neuberg-2.pnga) Insurrection et soulèvement armé

Revenons à la première partie du manuel de Neuberg. Il est affirmé, de manière tout à fait juste, que la conception bolchevique est née en opposition au réformisme de la social-démocratie. Le manuel « Le soulèvement armé » affirme que nier la nécessité de la prise des armes revient à la négation de la lutte des classes.

Voilà pourquoi le soulèvement armé est, en fait, une insurrection. Non pas une « insurrection armée » (c’est le titre en français de la traduction du manuel, ce qui est donc erroné), car ce serait un pléonasme. Une insurrection est un processus forcément armé.

Un soulèvement, par contre, peut être mené avec des bâtons, des barres de fer, des cocktails molotov, des pierres, etc. Il échouera naturellement forcément au niveau national, sauf dans un exemple inconnu, mais très parlant.

En effet, dans les années 1930, les communistes représentaient une force très importante en Islande, et dans des combats de rue avec la police, cette dernière fut vaincue. Or, l’Islande n’avait pas d’armée, ce qui signifie qu’un soulèvement aurait pu réussir dans la capitale Reykjavík… si, par la suite, le révisionnisme n’avait pas empêché ce manque de décision et redonné sa légitimité au régime.

De manière très parlante, on peut d’ailleurs voir que si l’Internationale Communiste considère qu’il peut y avoir des avancées et des reculs, qu’au final la victoire finale est inéluctable… elle ne considère pas, comme Mao Zedong l’a fait, qu’une compréhension dialectique de la lutte armée est possible.

La raison en est qu’aux yeux de l’Internationale Communiste, la lutte armée est une technique. Il y a un art de la guerre, et il faut l’apprendre. Il y a, en arrière-plan, la situation allemande considérée comme explosive.

Mao Zedong ne dit pas cela. Il est confiant en général, car à ses yeux, une compréhension du matérialisme dialectique permettra de comprendre n’importe quelle situation, et surtout par cette compréhension, la tendance historique, fruit du mouvement dialectique de la matière.

Voilà pourquoi Mao Zedong dit que s’il n’y a pas d’armes, il y en aura : la révolution est un processus qu’on ne peut pas arrêter, il y a en quelque sorte un effet de boule de neige.

b) Soulèvement populaire et révolution socialiste

Cela n’est donc pas le point de vue de l’Internationale Communiste. Ce qui a une conséquence très grande. De manière syndicaliste révolutionnaire, le manuel de Neuberg affirme que :

« Le Parti soutient tout soulèvement populaire.

Si, par contre, le soulèvement ne se produit pas de manière spontanée, mais est organisé par le Parti, si les masses s’engagent dans la lutte armée en suivant l’appel du Parti, alors celui-ci assume devant le prolétariat la responsabilité pour le juste choix du moment du soulèvement, pour mener la lutte. »

Aujourd’hui, nous savons que les soulèvements populaires peuvent être marqués voire dominés par le racisme, le patriarcat, le chauvinisme, etc.

La compréhension de cela nécessite le matérialisme dialectique et la connaissance du rôle de la culture. Le Parti ne peut donc pas soutenir un « soulèvement populaire » en général.

A cela s’ajoute la question politique : un soulèvement populaire peut courir à la catastrophe ; si le Parti est obligé moralement d’y participer, il doit en souligner les limites (on peut penser ainsi à la révolte de mai 68).

Cela n’intéresse pas l’Internationale Communiste, qui considère qu’il faut pousser, pousser… ce qui ne correspondait qu’à la situation allemande.

Mais ce n’est pas tout. Il n’est pas difficile de voir les autres problèmes découlant de cette conception. Car le problème qui a torpillé les Partis Communistes est qu’en l’absence de développement révolutionnaire conflictuel, la seule position est possible est d’attendre.

Cet attentisme a anéanti un grand nombre de Partis Communistes. Ceux-ci ne se sont pas investis dans la critique de la société, s’attendant que la situation se dégrade brutalement et se cantonnant dans un attentisme composé de revendications économiques.

C’est cela qui a permis le passage si facile de Partis Communistes marxistes-léninistes formés pour l’attente du développement révolutionnaire jusqu’à l’insurrection, à des partis électoralistes se considérant comme « prêts » pour le grand coup.

Le Parti « communiste » en France en mai 1968 était « sincère » dans sa considération selon laquelle seul lui pouvait assumer la direction du pays et son refus du gauchisme, et en fait finalement de mai 1968.

On a ici une démonstration de comment une chose se retourne en son contraire. La perpétuelle attente d’une insurrection ou tout au moins d’un processus y aboutissant a transformé les partis communistes d’Europe de l’ouest en « gardiens » d’une hypothèse.

Tout cela parce que l’ensemble de la stratégie de l’internationale Communiste ne suivait pas tant le modèle russe, que le modèle russe dans le cadre allemand…


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