Armée Rouge Japonaise
Déclaration de lutte
Séoul, 3 avril 1970
à bord de l’avion détourné vers Pyongyang

A bord de l’avion détourné, nous ressentons violemment l’oppression et l’épaisseur du mur qui sépare les Etats et les nations.

Nous voudrions dans cette circonstance, rédiger une brève déclaration de lutte, lutte qui n’est rien d’autre que la nôtre, mais de laquelle dépend l’essor de la lutte des classes dans le monde.

Notre entreprise, appelée communément « hijack », a été effectuée le 31 mars à 7h10 du matin, par neuf militants de l’Armée rouge, sur un avion Japan Airlines de la ligne intérieure Haneda-Fukukoa ; nous voyons actuellement, avec toutes les tractations politiques à l’échelle internationale, qu’elle a beaucoup plus de conséquences que prévu, notamment à cause de l’atterrissage forcé à Séoul.

Notre intervention active ne peut pas ne pas être un facteur de perturbation sur une scène politique internationale déjà saturée de tensions et de confusions.

Actuellement, l’augmentation des contradictions internes dans le monde est un facteur favorable à l’agitation politique, malgré la stagnation des mouvements politiques, que ce soit la dégénérescence, dans les Etats impérialistes modernes, du mouvement des travailleurs avec son économisme sans nuance et son chauvinisme (appelons-le mouvement des travailleurs impérialistes) ou, dans les Etats prolétariens, la corruption des bureaucrates stalinistes avec la légitimation de l’opportunisme et l’abandon de la question de l’impérialisme.

C’est la raison pour laquelle nous devons, dans cette étape historique, poursuivre notre objectif de formation du parti armé et son unification à l’échelle mondiale et faire en sorte que notre lutte devienne offensive, et non plus défensive, afin de profiter de ces conditions favorables objectivement latentes.

Nous approchons aujourd’hui de la dernière étape dans l’histoire mondiale de la lutte des classes : la désintégration latente des Etats prolétariens, les contradictions entre les lois de l’impérialisme (surproduction, guerre pour le partage du marché mondial, guerre entre Etats impérialistes) et les difficultés qu’elles rencontrent, et la concentration des contradictions dans les pays sous-développés, ne font qu’accroître la possibilité d’unir tous les prolétaires armés du monde.

Mais nous ne devons pas attendre le terme de ces contradictions. Ces conditions elles-mêmes, au contraire, nous imposent davantage une intervention active et aiguë. Dans quelle direction et comment lutter ?

La théorie de la révolution moderne doit répondre à cette question primordiale.

Notre principale réponse consiste à poursuivre, dans les pays impérialistes, l’activité du parti pour préparer la première phase de l’insurrection armée qui déclenchera la guerre mondiale révolutionnaire, et dans les Etats prolétariens, à les transformer en bases d’appui pour cette guerre mondiale (guerre mondiale qui catalysera elle-même cette transformation).

Nous abandonnons volontairement la construction d’un parti de type léniniste dont la propagande reste à l’échelle nationale, et nous entreprenons la construction du parti armé pour la propagande à l’échelle internationale.

Nous essayons d’agir sur la situation politique par une intervention active ou première phase de l’insurrection armée, pour établir l’hégémonie du prolétariat armé à l’échelle mondiale.

Notre conception réaliste et historique du monde objectif nous permet une confiance absolue dans le futur essor de la révolution et nous encourage activement à poursuivre une lutte acharnée.

Nous sommes totalement étrangers à toutes les formes de l’objectivisme et de l’attentisme stalinistes. Pour nous, le plus important est la prise de position face aux données historiques, qui implique la construction du parti mondial et la première phase de l’insurrection armée.

Face à la situation objective du monde, notre détournement d’avion n’est que le premier pas de notre intervention active.

Ce premier pas nous permettant de concrétiser puis d’aboutir à la construction d’un parti mondial et à la formation d’un parti armé, nous fait envisager la première phase de l’insurrection à l’intérieur même des pays impérialistes, y compris évidemment le Japon.

Peuple prolétaires du monde entier ! Prolétaires du Japon ! Remarquez bien qu’autour de notre entreprise surgit un curieux réseau de tractations politiques à l’échelle internationale.

Nous avons pu ainsi montrer quel est le schéma de la collusion entre, d’une part, la bourgeoisie et le gouvernement japonais, qui veulent empêcher la réalisation de notre projet de construction de bases d’appui internationales et renforcer la répression à l’intérieur du pays, et d’autre part la bourgeoisie de Corée du Sud qui maintient son régime de dictature militaire tout en craignant la coordination entre une offensive de la Corée du Nord et le développement de la lutte des classes à l’intérieur du pays.

Nous ne devons pas oublier l’évidence de cette collusion.

Nous souhaitons que non seulement le peuple japonais mais aussi les prolétaires du monde entier soient conscients de cette réalité.

Pourquoi à l’aéroport de Fukukoa où nous avions atterri pour nous ravitailler en essence, a-t-on tenté de retarder le décollage ?

C’était pour que le gouvernement japonais gagne du temps afin de préparer avec la collaboration du gouvernement sud-coréen ce piège consistant à faire passer l’aéroport de Séoul pour celui de Pyongyang.

Alors qu’au-dessus de la mer du Japon notre avion se dirigeait vers le nord et commençait à survoler la péninsule coréenne (nous avions certainement survolé le 38e parallèle), nous avons reçu une réponse à notre appel pour Pyongyang.

Nous avons alors atterri sur cet « aéroport de Pyongyang ». Nous n’étions pas à Pyongyang, mais à Séoul.

Nous avons failli descendre de l’avion, mais dans cette circonstance notre méfiance et notre prudence nous ont sauvés de cette supercherie [le commando de l’Armée rouge aurait en effet demandé à voir un portrait de Kim Il Sung, demande que le « personnel de l’aéroport » fut incapable de satisfaire ; ce n’était donc pas la Corée du Nord.].

Plusieurs personnes sont venues « pour nous accueillir » en déclarant que c’était Pyongyang et qu’ils accueillaient « chaleureusement les militants de la lutte contre l’impérialisme japonais. »

Ces faits montrent clairement que nous n’avons pas voulu cet atterrissage mais que ce sont les gouvernements japonais et coréens qui nous ont « forcé » à cet atterrissage.

La dernière garantie de la réussite de notre entreprise, à ce moment critique, était de renforcer notre contrôle sur les passagers que nous avions en otage (évidemment sans contrainte physique).

Nous avons réaffirmé sans hésitation notre résolution de nous faire sauter avec l’avion s’il n’y avait pas d’autre issue possible.

Pour nous qui ne représentions qu’une force relativement faible et qui étions tous menacés par le droit bourgeois (nous étions ou recherchés ou en liberté provisoire), la seule possibilité de nous en sortir et de nous armer pour une activité internationale, était de recourir à cette opération de détournement d’avion.

L’atterrissage à Séoul fut le moment décisif de cette opération dans laquelle nous avons joué notre vie et celle des passagers.

Nous avons lutté. Au cœur de la Corée du Sud dirigée par un régime fasciste (mis en place par la dictature bourgeoise) et face à la réaction forcenée, les lâches politiciens japonais rejetèrent toutes leurs responsabilités ; nous devions montrer une incomparable intransigeance pour achever notre entreprise.

Notre alternative était ou voler sur Pyongyang en gardant les passagers ou nous faire sauter.

Ce qui nous a permis de vaincre au moment critique et de risquer notre vie, ce sont notre résolution et la grande confiance que nous avons en notre théorie.

C’est un premier pas dans notre lutte. Si nous atteignons la Corée du Nord, si là nous pouvons recevoir un entraînement militaire, si nous poursuivons notre trajet vers Cuba ou vers le Vietnam du Nord, si…

C’est un horizon inconnu qui s’ouvre devant nous.

Nous sommes convaincus que seule, notre intervention active dans des conditions objectives, ouvre une nouvelle perspective.

Seul, l’engagement actif nous permet d’accéder à une nouvelle théorie et de concevoir des tactiques nouvelles et des stratégies nouvelles et que, seule la pratique qu’elles soutiennent permet la transformation des rapports humains existants et une nouvelle forme d’organisation.

Ceux qui dans le vide discutent de la théorie du marxisme révolutionnaire et prétendent dans l’abstraction concevoir un système d’économie socialiste, ne sont que des pseudos-marxistes.

En n’éprouvant pas leur théorie dans la pratique, ils ne font en réalité que s’accrocher à un statu quo.

Nous répétons : seule une prise de position active, à partir d’une vision globale du monde, dans un mouvement réel et concret, fait de nous de vrais marxistes révolutionnaires.

C’est à-travers elle que nous pouvons créer des théories, des stratégies et des tactiques vraiment fécondes, soutenues par la passion de lutter.

Nous rejetons toutes les ordures de la société bourgeoise et nous allons vers la libération des prolétaires du monde entier, nous allons vers un monde nouveau où régneront des rapports sociaux nouveaux ; le seul moyen pour y accéder est le combat féroce et sanglant contre la dictature de la bourgeoisie, la lutte à mort entre prolétaires et bourgeois, la guerre mondiale révolutionnaire objectivement de plus en plus possible !A nous de la matérialiser par notre engagement actif !

Peuples prolétaires du monde entier ! Prolétaires du Japon ! Luttons ensemble ! aux armes, camarades ! Le moment est venu de nous soulever les armes à la main !

Ceux qui ne veulent pas apprendre à se servir des armes ne quitteront jamais la classes des esclaves. L’époque est finie où nous nous laissions apprivoiser par le régime de dictature de la bourgeoisie.

Engageons-nous activement pour la transformation du monde ! Que notre propre activité surmonte les difficultés ! Réalisons le futur et conquérons le monde entier de nos propres mains !

Pour conclure cette déclaration de lutte, à nouveau nous voulons réaffirmer notre conviction: notre détournement d’avion, premier pas dans notre lutte, crée une phase nouvelle dans l’affrontement contre le pouvoir bourgeois, qui améliorera la lutte des classes dans le monde et la transformera en lutte armée à l’échelle internationale.


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