[datée du 15 mai 1943, rendu public le 22 mai 1943]
La mission historique de l’Internationale Communiste lors de sa création en 1919 consistait, face à la banqueroute des vieux partis de la classe ouvrière, à sauver les principes du marxisme de la déformation et de la falsification par les éléments opportunistes du mouvement ouvrier, à unir dans de véritables partis ouvriers l’avant-garde de la classe ouvrière de tous les pays, à mobiliser les masses travailleuses pour la défense de leurs intérêts économiques et politiques, pour la défense contre le fascisme se préparant à la guerre et la défense de l’URSS particulièrement visée par les machinations guerrières du fascisme.
L’Internationale Communiste a dévoilé à plusieurs reprises la vraie signification du pacte anticomintern comme instrument de la préparation de la guerre par les fascistes hitlériens. Longtemps avant la guerre, elle a démasqué les infâmes menées politiques des fascistes hitlériens dans les divers pays, menées que ceux-ci essayaient de camoufler en accusant l’Internationale Communiste d’immixtion dans les affaires intérieures des autres pays.
Mais déjà avant la guerre, il devenait plus évident de jour en jour que, devant la complication de la situation nationale et internationale de chaque pays, la direction des forces ouvrières par un seul centre international rencontrait des difficultés insurmontables.
Les profondes divergences dans le développement historique des divers pays, le caractère hétérogène et souvent même contradictoire de leurs institutions politiques, la diversité dans la cadence de leur développement social et politique, les différences dans les degrés de conscience de classe et de l’organisation de la classe ouvrière dans chaque pays, posent pour chaque pays d’autres tâches et d’autres devoirs.
Les vingt-cinq années écoulées et l’expérience de l’Internationale Communiste ont montré de façon irréfutable que la forme d’organisation de l’Association Internationale des travailleurs, telle qu’elle avait été décidée par le premier Congrès de l’Internationale Communiste pour la période de début de reconstruction du mouvement ouvrier international, s’est révélée de plus en plus surannée en face de la croissance des partis communistes nationaux dans les différents pays et cela à cause de la complication de la situation et elle est même devenue un obstacle au développement des partis ouvriers nationaux.
La guerre mondiale déclenchée par Hitler a encore accentué les différences et a créé un profond abîme entre les pays de dictature fasciste et les peuples libres réunis dans la coalition anti-hitlérienne.
Tandis que dans les pays du bloc hitlérien les ouvriers et les masses travailleuses ont pour tâche de préparer de toutes leurs forces la défaite de leur État, de saper de l’intérieur la machine de guerre hitlérienne et d’abattre leurs gouvernements fauteurs de guerre, les masses travailleuses de la coalition anti-hitlérienne ont le devoir sacré de soutenir de toutes leurs forces les efforts de guerre de leurs gouvernements afin d’écraser le plus tôt possible les puissances fascistes et d’assurer l’égalité des droits de tous les peuples.
Il ne faut pas perdre de vue non plus que, dans certains pays, les antifascistes ont des tâches particulières. Ainsi, dans les pays occupés par les fascistes hitlériens, les ouvriers et les masses travailleuses ont comme tâche l’organisation de la lutte armée contre l’occupant et sa transformation en guerre de libération nationale.
En même temps, l’union des plus larges masses populaires sans différence de parti, dans la lutte aux côtés des pays de la coalition anti-hitlérienne, a montré que l’essor national et la mobilisation des masses par l’avant-garde ouvrière dans chaque pays peuvent être réalisés de la meilleure façon dans le cadre de chaque État en particulier.
Déjà, le VIIe Congrès de l’Internationale Communiste, en 1935, avait tenu compte de cette évolution, en relevant la nécessité d’une plus grande souplesse et indépendance des différentes sections de l’Internationale, en soulignant la nécessité pour l’Internationale de tenir compte dans ses décisions des conditions concrètes et des particularités de chaque pays et en décidant d’éviter, en règle générale, l’intervention directe des organes dirigeants de l’Internationale dans les questions d’organisation intérieure des différents partis communistes.
Sa basant sur ces considérations, l’Internationale Communiste a pris note et agréé, en novembre 1940, la demande du parti communiste des États-Unis de quitter l’Internationale Communiste.
Les communistes, fidèles aux enseignements des créateurs du marxisme-léninisme, n’ont jamais été partisans du maintien, à tout prix, des formes d’organisation périmées. Ils ont toujours subordonné les formes d’organisation et les méthodes d’action aux intérêts politiques fondamentaux de l’ensemble de la classe ouvrière et aux particularités concrètes de la situation historique donnée ainsi qu’aux tâches qui en découlent.
Ils se rappellent l’exemple de Karl Marx qui, après que l’Association Internationale des Travailleurs eut rempli ses tâches, ayant comme résultat la création de partis ouvriers nationaux de masses, n’a pas hésité à dissoudre cette première internationale.
Partant de toutes ces considérations et tenant compte du fait de la croissance et de la maturité politique des partis communistes et de leurs cadres dirigeants dans la plupart des pays, et considérant que les conditions de la guerre actuelle mettent à l’ordre du jour la dissolution de l’Internationale Communiste comme centre dirigeant du mouvement ouvrier, le Présidium du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste, empêchée par les circonstances créées par la guerre mondiale de convoquer un congrès mondial, se permet de soumettre aux sections de l’Internationale la proposition suivante :
« L’Internationale Communiste comme centre dirigeant du mouvement ouvrier international est dissoute et les sections déliées de leurs obligations créées par le statut et les décisions des congrès de l’Internationale Communiste. »
« Le Présidium du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste appelle les adhérents de l’Internationale Communiste à mobiliser toutes leurs forces pour le soutien et la participation active à la lutte pour la libération des peuples et des Etats, pour l’écrasement rapide des fascistes hitlériens, de leurs alliés et vassaux. »
Le Présidium du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste
G. Dimitrov
O. Kuusinen
M. Ercoli
D. Manouilsky
W. Florin
A. Marty
K. Gottwald
W. Pieck
V. Kolarov
M. Thorez
J. Köplenig
A. Jdanov
Ont également signé : Bianco (Italie), Lekhtinin (Finlande), Anna Pauker (Roumanie), Mathias Rakosi (Hongrie)