La bourgeoisie a toujours spéculé sur l’art, soit parce que les courants artistiques étaient conformes, dans leur contenu, à leurs exigences idéologiques (comme l’impressionnisme), soit par placement financier.

L’art contemporain répond aux exigences de l’accroissement du capital financier. Il n’y a plus assez d’oeuvres d’art du passé ? Le pillage des pays semi-coloniaux ne suffit plus ? Qu’à cela ne tienne : une armée d’opportunistes de la pire espèce produit de pseudos œuvres d’art, afin de proposer celles-ci comme placements financiers.

Le capitaliste espère alors soit, comme à la bourse, que la côte de l’oeuvre va grimper, soit il considère que c’est un capital « protégé » de par la côte de l’artiste (qui doit alors être célèbre, idéologiquement reconnu, comme Pablo Picasso, Vincent Van Gogh, etc.).

Voici comment Artprice, première entreprise de cotation sur le net dans le monde, raconte l’ascension de Banksy, « artiste » mode street art, pseudo rebelle cataloguant ses œuvres pour mieux les vendre :

« Les premiers signes d’une envolée des prix se manifestent pour Banksy en 2006. En quelques mois, il passe d’un artiste abordable pour moins de 10 000 $ à un maestro du marché flirtant avec les 100 000 $. L’année s’achève sur un coup de théâtre : estimée 5000£, Tank, embracing Couple est finalement adjugée 52 000 £ le 25 octobre 2006 chez Bonhams Londres, soit plus de 97 000 $.

L’ascension des prix continue en 2007 et atteint son point culminant en 2008 avec deux records d’enchères dépassant le million de dollars. Le premier est enregistré le 14 février à hauteur de 1,7 m$ chez Sotheby’s New York (Keep it spotless, soit 1,87 m$ frais inclus), le second arrive deux semaines plus tard à Londres, avec un coup de marteau à 1 093 400 $ (550 000 £, Simple Intelligence testing, Sotheby’s). Incarnant la folle ascension des prix qui s’empare de l’art contemporain en 2008, Banksy emporte 21 adjudications à plus de 100 000 $ sur le premier semestre de l’année. »

La surproduction de capital dans le cadre de la crise générale du capitalisme fait qu’au 21e siècle, en 12 ans (2000-2012), le marché de l’art contemporain a eu une croissance de 86 % en valeur, pour atteindre les 9 milliards d’euros ; le marché de l’art en lui-même atteint en tout 43 milliards d’euros.

Les ventes aux enchères d’art contemporain par les poids lourds (Christies, Sothebys) restent le lieu privilégié de la haute bourgeoisie, et peuvent atteindre pratiquement 500 millions de dollars ; aux Pablo Picasso, aux Andy Warhol, s’ajoutent ainsi désormais une flopée « d’artistes » asiatiques, notamment chinois : le peintre Zhang Da Qian (1899-1983) a représenté en 2011 554,53 millions de dollars avec 1.371 lots vendus, Qi Baishi (1864-1957) a quant à lui « rapporté » la même année 510,57 millions de dollars de vente, etc.

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300 millions de personnes participent à cette folie, cette course aux placements financiers, largement aidée bien entendu par les Etats impérialistes, avec les Fondations aux Etats-Unis, ou en France les fonds régional d’art, le 1 % artistique (toute construction d’un bâtiment par un ministère, telle une école, doit « financer la réalisation d’une œuvre d’art contemporaine intégrée au projet architectural » à hauteur de 1 % du budget).

Pour conclure, citons ici une fausse lettre de Pablo Picasso. Elle date de 1952 et a été rédigé par le fasciste italien Giovanni Papini (1881-1956), vraisemblablement dans le cadre d’une opération de l’OTAN pour discréditer Pablo Picasso.

Le paradoxe est, en effet, que les communistes ont toujours rejeté le décadentisme bourgeois et assumé le réalisme socialiste. Mais en France, le Parti Communiste français avait la mainmise sur toute la scène artistique dans les années 1950, qu’elle a porté à bout de bras.

Un ennemi culturel du communisme comme Pablo Picasso était ainsi encensé par les « communistes » français, comme le plus grand artiste, etc., alors qu’il n’était qu’un escroc produisant au kilomètre.

La fausse lettre de Pablo Picasso à Giovanni Papini visait donc à nuire au prestige de Pablo Picasso (et du PCF), mais elle a également un contenu consistant en un « retour » aux classiques totalement idéaliste, oubliant par ailleurs totalement la dimension capitaliste, l’utilité de la production en série de ce dernier, qu’Andy Warhol pratiquera ensuite de manière industrielle.

Cette lettre est à ce titre intéressante comme critique à la fois juste et à la fois fausse, surtout qu’elle est très bien tournée, qu’elle a l’air véridique :

« Du moment que l’art n’est plus l’aliment qui nourrit les meilleurs, l’artiste peut exercer son talent en toutes les tentatives de nouvelles formules, en tous les caprices de la fantaisie, en tous les expédients du charlatanisme intellectuel.

Dans l’art, le peuple ne cherche plus consolation et exaltation, mais les raffinés, les riches, les oisifs, les distillateurs de quintessence cherchent le nouveau, l’étrange, l’original, l’extravagant, le scandaleux.

Art contemporain et post-modernisme - 17e partie 3

Et moi-même, depuis le cubisme et au-delà, j’ai contenté ces maîtres et ces critiques, avec toutes les bizarreries changeantes qui me sont passées en tête, et moins ils le comprenaient et plus ils m’admiraient.

A force de m’amuser à tous ces jeux, à toutes ces fariboles, à tous ces casse-tête, rébus et arabesques, je suis devenu célèbre et très rapidement.

Et la célébrité signifie pour un peintre : ventes, gains, fortune, richesse. Et aujourd’hui, comme vous savez, je suis célèbre, je suis riche.

Mais quand je suis seul à seul avec moi-même, je n’ai pas le courage de me considérer comme un artiste dans le sens grand et antique du mot.

Ce furent de grands peintres que Giotto, le Titien, Rembrandt et Goya ; je suis seulement un amuseur public qui a compris son temps et a épuisé le mieux qu’il a pu l’imbécillité, la vanité, la cupidité de ses contemporains.

C’est une amère confession que la mienne, plus douloureuse qu’elle ne peut sembler, mais elle a le mérite d’être sincère. »

Cette lettre aurait pu être véridique, toute personne en conviendra. L’art contemporain est une escroquerie, un placement financier.

Naturellement, le matérialisme dialectique accorde un intérêt à l’expérimentation, aux tentatives expressionnistes. Mais l’art contemporain n’est que décadence, subjectivisme.


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