge attaque les droits démocratiques et prépare le fascisme en renforçant l’appareil policier, en accroissant la répression des luttes ouvrières et en prenant des mesures racistes envers les immigrés.
Deux lignes s’affrontent à la conférence, la ligne d’opposition est défendue par la cellule de quartier de Bruxelles et par le dirigeant du Comité Régional de Bruxelles. À la fin des discussions de la conférence, les militants de la ligne d’opposition se rallient à la ligne de la direction et font leur autocritique qui figurent dans les documents de la conférence. À l’exception du dirigeant régional de Bruxelles qui maintient ses positions.
Une campagne de rectification est entamée contre la ligne d’opposition qualifiée d’opportuniste et la cellule de quartier est dissoute. Cette rectification inaugure la dernière période de l’UC(ML)B et sera déterminante pour l’implosion de l’organisation un an après en mars-avril 1976, à l’occasion de la découverte d’un nouveau complot. Un groupe de rectification est constitué pour diriger cette campagne interne contre l’idéologie bourgeoise qui a alimenté la ligne d’opposition.
En décembre 1975 paraît un texte distribué à tous les membres et sympathisants, intitulé « Campagne de rectification contre le spontanéisme. » Ce texte est considéré comme important car contrairement à tous les textes précédents qui reconnaissent à la fois les aspects positifs et négatifs, celui-ci donne un aperçu unilatéral : « … depuis la conférence l’organisation a régressé sur tous les plans. »
Ces plans concernent :
• l’unité : seulement trois ouvriers ont écrit au comité de rédaction et le désir d’unité avec AMADA s’est relâché ;
• le programme : les tâches d’études ne sont pas faites et le CC ne dirige pas la pratique ;
• les tâches envers les masses : attitude défensive et passivité dans les luttes ;
• les tâches d’organisation : le groupe de rectification ne fait pas son travail.
La conclusion et l’explication de cet état de fait est que « l’UC(ML)B n’a pas appliqué la ligne de la conférence et la ligne d’opposition a gagné du terrain. »
Ce texte est suivi d’un autre en janvier 1976, « Plénum du Comité Central. » Il comporte une autocritique du CC à propos de ses positions sur la ligne politique dans le cadre de la menace de guerre. Cette autocritique parle d’une sous-estimation du risque de guerre, d’une erreur ultra gauche qui est le signe d’une déviation opportuniste de droite et de conciliation avec le pacifisme.
Après une reprise des quatre plans déficitaires du texte de décembre 1975, la conclusion est : « l’opportunisme gagne du terrain mais le rapport de force est encore en faveur de la gauche, il faut donc une lutte acharnée contre l’opportunisme pour appliquer la ligne de la conférence. »
En février 1976, paraît un nouveau texte : « La classe ouvrière doit exercer sa direction en tout. » II s’interroge sur comment garantir que le Parti reste un véritable Parti révolutionnaire et ne devienne pas révisionniste. Ce texte affirme que « les opportunistes d’aujourd’hui deviendront les bourreaux de demain ; il faut donc purger l’organisation de la vermine bourgeoise. »
Le 19 février 1976 se constitue un tribunal contre le cadre du Comité Régional de Bruxelles, accusée de fractionnisme avec le président d’AMADA (son compagnon dans la vie) ; le tribunal vote l’exclusion du cadre.
Le 17 mars 1976 a lieu la découverte d’un complot à l’intérieur de l’UC, complot qui serait mené par le cadre régional de Liège. L’accusation est de diriger un complot contre le mouvement communiste international (Chine, Albanie) en alliance avec le cadre d’UR précédemment exclu en 1972. Des interrogatoires, des menaces de mort sur l’accusé ont lieu. Il est mis en observation et finalement exclu.
Le 29 mars 1976 paraît un texte du secrétaire du Comité Central contre l’autre dirigeant du CC, l’accusant d’être « pris du vertige du succès suite aux victoires importantes de ces derniers mois » et que le subjectivisme et la précipitation lui ont fait commettre des erreurs, qu’il faut critiquer à fond ses textes pour couper court à l’opportunisme de gauche et à l’aventurisme.
Le 29 mars 1976 sort un texte du dirigeant du CC accusé par le précédent et qui dit : « De l’audace et c’est la révolution, hésiter et c’est la défaite. »
Le 29 mars 76 sort aussi un texte de protestation de certains militants contre le CC : « La lutte idéologique n’est plus possible au sein de l’UC, il faut donc rompre avec les dirigeant. »
Le 30 mars 1976, les membres du CC accusent le secrétaire du CC d’être le principal responsable du complot et appellent à sa destitution.
À partir du mois de mars 1976, chacun parle en son nom, il n’y a plus de discours collectif, on peut dire que l’UC(ML)B n’existe plus en tant qu’organisation. Une partie des militants rejoint AMADA, une autre reste avec le secrétaire du CC, une autre avec l’autre dirigeant du CC et le reste se perd dans la nature et n’a plus été organisé politiquement.
Assez rapidement beaucoup de militants ayant été à AMADA quittent à leur tour cette organisation mais certains y sont toujours, alors qu’AMADA s’appelle maintenant le Parti du Travail de Belgique. Les deux autres parties, avec à leurs têtes les dirigeants du CC, ont continué à militer pendant quelques années mais sans succès et ont fini par se dissoudre à leur tour.
Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste
10 février 2019