L’un des soucis évidents que présente le mouvement dialectique de la matière est qu’il faut arriver, à travers les phénomènes, à distinguer ce qui est important de ce qui l’est moins, comprendre quel aspect joue un rôle moteur, quel phénomène il faut privilégier, etc.

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Si l’on raisonne en termes mathématiques « communes », on additionne, on considère de manière « logique » que « 1+1=2 ». Or, le principe même de la dialectique rejette cela, en raison de l’existence de « sauts », les contradictions se résolvant dans une « crise » et donnant naissance à quelque chose de nouveau.

Ainsi, non seulement 1+1 peut aboutir à 3, 10 ou 100, mais en plus ce 100 est qualitativement différent des deux « 1 » initiaux. Par exemple, un simple degré de plus quand on chauffe de l’eau, n’aboutit pas à une eau simplement plus chaude, mais à l’ébullition et, si l’on n’y prend garde d’ailleurs, à l’évaporation, à un changement de forme de l’eau.

Une démarche incorrecte aura donc tendance à ne pas voir les sauts, voire à les nier, alors que la démarche correcte va les rechercher, et comme sa compréhension arrive après le phénomène, il y a un temps de retard, il faut « rattraper » le mouvement.

Lénine résume cela en constatant que la démarche incorrecte cherche la ligne droite et s’y complaît, rejetant le nouveau, alors que le mouvement, avec ses sauts, correspond à ce qu’on pourrait appeler une spirale.

Dans Sur la question de la dialectique, il constate de cette manière :

mao_zedong-92_.jpg« La connaissance humaine n’est pas (ou ne décrit pas) une ligne droite, mais une ligne courbe qui se rapproche indéfiniment d’une série de cercles, d’une spirale.

Tout segment, tronçon, morceau de cette courbe peut être changé (changé unilatéralement) en une ligne droite indépendante, entière, qui (si on ne voit pas la forêt derrière les arbres) conduit alors dans le marais, à la bondieuserie (où elle est fixée par l’intérêt de classe des classes dominantes).

Démarche rectiligne et unilatéralité, raideur de bois et ossification, subjectivisme et cécité subjective, voilà les racines gnoséologiques de l’idéalisme.

Et la bondieuserie (=idéalisme philosophique) a, naturellement, des racines gnoséologiques, elle n’est pas dépourvue de fondement ; c’est une fleur stérile, c’est incontestable, mais une fleur stérile qui pousse sur l’arbre vivant de la vivante, féconde, vraie, vigoureuse, toute-puissante, objective, absolue connaissance humaine. »

Naturellement, le principe de la « ligne droite » aboutit à une surestimation de l’activité humaine, à un orgueil anthropocentrique totalement démesuré et décalé par rapport à la réalité. En réalité, les activités humaines participent au mouvement de la matière et ne peuvent qu’accompagner ce mouvement, puisque ce dernier obéit aux contradictions existantes, qui ne peuvent bien entendu pas être « inventées ».

Pour cette raison, Mao Zedong a expliqué que :

« La liberté, c’est la connaissance de la nécessité et la transformation du monde objectif. »

L’être humain existe dans des conditions déterminées, par conséquent selon le matérialisme dialectique sa nature est déterminée également. L’être humain n’a aucun statut à part ; il n’a pas d’âme, pas d’esprit, il ne peut pas « penser » indépendamment de la réalité.

Les humains sont de la matière, et par conséquent relèvent du mouvement général de la matière. Il n’y aucune raison, au nom d’un raisonnement du type « ligne droite », de séparer l’humanité du reste de la matière.

Seul l’univers, comme réalité générale, est éternel, et encore sa nature elle-même se modifiera, de par la loi de la contradiction. Ce principe de la transformation générale interdit tout anthropocentrisme. Mao Zedong avait ainsi expliqué :

chine_rouge44.jpg« L’univers aussi se transforme ; il n’est pas éternel.

Le capitalisme mène au socialisme, le socialisme mène au communisme. Le communisme aussi connaîtra des transformations ; il aura un commencement et une fin.

Il n’existe rien dans le monde qui ne passe par le processus naissance – développement – disparition.

Les singes se sont transformés en Hommes et les Hommes sont apparus. A la fin, l’humanité entière cessera d’exister. Elle pourra se transformer en quelque chose d’autre.

A ce moment-là, la terre elle-même disparaîtra. Elle s’éteindra et le soleil se refroidira. La température du soleil est déjà beaucoup plus basse que jadis…

Toute chose doit avoir un commencement et une fin. Seules deux choses sont infinies : le temps et l’espace. »

En Chine populaire, durant la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, de vastes campagnes avaient été menées pour populariser cette approche, cette démarche, afin de véritablement saisir le matérialisme dialectique.

Voici ainsi ce qu’on peut lire dans une revue chinoise du début des années 1970 consacrée au matérialisme dialectique :

revolution_culturelle-23.jpg« La fin de toute chose concrète, le soleil, la Terre et l’humanité n’est pas la fin de l’univers. La fin de la Terre apportera un corps cosmique nouveau et plus sophistiqué.

À ce moment-là, les gens tiendront des réunions et célébreront la victoire de la dialectique et souhaiteront la bienvenue à la naissance de nouvelles planètes.

La fin de l’humanité se traduira également par de nouvelles espèces qui hériteront de toutes nos réalisations. En ce sens… la mort de l’ancien est la condition de la naissance du nouveau. »
(L’univers est l’unité du fini et de l’infini, dans le Journal de la dialectique de la nature)

De par la loi du développement inégal du mouvement de la matière, il y a eu des échecs, ou plus précisément un grand détour. La Chine populaire a changé de couleur, se retournant en son contraire. Mais Mao Zedong avait justement compris ce risque, en s’appuyant justement sur le matérialisme dialectique.

En fait, « la voie est sinueuse, l’avenir est lumineux » : inévitablement les contradictions aboutissent à leur résolution, à des « sauts », mais le processus ne suit jamais une ligne droite.


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