Il y a une citation de Gonzalo qui est plutôt connue dans le mouvement de soutien à la guerre populaire au Pérou, et qui souligne la dimension de la lutte comprise par lui:

« Nous, humains, sommes de simples fragments du temps et des battements de coeur, mais nos actes resteront pour des siècles, marquant de leur empreinte génération après génération. Nous peuplerons la Terre avec la lumière et la joie. »

 

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Ces phrases portent un très haut niveau idéologique, comme toujours. Essayons de comprendre cela d’une manière correcte. Pour cela, regardons tous les points qui sont à comprendre:

1. chaque humain n’est qu’un fragment du temps et des battements de coeur ;

2. les actes des humains ne disparaissent pas, mais sont portés dans et par les générations suivantes ;

3. la Terre sera habitée par « la lumière et la joie ».

Le dernier point est, bien entendu, le plus compliqué à comprendre. Au contraire, le premier point est le plus facile.

Gonzalo pointe quant à la définition matérialiste du temps. La question du temps a soulevé de nombreux débats parmi les matérialistes, les idéalistes, et chaque religion accorde une grande importance à cette question.

Suivant le matérialisme, le temps est une manière de mesurer le mouvement dans l’espace. Il n’y a pas de temps en soi. C’est pourquoi Gonzalo considère le temps par l’aspect des « battements de coeur »: pour chaque humain, c’est comme un compteur. Et ce compteur est pour ainsi dire « personnel », comme le « temps » n’existe pas en soi et ce compteur n’est qu’un « fragment du temps », qui est en fait le mouvement général de l’univers.

Il y a un double aspect: d’un côté, chaque humain suit son propre rythme (« battements de coeur »), de l’autre côté ce « temps » humain individuel n’est qu’une composante du système en entier.

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Nous retrouvons ici les deux aspects classiques de la psychologie, tels qu’expliqués par le grand révolutionnaire d’Afghanistan, Akram Yari.

Ainsi, comme Akram Yari a déjà exposé cette question, voyons le second point. Ici, il est facile de comprendre où est-ce que Gonzalo a trouvé cette question des actes « marquant de leur empreinte génération après génération ».

Gonzalo, à l’université, a réalisé son travail sur la question de l’espace dans la conception de Kant. Et de fait, Kant explique que dans le monde tout ce qui existe a une utilité (ce qui est le point de vue matérialiste classique, formulé par Aristote). C’est pourquoi le travail des humains a un sens pour la nature.

La transmission de génération en génération, les actes marquant de leur empreinte génération après génération, avec pour ainsi dire chaque génération travaillant pour la prochaine, est selon Kant la preuve du rôle des humains sur la Terre.

Maintenant, nous pouvons comprendre le but du travail humain, expliqué par Gonzalo de la manière suivante : « Nous peuplerons la Terre avec la lumière et la joie. »

La question est bien sûr ici : qu’a voulu dire Gonzalo avec la lumière et la joie? Pour la joie, nous pouvons le comprendre : la matière vivante veut vivre bien, c’est quelque chose expliqué parfaitement par Épicure et Spinoza, par exemple.

Néanmoins, il y a alors la question de la « lumière ». Ici il est en fait facile de comprendre ce que dit Gonzalo. Gonzalo a souvent pris des concepts dans la religion chrétienne, afin de les utiliser dans un sens matérialiste, de manière à mobiliser, d’appeler à la lutte.

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Ainsi, Gonzalo a déjà utilisé les fameux mots bibliques sur le peuple comme « lumière du monde ». Quand Gonzalo dit que « nous peuplerons la Terre avec la lumière et la joie », il veut dire que ceux qui « peupleront » la Terre sont en fait le peuple lui-même, devenant une lumière.

Bien entendu, nous pouvons voir ici que Gonzalo ne traite que de la question du peuple dans sa relation à l’univers comme matière éternelle en mouvement; il n’a pas soulevé la question de la biosphère. Il est facile de voir pourquoi : même si soulevée par Vernadsky en Union Soviétique durant les années 1920 et 1930, ce n’est que récemment que cet aspect a pu être formulé en tant que tel.

Mais malgré cela, ce qui n’est pas une limite mais une question de progression de la matière en mouvement – un fragment du temps -, Gonzalo a exprimé de manière magistrale le rapport dialectique de « l’individu » à la société non seulement au temps de l’individu, mais aussi pour les générations suivantes.


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