Clarté (PCMLB), semaine du 27 décembre 1968 au 2 janvier 1969
Un camarade me demande si j’estime que la culture prolétarienne est possible en période capitaliste. Je le fais bien volontiers.
L’histoire de l’art aujourd’hui ne devrait plus souligner les capacités multiples des artistes à explorer la structure décadente d’un univers capitaliste, mais mettre en valeur leur aptitude à chercher les conditions d’un nouveau style dominé par l’affirmation historique de la classe ouvrière ; cela clarifierait bien des choses.
Il est clair qu’au travers bientôt d’un siècle de lutte consciente, la classe ouvrière par la découverte journalière de nouvelles lois qui mettent en cause les principes de l’idéologie bourgeoise – son univers quotidien transformant aussi (par une critique plus serrée du mécanisme de son esprit de classe) ses conceptions philosophiques de distanciation sociales – notre époque sort nécessairement de l’espace bourgeois pour pénétrer dans celui du prolétariat. Nous vivons une époque passionnante ou en face du pouvoir d’une part d’une bourgeoisie décadente se dresse la force prodigieuse d’un prolétariat avec lequel il faut compter désormais. Le prolétariat est devenu un adulte pensant capable de formuler sa destinée politique.
Dès lors, nous pouvons déjà parler du fonctionnement d’un PENSEE prolétarienne, d’une culture prolétarienne.
Certains, et surtout ceux qui ont intérêt à détruire cette thèse, réclameront des témoignages immédiats et tangibles de cette culture. Avant d’aller plus loin, je dirai que la bourgeoisie a mis plus d’un siècle pour faire la démonstration de SA culture.
Il est clair aussi que le prolétariat qui envisage ( déjà ) un nouveau mode d’expression, le sien, se trouve dans une position assez analogue à celle du primitif et de l’enfant qui s’essaient à un premier langage. Quand il découvrira une première forme d’expression, qui sera sa première victoire culturelle sur l’obscurantisme dans lequel le maintient la classe dominante capitaliste, il sera loin de posséder la virtuosité de ses prédécesseurs.
Mais même cette phase-là de son émancipation culturelle ne manquera pas de nous intéresser. Ses premiers pas garderont, en plus de l’intérêt historique de témoignage, le caractère d’une révolution culturelle incontestable, décisive.
L’expérience technique se développera progressivement, en présence de chaque difficulté nouvelle, elle enrichira la vision de la richesse originelle.
Autrement dit, la grande aventure culturelle du peuple au pouvoir nous « enveloppe et nous abreuve (déjà) comme l’atmosphère mais nous (les inconscients), ne le voyons pas ».
Un style commence à naître, les tâtonnements premiers seront considérés comme acquis par les suivants. C’est ainsi que se développera le LANGAGE prolétarien.
Cette première conclusion nous permet de formuler qu’une culture ne doit pas être obligatoirement instituée pour avoir sa signification historique. La culture prolétarienne au stade actuel est l’intelligence de l’action révolutionnaire de la classe ouvrière. Quand l’Etat capitaliste se préoccupe d’une « démocratisation de la culture », c’est parce qu’il sent le danger de prise de conscience du peuple dans ce domaine. Il espère, par une animation faussement culturelle faire dévier les aspirations légitimes des travailleurs vers des fadaises aliénantes.
Mais le monde capitaliste provoque le raidissement de la pensée créatrice parce qu’il est définitivement orienté vers l’exploitation des ressources profitables plutôt que vers la recherche d’horizons historiques nouveaux.
Le prolétariat au contraire, par l’ampleur de sa lutte, réanime la pensée globale de la société humaine et fait éclater quotidiennement le carcan de la conception bourgeoise du monde.
Il faut être aujourd’hui aveugle et sourd pour ne pas admettre le niveau extraordinaire qu’atteint dans le monde la lutte de classe.
La culture prolétarienne est cette supériorité intellectuelle qui se développe au travers des combats que livrent les travailleurs et les peuples opprimés pour leur libération. Certes, les travailleurs dans leur lutte ne disent pas : « nous faisons à l’instant de la culture prolétarienne », cela n’empêche qu’ils la font et que leur niveau culturel s’élève au fur et à mesure que se développe la conscience de leur rôle historique.
La culture prolétarienne ne doit plus être raisonnée en fonction d’un avenir déjà lointain, inaccessible, elle constitue DEJA la base fondamentale d’une nouvelle civilisation de la pensée humaine.
Les éléments les plus clairvoyants du prolétariat doivent aider leurs camarades de classe à prendre conscience de ce phénomène historique immédiat.
J’en reviens à dire que les travailleurs culturels devraient faire un effort particulier sur eux-mêmes pour comprendre la tâche passionnante de guide culturel qui les attend.
Il y va de leur propre salut !
L’art est long dans son processus de décantation, mais le temps est court dans la décision du choix.
La seule voie possible pour nos artistes aujourd’hui est celle qu’offre le prolétariat en lutte.
La seule lumière pour sortir des ténèbres de la jungle capitaliste est l’étude patiente et critique du marxisme-léninisme, ce qui constitue en soi l’abc fondamental de la culture prolétarienne.
Etre moderne en art aujourd’hui, c’est d’abord être Marxiste-Léniniste.
Camarades artistes, ne perdez pas votre jeunesse à écouter les derniers chants éraillés des sirènes de l’art profit. Le monde bourgeois ne peut rien pour vous. Ne ratez pas le rendez-vous libérateur que vous propose un prolétariat déjà victorieux.
C’est tout de suite que vous devez saisir votre chance d’en sortir, demain cela sera trop tard.
La culture bourgeoise se meurt.
La culture prolétarienne vit déjà.
Vive la culture prolétarienne !
Vive la Révolution !
VERMILLON