Le cyclocrossman Sven Nys est une figure extrêmement populaire en Flandre, une véritable idole pour une large partie des masses. Il prendra sa retraite sportive à l’issue de cette saison 2015-2016 de cyclo-cross dans quelques semaines, à 39 ans.

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C’est en grande partie grâce à Sven Nys que le cyclo-cross est autant suivis aujourd’hui. Selon le speaker René Vermeiren, « à Overijse, où il était absent cette année, il y avait quatre fois moins de monde que d’habitude. »

S’il est autant apprécié, c’est bien sûr en raison de son palmarès extraordinaire ayant fait de lui le meilleurs de sa discipline, avec un longévité importante. Il a encore remporté une épreuve de Coupe du monde cette saison devant le jeune Wout Van Aert (dont il était l’idole), champion de Belgique puis champion du monde quelques semaines plus tard.

Ses 289 victoires en tant que professionnel lui ont valu le surnom de « cannibale » (au même titre qu’Eddy Merckx en sont temps) et aussi de « cannibale de Baal » (Kannibaal van Baal), du nom de la ville où se déroule une course en son honneur, sur laquelle il a triomphé presque chaque année.

Le cycliste a largement dominé son sport durant sa carrière. Lors de la saison 2004-2005 il s’est adjugé le maillot de champion de Belgique, le maillot de champion du monde, la Coupe du monde, le classement final du Superprestige et du Trophée Gazet van Antwerpen (devenu maintenant le Trophée Banque Bpost). Il réalisa ainsi le seul et unique « Grand Chelem » de l’histoire du cyclo-cross.

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Il est également surnommé « le roi du Koppenberg » (De Koning van de Koppenberg) en raison de ses neuf victoires sur le Koppenbergcross, circuit avec un passage sur le fameux mont Koppenberg (une route pavée avec une pente à 11,6 % empruntée par le Tour des Flandres – Ronde van Vlaanderen).

Si le cyclo-cross est maintenant un « sport national » en Flandre (les 8 premiers du championnat du monde 2016 sont flamands, belges ou hollandais), il est très méconnu en Wallonie. A tel point que Sven Nys déclarait récemment :

« Si je me promène à Liège, je suis tranquille, mais en Flandre, je suis aussi connu que [Tom] Boonen ».

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Le cyclisme est pourtant très populaire en Wallonie, avec un figure comme Philippe Gilbert et des courses mythiques comme Liège-Bastogne-Liège ou la Flèche Wallonne.

Mais certainement que le cyclo-cross correspond moins à la Wallonie urbaine et industrielle qu’à la Flandre plus rurales.

On parle en effet « des labours » pour désigner les circuits, souvent recouverts de boue et de terre retournée par le passage des coureurs. Le sponsor principal de l’équipe de Sven Nys depuis 2008 est la banque Crelan, nouveau nom du Crédit Agricole – Landbouwkrediet.

A la question de savoir si à ses yeux le cyclo-cross est un sport flamand, Sven Nys répondait récemment :

« Le peu de succès en Wallonie ? C’est une énigme pour moi, car le sud du pays recèle une foule de terrains parfaits, pas seulement Namur et Francorchamps. Pour une percée en Wallonie, il faudrait un vrai groupe de jeunes coureurs qui se consacrent totalement au cyclo-cross, non comme base de préparation à une saison sur route ».

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En effet, historiquement, la discipline a surtout été une préparation hivernale pour la route, avec quelques spécialistes mais passant rapidement professionnels dans les équipes de route.

L’engouement tel qu’il existe aujourd’hui pour le cyclo-cross en Flandre est en fait assez récent.

Bien qu’il n’ai jamais disparu, le cyclo-cross a quelque peu été délaissé dans des pays comme la France ou l’Italie en raison de l’apparition du VTT et du BMX (il connaît aujourd’hui un succès de plus en plus important en République Tchèque et aux États-Unis).

Dans le même temps, il s’est développé et professionnalisé en Flandre, avec des équipes pro dédiées et des sponsors importants. Les courses accueillent régulièrement plusieurs milliers à plusieurs dizaines de milliers de spectateurs payant. Les sponsors et les officiels y organisent des « carrés VIP » ayant une très grande importance, à tel point que des personnes peuvent se rendre sur un événement cyclo-cross sans même y regarder la course.

Sven Nys a largement contribué à la dimension nouvelle et indéniablement « commerciale » prise par son sport. Il existe pas exemple une boutique vendant des produits dérivés à son effigie, il est lui-même très accessible pour les médias, il a « écrit » deux livres, sa vie privée (et notamment son divorce) ont été couvert par la presse « people », etc.

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De manière relativement mise en scène, les média avaient par exemple pris l’habitude il y a quelques années lors des courses de montrer son fils sautant les fossés pour le suivre le long du parcours.

Il y a donc une épopée, la réussite d’un champion, mais qui a aussi une dimension « familiale » et populaire, simple, qui forcément plaît aux masses. Sven Nys représente justement un certain aspect des masses des campagnes flamandes, qui aspirent à une vie simple et paisible.

A propos du fait qu’il n’ai jamais suivis de carrière sur route ni participé au Tour de France, il explique de manière tout à fait typique :

« Je ne suis pas fort sous la chaleur, je n’étais pas un coureur de l’été et je n’aurais pas aimé vivre trois semaines dans un hôtel. En plus, la Belgique est un petit pays, je suis chez moi le matin de la course, et deux heures après l’arrivée, je suis à la maison avec ma famille…»

C’est en quelque sorte une volonté de replis individuel propre aux mœurs des campagnes. C’est à la fois juste et nécessaire, car les masses ont besoin d’une vie stable et paisible (à contrario par exemple de cette barbarie que sont les tunnels autoroutiers de Bruxelles). C’est en même temps très propice aux points de vue réactionnaires et nationalistes, par refus du mouvement.

Sven Nys est une figure populaire ayant accompagné l’ascension et la modernisation du cyclo-cross flamand. Mais en l’absence d’une véritable organisation démocratique et populaire des masses, ce sont les capitalistes qui ont encadré ce développement, détournant les passions à leur profit.

Le triomphe du dopage dans le cyclisme est d’ailleurs une conséquence l’idéologie bourgeoise acceptant la corruption et refusant la morale. Le premier cas de dopage mécanique (un moteur caché dans le vélo) a été révélé ce samedi 30 janvier 2016 lors du championnat du monde de cyclo-cross en Belgique (Zolder) avec la jeune espoirs belge Femke Van den Driessche.

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Le cyclo-cross est devenu un fleuron de l’industrie du divertissement, avec ses aspects négatifs, son merchandising vulgaire et agressifs, ses baraques à frite et ses bière industrielles à profusion (alors même que Sven Nys est connus pour être un sportif rigoureux ne transigeant jamais avec la nutrition).

Ce n’est donc pas étonnant, bien que regrettable, que l’aboutissement et la conclusion de la carrière de Sven Nys consistera en un grand show commercial au Sportpaleis d’Anvers les 5 et 6 mars prochain. Les tickets pour l’événement intitulé « Merci Sven » ont été rapidement pris d’assaut.

S’il est indéniable que les villes doivent reculer, il n’en reste pas moins vrai que la transformation socialiste des campagnes est aussi une tâche immense. Les masses, enchaînées à une vie trop paisible, par peur d’un avenir trop sombre, devront être arrachées des mains des capitalistes et des réactionnaires dont elles sont les proies.

Les masses aiment le cyclo-cross car elle aiment la nature, elles aiment la boue de l’hiver car elles savent apprécier les saisons. Mais elles doivent apprendre dans le même temps à se débarrasser des baraques à frite, des bières industrielles et du merchandising grossier qui entourent les circuits de cyclo-cross.

Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste [B]
3 février 2016


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