1. Le communisme est la doctrine des conditions sociales et historiques de l’émancipation du prolétariat. L’élaboration de cette doctrine commença dans la période des premiers mouvements prolétariens contre les effets du système de production bourgeois; elle prit forme dans la critique marxiste de l’économie capitaliste, la méthode du matérialisme historique, la théorie de la lutte des classes et la conception des développements que présentera le processus historique de la chute du régime capitaliste et de la révolution prolétarienne.
2. C’est sur la base de cette doctrine, dont la première et fondamentale expression systématique est le Manifeste du Parti communiste de 1848, que se constitue le Parti communiste.
3. Au cours de la présente période historique, la situation créée par les rapports de production bourgeois, fondés sur la possession privée des moyens de production et d’échange, sur l’appropriation privée des produits du travail collectif, sur la libre concurrence dans le commerce privé de tous les produits, devient de plus en plus intolérable pour le prolétariat.
4. A ces rapports économiques correspondent les institutions politiques propres au capitalisme l’État à représentation démocratique et parlementaire. Dans une société divisée en classes, l’État est l’organisation du pouvoir de la classe privilégiée sur le plan économique. Bien que la bourgeoisie représente la minorité de la société, l’État démocratique représente le système de la force armée organisée en vue de la conservation des rapports de production capitalistes.
5. La lutte du prolétariat contre l’exploitation capitaliste revêt des formes successives: de la destruction violente des machines à l’organisation de métier pour l’amélioration des conditions de travail, aux Conseils d’usine et aux tentatives de prise de possession des entreprises.
A travers toutes ces actions particulières, le prolétariat se dirige vers la lutte révolutionnaire décisive contre le pouvoir d’État bourgeois qui empêche que les actuels rapports de production puissent être brises.
6. Cette lutte révolutionnaire est le conflit de toute la classe prolétarienne contre toute la classe bourgeoise. Son instrument est le parti politique de classe, le parti communiste, qui réalise l’organisation consciente de l’avant-garde du prolétariat qui a compris la nécessité d’unifier son action, dans l’espace en dépassant les intérêts des groupes, catégories ou nationalités particulières, dans le temps en subordonnant au résultat final de la lutte les avantages et les conquêtes partiels qui ne modifient pas l’essence de la structure bourgeoise. C’est donc seulement l’organisation en parti politique qui réalise la constitution du prolétariat en classe luttant pour son émancipation.
7. Le but de l’action du Parti communiste est le renversement violent de la domination bourgeoise, la conquête du pouvoir politique par le prolétariat, l’organisation de celui-ci en classe dominante.
8. Alors que la démocratie parlementaire avec la représentation des citoyens de chaque classe est la forme que revêt l’organisation de la bourgeoisie en classe dominante, l’organisation du prolétariat en classe dominante se réalisera par la dictature du prolétariat, c’est-à-dire par un type d’État dont la représentation (système des Conseils ouvriers) sera désignée par les seuls membres de la classe travailleuse (prolétariat industriel et paysans pauvres), les bourgeois étant exclus du droit de vote.
9. Après que la vieille machine bureaucratique, policière et militaire ait été mise en pièces, l’État prolétarien unifiera les forces armées de la classe laborieuse en une organisation chargée de réprimer toutes les tentative contre-révolutionnaires de la classe dépossédée, et de réaliser les mesures d’intervention dans les rapports bourgeois de production et de propriété.
10. Le processus par lequel on passera de l’économie capitaliste à l’économie communiste sera extrêmement complexe, et ses phases seront différentes selon les différents degrés de développement économique. Le terme de ce processus est la réalisation complète de la possession et de la gestion des moyens de production par toute la collectivité unifiée, ainsi que de la distribution centrale et rationnelle des forces productives parmi les diverses branches de la productions et enfin de l’administration centrale par la collectivité dans la répartition des produits.
11. Quand les rapports de l’économie capitaliste auront été entièrement éliminés, l’abolition des classes sera un fait accompli et l’État, en tant qu’appareil politique du pouvoir, aura été remplacé progressivement par l’administration collective rationnelle de l’activité économique et sociale.
12. Le processus de transformation des rapports de production s’accompagnera d’une longue série de mesures sociales reposant sur le principe que la collectivité prend en charge l’existence matérielle et intellectuelle de tous ses membres. De cette manière seront progressivement éliminées toutes les tares dégénératives que le prolétariat a héritées du monde capitaliste et – selon les termes du Manifeste – à la vieille société divisée en classes antagonistes se substituera une association dans laquelle le libre développement de chacun sera la condition du libre développement de tous.
13. Les conditions de la victoire du pouvoir prolétarien dans la lutte pour la réalisation du communisme ne se trouvent pas tant dans l’utilisation rationnelle des compétences pour les tâches techniques, que dans le fait que l’on confie les charges politiques et le contrôle de l’appareil d’État à des hommes qui font passer l’intérêt général et le triomphe final du communisme avant les intérêts limités et particuliers des groupes.
Puisque précisément le Parti communiste est l’organisation des prolétaires qui ont cette conscience de classe, le but du parti sera de conquérir par sa propagande les charges électives dans l’organisation sociale pour ses adhérents. La dictature du prolétariat sera donc la dictature du Parti communiste, et celui-ci sera un parti de gouvernement dans un sens totalement opposé à celui des vieilles oligarchies, car les communistes endosseront les charges qui exigeront le maximum de renoncement et de sacrifice, et prendront sur eux la part la plus lourde de la tâche révolutionnaire qui incombe au prolétariat dans le dur travail qui enfantera un monde nouveau.
1. La critique communiste qui s’élabore sans trêve sur la base de ses méthodes fondamentales et la propagande des conclusions auxquelles elle aboutit, ont pour but d’extirper les influences qu’exercent sur les prolétaires les systèmes idéologiques propres aux autres classes et aux autres partis.
2. En premier lieu, le communisme déblaie le terrain des conceptions idéalistes, selon lesquelles les faits du monde de la pensée sont la base – et non le résultat – des rapports réels de la vie de l’humanité et de leur développement. Toutes les formulations religieuses et philosophiques de ce genre sont à considérer comme le bagage idéologique de classes dont la domination, qui précéda l’époque bourgeoise, reposait sur une organisation ecclésiastique, aristocratique ou dynastique, qui ne se justifiait que par une prétendue investiture supra-humaine. Un symptôme de décadence de la bourgeoisie moderne est la réapparition en son sein, sous des formes renouvelées, de ces vieilles idéologies qu’elle avait pourtant elle-même détruites.
Un communisme qui se fonderait sur des bases idéalistes serait une absurdité inacceptable.
3. De façon plus caractéristique encore, le communisme représente la démolition critique des conceptions du libéralisme et de la démocratie bourgeoise. L’affirmation juridique de la liberté de pensée et de l’égalité politique des citoyens, la conception selon laquelle les institutions fondées sur le droit de la majorité et sur le mécanisme de la représentation électorale universelle sont une base suffisante pour un progrès indéfini et graduel de la société humaine, sont les idéologies qui correspondent au régime de l’économie privée et de la libre concurrence, et aux intérêts de classe des capitalistes.
4. C’est une des illusions de la démocratie bourgeoise que de croire que l’on peut parvenir à une amélioration des conditions de vie des masses au travers d’un développement de l’éducation et de l’instruction par les classes dirigeantes et leurs institutions. L’élévation du niveau intellectuel des grandes masses a, tout au contraire, comme condition un meilleur niveau de vie matérielle, incompatible avec le régime capitaliste; d’autre part, à travers ses écoles, la bourgeoisie tente de répandre justement les idéologies qui tendent à empêcher les masses de reconnaître dans les institutions actuelles l’obstacle à leur émancipation.
5. Une autre des affirmations fondamentales de la démocratie bourgeoise est le principe de nationalité. La formation des États sur une base nationale correspond aux nécessités de classe de la bourgeoisie au moment où elle établit son propre pouvoir, car elle peut ainsi se prévaloir des idéologies nationales et patriotiques, correspondant à certains intérêts communs, dans la période initiale du capitalisme, aux hommes de même race, de même langue et de mêmes coutumes, pour retarder et atténuer l’antagonisme entre l’État capitaliste et les masses prolétariennes. Les irrédentismes nationaux naissent donc d’intérêts essentiellement bourgeois.
La bourgeoisie elle-même n’hésite pas à fouler aux pieds le principe de nationalité dès que le développement du capitalisme lui impose la conquête, souvent violente, de marchés extérieurs, entraînant ainsi des conflits entre les grands États qui se les disputent. Le communisme dépasse le principe de nationalité, en ce qu’il met en évidence l’analogie de situation dans laquelle se trouvent les travailleurs sans réserves face aux employeurs, quelle que soit la nationalité des uns et des autres; il pose l’union internationale comme type de l’organisation politique que le prolétariat formera quand il accédera à son tour au pouvoir.
A la lumière donc de la critique communiste, la récente guerre mondiale a été engendrée par l’impérialisme capitaliste. Ceci met en pièces les diverses interprétations tendant à la présenter, du point de vue de l’un ou de l’autre État bourgeois, comme une revendication du droit national de certains peuples, ou comme un conflit d’États démocratiquement plus avancés contre des États organisés en des formes prébourgeoises, ou enfin comme une prétendue nécessité de se défendre contre l’agression ennemie.
6. Le communisme s’oppose également aux conceptions du pacifisme bourgeois et aux illusions wilsoniennes sur la possibilité d’une association mondiale des États, fondée sur le désarmement et l’arbitrage et ayant pour condition l’utopie d’une subdivision des unités étatiques selon les nationalités. Pour les communistes, les guerres ne seront rendues impossibles et les questions nationales résolues que lorsque le régime capitaliste aura été remplacé par la République Internationale Communiste.
7. Sous un troisième aspect, le communisme se présente comme le dépassement des systèmes de socialisme utopique qui proposaient d’éliminer les défauts de l’organisation sociale au moyen de plans achevés de nouvelles constitutions de la société, dont la possibilité de réalisation n’était en aucune façon mise en rapport avec le développement réel de l’histoire et était confiée aux initiatives de potentats ou à l’apostolat de philanthropes.
8. L’élaboration par le prolétariat d’une interprétation théorique propre de la société et de l’histoire, capable de diriger son action contre les rapports sociaux du monde capitaliste, donne continuellement lieu à un foisonnement d’écoles ou de courants plus ou moins influencés par l’immaturité même des conditions de la lutte et par les préjugés bourgeois les plus divers. De tout cela découlent des erreurs et des échecs de l’action prolétarienne; mais c’est avec ce matériel d’expérience que le mouvement communiste parvient à préciser de plus en plus clairement les traits de sa doctrine et de sa tactique, en se différenciant nettement de tous les autres courants qui s’agitent au sein même du prolétariat et en les combattant ouvertement.
9. La constitution de coopératives de production, où le capital appartient aux ouvriers qui y travaillent, ne peut constituer une vois vers la suppression du système capitaliste, car l’acquisition des matières premières et la distribution des produits s’y effectuent selon les lois de l’économie privée, et le crédit, et donc le contrôle du capital privé, finissent par s’exercer sur le capital collectif de la coopérative elle-même.
10. Les organisations économiques professionnelles ne peuvent être considérées par les communistes, ni comme des organes suffisant à la lutte pour la révolution prolétariennes ni comme des organes fondamentaux de l’économie communiste.
L’organisation en syndicats professionnels sert à neutraliser la concurrence entre les ouvriers de même métier et empêche que les salaires ne tombent au niveau le plus bas; mais, pas plus qu’elle ne peut parvenir à éliminer le profit capitaliste, elle ne peut réaliser l’union des travailleurs de toutes les professions contre le privilège du pouvoir bourgeois. D’autre part, le simple transfert de la propriété des entreprises du patron privé au syndicat ouvrier ne saurait réaliser les postulats économiques du communisme, selon lequel la propriété doit être transférée à toute la collectivité prolétarienne, car c’est là le seul moyen d’éliminer les caractères de l’économie privée dans l’appropriation et la répartition des produits.
Les communistes considèrent le syndicat comme le lieu d’une première expérience prolétarienne, qui permet aux travailleurs d’aller plus loin, vers l’idée et la pratique de la lutte politique, dont l’organe est le parti de classe.
11. De façon générale, c’est une erreur de croire que la révolution est une question de forme d’organisation des prolétaires selon les regroupements qu’ils forment de par leur position et leurs intérêts dans le cadre du système capitaliste de production. Ce n’est donc pas une modification de la structure des organisations économiques qui peut donner au prolétariat le moyen efficace de son émancipation.
Les syndicats d’entreprise et les conseils d’usine surgissent comme organes de défense des intérêts des prolétaires des différentes entreprises, lorsque commence a apparaître la possibilité de limiter l’arbitraire capitaliste dans la gestion de celles-ci. Mais l’obtention par ces organisations d’un droit de contrôle plus ou moins large sur la production n’est pas incompatible avec le système capitaliste; il pourrait même être pour celui-ci un dernier recours pour sa conservation.
Même le transfert de la gestion des entreprises aux conseils d’usine ne constituerait pas (comme nous l’avons dit à propos des syndicats) l’avènement du système communiste. Selon la conception communiste véritable, le contrôle ouvrier sur la production ne se réalisera qu’après le renversement du pouvoir bourgeois et il sera le contrôle de tout le prolétariat unifié dans l’État des conseils sur la marche de chaque entreprise; la gestion communiste de la production sera la direction de toutes les branches et de toutes les unités productives par des organes collectifs rationnels qui représenteront les intérêts de tous les travailleurs associés dans l’œuvre de construction du communisme.
12. Les rapports capitalistes de production ne peuvent pas être modifiés par l’intervention des organes du pouvoir bourgeois. C’est pourquoi le transfert des entreprises privées à l’État ou aux administrations locales ne correspond pas le moins du monde à la conception communiste. Un tel transfert s’accompagne toujours du paiement de la valeur capital des entreprises aux anciens possesseurs qui conservent ainsi intégralement leur droit d’exploitation; les entreprises elles-mêmes continuent de fonctionner comme entreprises privées dans le cadre de l’économie capitaliste elles deviennent souvent des moyens opportuns pour l’œuvre de conservation et de défense de classe développée par l’État bourgeois.
13. L’idée que l’exploitation capitaliste du prolétariat puisse être graduellement atténuée, puis éliminée par l’œuvre législatrice et réformatrice des institutions politiques actuelles, qu’elle soit sollicitée de l’intérieur par les représentants du parti prolétarien dans ces institutions ou même par l’agitation des masses, ne conduit qu’à se rendre complice de la défense des privilèges de la bourgeoisie, qui feint parfois d’en céder une part minime, pour tenter d’apaiser la colère des masses et dévier leurs efforts révolutionnaires dirigés contre les bases du régime capitaliste.
14. La conquête par le prolétariat du pouvoir politique, même considéré comme but intégral de l’action, ne peut être réalisée à travers la conquête de la majorité au sein des organismes électifs bourgeois.
Grâce aux organes exécutifs de l’État, qui sont ses agents directs, la bourgeoisie assure très facilement la majorité dans les organes électifs à ses mandataires ou aux éléments qui, pour y accéder individuellement ou collectivement, sont tombés dans son jeu et sous son influence. En outre, la participation à de telles institutions comporte l’engagement de respecter les bases juridiques et politiques de la constitution bourgeoise. La valeur purement formelle de cet engagement est toutefois suffisante pour libérer la bourgeoisie même du léger embarras d’une accusation d’illégalité formelle, lorsqu’elle fera logiquement recours à ses moyens réels de défense armée plutôt que d’abandonner le pouvoir et de laisser le prolétariat briser sa machine bureaucratique et militaire de domination.
15. Reconnaître la nécessité de la lutte insurrectionnelle pour la prise du pouvoir, tout en proposant que le prolétariat exerce son pouvoir en concédant à la bourgeoisie une représentation dans les nouveaux organismes politiques (assemblées constituantes ou combinaisons de celles-ci avec le système des conseils ouvriers) est un programme inacceptable et en opposition avec la revendication centrale du communisme: la dictature du prolétariat. Le processus d’expropriation de la bourgeoisie serait aussitôt compromis s’il lui restait encore un moyen d’influencer en quelque manière la constitution des organismes représentatifs de l’État prolétarien expropriateur.
Cela permettrait à la bourgeoisie d’utiliser les influences qu’elle gardera inévitablement en raison de son expérience et de sa formation technique et intellectuelle pour y greffer son activité politique en vue du rétablissement de son pouvoir dans une contre-révolution. On aurait les mêmes conséquences si on laissait subsister le moindre préjugé démocratique sur l’égalité de traitement que le pouvoir prolétarien devrait appliquer aux bourgeois en ce qui concerne la liberté d’association, de propagande ou de presse.
16. Le programme d’une organisation de représentation politique fondée sur des délégués des catégories professionnelles de toutes les classes sociales, n’est pas, même formellement, une voie menant au système des conseils ouvriers, car celui-ci est caractérisé par l’exclusion des bourgeois du droit électoral, et son organisme central n’est pas désigné par professions, mais par circonscriptions territoriales. La forme de représentation en question constitue plutôt un stade inférieur même par rapport à la démocratie parlementaire actuelle.
17. L’anarchisme s’oppose profondément aux conceptions communistes: il tend à l’instauration immédiate d’une société sans État et sans ordonnancement politique et prône dans l’économie future le fonctionnement autonome des unités de production, en niant tout centre d’organisateur et régulateur des activités humaines dans la production et dans la distribution. Une telle conception est proche de celle de l’économie privée bourgeoise, et reste étrangère au contenu essentiel du communisme.
En outre, l’élimination immédiate de l’État comme appareil de pouvoir politique équivaut à ne pas opposer de résistance à la contre-révolution, ou bien présuppose l’abolition immédiate des classes, la fameuse expropriation révolutionnaire contemporaine de l’insurrection contre le pouvoir bourgeois.
18. Une telle possibilité n’existe pas le moins du monde, étant donné la complexité des tâches prolétariennes lors de la substitution de l’économie communiste à l’économie actuelle, et la nécessité qu’un tel processus soit dirigé par un organisme central qui représente l’intérêt général du prolétariat, et subordonne à celui-ci tous les intérêts locaux et particuliers dont le jeu est la force principale de conservation du capitalisme.
1. La conception communiste et le déterminisme économique ne font pas des communistes des spectateurs passifs du devenir historique, mais au contraire d’infatigables lutteurs. La lutte et l’action deviendraient pourtant inefficaces si elles se séparaient des conclusions de la doctrine et de l’expérience critique communiste.
2. L’œuvre révolutionnaire des communistes se fonde sur l’organisation en parti des prolétaires qui, à la conscience des principes communistes, joignent la décision de consacrer tous leurs efforts à la cause de la révolution. Le parti, organisé internationalement, fonctionne sur la base de la discipline envers les décisions de la majorité et des organes centraux désignés par celle-ci pour diriger le mouvement.
3. La propagande et le prosélytisme, — qui doit être fondé, pour l’admission des nouveaux membres, sur les plus grandes garanties —, sont des activités fondamentales du Parti. Bien qu’il base le succès de son action sur la propagation de ses principes et de ses buts finaux, et bien qu’il lutte dans l’intérêt de l’immense majorité de la société, le mouvement communiste ne fait pas de l’approbation de la majorité une condition préjudicielle de son action. Le critère qui décide de l’opportunité de déclencher une action révolutionnaire est l’évaluation objective de nos propres forces et de celles de nos adversaires, dans leurs rapports complexes où l’élément numérique n’est pas le seul déterminant, ni même le plus important.
4. Le parti communiste développe en son sein un intense travail d’étude et de critique, étroitement relié à l’exigence de l’action et à l’expérience historique, en s’efforçant d’organiser ce travail sur des bases internationales. Au dehors, il développe, en toute circonstance et avec tous les moyens dont il dispose, le travail de diffusion des conclusions de sa propre expérience critique et de réfutation des écoles et partis adverses. Avant tout, le parti exerce son activité de propagande et d’attraction au sein des masses prolétariennes, notamment dans les circonstances où elles se mettent en mouvement pour réagir contre les conditions que leur impose le capitalisme et au sein des organisations formées par les prolétaires en vue de défendre leurs intérêts immédiats.
5. Les communistes pénètrent donc dans les coopératives prolétariennes, les syndicats, les conseils d’usine, y constituant des groupes d’ouvriers communistes et s’efforçant d’y conquérir la majorité et les postes de direction en sorte que la masse des prolétaires encadrée par ces associations subordonne son action aux finalités plus hautes, politiques et révolutionnaires, de la lutte pour le communisme.
6. Le Parti communiste, en revanche, se tient en dehors de toutes les institutions et associations auxquelles bourgeois et ouvriers participent au même titre ou – pire encore – qui sont dirigées et patronnées par des bourgeois (sociétés de secours mutuel, écoles de culture, universités populaires, associations de franc-maçonnerie, etc.), et il cherche à en détourner les prolétaires en en combattant l’action et l’influence.
7. La participation aux élections pour les organismes représentatifs de la démocratie bourgeoise et l’activité parlementaire, bien que présentant en tout temps des dangers incessants de déviation, pouvaient être utilisées pour la propagande et la formation du mouvement dans la période où ne se dessinait pas encore la possibilité de renverser la domination bourgeoise et où par conséquent la tâche du parti se limitait à la critique et à l’opposition. Dans la période actuelle ouverte par la fin de la guerre mondiale, avec les premières révolutions communistes et la création de la IIIe Internationale, les communistes posent comme objectif direct de l’action politique du prolétariat de tous les pays la conquête révolutionnaire du pouvoir, à laquelle doivent être consacrées toutes les forces et toute l’œuvre de préparation du parti.
Dans cette période, il est inadmissible de participer à ces organismes qui apparaissent comme un puissant moyen défensif de la bourgeoisie, destiné à agir jusque dans les rangs du prolétariat ; c’est précisément en opposition à ces organismes, à leur structure comme à leur fonction, que les communistes soutiennent le système des conseils ouvriers et la dictature du prolétariat.
En raison de la grande importance qu’elle revêt en pratique, il n’est pas possible de concilier l’action électorale avec l’affirmation qu’elle n’est pas le moyen d’atteindre le but principal de l’action du parti: la conquête du pouvoir ; et il n’est pas possible d’éviter qu’elle n’absorbe toute l’activité du mouvement en le détournant de la préparation révolutionnaire.
8. La conquête électorale des communes et des administrations locales, qui présente les mêmes inconvénients que le parlementarisme mais à un degré plus élevé encore, ne peut pas être acceptée comme un moyen d’action contre le pouvoir bourgeois, d’une part parce que ces organismes n’ont pas de pouvoir réel, mais sont subordonnés à la machine d’État, d’autre part parce qu’une telle méthode, bien qu’elle puisse donner aujourd’hui quelque embarras à la bourgeoisie dominante en affirmant le principe de l’autonomie locale, d’ailleurs opposé au principe communiste de la centralisation de l’action, préparerait à la bourgeoisie un point d’appui pour sa lutte contre l’établissement du pouvoir prolétarien.
9. Dans la période révolutionnaire, tous les efforts des communistes tendent à conférer le maximum d’intensité et d’efficacité à l’action des masses. Les communistes accompagnent la propagande et la préparation révolutionnaire de grandes et fréquentes manifestations prolétariennes surtout dans les centres importants, et s’efforcent d’utiliser les mouvements économiques pour des manifestations de caractère politique dans lesquelles le prolétariat réaffirme et fortifie sa volonté de renverser le pouvoir de la bourgeoisie.
10. Le Parti communiste porte sa propagande dans les rangs de l’armée bourgeoise. L’antimilitarisme communiste ne se fonde pas sur un humanitarisme stérile, mais a pour but de convaincre les prolétaires que la bourgeoisie les armes pour défendre ses intérêts et pour se servir de leur force contre la cause du prolétariat.
11. Le Parti communiste s’entraîne à agir comme état-major du prolétariat dans la guerre révolutionnaire; c’est pourquoi il prépare et organise son propre réseau d’informations et de communications il soutient et organise surtout l’armement du prolétariat.
12. Le Parti communiste ne conclut pas d’accords ni d’alliances avec d’autres mouvements politiques qui ont en commun avec lui un objectif contingent déterminé, mais en divergent dans le programme d’action ultérieur. Il faut également refuser l’alliance – autrement dit le “front unique” avec toutes les tendances ouvrières qui acceptent l’action insurrectionnelle contre la bourgeoisie, mais divergent du programme communiste dans le développement de l’action ultérieure.
Il n’y a pas lieu de considérer comme une condition favorable l’augmentation des forces tendant au renversement du pouvoir bourgeois, lorsque restent insuffisantes les forces tendant à la constitution du pouvoir prolétarien sur les directives communistes, qui seules peuvent en assurer la durée et le succès.
13. Les soviets ou conseils des ouvriers, paysans et soldats, constituent les organes du pouvoir prolétarien et ne peuvent exercer leur véritable fonction qu’après le renversement de la domination bourgeoise. Les soviets ne sont pas par eux-mêmes, des organes de lutte révolutionnaire; ils deviennent révolutionnaires quand le parti communiste y conquiert la majorité.
Les conseils ouvriers peuvent aussi surgir avant la révolution, dans une période de crise aiguë où le pouvoir de l’État est mis sérieusement en danger.
Dans une situation révolutionnaire, il peut être nécessaire que le parti prenne l’initiative de constituer des soviets, mais cela ne peut être un moyen pour provoquer une telle situation.
Si le pouvoir de la bourgeoisie se renforce, la survie des conseils peut présenter un danger sérieux pour la lutte révolutionnaire, celui d’une conciliation et d’une combinaison des organes prolétariens avec les institutions de la démocratie bourgeoise.
14. Ce qui distingue les communistes n’est pas de proposer dans toutes les situations et dans tous les épisodes de la lutte de classe la mobilisation immédiate de toutes les forces prolétariennes pour l’insurrection générale, mais de soutenir que la phase insurrectionnelle est l’aboutissement inévitable de la lutte et de préparer le prolétariat à l’affronter dans des conditions favorables pour le succès et le développement ultérieur de la révolution.
Selon les situations, que le parti peut mieux évaluer que le restant du prolétariat, il peut donc se trouver devant la nécessité d’agir pour précipiter ou pour retarder le moment du heurt décisif.
En toute hypothèse, la tâche spécifique du Parti est de combattre aussi bien ceux qui, en voulant précipiter à tout prix l’action révolutionnaire, pourraient pousser le prolétariat au désastre, que les opportunistes qui exploitent toutes les circonstances où l’action décisive est déconseillée, pour bloquer définitivement le mouvement révolutionnaire, en détournant l’action des masses sur d’autres objectifs. Le Parti communiste, au contraire, doit l’amener toujours plus sur le terrain d’une préparation efficace à l’inévitable lutte finale armée contre les défenses du principe bourgeois.