Avec sa carrière universitaire, Vladimir Vernadsky est pratiquement un notable. Il a un appartement de huit pièces, ainsi qu’un terrain non loin de la mer noire en Crimée, et une datcha de onze pièces en Ukraine, à Shishaki.

Cette datcha fut d’ailleurs le lieu de nombres réunions de la direction du parti cadet durant les étés de la première guerre mondiale, Vladimir Vernadsky étant une figure moderniste-libérale, propre aux couches intellectuelles de la bourgeoisie naissante.

Il était cependant lié également à la nature féodale du pays, puisqu’il possédait un peu moins de 600 hectares de terre, à une époque où un paysan riche en possède à peu près 50, et un riche noble bien davantage. On peut considérer qu’il faisait partie du quart le plus aisé de la noblesse.

Vladimir Vernadsky était donc également un légitimiste et on le retrouve en 1915 jouant un rôle essentiel dans la mise en place de la Commission d’étude des forces productives naturelles de Russie, dont il devint le président. Il s’agissait de répertorier les ressources de Russie pour savoir ce qui était à la disposition de l’État en pleine guerre, ce qui n’avait encore jamais été fait.

La bureaucratie tsariste, en déliquescence, n’accorda cependant aucun soutien réel à l’initiative. Vladimir Vernadsky devint, dans un même esprit, conseiller au ministère de l’agriculture en 1916.

Après la révolution de février 1917, Vladimir Vernadsky participa à différents comités, dont un portant sur la science agricole ; il récupéra sa position perdue en 1911 de responsable du département de minéralogie et de géologie de l’université de Moscou.

Son ami Sergei Oldenbourg était devenu ministre de l’éducation du gouvernement Kérensky : il en devint son assistant pour les universités et les institutions scientifiques. Tout allait, en quelque sorte, en son sens, même s’il n’était pas dupe de la situation. Il est significatif que, trois jours avant la révolution d’Octobre, il ait écrit dans son carnet :

« En essence, les masses sont pour les bolchéviks. »

Hostile au pouvoir rouge, Vladimir Vernadsky quitta Moscou pour le sud de l’Ukraine et un historien, N.P. Vasilenko, lui demanda de l’épauler pour la constitution d’une Académie des sciences en Ukraine.

Vladimir Vernadsky, tuberculeux et affaibli depuis quelques mois déjà, accepta à la condition d’être un consultant de l’Académie des sciences russe. Il en devint finalement le président et représente tout à fait une question démocratique brûlante de par son engagement : russe, parlant ukrainien, reconnaissant la nation ukrainienne, soulignant en même temps son lien avec la Russie.

Il démissionna à ce titre des cadets, un parti russe (voire grand-russe), ce qui aurait été incompatible avec sa position. Et il continua ses recherches, y compris dans la clandestinité par rapport aux bolcheviks, dans une station de recherche non loin de Kiev. La perte de sa propriété terrienne n’influença pas non plus son orientation par la suite.

Atteint du typhus, il partit pour la Crimée, contrôlée par les Blancs, dans l’espoir de pouvoir ensuite rejoindre la Grande-Bretagne. Il donna des cours à l’université de Stavropol, dont il devint le recteur à la mort du précédent en raison du typhus.

A l’arrivée des Rouges, Vladimir Vernadsky décida de rester, contrairement à son fils, qui fit ensuite une carrière d’historien dans les universités américaines. Un convoi ferré spécial fut envoyé depuis Moscou pour le chercher lui, ainsi que sa femme et sa fille, et la femme et la fille de Sergei Oldenbourg, à la demande d’Oldenbourg et du commissaire à la santé Semashko, un bolchévik ayant été le disciple de Vladimir Vernadsky à l’université de Moscou.

Vladimir Vernadsky quitta Moscou pour Saint-Pétersbourg, où il fut arrêté par la tchéka pendant trois jours. Il fut cependant surtout marqué par le fait que l’Académie des sciences était toujours en place, alors que ses membres s’étaient surtout opposés à la révolution d’Octobre et parlait d’une Russie allant à la destruction. Sergei Oldenbourg lui-même fut très impressionné par Lénine.

C’est que durant la guerre civile, les bolchéviks avaient mis en place pas moins de quarante nouveaux instituts de recherche.

En 1921-1922, Vladimir Vernadsky organisa l’Institut du radium, fit un mémorandum pour une commission de l’histoire de la connaissance, qui servit de base pour le futur Institut de l’histoire de la science et de la technologie. Il mit également en place une commission polaire, pour étudier le permafrost recouvrant une part significative du pays. A l’académie liée au musée minéralogique, il organisa une section pour l’étude des météorites.


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