Anton Sémionovich Makarenko

Anton Sémionovich Makarenko

Écrit de 1925 à 1935, Le Poème Pédagogique d’Anton S. Makarenko est le récit de la naissance et de l’évolution de la Colonie Gorki — un institut pour la rééducation et la socialisation des enfants errants, généralement orphelins, jetés sur les routes par la guerre civile, ne connaissant que la mendicité et la délinquance.

L’Instruction Populaire de l’Ukraine soviétique confie à Makarenko, alors instituteur, la tâche de fonder la Colonie en septembre 1920. La tâche est d’une difficulté extrême : au manque des moyens capables de satisfaire les besoins primaires s’ajoute la problématique de construire une nouvelle méthode rééducative socialiste, une méthode visant à forger l’homme nouveau.

Le Poème Pédagogique est aussi l’expérience par Makarenko des principes issus de la conception spontanéiste de l’« éducation selon la nature », pénétrée d’illusions libertaires, niant toute forme de discipline et toute autorité de l’éducateur.

C’est le récit de la faillite de cette position théorique abstraite, ironiquement nommée par Makarenko « l’Olympe Pédagogique », et de l’affirmation d’une position théorique liée à la pratique, qui s’exprime par les conquêtes, les difficultés et les progrès quotidiens du collectif des jeunes de la Colonie Gorki.

En lisant les premières pages de Makarenko surgit l’abîme qui il y a entre la Colonie Gorki et les maisons de correction de l’époque tsariste dont le « programme éducatif » se bornait à l’emprisonnement et aux coups. Makarenko a expérimenté une méthode de rééducation socialiste qui a transformé des enfants des rues en travailleurs spécialisés, enseignants, cadres politiques, officiers de l’Armée Rouge, médecin, etc.

« Nous devons former un travailleur soviétique cultivé et développé. Nous devons éduquer en lui le sentiment du devoir et le concept de l’honneur, ou en d’autres termes : il doit avoir conscience de sa dignité et de celle de sa classe, il doit en être orgueilleux et il doit ressentir les obligations qu’il a envers sa classe. Il doit être capable de se subordonner aux compagnons et de donner des ordres aux compagnons. Il doit être un organisateur actif.

Persévérant et trempé, il doit savoir se dominer soi-même et influencer les autres. Si le collectif punit, il doit savoir respecter et la punition et le collectif. Il doit être joyeux, cordial, actif, capable de lutter et de construire, capable de vivre et d’aimer la vie : il doit être heureux, et pas seulement dans le futur, mais dans chaque jour présent de sa vie. »

Tel est l’idéal éducatif de Makarenko.

En réussissant à éduquer des jeunes qui, sous le tsarisme, n’étaient traités qu’avec le bâton, Makarenko montre que la réinsertion dans la société de celui qui est en prison n’est possible qu’avec le socialisme. Sa pédagogie est une application concrète du matérialisme dialectique. Il confère au travail productif un rôle éducatif, il donne la priorité au collectif par rapport à l’individu en ce que la vraie réalisation de l’individu ne peut se faire que dans le collectif.

Sa pratique est intégralement matérialiste, autrement elle n’aurait pas pu réussir dans les très dures conditions de la Russie post-révolutionnaire, — et elle est dialectique, car elle s’affirme en contraste avec les premières orientations de la pédagogie soviétique, incapables de déterminer la relation entre l’individuel et le collectif, et ayant tendance à fonder l’éducation sur la liberté absolue de celui qui est éduqué et sur la soumission de l’éducateur à ses exigences.

L’œuvre va au-delà de l’aspect pédagogique, donnant une image authentique et pleine d’humour de la situation de la région de Kriukov dans les années vingt, des difficultés énormes, apparemment insurmontables d’un territoire soumis a plusieurs années d’occupation allemande, pendant la guerre impérialiste, et ensuite des gardes blanches pendant la guerre civile.

Le Poème pédagogique concerne tous ceux qui veulent se former et se transformer en communistes. On trouve notamment au long de toute l’œuvre une vive critique de cet anarchisme intellectuel et organisationnel, prétendument révolutionnaire, qui fut la cause de tant de défaites. Contre le spontanéisme, Makarenko montre la valeur de la discipline consciente, de la planification de l’activité, de la joie de vivre qui en naît.

L’histoire de la Colonie Gorki, dans son passage d’ensemble de jeunes délinquants à un collectif conscient et exemplaire de jeunes soviétiques, peut être considérée comme un paradigme de l’histoire de l’URSS de cette époque-là : un pays qui, malgré le retard économique et culturel hérité de la Russie tsariste, les destructions de la guerre, l’encerclement des forces hostiles, le sabotage et le terrorisme contre-révolutionnaire, trouve sous la direction du Parti Communiste cette force humaine qui en fera, pendant plus de trente ans, une locomotive puissante lancée vers la réalisation du droit et du devoir de tous à vivre et à travailler dans le bonheur et la dignité, vers la société sans classes, vers le Communisme.


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