Imaginons que la thèse du matérialisme dialectique soit juste et que, somme toute, l’être humain est un animal sorti de la Nature et qui doit y revenir, en assumant tous les acquis de son parcours « civilisé ». Tant qu’il n’a pas fait le tour de lui-même, il est en souffrance : il est animal, mais hors de la Nature, donc ça ne va pas.

Il peut bien entendu s’imaginer toutes les folies structuralistes, post-modernes, existentialistes, transhumanistes qu’il voudra ; il peut consommer et détruire de manière démesurée. Cependant, cela ne change rien à l’affaire.

C’est là où il faut réfléchir sur les attitudes. Les gens prennent des attitudes, on peut l’observer de manière la plus flagrante lorsqu’on pointe un appareil photo (ou un smartphone) sur eux. Immanquablement ils prennent la pose. Pourquoi donc ?

Et cette pose est prétexte à des mises en scène, plus ou moins subtils, qui sont d’ailleurs le cœur d’Instagram. On se montre, non pas comme on est, mais dans une attitude.

Il ne faut pas confondre l’attitude avec le style ; il est important de se cultiver, de s’élever à un style. Toutefois l’attitude pour l’attitude, la pose, l’apparence choisie arbitrairement ou de manière subjectiviste… C’est vain, c’est abstrait.

On voit pourtant l’être humain s’y précipiter, y compris à ses dépens, comme si l’attitude primait sur toute chose. Dostoïevski, au détour d’un roman, souligne cette dimension éperdue. L’attitude est choisie si profondément, elle est si forcée dans son expression, qu’elle l’emporte même sur l’intérêt de qui l’adopte.

« Effectivement, Fiodor Pavlovitch aima toute sa vie à prendre des attitudes, à jouer un rôle, parfois sans nécessité aucune, et même à son détriment, comme dans le cas présent.

C’est d’ailleurs là un trait spécial à beaucoup de gens, même point sots. »

Les Frères Karamazov, 1879-1880

Si on reprend la thèse d’un être humain inabouti tant qu’il n’est pas revenu à la Nature, alors on se dit là qu’elle apparaît comme juste. L’être humain se perd facilement dans son ego.

Il a un besoin de reconnaissance non seulement dans les yeux des autres, mais vis-à-vis de lui-même également. Et le meilleur moyen pour obtenir une telle reconnaissance, c’est l’attitude, qu’on enfile comme du prêt-à-porter.

Le capitalisme est ici très malin dans sa démarche commerciale, car il propose des attitudes, énormément d’attitudes, tout en faisant en sorte que chaque personne qui l’adopte se sente « unique » pour autant.

Tout le monde fait pareil, à quelques degrés ou nuances près, car tout le monde agit selon le catalogue des attitudes proposées par le capitalisme. Et chacun se sent différent pourtant, comme si personne d’autre n’avait la même attitude.

On connaît tous des situations où on a ressenti une situation dérangeante, malsaine même, où les gens se forçaient à adopter une attitude dans un moment « social » se prétendant incontournable. Il y a quelque chose d’odieux qui se profile alors, et on a une seule envie, celle de vite quitter les lieux.

On pourrait dire, simplement, que quand les attitudes l’emportent, la situation est mauvaise. Mais c’est un raccourci, car rien que le fait d’écrire un article est une attitude adoptée dans les faits. La civilisation permet de progresser, justement en proposant des attitudes formulées adéquatement pour que, quand on les prend, on arrive à quelque chose.

Reste à faire le tri et à ne jamais perdre de vue l’essentiel. Dès qu’on tombe dans le formel, c’est horrible. Et le capitalisme propose justement uniquement des choses formelles… Cela souligne d’autant plus l’importance de souligner que le Socialisme, c’est la production de Culture.


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