Le Mouvement révolutionnaire internationaliste (MRI) est né en mars 1984 en France, comme regroupement international faisant de Mao Zedong un classique du Marxisme-Léninisme. Y avait-il un groupe de votre pays y participant ?

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Belgique : En 1984, à l’époque de la fondation du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste (MRI) à Paris, des personnes péruviennes se réclamant de la lutte du Parti Communiste du Pérou étaient présentes à Bruxelles. Ce groupe sera animé par Luis Arce Borja, directeur du journal « El Diario International ». Une certaine ambiguïté s’est cependant rapidement manifestée, car sur le plan de la représentativité, cette personne laissait entendre qu’il représentait également le MRI en Belgique.

France : Non, il n’y avait pas de mouvement français, malgré que la fondation se soit déroulée à Paris. La raison de Paris comme lieu pour cela tient à ce que le dirigeant du Parti Communiste révolutionnaire du Chili était en exil à Paris, son fils participant par ailleurs à la scène punk locale. Le dirigeant du Parti Communiste révolutionnaire des États-Unis était également en exil à Paris, une décision prise pour des mesures de sécurité.

Le Mouvement révolutionnaire internationaliste a-t-il eu un impact sur le mouvement révolutionnaire de votre pays ?

Belgique : Contrairement au Parti Communiste du Pérou, le Mouvement Révolutionnaire Internationaliste (MRI) n’a pas eu d’impact ici. Les militants belges pour qui les puissantes actions politico-militaires des masses péruviennes guidées par le PCP étaient une actualité venaient pour la plupart des collectifs de soutien aux Cellules Communistes Combattantes et du groupe maoïste Collectif d’Agitation et de Propagande Communiste.

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Or, il était de notoriété publique que « El Diario International » était imprimé ici en sous-main par le Parti du Travail de Belgique (PTB). Une contradiction antagonique est rapidement apparue puisque, à la même époque, le PTB impulsait une campagne de diffamation, d’insultes, de banditisme politique à l’encontre de tout le courant communiste combattant, en propageant des mots d’ordres orduriers comme : « CCC = CIA », « CCC = tueurs du Brabant », etc.

Comme souvent avec les tenants du révisionnisme − ici, donc, le PTB −, le banditisme politique était poussé à l’extrême. Cela se manifesta par le tabassage en règle, par 5 ou 6 sbires du PTB, du responsable de l’APAPC (Association des parents et amis des prisonniers communistes) qui était également le père de l’un des 4 militants prisonniers des CCC.

Ces faits crapuleux se sont déroulés à Bruxelles au cours d’une manifestation des mineurs du Limbourg. Le militant de l’APAPC fut jeté à terre, frappé à coup de poings et de pieds, diffamé des noms de flic et de provocateur, alors même qu’il distribuait des tracts appelant à la solidarité avec les militants emprisonnés des CCC en grève de la faim …

L’opportunisme consistant à trafiquer avec le PTB qui, feignant de soutenir au Pérou la violence révolutionnaire, la combattait avec acharnement en Belgique, scella naturellement un processus de défiance d’avec le noyau organisé autour du directeur du « Diario International ».

D’autant qu’à la même époque, Solidaire, l’hebdomadaire du PTB publiait, en pleine première page, la photo d’un militant des Cellules recherché par toutes les polices de Belgique et d’Europe. Le fait que ces deux journaux soient sortis des mêmes presses avait suscité énormément d’incompréhension dans nos rangs.

Anvers, 4 décembre 1985 : action des Cellules Communistes Combattantes contre la Bank of America

Anvers, 4 décembre 1985 : action des Cellules Communistes Combattantes contre la Bank of America

France : Absolument aucun. Le Parti Communiste des Ouvriers de France, une importante structure alors, était pro-albanais et par conséquent n’était pas concerné. La seule organisation réellement existante se revendiquant de Mao Zedong, Voie Prolétarienne, participait dès 1980 aux débats allant donner naissance au Mouvement Révolutionnaire Internationaliste (MRI). Elle considérait toutefois que la démarche allait soit trop soit pas assez loin, que son approche était abstraite plus qu’autre chose.

Elle refusait surtout de s’embarquer dans quelque chose cherchant à formaliser l’idéologie et elle s’est par conséquent tournée vers la Conférence internationale des partis et organisations marxistes-léninistes, structure non centralisée de mouvements se revendiquant du marxisme-léninisme pensée Mao Zedong.

Quant aux communistes faisant partie de la mouvance armée, ils eurent une réaction de rejet complet. Le journal proche d’Action Directe, L’Internationale, avait pourtant largement traité du Parti Communiste du Pérou et de sa guerre populaire dès le début des années 1980. Cependant, le MRI apparaissait comme une structure « marxiste-léniniste » de plus. L’article La voie erronée de la « guérilla urbaine » en Europe occidentale, publiée en 1985 dans la revue publiée par le Comité du MRI, Un monde à gagner, scella cette opposition. Le Parti Communiste d’Espagne (reconstitué) en fit une critique assassine en 1986, qui fut largement diffusée en Europe dans la scène de la lutte armée.

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Le Mouvement révolutionnaire internationaliste a surtout existé par son comité basé à Londres, et à Berlin par l’intermédiaire des « communistes révolutionnaires » d’Allemagne et d’une structure d’immigrés de Turquie, le TKP/ML Maoist Parti Merkezi. Il y eut un grand conflit avec les autonomes le premier mai berlinois en 1990, escaladant en 1992 et en 1993 jusqu’à des affrontements avec des blessés graves, l’utilisation de matraques, de couteaux, etc. En avez-vous eu écho ?

Belgique : Nous n’avons pas eu, en Belgique, connaissance de ces incidents berlinois. Ce n’est que dans la seconde moitié des années 1990, lors de rencontres avec des militants de Turquie vivant en Allemagne, que ces faits ont été portés à notre connaissance.

France : Il n’y a pas eu d’écho à ce sujet en France, car la question du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste (MRI) avait été finalement réglée dans les années 1980, Voie Prolétarienne se mettant de côté, les communistes de la mouvance d’Action Directe, pour parler au sens le plus large possible, n’y accordant aucune attention. Le MRI était considéré, de la même manière qu’en Allemagne d’ailleurs, comme un corps étranger cherchant à s’installer.

Le Mouvement révolutionnaire internationaliste s’est-il justement développé dans votre pays ?

Belgique : L’incompréhension s’étant rapidement installée avec le noyau du « Diario international », nous nous sommes à un moment tournés vers le comité parisien avec lequel il y eut quelques rencontres. L’une d’elle, mémorable de par l’hostilité manifestée à notre encontre par ses organisateurs, s’est déroulée au printemps 1991 lorsque les « Parisiens » nous invitèrent à la fête organisée par les trotskystes de Lutte Ouvrière dans une petite commune du Val d’Oise. Ces rencontres, au contenu pratiquement et idéologiquement pauvres, n’avaient débouché que sur l’échange de documents et leur diffusion dans nos différentes publications de l’époque.

France : Il a existé un noyau de quelques personnes diffusant la revue Un monde à gagner et quelques documents, au début des années 1990. Cela n’a rien donné d’organisé et le seul espoir de ce groupe, par ailleurs éphémère, était que le Mouvement Révolutionnaire Internationaliste se développe ailleurs pour acquérir une certaine légitimité.

Avez-vous, dans cette forme organisationnelle ou une autre de par le passé, rencontré des personnes liées au Mouvement révolutionnaire internationaliste ?

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Belgique : En 2010, après l’effondrement du Bloc Marxiste-Léniniste, lorsque nous nous sommes constitués sous notre forme actuelle, il y eut encore des contacts avec des militants d’origine iranienne se disant « maoïstes » et souhaitant « travailler avec nous ». Ces personnes avançaient masquées. Mais il est rapidement apparu qu’il s’agissait d’éléments liés au Parti communiste d’Iran (marxiste-léniniste-maoïste). Leur insistance à nous amener dans des discussions autour de la « Nouvelle synthèse » de Bob Avakian a fait apparaître que nous ne partagions pas la même idéologie et qu’il était dès lors impossible d’avancer ensemble.

France : Nous avons eu plusieurs rencontres, au cours des années 1990, avec des responsables du Comité du Mouvement révolutionnaire internationaliste (Co-MRI). Il n’en est rien ressorti de productif, pas plus qu’avec la rencontre de la forme passée de ce qui est devenu le Parti Communiste Maoïste d’Italie : le fait de parler des Brigades Rouges a ici été comme présenter le diable au pape, littéralement.

Les camarades du Mouvement Populaire Pérou, émanation du Parti Communiste du Pérou pour le travail à l’étranger, se présentait comme fraction de gauche du MRI, mais nombre de ses partisans prônaient en réalité déjà une rupture.

Du côté des immigrés turcs, la scission du TKP/ML en TKP/ML et TKP(ML) gela leur statut dans le MRI, seul le TKP(ML) s’y sentant lié, mais sans parvenir à développer dans notre pays quelque chose à ce niveau.

Il y a eu aussi au début 2000 une rencontre faite avec les Canadiens et les Népalais, qui avaient pris grosso modo le contrôle du Comité du MRI. Cela a été l’occasion de rappeler aux Canadiens le caractère communiste de Staline et d’expliquer aux Népalais qu’on ne croyait pas en eux en raison des multiples brèches idéologiques dans leur démarche.

Carte postale du Collectif des prisonniers des Cellules Communistes Combattantes - 1995

Carte postale du Collectif des prisonniers des Cellules Communistes Combattantes – 1995

Y a-t-il eu un apport du Mouvement révolutionnaire internationaliste à votre parcours ? Vos membres s’y sentent-ils liés ?

Belgique : Eu égard de la présence d’éléments péruviens qui sur le plan de la pratique apparaissant déjà comme des tenants d’une ligne opportuniste de droite − ce qui se confirmera plus tard également sur le plan théorique − ; vue l’apparition, en 1985, du document La voie erronée de la « guérilla urbaine » en Europe occidentale, paru dans la revue du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste, Un monde à gagner, dans lequel les actions du courant communiste combattant en Europe de l’ouest était qualifiées de « continuelles déviations révisionnistes et réformistes », position qui n’était pas acceptée ici, il est facile de voir que le MRI n’a pas pu avoir la moindre influence sur notre parcours.

France : Absolument pas. Personne ne se sent lié au Mouvement Révolutionnaire Internationaliste. Nous ne sommes pas venus à la guerre populaire par le maoïsme, mais au maoïsme par la guerre populaire ; le MRI rejetant totalement ce concept dans les pays occidentaux, il était à la base même quelque chose ne nous concernant pas.

Le Parti Communiste du Pérou, avec Gonzalo à sa tête, se considérait comme la fraction de gauche du Mouvement révolutionnaire internationaliste, qui a finalement reconnu le marxisme-léninisme-maoïsme en 1993.

Le MRI a-t-il donc joué un rôle positif historiquement selon vous ?

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Belgique : C’est le Parti Communiste du Pérou qui a représenté quelque chose d’énorme en Belgique. Quant au Mouvement Révolutionnaire Internationaliste, il nous est apparu comme une forme de représentation spécifique des méconnaissances que ce type de structure parachutée pouvait avoir de l’Histoire, des traditions, de la culture et des réalités de la Belgique. Les origines très particulières d’un Parti du Travail de Belgique issu du nationalisme et de traditions totalement éloignées du communisme lui échappait par exemple totalement. Les éclaircissements que nous souhaitions leur apporter en la matière ne semblant pas les intéresser outre mesure.

France : Le Mouvement Révolutionnaire Internationaliste n’a jamais eu aucun rôle historique, c’est le Parti Communiste du Pérou qui en a eu un. Dans la mesure où le MRI a diffusé les apports du PCP, cela fut une bonne chose. Mais cela n’était que formel et cela a finalement fait totalement perdre de vue la question du contenu. Cela a simplement produit un « maoïsme » consistant en quelques recettes, parfois même attribuées à Gonzalo.

Il faut selon nous partir du principe de la pensée-guide et voir comment s’incarnent concrètement, les éléments conscients issus des luttes de classe d’un pays donné, synthétisant la réalité historique, affirmant la révolution. Ce sont eux qui vont porter le maoïsme – ce n’est pas un maoïsme « extérieur » qui va déclencher quoi que ce soit.


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