Il faut vérifier si dans la Torah on trouve bien des éléments permettant de bien cerner YHWH comme le dieu-univers et Élohim comme « les dieux ». Si c’est le cas, la Torah est bien le dépassement de l’animisme cosmique, du moins une tentative en ce sens.
On notera ici une erreur commise par les historiens bourgeois. Ils cherchent dans le passé un dieu (parmi d’autres, donc) du nom de YHWH qui préfigurerait le Dieu juif. Or, dans l’animisme cosmique, il y a toujours une entité cosmique impersonnelle fournissant l’énergie vitale et elle n’est pas vénérée directement.
Ce sont les dieux qu’on vénère, car ils forment une expression concrète de l’univers-force vitale aux contours infinis. Il y a bien plus de chance de voir des restes de cette conception dans la Torah que de trouver un dieu YHWH de nature « personnelle ».
Une des grandes preuves de cela est l’interdiction qu’on trouve dans le judaïsme de représenter YHWH. Si on parle d’un dieu « personnel » passé devenu Dieu unique, c’est effectivement étrange, car on sait bien que le polythéisme implique plusieurs dieux et leur représentation, notamment par des statues, afin de pratiquer un culte.
Or, dans l’animisme cosmique, le dieu-univers-force vitale n’est pas représenté, car il ne peut pas être représenté, étant donné qu’il est une énergie vitale qu’il y a partout et tout le temps, qui permet à toute chose d’exister, mieux : qui est son existence en tant que tel. Le dieu-univers est le vecteur de la vie et la seule réalité en définitive.
YHWH correspond tout à fait à cela si on prend l’interdiction de toute représentation – qui n’est pas une interdiction à la base, mais un trait caractéristique du dieu-univers.
Cela correspond également tout à fait à comment YHWH se laisse découvrir pour la première fois, à Moïse, en disant : « Je suis ce qui suis ». Tous les animismes cosmiques, qu’ils soient indiens, chinois, mésopotamiens, mésoaméricains… seraient d’accord avec cette définition du dieu-univers.
On lit dans le Deutéronome la chose suivante :
« Tu as été rendu témoin de ces choses, afin que tu reconnusses que l’Éternel est Dieu, qu’il n’y en a point d’autre. »
Ou encore :
« Sache donc en ce jour, et retiens dans ton cœur que l’Éternel est Dieu, en haut dans le ciel et en bas sur la terre, et qu’il n’y en a point d’autre. »
Là encore, au sens strict, tous les animismes cosmiques seraient d’accord pour dire qu’au fond, si on regarde les choses de manière métaphysique, il n’y a qu’un seul Dieu-univers et que les dieux ne sont eux-mêmes qu’un mode de ce dieu-univers qui ne change jamais, qui est l’énergie du monde-énergie.
Chez Jérémie, on retrouve ces traits, avec le concept de « Dieu vivant », qui n’a un sens que dans une perspective animiste cosmique :
« Mais l’Éternel est Dieu en vérité, Il est un Dieu vivant et un roi éternel »
Dans les Psaumes, on retrouve des définitions de Dieu exprimant bien cette idée de « mouvement », d’un Dieu semblable au vent, au feu, présent partout, ayant une nature énergétique en tous lieux :
« Dieu, Dieu, l’Éternel, parle, et convoque la terre, Depuis le soleil levant jusqu’au soleil couchant.
De Sion, beauté parfaite, Dieu resplendit. Il vient, notre Dieu, il ne reste pas en silence ;
Devant lui est un feu dévorant, Autour de lui une violente tempête. »
Dans les Psaumes encore, on a ce passage, où l’on a l’impression de lire des propos d’un guerrier de l’Inde antique ou de l’empire aztèque, avec un dieu-énergie « alimentant » pour la bataille :
« Les voies de Dieu sont parfaites, La parole de l’Éternel est éprouvée; Il est un bouclier pour tous ceux qui se confient en lui.
Car qui est Dieu, si ce n’est l’Éternel; Et qui est un rocher, si ce n’est notre Dieu?
C’est Dieu qui me ceint de force, Et qui me conduit dans la voie droite.
Il rend mes pieds semblables à ceux des biches, Et il me place sur mes lieux élevés.
Il exerce mes mains au combat, Et mes bras tendent l’arc d’airain. Tu me donnes le bouclier de ton salut, Ta droite me soutient, Et je deviens grand par ta bonté.
Tu élargis le chemin sous mes pas, Et mes pieds ne chancellent point.
Je poursuis mes ennemis, je les atteins, Et je ne reviens pas avant de les avoir anéantis.
Je les brise, et ils ne peuvent se relever ; Ils tombent sous mes pieds.
Tu me ceins de force pour le combat, Tu fais plier sous moi mes adversaires.
Tu fais tourner le dos à mes ennemis devant moi, Et j’extermine ceux qui me haïssent.
Ils crient, et personne pour les sauver! Ils crient à l’Éternel, et il ne leur répond pas! Je les broie comme la poussière qu’emporte le vent, Je les foule comme la boue des rues. »
Lorsqu’il est dit que certains crient à l’Éternel, mais qu’il ne leur est pas répondu, cela veut dire que l’énergie va à celui qui tient le propos et pas aux autres. La victoire est liée à la « connexion » avec le dieu-univers.
C’est là tout à fait conforme à l’animisme cosmique pour qui ce qui se passe dépend de la liaison « énergétique » avec le dieu-univers. En ce sens, la kabbale juive n’est qu’une réactivation au moyen-âge de cet aspect, au moyen de l’influence du néo-platonisme se diffusant alors, qui lui-même vient de l’animisme cosmique mais du côté grec.