« THESES SUR FEUERBACH ». Onze thèses de K. Marx sur Feuerbach (V.), écrites en 1845 et publiées pour la première fois par Engels en 1888.
Critiquant Feuerbach et l’ancien matérialisme, Marx a donné, dans ce document, une esquisse géniale de sa nouvelle conception du monde. Il montre que le défaut principal de l’ancien matérialisme était son caractère contemplatif, son incompréhension de la pratique en tant que fondement de la connaissance, de l’action réciproque de l’homme et de la nature.
« Le principal défaut de tout le matérialisme antérieur, y compris celui de Feuerbach, c’est que la chose, la réalité, le sensualisme, n’y sont envisagés que sous la forme d’objet ou de contemplation mais non pas en tant qu’action humaine concrète, en tant que pratique … » (Marx : « Thèses sur Feuerbach » in Engels : « Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande », M. 1946, p. 71).
La question de la pratique, de son rôle dans le processus de la connaissance, dans la vie sociale, est le point central de toutes les thèses de Marx. Cette mise en relief du rôle de la pratique exprime un aspect capital de la révolution marxiste en philosophie.
En dehors de la pratique, en dehors de l’activité pratique de la société, il est impossible de comprendre le moindre problème philosophique. La vie sociale est essentiellement pratique, écrit Marx, et la solution rationnelle des questions théoriques ne peut être trouvée que dans la pratique des hommes.
Appliquant ce principe avant tout à la théorie de la connaissance, Marx critique Feuerbach qui, condamnant les divagations spéculatives de l’idéalisme, en appelle aux sens, mais considère la connaissance sensible de façon tout aussi abstraite. Comme les autres matérialistes d’avant Marx, Feuerbach ne connaissait qu’une activité théorique de l’homme, et non son activité pratique.
Dans les « Thèses sur Feuerbach », Marx formule quelques-uns des principes de la nouvelle conception matérialiste de l’histoire. Il reproche à Feuerbach d’isoler l’homme de la société, de la marche de l’histoire, de réduire l’essence de l’homme à ses qualités biologiques, de n’apercevoir que ses rapports avec la nature, et non les rapports sociaux entre les hommes.
Marx énonce sa fameuse définition de l’essence humaine. « L’être humain n’est pas une abstraction inhérente à l’individu isolé. C’est dans sa réalité l’ensemble des rapports sociaux » (Ibid., p. 73).
Faute de le comprendre, Feuerbach ne pouvait critiquer à fond la religion. Comme le note Marx, toute cette critique consiste à dissoudre le monde religieux en le ramenant à sa base terrestre.
Feuerbach estimait avec raison que les hommes ont créé les dieux à leur image, mais il ne voyait pas les causes de classe qui engendrent, dans la religion, le dédoublement du monde en monde spirituel et en monde matériel, il ne comprenait pas qu’il est impossible d’anéantir la religion sans anéantir l’exploitation, l’inégalité sociale, propres à la société de classe.
C’est pourquoi le principal, dit Marx, est de critiquer la base terrestre, c’est-à-dire les rapports sociaux dominants, et de les transformer par l’action révolutionnaire. Les « Thèses » de Marx sont pénétrées de l’idée de la transformation révolutionnaire du monde.
Dans cette ébauche, Marx a formulé le principe célèbre qui exprime avec éclat l’essence révolutionnaire du marxisme : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter différemment le monde ; mais il s’agit de le transformer » (Ibid., p. 74). Les idées géniales des « Thèses sur Feuerbach » ont été par la suite amplement et profondément développées dans les œuvres de Marx et d’Engels.
THIERRY Augustin (1795-1856). V. Historiens français de la Restauration.
THOMAS D’AQUIN (1225-1274). Théologien chrétien et philosophe scolastique du moyen âge, idéologue notoire de la féodalité en Europe occidentale. Né en Italie, il enseignait la philosophie et la théologie à Cologne, Paris, Bologne et Naples.
L’Eglise catholique considère le système métaphysique de Thomas d’Aquin comme sa doctrine officielle. La philosophie thomiste, servante de la théologie, est destinée à prouver l’existence de Dieu, à « légitimer » les mythes chrétiens, à défendre le régime féodal et les prétentions du pape à l’hégémonie mondiale.
Le thomisme est un dogmatisme théologique dont l’ambition est de prouver la vérité des dogmes et canons de l’Eglise. Cette philosophie repose sur la doctrine d’Aristote (V.) falsifiée et accommodée aux exigences de l’Eglise, vidée de tout ce qu’elle avait de vivant.
Dans la querelle des universaux (V.), Thomas d’Aquin, s’en tenant au réalisme scolastique modéré, affirme que les concepts existent avant les choses particulières (dans la pensée divine), dans les choses elles-mêmes (comme l’universel dans le singulier) et après les choses (dans l’esprit humain qui les pénètre).
Le thomisme est, dans toute l’histoire de la philosophie, un des systèmes les plus hostiles à la conception matérialiste scientifique. Depuis 700 ans, les thomistes mènent une lutte acharnée contre le progrès social et culturel de l’humanité.
Les philosophes réactionnaires actuels exhument la doctrine de Thomas d’Aquin qu’ils apprêtent pour soutenir le capitalisme. (V. Néo-thomisme ; « Réalisme » médiéval.)
TIMIRIAZEV Kliment Arkadiévitch (1843-1920). Grand savant russe, défenseur du darwinisme, de la biologie matérialiste, fondateur de la théorie moderne de la photosynthèse. Pénétré tout jeune encore des idées démocratiques révolutionnaires des grands penseurs russes du milieu du XIXe siècle, il voua son activité scientifique et sociale à la science d’avant-garde et au peuple travailleur.
Les opinions progressistes de Timiriazev lui attirèrent les poursuites du gouvernement tsariste. Il fut, à partir de 1894, l’objet de la surveillance continuelle de la police secrète. Dès avant la Révolution, sous l’influence des idées marxistes-léninistes et de l’essor du mouvement ouvrier, il s’était rangé sous le drapeau invincible du communisme.
Il accueillit avec enthousiasme la Grande Révolution socialiste d’Octobre. Les cheminots du réseau Moscou-Koursk l’élirent député au Soviet de Moscou, les savants bolcheviks le nommèrent membre de l’Académie socialiste, plus tard Académie communiste. Le Commissariat du peuple à l’Instruction publique désigna Timiriazev membre du Conseil savant d’Etat.
Timiriazev dénonça dans la presse la campagne des impérialistes contre le parti communiste et ses chefs, il démasqua les buts impérialistes de la croisade des quatorze Etats contre la jeune république des Soviets.
Le 27 avril 1920, Lénine écrivit à Timiriazev : « J’étais tout à fait enthousiasmé en lisant vos remarques contre la bourgeoisie et en faveur du pouvoir soviétique » (Lénine : Œuvres, t.35, éd. russe, p. 380).
Il s’agissait du livre de Timiriazev « La science et la démocratie » dans lequel le savant exhortait les personnalités scientifiques à l’unité avec le peuple travailleur.
Les dernières paroles de Timiriazev prononcées quelques heures avant sa mort respirent un amour profond et un grand dévouement pour le parti communiste :
« Je suis sûr et persuadé que les bolcheviks fidèles au léninisme travaillent pour le bien du peuple et le mèneront au bonheur… Transmettez à Vladimir Ilitch mon admiration pour sa solution géniale, théorique et concrète, des problèmes mondiaux. Je considère comme un grand bonheur d’avoir été son contemporain et le témoin de sa glorieuse activité. Je m’incline devant lui et je désire que chacun le sache. »
En philosophie, Timiriazev était un matérialiste convaincu ; il soutenait une lutte implacable contre l’idéalisme. Il soumit à une critique sévère l’idéalisme en philosophie à commencer par Platon (V.) et finissant par les idéalistes subjectifs Bergson, Bateson, Mach, James et autres.
Dans ses recherches Timiriazev s’inspirait de la « méthode historique » qui comporte des éléments de dialectique matérialiste : reconnaissance de la connexion de tous les phénomènes naturels, de leur développement, de la lutte des contraires, de la causalité, de la nécessité, etc. Il a été un brillant vulgarisateur de la science.
Ses livres « Charles Darwin et sa théorie », « La méthode historique en biologie » et autres restent jusqu’à nos jours le meilleur exposé du darwinisme. Sa « Vie des plantes » jouit également d’une grande popularité.
Grâce à son interprétation matérialiste du développement du monde organique Timiriazev a fait un grand pas en avant par rapport à Darwin.
A la différence des darwinistes dits orthodoxes, Timiriazev considérait comme facteurs principaux de l’évolution, non pas la lutte intra-spécifique, mais le milieu extérieur qui modifie l’organisme, l’hérédité qui fixe ces modifications et la sélection qui adapte les organismes aux conditions extérieures.
L’organisme et son milieu sont considérés par lui dans le plan de leur unité indestructible. A ce propos, il donne une haute appréciation des aspects positifs de la théorie de Lamarck (V.) sur la dépendance des formes organiques vis-à-vis des circonstances extérieures. « Ce n’est qu’en unissant cet aspect du lamarckisme au darwinisme qu’on pourra obtenir la solution complète du problème biologique », écrivait-il.
Il reconnaissait que la variabilité des organismes est fonction de leur adaptation aux circonstances extérieures. Il fut le premier à avancer la thèse des exigences de l’organisme envers les conditions du milieu extérieur.
Timiriazev souligna par sa doctrine de l’alternance des degrés de développement des plantes, l’existence de modifications qualitatives dans l’ontogenèse de l’organisme.
Cette thèse fut développée plus tard par Mitchourine (V.) et notamment par l’académicien T. Lyssenko qui créa la théorie du développement stadial des plantes.
Timiriazev reconnaissait la possibilité de l’hybridation non seulement sexuelle mais aussi végétative et il attirait l’attention sur le grand rôle revenant à la pollinisation croisée des plantes.
Il reprochait violemment au weismanisme-mendélisme de reconnaître l’existence d’une substance spéciale de l’hérédité ne subissant pas l’influence du milieu. Les travaux de Timiriazev sur la photosynthèse contribuèrent puissamment au développement de la biologie.
Il démontra que la photosynthèse était soumise à la loi de la conservation de l’énergie comme tous les phénomènes du monde inerte. Ce fut un coup terrible porté au vitalisme, à sa théorie d’une « force vitale » particulière propre aux végétaux et aux animaux.
Timiriazev ne limite pas la tâche de la biologie à la connaissance des lois du développement des animaux et des plantes, il pose le problème de la modification consciente des formes organiques.
Il affirme que la science doit enseigner au laboureur à faire pousser deux épis là où autrefois il n’en poussait qu’un. Timiriazev est l’auteur de « La culture de la terre et la physiologie des plantes », ouvrage qui traite de problèmes agronomiques importants.
Malgré le despotisme tsariste, Timiriazev est non seulement parvenu à sauvegarder et à défendre le noyau matérialiste du darwinisme, mais il le développa et prépara une nouvelle étape du développement de la biologie : la théorie mitchourinienne.
C’est là le grand mérite de ce célèbre penseur et biologiste russe. Au cours de dizaines d’années, il était en tête de la biologie matérialiste d’avant-garde dans sa lutte contre la tendance réactionnaire et idéaliste des ennemis du darwinisme : weismanistes, vitalistes, etc. Il rejetait toute transposition vulgaire des lois biologiques dans le domaine des phénomènes sociaux.
TOLAND John (1670-1722). Philosophe matérialiste anglais. Ses idées se sont formées à l’époque où la grande bourgeoisie préconisait une politique de compromis avec la noblesse, alors que la moyenne bourgeoisie se dressait résolument contre les féodaux, en faveur du développement capitaliste de l’Angleterre.
Toland fut l’idéologue des milieux démocratiques bourgeois.
Fondateur du mouvement des libres penseurs, il exerça une influence notable sur les encyclopédistes français Voltaire (V.), Diderot (V.), Holbach (V.), Helvétius (V.), etc.
Il devient athée après avoir critiqué la religion sous l’angle du déisme. Il nie l’immortalité de l’âme, la récompense dans l’au-delà, la création du monde, les miracles, démontre que les livres sacrés n’ont rien de divin, cherche l’origine de la religion dans la vie terrestre, etc.
Le principal mérite de Toland est d’avoir professé la doctrine de l’unité de la matière et du mouvement. Le mouvement est pour lui une propriété essentielle et inhérente de la matière.
C’est de ce point de vue qu’il critique Spinoza (V.) qui excluait le mouvement des propriétés essentielles de la matière, ainsi que Newton (V.) et Descartes (V.) qui voyaient en Dieu la source du mouvement.
La matière est éternelle et indestructible ; l’univers est infini.
Mais Toland ne dépasse pas le cadre du matérialisme mécaniste (V.) : il nie la contingence ; pour lui la pensée n’est qu’un mouvement purement physique de la substance cérébrale, il ne reconnaît pas de changements qualitatifs au mouvement de la matière.
Son livre athéiste, intitulé « Le Christianisme sans mystères » (1696), déchaîna la fureur du clergé et fut condamné au feu. Pour se soustraire à l’arrestation, Toland dut fuir d’Irlande. Principal ouvrage philosophique : « Lettres à Serena » (1704).