Prolétaires de tous les pays, nations et peuples opprimés, unissez-vous !
Le 9 juin 1973, à l’issue de ses travaux, le Comité Central du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique publiait un communiqué de victoire annonçant la réunification du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique, Parti de l’avant-garde ouvrière, Parti de la révolution socialiste.
En même temps, il convoquait une Conférence Nationale du Parti, précisant qu’elle aurait valeur de Premier Congrès pour les camarades précédemment organisés autour du journal « L’Exploité » et de session extraordinaire du Premier Congrès pour les camarades précédemment groupés autour du journal « Clarté ». Il décidait que cette Conférence aurait à procéder à l’élection du Comité Central du Parti réunifié.
La Conférence Nationale du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique ainsi convoquée s’est réunie dans le courant du mois de février 1974. Elle a été précédée d’une large discussion des documents préparatoires dans toutes les cellules et dans toutes les régionales du Parti. Celle-ci a montré qu’était entré totalement dans les faits le mot d’ordre du Comité Central dans sa résolution du 9 juin 1973 :
« Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un seul Parti réunifié, donc une seule ligne, une seule direction, un seul journal central ».
Les travaux préparatoires à la Conférence et les travaux de la Conférence elle-même prenaient pour point de départ le « Recueil des documents du Premier Congrès du PCMLB » et ils ont précisé la ligne dans quatre domaines : la politique internationale, le syndicalisme révolutionnaire, la fascisation et l’organisation léniniste.
Le rapport politique faisait notamment le bilan des succès remportés depuis la réunification du Parti, de l’enrichissement apporté à sa ligne et traçait des perspectives pour l’époque à venir. Il a été approuvé à l’unanimité.
Les nombreuses interventions à la Conférence venaient pour la plupart de camarades militant au sein des entreprises et ont insisté sur la justesse de la ligne du Parti. La Conférence unanime a mis en avant les acquis suivants du Parti : un approfondissement idéologique qui nous arme mieux pour la lutte ; un renforcement profond de l’unité de pensée et d’action de l’ensemble du Parti, une réelle direction collective ; des progrès sensibles dans l’organisation léniniste, dans l’édification des cellules surtout aux entreprises et des comités régionaux ; une pénétration réelle aux entreprises, la diffusion en progrès du journal vers les entreprises, une participation efficace des militants dans les combats de classe.
La Conférence a tracé les perspectives qui vont vers le renforcement de l’organisation du Parti, la combinaison du travail légal et du travail illégal, le recrutement, la pratique et le développement du syndicalisme révolutionnaire, la pratique du front uni.
Les travaux de la Conférence ont été d’un très haut niveau politique. Les délégués ouvriers et les délégués jeunes dominaient largement.
Le Comité Central a été élu à l’unanimité. Il comporte 65 pour cent d’ouvriers.
Il a été décidé de publier les documents de cette Conférence Nationale.
UNITE !
VIVE LA RÉUNIFICATION DU PARTI COMMUNISTE MARXISTE-LÉNINISTE DE BELGIQUE !
VIVE LE PARTI DE L’AVANT-GARDE OUVRIÈRE, LE PARTI DE LA RÉVOLUTION SOCIALISTE !
C’est un grand succès révolutionnaire que nous annonçons aux ouvriers, aux paysans travailleurs, aux employés, aux intellectuels et étudiants révolutionnaires, à tous les travailleurs : la réunification du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique, parti de l’avant-garde ouvrière, parti de la révolution socialiste !
FIDÉLITÉ AU COMBAT DES COMMUNISTES
Notre Parti se revendique des meilleures traditions révolutionnaires du mouvement ouvrier belge. Notre Parti se revendique du Parti Communiste, Section Belge de l’Internationale Communiste fondé en 1921 avec, à sa tête, le grand dirigeant révolutionnaire Joseph Jacquemotte, du Parti qui a vaincu le grand complot de la bourgeoisie en 1923, qui a écrasé le révisionnisme trotskiste, qui a dirigé les grandes luttes ouvrières de 1932 et de 1936 ; qui a, durant les dures années de l’occupation hitlérienne, réalisé le front uni anti-fasciste (Front de l’Indépendance), construit une centrale syndicale révolutionnaire (Comité de Lutte Syndicale, plus tard Confédération Belge des Syndicats Uniques). Il a dirigé de nombreuses grèves et manifestations de masse. Il a édité un organe central « Le Drapeau Rouge » qui a été le journal clandestin qui a paru, régulièrement, le plus grand nombre de fois, avec le plus fort tirage. Ses fédérations, ses sections locales et d’entreprises ont édité de nombreux journaux, tracts et affiches. Surtout, le Parti a dirigé la lutte armée, la guerre populaire anti-fasciste : Armée Belge des Partisans (P.A.) et Milices Patriotiques.
Notre Parti se revendique de la lutte qui a été menée à l’intérieur du P.C.B. par des militants courageux contre la direction qui trahissait, contre l’emprise révisionniste qui s’étendait, contre une dégénérescence de plus en plus prononcée et dont les points les plus marquants ont été le désarmement de la résistance, la participation ministérielle, la liquidation du Syndicat Unique, le crétinisme parlementaire, le suivisme à l’égard de la social-démocratie et de la direction de la FGTB, le sectarisme verbal le plus étouffant, couvrant une pratique opportuniste, le reniement ouvert de Staline, précédant le reniement de Lénine.
Notre Parti est le continuateur de l’œuvre d’un certain nombre de militants communistes qui, en 1963, ont entamé la reconstruction du Parti Communiste sur des bases marxistes-léninistes — le premier parti marxiste-léniniste reconstitué en Europe occidentale.
Le premier dirigeant de ce Parti ayant trahi, nous nous sommes révoltés contre lui et contre la clique d’aventuriers et de courtisans qui l’entouraient. Notre Parti devra poursuivre le bilan de cette expérience. Dès à présent, il déclare que la dégénérescence du Parti, sous la direction de Grippa, a sa base dans une rupture plus formelle que profonde d’avec le révisionnisme, dans le centralisme bureaucratique et l’absence de démocratie, dans la misère idéologique volontairement entretenue de beaucoup de militants, dans l’inexistence de toute organisation léniniste, dans le refus d’accepter l’apport prodigieux de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne en Chine. La trahison de Grippa et de ses lieutenants a nui gravement au prestige du marxisme-léninisme en Belgique, a donné un aliment aux révisionnistes, aux confusionnistes, aux gauchistes, aux trotskistes dans leurs complots contre la construction du parti révolutionnaire prolétarien.
Mais il serait faux de ne pas tenir compte de ce qu’a apporté cette action de quatre ans, l’importance — alors qu’elle commençait à peine dans le monde — de la dure dénonciation du révisionnisme, la remise à l’honneur des concepts de révolution prolétarienne, de dictature du prolétariat, de lutte armée révolutionnaire et d’internationalisme prolétarien.
SURMONTER LES DIVISIONS S’ENRICHIR DE LA PRATIQUE RÉVOLUTIONNAIRE
Comme conséquence du poids de l’idéologie bourgeoise réformiste-révisionniste sur le mouvement ouvrier belge, de la trahison de Grippa et de ses acolytes, des manœuvres et parfois de la prépondérance d’éléments opportunistes de droite ou de « gauche », le Parti a volé en éclats. Nous-mêmes, nous nous sommes trouvés séparés ; nous avons été amenés à développer des lignes différentes. Ce que nous avons fait les uns et les autres n’a pas toujours été exempt d’erreurs. Mais dans la mesure où nous avons assimilé et appliqué aux conditions concrètes de notre pays les enseignements de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, où nous avons persisté dans notre volonté de constituer le Parti autour de l’avant-garde ouvrière, où nous nous sommes enrichis d’un apport d’éléments jeunes et prolétariens, nous avons mené, les uns et les autres, la lutte entre deux lignes qui a abouti à la défaite des opportunistes de toute nature, à l’élimination des conceptions erronées.
De décembre 1972 à avril 1973, d’importantes négociations et séances de travail ont été menées et nous sommes arrivés à une large et profonde unité de vue. Aujourd’hui, la réunification du parti s’impose.
Les expériences positives et négatives menées par le Parti alors qu’il était séparé, appartiennent au Parti tout entier, principalement celles qui se sont faites en direction des entreprises, pour renforcer la liaison avec les masses.
Le Parti tout entier tient à souligner que le « Recueil des documents du Premier Congrès du P.C.M.L.B. », même s’il n’émane que d’une aile du Parti, celle organisée autour de« Clarté », est le fruit d’une lutte idéologique intense et est l’élément de base du processus de réunification du Parti. Nous ne serions pas des marxistes-léninistes si nous considérions ce travail comme achevé. Ces analyses et documents devront être complétés, remaniés et approfondis. C’est même dans la mesure où le processus de réunification s’accomplira, où notre pratique s’enrichira que ces améliorations seront apportées ; elles témoigneront précisément de nos progrès.
Le Parti tout entier tient à souligner l’importance de l’expérience qu’a acquise l’aile organisée autour de « L’Exploité » dans son travail en direction des entreprises, l’efficacité avec laquelle a été construit un réseau de correspondants ouvriers dans la région de Charleroi d’où il est résulté une remarquable diffusion de la presse.
Cette expérience jointe à celle acquise par les militants du Parti qui pratiquent un syndicalisme révolutionnaire, notamment ceux qui militent au sein de l’organisation de masse « Arbeiders-Unie » (Union Ouvrière) mérite d’être étudié en profondeur.
L’UNITE DANS LA CONSTRUCTION DU PARTI RÉVOLUTIONNAIRE PROLÉTARIEN
Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un seul Parti réunifié, donc une seule ligne, une seule direction, un seul journal central.
Le Comité Central du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique convoque une Conférence Nationale qui se tiendra dans un délai rapproché. Elle établira le bilan de la lutte pour l’unité des marxistes-léninistes et pour la réunification du Parti, pour l’approfondissement de la ligne du Parti, pour la construction et l’édification du Parti de l’avant-garde ouvrière, du Parti de la révolution socialiste en Belgique. Cette Conférence aura valeur de Premier Congrès pour l’aile groupée autour de « L’Exploité » et de session extraordinaire du Premier Congrès pour l’aile groupée autour de « Clarté ». Elle procédera à l’élection du Comité Central du Parti réunifié.
Le Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique est un parti prolétarien révolutionnaire. Son programme fondamentale est de renverser la classe des capitalistes et toutes les autres classes exploiteuses, de substituer la dictature du prolétariat à la dictature de la bourgeoisie qui, dans notre pays, revêt la forme d’une démocratie parlementaire en voie de fascisation. Ainsi pourra être réalisé le socialisme, étape vers la société communiste.
Le Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique a pour fondement théorique le marxisme, le léninisme, la pensée de Mao Tsé-toung ; il se donne pour tâche d’en appliquer les enseignements universels aux conditions concrètes de la Belgique.
Il existe dans notre pays des organisations et groupes qui se réclament du marxisme-léninisme et qui se tiennent à l’écart du Parti ; nous les considérons comme des camarades, nous voulons discuter avec eux. Il existe en outre des camarades isolés qui sont de véritables révolutionnaires et qui ont place à nos côtés pour construire le Parti qu’ils souhaitent.
Une des conditions essentielles de l’unité des marxistes-léninistes, c’est, à travers la pratique, de conduire à fond la lutte entre les deux lignes pour assurer le triomphe de la ligne prolétarienne sur la ligne bourgeoise. C’est dans l’action qu’il faut aller à l’unité par l’étude et l’approfondissement idéologique. Cette unité doit se réaliser dans la construction du Parti.
Ouvriers, paysans travailleurs, employés, intellectuels et étudiants révolutionnaires, tous les travailleurs, vous qui voulez mettre fin aux crises et aux guerres de rapine, à tous les maux du régime capitaliste et à l’impérialisme, soyez à nos côtés, luttez avec nous, prenez place dans nos rangs pour abattre un régime d’exploitation par la révolution prolétarienne.
Arrachons le pouvoir aux monopoles capitalistes, instaurons la dictature du prolétariat, le régime le plus démocratique qui soit puisqu’il est le pouvoir exercé par la classe ouvrière en alliance avec les autres travailleurs.
Vive la Révolution Socialiste !
Vive le Communisme !
LE COMITÉ CENTRAL DU PARTI COMMUNISTE MARXISTE-LENINISTE DE BELGIQUE.
9 juin 1973.
Camarades,
Le 9 juin 1973, à l’issue de ses travaux, le Comité Central du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique publiait un communiqué important, un communiqué de victoire :
« C’est un grand succès révolutionnaire que nous annonçons aux ouvriers, aux paysans travailleurs, aux employés, aux intellectuels et étudiants révolutionnaires, à tous les travailleurs : la réunification du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique, parti de l’avant-garde ouvrière, parti de la révolution socialiste ».
En même temps, le Comité Central convoquait la Conférence nationale aujourd’hui réunie, précisant :
« Cette Conférence aura valeur de Premier Congrès pour l’aile groupée autour de « L’Exploité » et de session extraordinaire du Premier Congrès pour l’aile groupée autour de « Clarté ». Elle procédera à l’élection du Comité Central du Parti réunifié ».
UNE CONTINUITÉ DANS LA LUTTE RÉVOLUTIONNAIRE
Dans sa résolution du 9 juin 1973, contre ceux qui prétendent qu’il a fallu attendre l’écho affaibli dans les universités belges du mai 68 des ouvriers et des étudiants français pour qu’existe l’étincelle qui allait donner naissance au mouvement marxiste-léniniste en Belgique, le Comité Central a voulu souligner que notre Parti se revendique des meilleures traditions révolutionnaires du mouvement ouvrier belge. Loin de déclarer, comme certains petits bourgeois vaniteux, qu’il n’y a jamais eu de Parti Communiste en Belgique, nous soulignons avec force que nous nous revendiquons du Parti Communiste, section belge de l’Internationale Communiste et de l’œuvre de son premier dirigeant, le plus grand dirigeant révolutionnaire que notre pays ait connu : Joseph Jacquemotte.
Plus précisément, voici deux mois, notre journal a pu marquer le dixième anniversaire de la tenue, à Bruxelles, de la Conférence de communistes de Belgique qui a décidé de reconstruire le Parti Communiste sur des bases marxistes-léninistes.
Bien que les camarades qui ont participé à cette Conférence, qui ont été des militants et, plus encore, des dirigeants à cette époque, ne forment, par suite de l’apport de sang nouveau, qu’une petite minorité dans le Parti, il faut préciser notre analyse sur cet événement. Par une étrange inversion du vrai et du faux, du blanc et du noir, utilisant une sorte de terrorisme intellectuel qui est aux antipodes du marxisme-léninisme, certains petits bourgeois englués dans la métaphysique et se présentant en Messies de la révolution, décrètent que rien de plus honteux n’a eu lieu et que ceux qui, de 1963 à 1967, ont voulu reconstruire le parti marxiste-léniniste ont commis le « péché absolu » pour lequel il n’est nulle « rédemption » possible. En bref, ils méritent les « feux de l’enfer » pendant l’éternité.
Mais où, à ce moment, étaient ces donneurs de leçons sectateurs de Nietzsche, élèves des « bons pères » et de l’université catholique, mages endormis sur le fumier révisionniste, militants trotskistes, jeunes mandarins de l’université bourgeoise, tout cela, ce sont des titres impérissables qui donneraient droit aujourd’hui à s’auto-proclamer dirigeants prolétariens et à calomnier notre Parti !
Nous disons fermement que l’initiative d’un certain nombre de militants communistes, en 1963, d’entamer la reconstitution du Parti Communiste de Belgique sur des bases marxistes-léninistes était juste. Elle a été un moment important de l’histoire du mouvement révolutionnaire sur le plan de la Belgique et sur le plan mondial. C’était dans le monde le deuxième Parti ainsi reconstitué, le premier étant le Parti Communiste du Brésil. Cet événement a été accueilli avec beaucoup d’enthousiasme par les révolutionnaires du monde entier, en tête desquels le Parti Communistes Chinois et le Parti du Travail d’Albanie.
Il importe de dire ce qu’a apporté cette action de quatre ans, l’importance de la dure dénonciation de la trahison révisionniste à un moment où celle-ci commençait à peine, la remise à l’honneur au sein de l’avant-garde ouvrière des concepts de révolution prolétarienne, de dictature du prolétariat, d’internationalisme prolétarien actif. Cette expérience existe ; elle est positive ; elle a eu une immense portée.
LA LUTTE CONTRE LA LIGNE ANTI-PARTI DE GRIPPA ET SES ENSEIGNEMENTS
Mais il est certain également que cet épisode de l’histoire de notre Parti est lourde de points négatifs. L’aspect le plus spectaculaire en est évidemment la trahison de Grippa, dirigeant bouffi d’orgueil et de prétention, manipulateur frauduleux de textes marxistes, bureaucrate omnipotent, qui derrière son faux savoir cachait une idéologie et une pratique révisionnistes. Utilisant habilement sa parfaite connaissance des manœuvres en usage dans la social-démocratie et le révisionnisme, disposant de lieutenants dépourvus de tout scrupule, utilisant une armée de mercenaires placés à tous les niveaux, bluffant et mentant sans vergogne, Grippa a pu régner en féodal sur un fief d’ailleurs qui ne cessait de rétrécir.
On ne peut être trop dur à l’égard de la trahison de Grippa et de ses lieutenants car elle a nui gravement au prestige du marxisme-léninisme en Belgique et elle a donné un aliment aux confusionnistes, aux gauchistes, aux trotskistes, aux révisionnistes, dans leurs complots contre la construction et l’édification du parti révolutionnaire prolétarien.
La dégénérescence de Grippa et de sa clique, la dépérissement du Parti qui lui est lié ont leur basse dans une rupture restée trop superficielle d’avec le révisionnisme, dans le centralisme bureaucratique et l’absence de démocratie, dans la misère idéologique volontairement entretenue de beaucoup de militants, dans l’inexistence de toute organisation léniniste. Il est remarquable que c’est à travers l’assimilation des enseignements de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne en Chine que Grippa a été démasqué. Celle-ci s’est déroulée dans un pays de dictature du prolétariat, ce qui n’est évidemment pas notre cas et nous n’avons jamais été de ceux qui ont voulu transposer mécaniquement ses épisodes en notre pays et en notre Parti, en se limitant d’ailleurs uniquement aux aspects extérieurs. Mais nous estimons qu’il est des enseignements particulièrement précieux : il faut prendre appui sur la base, écouter l’avis de la base, susciter largement la libre expression des opinions de la base et des ouvriers non membres du Parti, exposer ouvertement la politique du Parti, la faire connaître sans se camoufler, apparaître partout en tant que communistes porteurs des idées prolétariennes, appeler la base à frapper les dirigeants qui ont pris une voie bourgeoise, oser se révolter contre les despotes et les faux communistes, arracher leurs masques et leurs cagoules, démasquer ceux qui utilisent le drapeau rouge pour attaquer le drapeau rouge, les dénoncer devant les masses et devant le Parti, les chasser des rangs des révolutionnaires.
C’est parce que Grippa avait peur de ces aspects qu’il s’est opposé à l’étude et même à l’évocation de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne. Il a utilisé pour cela l’arsenal des mensonges et des calomnies propagées par la bourgeoisie contre ce grandiose mouvement et, selon les procédés trotskistes, à coups de citations tronquées, enlevées de leur contexte, isolées des circonstances qui les ont vu naître, il a tenté de faire passer sa camelotte révisionniste pour du marxisme-léninisme.
Il est faux de dire qu’il n’y a pas eu de lutte dans le Parti sous la direction de Grippa, que des camarades n’ont pas lutté pour l’étude et l’application des principes universels de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne aux conditions de notre pays et de notre Parti.
Au contraire, la lutte a été intense ; elle a commencé dès le début. Il est normal que, faute d’une direction collective, des camarades n’aient pas vu clair dès le début, que d’autres aient hésité. Il a fallu tout un processus pour connaître le vrai visage de Grippa. Mais ce que nous pouvons dire, c’est que quelle que soit la voie que nous ayons suivie, que nous soyons ceux qui se sont soulevés et se sont regroupés autour de l’hebdomadaire « L’Exploité », que nous soyons ceux qui, quelques semaines plus tard, ont mis Grippa en minorité et se sont regroupés autour de « Clarté », nous nous sommes soulevés contre une direction qui trahissait, contre des pratiques et des méthodes qui tournaient le dos au marxisme-léninisme, contre un cours révisionniste qui débouchait sur la trahison.
Il n’y avait pas de centralisme démocratique sous la direction de Grippa, mais des décisions prises par le Maître et son entourage direct ; pas de discipline prolétarienne consciente et ferme mais obéissance passive. Il n’y avait pas d’organisation collective, de cellules se réunissant régulièrement mais la tactique de commandos courant ici et là, selon les événements, multipliant les démonstrations théâtrales et développant une agitation stérile. Il n’était pas question de construire le Parti autour de l’avant-garde ouvrière mais bien d’accorder l’omnipotence à un noyau d’intellectuels et de courtisans coupés de la réalité quotidienne. A défaut d’une liaison avec les masses, d’une pénétration patiente dans les entreprises, on se multipliait en démonstrations tapageuses, en vaines galopades là où les luttes ouvrières se déclenchaient. Si bien que des militants honnêtes s’imaginaient que ces procédés de petits bourgeois soucieux de leur publicité, étaient de l’action communiste parce qu’ils tranchaient avec l’inertie des révisionnistes.
Mais quand on fait le bilan de cet activisme du vide, de cette action débouchant sur le néant, de ces attitudes théâtrales aboutissant à couper irrémédiablement le Parti de la classe ouvrière et des masses populaires, on observe que les héritiers de Grippa et de sa clique, ce ne sont pas les militants du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique, mais bien les multiples sectes d’origine bourgeoises et petites-bourgeoises, divisées et acoquinées, se complaisant en invraisemblables exhibitions stériles, manifestant un immense contentement de soi, une vanité boursouflée, et claironnant à tout vent qu’elles vont constituer le parti prolétarien dont la principale caractéristique sera d’être dépourvu de prolétaires.
UNE GRANDE VICTOIRE MARXISTE-LÉNINISTE : LA RÉUNIFICATION DU PARTI
Il est certain que la plus grande victoire que nous ayons remportée sur les conceptions erronées, c’est la réunification du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique.
Comme conséquence du poids de l’idéologie bourgeoise réformiste-révisionniste sur le mouvement ouvrier belge, notamment de la trahison de Grippa et de ses acolytes, des manœuvres et parfois de la prépondérance d’éléments opportunistes de droite ou de « gauche », le Parti a volé en éclats. Nous nous sommes trouvés séparés. Nous avons été amenés à développer des lignes différentes. Ce que nous avons fait les uns et les autres n’a pas toujours été exempt d’erreurs. Mais, dans la mesure où nous avons assimilé et appliqué aux conditions concrètes de notre pays les enseignements du marxisme-léninisme, de la pensée de Mao Tsé-toung, où nous avons assimilé les leçons de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, où nous avons persisté dans notre volonté de construire et d’édifier le Parti autour de l’avant-garde ouvrière, nous avons mené les uns et les autres la lutte entre les deux lignes qui a abouti à la défaite des opportunistes, à l’élimination des conceptions erronées, au rejet des déchets.
La lutte pour la réunification du Parti a commencé très tôt de part et d’autre. Elle s’est heurtée aux incompréhensions, aux préjugés, aux conceptions erronées, aux pratiques manœuvrières de certains. Mais, malgré des reculs temporaires, cette lutte a avancé. Elle a abouti, dans sa dernière étape, de décembre 1972 à avril 1973, à d’importantes négociations et séances de travail qui ont montré une large et profonde unité de vue. Et cette lutte portant son point final contre quelques éléments submergés par l’idéologie de la petite-bourgeoisie, a abouti à la réunification de notre Parti.
Cette réunification est l’exemple même de l’unification bien faite. Nous avons apporté une expérience riche, avec ses aspects positifs et négatifs, qui appartient au Parti tout entier. Elle était analogue même si elle se situait à des degrés différents ; elle concernait, d’une part, l’approfondissement idéologique et, d’autre part, le travail en direction des entreprises, la liaison avec les masses.
Dans son importante résolution, le 9 juin 1973, le Comité Central affirmait avec force :
« Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un seul Parti réunifié, donc une seule ligne, une seule direction, un seul journal central ».
Nous savons bien que cela a déplu à une série d’éléments plus ou moins honnêtes, plus ou moins manœuvriers, et que certains bons amis qui nous veulent tant de bien, ont recherché certaines failles, ont essayé d’introduire un coin même de faible volume. Tant pis pour ceux que cela peine, il y a aujourd’hui un parti unique, avec une seule ligne, solidement uni, avec un seul hebdomadaire même si tenant compte de certaines habitudes et de certaines traditions dans les entreprises, nous avons gardé les anciens titres tout en les associant.
L’expérience du Parti depuis la réunification est entièrement positive. Il en résulte un incontestable bond en avant. Ce que nous avons apporté les uns et les autres nous a mutuellement enrichis à tel point que globalement, on peut dire que les problèmes qui se posent à nous sont avant tout des problèmes de croissance.
Dans son rapport au VIème Congrès du Parti du Travail d’Albanie, le camarade Enver Hodja rappelle que
« le Parti est non seulement l’avant-garde consciente de la classe ouvrière, mais aussi sa forme d’organisation la plus élevée, qui se caractérise par une unité de pensée et d’action, et à laquelle revient le rôle dirigeant dans l’ensemble de l’activité révolutionnaire en tout domaine où elle se déploie ».
Nous avons progressé nettement dans l’unité de pensée et d’action. Le Parti est une réalité qui progresse parce qu’il renforce son organisation et qu’il la renforce vers et dans les entreprises.
La résolution du Comité Central du 9 juin 1973 a déclaré que le « recueil des documents du Premier Congrès du P.C.M.L.B. »
«… est le fruit d’une lutte idéologique intense et est l’élément de base du processus de réunification du Parti ».
Toutefois, il était immédiatement précisé :
« Nous ne serions pas des marxistes-léninistes si nous considérions ce travail comme achevé. Ces analyses et documents devront être complétés, remaniés et approfondis. C’est même dans la mesure où le processus de réunification s’accomplira, où notre pratique s’enrichira que ces améliorations seront apportées ; elles témoigneront précisément de nos progrès ».
Dans le cadre de la préparation de cette Conférence, nous avons été amenés à préciser notre ligne dans quatre domaines : la politique internationale, le syndicalisme révolutionnaire, la fascisation et l’organisation léniniste. Ces documents sont très complets ; ils ont été discutés dans toutes les cellules et assemblées régionales et, à cette occasion, l’unité du Parti s’est trouvée renforcée. Dès lors, il suffira dans le cadre de ce rapport de rappeler les données essentielles.
SUR LES ÉVÉNEMENTS INTERNATIONAUX
Nous sommes à l’époque de l’impérialisme, stade suprême du capitalisme et de la révolution prolétarienne.
Les révisionnistes assurent que nous sommes à l’époque de la détente, que cette détente est durable, qu’il s’agit de la consolider et que de l’entente entre les deux super-grands et d’une conférence de la sécurité européenne peut naître une longue période de paix.
Les révisionnistes parlent de détente alors que l’impérialisme américain et la réaction intérieure viennent d’organiser un coup d’Etat fasciste au Chili ; alors que les impérialistes américains et les sionistes viennent de conduire une nouvelle agression contre les peuples arabes ; alors que les impérialistes américains et les fantoches à leur service poursuivent leur agression contre le peuple cambodgien et intriguent au Sud-Vietnam ; alors que les peuples d’Espagne, du Portugal, de Grèce, de Turquie, d’Indonésie, du Brésil et bien d’autres sont écrasés sous la botte fasciste.
Les révisionnistes parlent de détente alors que leurs maîtres, les social-impérialistes soviétiques ont déclenché contre le peuple de Tchécoslovaquie une agression de type hitlérien ; alors que leurs fantoches en Pologne ont fait feu sur la classe ouvrière ; alors qu’ils font peser le poids de l’occupation sur les peuples des pays d’ex-démocratie populaire ; alors qu’ils ont poussé les réactionnaires indiens à l’agression pour démembrer le Pakistan ; alors qu’ils ont, par mille manœuvres, encouragé Lon Nol ; alors qu’ils ont, en permettant l’émigration de leurs citoyens juifs, fourni des experts et de la chair à canon aux agresseurs israéliens ; alors qu’ils ont soutenu les menées agressives de Thieu contre le territoire chinois ; alors qu’ils ont intrigué dans les affaires intérieures d’Egypte, de Syrie, d’Afghanistan et d’autres pays.
C’est cela la détente dont parlent les révisionnistes !
C’est avant tout une collusion entre les deux super-grands pour se partager le monde. Mais, en fait, ces deux super-puissances tout en collaborant pour piller les peuples, tout en s’unissant pour éteindre les luttes populaires, se disputent et s’affrontent. Le camarade Chou En-laï, dans son rapport au Dixième Congrès du Parti Communiste Chinois, souligne :
« La rivalité est absolue et de longue durée, tandis que la collusion est relative et temporaire ».
Dans son étude sur « l’impérialisme stade suprême du capitalisme », Lénine disait :
« Ce qui est l’essence même de l’impérialisme, c’est la rivalité de plusieurs grandes puissances tendant à l’hégémonie ».
Selon les données d’un rapport des forces, les puissances impérialistes se partagent le monde mais, dès que ce rapport se trouve modifié, elles suscitent un nouveau partage, elles tentent de l’imposer par la violence.
L’impérialisme américain reste le plus puissant. Il n’est aucun crime qu’il n’ait commis dans le monde. Mais c’est un impérialisme en déclin. Il a subi de sévères défaites devant le peuple de Corée, puis devant les peuples du Vietnam, du Laos, du Cambodge. Au Moyen-Orient, ses intrigues n’ont pas abouti complètement et se heurtent à la résistance des peuples. Le social-impérialisme soviétique est persuadé que l’heure est venue pour lui de prendre la première place dans le monde, du supplanter son complice et rival, l’impérialisme américain. D’une certaine manière, c’est un impérialisme plus répugnant et plus dangereux que l’impérialisme américain parce qu’il se drape dans les plis du drapeau rouge, qu’il veut se faire passer pour l’ami des peuples, qu’il essaie de se servir de l’immense prestige qu’avait aux yeux du monde entier l’U.R.S.S. de Lénine et de Staline, alors bastion de la révolution mondiale.
Cette criminelle supercherie a de moins en moins de chance de tromper les peuples. De plus en plus, ceux-ci savent qu’il n’y a pas de différence de nature entre les deux super-grands, qu’il s’agit de deux puissances impérialistes tendant à l’hégémonie. Lénine, quand il a analysé la nature de l’impérialisme, a montré que l’impérialisme, c’est l’agression, c’est la guerre. L’impérialisme américain, c’est la guerre. Le social-impérialisme soviétique, c’est la guerre. Le combat contre l’impérialisme et contre la guerre impérialiste exige de diriger ses coups à la fois contre l’impérialisme américain et contre le social-impérialisme soviétique, ces deux ennemis implacables des peuples.
La collusion et la rivalité entre les deux super-grands se heurtent à une résistance toujours plus forte. Un des événements les plus importants est la prise de conscience du tiers monde, sa cohésion plus grande d’où il résulte des échecs de plus en plus cinglants de l’hégémonisme des U.S.A. et de l’U.R.S.S.
L’Europe prend une importance sans cesse accrue. Jusqu’à récemment, l’Europe occidentale a été étroitement accrochée au char américain. Le déclin de l’impérialisme américain, ses difficultés économiques ont amené les impérialismes ouest-européens à secouer cette tutelle. Contre la Communauté Economique Européenne qui se pose en rivale, les deux super-grands font succéder opérations de séductions, menaces, chantages.
Cependant, cette Communauté Economique Européenne souffre de bien des contradictions ; les impérialismes composants sont rivaux et s’affrontent. Les monopoles ouest-européens liés aux monopoles américains sabotent. Les directions syndicales révisionnistes, celles de la C.G.T. française et de la C.G.I.L. italienne, veulent devenir les partenaires des monopoles capitalistes comme agents des manœuvres du social-impérialisme soviétique.
L’intégration européenne, nous l’examinons sous son double aspect. Elle est une bonne chose en ce qu’elle avive les contradictions inter-impérialistes et affaiblit le camp de l’ennemi. Il est donc normal que les marxistes-léninistes en tiennent compte, notamment sur le front diplomatique. Mais l’Europe qui se fait est celle des monopoles capitalistes oppresseurs de la classe ouvrière et des masses populaires. La lutte contre les monopoles capitalistes ne peut souffrir et ne souffrira aucun répit.
Il y a aussi les peuples d’Europe. Les armées de l’impérialisme américain sont en Europe occidentale ; les armées de la plupart de ces pays sont sous commandement U.S. et intégrées au dispositif agressif de l’impérialisme américain, à l’O.T.A.N.
En même temps et parce qu’il veut imposer son hégémonie en Europe, le social-impérialisme soviétique déploie un dispositif agressif colossal. Il occupe les pays d’ex-démocratie populaire. Sa flotte dans la Méditerranée est aujourd’hui plus importante que la flotte américaine. Avec un cynisme révoltant, il a choisi le jour du Premier Mai 1973 pour exhiber à Moscou un arsenal colossal aujourd’hui pointé en direction de l’Europe de l’ouest.
Il n’y a pas de détente dans le monde, il n’y a pas de détente en Europe. La conférence dite de la sécurité européenne vise à asseoir l’hégémonie des deux super-grands.
Mais en Europe occidentale, des choses nouvelles sont apparues. Il y a un essor considérable des luttes ouvrières et populaires : grandes grèves, luttes paysannes, luttes des jeunes se succèdent en un vaste assaut. En même temps s’accroît la conscience, même parmi les secteurs influencés par les sociaux-démocrates et les révisionnistes, que les deux super-grands sont des brigands impérialistes.
L’essor des luttes ouvrières et populaires en Europe occidentale rejoint les luttes des pays du tiers monde, les luttes de libération nationale en un vaste front. C’est là un des éléments les plus importants de la situation actuelle. Si l’impérialisme et le social-impérialisme venaient à déclencher une guerre mondiale, ils provoqueraient des révolutions qui entraîneraient leur défaite irrémédiable.
Cependant, nous sommes persuadés, ainsi que le montrait le camarade Mao Tsé-toung dans son historique déclaration du 20 mai 1970 :
« …le danger d’une nouvelle guerre mondiale demeure et les peuples doivent y être préparés. Mais aujourd’hui, dans le monde, la tendance principale, c’est la révolution ».
SUR LE PLAN INTÉRIEUR
La crise générale du capitalisme se fait durement sentir. La hausse des prix a pris un aspect délirant. Jusqu’à présent, selon les données officielles, elle se faisait au rythme de 6-7 pour cent par an. Actuellement, la bourgeoisie est affolée devant la réalité : le rythme actuel est de 12-14 pour cent par an. Or, il est évident que l’index est truqué. Cela montre l’inflation, la perte de substance du franc belge dont les économistes du régime assurent qu’il est solide ! Belle solidité d’une monnaie qui perd 12 à 14 pour cent de sa valeur en un an ! La vérité, c’est que le franc belge est pour le moment un peu moins malade que d’autres monnaies capitalistes.
Mais les hausses brutales des prix, ce sont les ouvriers et les autres travailleurs qui en subissent les conséquences.
Les fermetures d’entreprises, les pertes d’emploi surtout sont nombreuses. Il y a chaque jour environ 200.000 chômeurs complets et partiels. Les cadences s’accélèrent : selon la Kredietbank, la productivité capitaliste a augmenté l’an dernier de 11,3 pour cent. Le niveau de vie de la paysannerie travailleuse a baissé de dix pour cent ; le nombre d’exploitants agricoles est en régression de moitié.
Les luttes ouvrières se sont multipliées au cours des derniers mois — certaines d’une très grande ampleur et d’une haute signification comme la grève des dockers de Gand et d’Anvers, la grève de Caterpillar, la grève de Brassico, la grève du charbonnage Colard, la grève de Cockerill, la grève des mineurs du Limbourg, la grève d’Hainaut-Sambre, etc…
Toutes ces grèves ont cette caractéristiques qu’elles sont des grèves sauvages, voulues par la base, sans dépôt de préavis légal. Elles ont lieu malgré l’opposition des syndicats F.G.T.B., C.S.C., libéraux.
Au cours de ces grèves, les ouvriers se sont heurtés non seulement à l’appareil de répression classique de la bourgeoisie, mais aussi aux appareils syndicaux. Il s’en suit que, très concrètement, la classe ouvrière dénonce l’intégration des syndicats dans le régime, leur transformation en rouages de l’Etat et de l’exploitation capitaliste. Elle pose hardiment la question du syndicalisme révolutionnaire et cela est apparu avec une netteté remarquable à travers les grèves de Colard, des mineurs du Limbourg et d’Hainaut-Sambre.
Dans une telle situation, quelle est l’analyse des marxistes-léninistes ?
Nous disons avec force que la tâche centrale, celle qui cède le pas à toutes les autres, c’est le renforcement du Parti, son édification, sa pénétration dans les entreprises. Toute autre tâche n’est que secondaire au regard de cette tâche fondamentale.
PRATIQUER LE SYNDICALISME RÉVOLUTIONNAIRE
Il nous revient, à travers l’activité de ces cellules, de poser franchement le problème du syndicalisme révolutionnaire et de le résoudre. Esquiver cette tâche serait déserter.
Nous avons analysé la nature des trois syndicats officiels : syndicat social-démocrate F.G.T.B., syndicat démocrate chrétien C.S.C., syndicat libéral. Nous avons exposé l’intégration de ces syndicats dans le régime à tel point que nous nous trouvons devant un corporatisme d’Etat, fort proche des institutions fascistes :
– existence de syndicats officiels détenant un monopole de droit et d’une organisation patronale :
– système du syndicalisme obligatoire ou quasi-obligatoire ;
– décisions socio-économiques, selon la volonté des partenaires sociaux (syndicats et organisation patronale) et ayant force légale ;
– apparition des partenaires sociaux en tant que tels dans tous les rouages de l’Etat (Banque Nationale, S.N.C.B., Société Nationale d’Investissement, Société Nationale de Crédit à l’Industrie, Comité de Concertation de la Politique Sidérurgique, etc…) ;
– pratique des conventions collectives sans consultation de la base, négociées par les technocrates syndicaux et patronaux, et ayant force de loi ;
– mise hors la loi de la grève par les clauses de paix sociale ;
– juridictions du travail intervenant contre le droit de grève (cas des scandaleux jugements dans le procès des licenciés des Forges de Clabecq et dans le procès Caterpillar).
Nous estimons que cette analyse qu’il faut faire connaître, est importante pour apprécier justement le combat syndical et aussi le processus de fascisation en Belgique.
Remarquons que lorsque nous analysons la situation des syndicats en Belgique, il s’agit de promouvoir une politique qui tienne compte de la situation dans notre pays, avec ses caractéristiques propres et non de décalquer ce qui se fait ailleurs. Notre situation n’est pas comparable à celle de l’Italie et de la France, où le taux de syndicalisation est faible, où la C.G.I.L. et la C.G.T. sont à direction révisionniste et où, puisque les militants de base, même s’ils sont trompés par les révisionnistes, veulent la révolution, il existe des secteurs combatifs. Nous ne sommes pas dans la situation de la Grande-Bretagne où il existe un syndicat unique à direction réformiste, ni dans la situation de l’Espagne avec des syndicats fascistes.
Notre ligne est qu’il faut pratiquer le syndicalisme révolutionnaire. Il faut en finir une fois pour toutes avec les supercheries des trotskistes, des néo-trotskistes de l’UCMLB, d’Amada, selon lesquelles il serait possible de récupérer les syndicats de l’intérieur. Un important article de « Rruga e Partise », organe théorique du Comité Central du Parti du Travail d’Albanie, (n° 11, 1972) situe exactement le problème en soulignant que
« le trait caractéristique du développement des syndicats à l’époque actuelle, c’est l’intégration de l’appareil syndical dans l’appareil d’Etat bourgeois ».
La tâche des partis marxistes-léninistes devient donc claire :
« Les partis marxistes-léninistes luttent non pas pour corriger et éduquer les chefs de file réactionnaires des syndicats, ni pour améliorer et réformer les centrales syndicales, mais pour éclairer le prolétariat et donner à sa lutte des bases politiques et idéologiques saines. Naturellement, dans cette lutte, les révolutionnaires marxistes-léninistes visent à ce que, parallèlement au travail dans les syndicats, leurs propres organisations révolutionnaires se créent graduellement et se consolident ».
Il nous appartient de tout mettre en œuvre pour créer à la base les comités d’union ouvrière, les comités de lutte syndicale, sous la direction des ouvriers eux-mêmes, à l’image de ce que les communistes ont su faire avec un grand succès durant l’occupation hitlérienne.
L’initiative doit partir des cellules du Parti mais ce sont les ouvriers eux-mêmes qui doivent construire ces organisations de lutte de classe. Nous devons nous trouver partout où sont les masses ouvrières, armés de notre juste ligne, en ne négligeant pas les possibilités de travail dans les syndicats existants, dans les comités de grève, les comités de lutte, etc.
Dans ce travail militant, gardons-nous du double danger qu’exposent nos camarades albanais :
« A propos de l’attitude envers le mouvement syndical, la vie et l’expérience acquise ont imposé la nécessité de lutter sur deux fronts : CONTRE LE SECTARISME, qui se caractérise par la renonciation au travail dans les organisations dirigées par la bourgeoisie, la social-démocratie ou les révisionnistes, mais où se trouvent les masses de la classe ouvrière ; CONTRE LE DANGER DE L’OPPORTUNISME, le danger de nourrir des illusions à l’égard de l’activité de ces syndicats qui est acceptable par la bourgeoisie et ne présente aucun danger effectif pour sa domination ».
Nous avons dit combien l’expérience menée par Union Ouvrière était importante. Il s’agit aujourd’hui de l’étendre dans deux directions. D’une part, il faut que les comités existants cessent d’être le fait d’un nombre restreint de camarades mais s’ouvrent largement, avec confiance, à l’ensemble des ouvriers qui veulent un syndicalisme révolutionnaire. D’autre part, il faut construire des comités en d’autres régions et là d’abord où nos cellules d’entreprise ont acquis une autorité. Cela est une perspective essentielle pour la période qui s’ouvre avec cette Conférence.
LA FASCISATION
L’essor des luttes ouvrières populaires fait peur à la bourgeoisie et plus particulièrement au capital monopoliste. Elle est plus que jamais d’actualité, cette vieille constatation qui dit que quand elle se sent prise à la gorge, la bourgeoisie n’hésite pas à violer sa propre légalité. L’exemple du Chili nous l’a rappelé avec une violence toute particulière.
Nous avons analysé le concept de fascisation, encore une fois sans vouloir à tout prix faire rentrer dans notre réalité des analyses qui correspondent à d’autres situations et à d’autres temps.
Nous avons recouru à la meilleure analyse marxiste-léniniste du fascisme qui ait été faite, celle de Dimitrov au VIIème Congrès de l’Internationale Communiste, le 2 août 1935.
Nous avons été frappé par le fait que Dimitrov souligne que
« le fascisme, c’est le pouvoir du capital financier lui-même » ;
c’est encore
« l’offensive la plus féroce du capital contre les masses travailleuses ».
Dimitrov souligne la double caractéristique de la situation qui permet la victoire du fascisme :
« Mais ce qui est caractéristique pour la victoire du fascisme, c’est précisément la circonstance que cette victoire, d’une part, atteste la faiblesse du prolétariat, désorganisé et paralysé par la politique social-démocrate scissionniste de collaboration de classe avec la bourgeoisie, et d’autre part exprime la faiblesse de la bourgeoisie elle-même, qui est prise de peur devant la réalisation de l’unité de lutte de la classe ouvrière, prise de peur devant la révolution et n’est plus en état de maintenir sa dictature sur les masses par les vieilles méthodes de démocratie bourgeoise et de parlementarisme ».
La situation est aujourd’hui la suivante. D’une part, il y a essor incontestable des luttes ouvrières et populaires, celles-ci se politisent toujours plus mais les masses ne peuvent pas encore porter la lutte à un niveau décisif par suite de toute une série de facteurs négatifs : influence de la social-démocratie et de la démocratie-chrétienne sur la classe ouvrière ; trahison révisionniste ; confusion entretenue par les groupes gauchistes ; faiblesse et insuffisance de l’implantation du Parti dans les masses ouvrières.
D’autre part, la bourgeoisie étale son impuissance, est incapable de surmonter les contradictions de son régime ; elle est prise d’angoisse devant les luttes ouvrières et populaires, agacée parce que celles-ci se déclenchent malgré les conventions collectives avec clauses de paix sociales et malgré le zèle mis par les trois syndicats du régime à les briser. De plus en plus, la bourgeoisie pense à recourir à un « gouvernement fort », à une « démocratie musclée », à un homme providentiel, à un coup d’Etat.
« Zeri i popullit », organe du Comité Central du Parti du Travail d’Albanie, analysant les événements du Chili, dans son numéro du 20 octobre, rappelait que
« dans l’étape de l’impérialisme aussi bien au début qu’à présent, il a existé et il existe toujours le danger que ne s’instaure une dictature militaire fasciste toutes les fois que les monopoles capitalistes estiment leurs intérêts menacés ».
Ne perdons jamais cela de vue. Le danger fasciste existe en Belgique et il faut le prendre très au sérieux. Mais il ne faut pas oublier qu’il ne tombe pas du ciel et que la bourgeoisie met en place ses pions.
Dans ce domaine, ce n’est pas de slogans ni de caricature dont la classe ouvrière a besoin, mais d’une analyse sérieuse. Dans le domaine de la répression, de la préparation de la répression, de l’activité des groupes fascistes, etc…, le processus de la fascisation est certainement moins avancé que dans d’autres pays (en France, par exemple). Mais où il est très avancé — et il est possible que pour l’Europe occidentale, c’est en Belgique qu’il soit le plus avancé — c’est dans la mise sur pied des institutions qui réalisent les buts et les tâches des institutions politiques et socio-économiques du fascisme. Nous attachons la plus grande importance à la mise en place du corporatisme d’Etat, des clauses de paix sociale qui mettent la grève hors la loi. Ajoutons le rôle anti-grève des juridictions du travail, la police et les tribunaux de la jeunesse, la défense globale du territoire et l’instauration d’une armée de mercenaires.
Soyons vigilants et alertons sans cesse les ouvriers, les autres travailleurs et même la petite-bourgeoisie. Les institutions socio-économiques du fascisme sont mises en place au service du capitalisme monopoliste. C’est cela l’essentiel de la tâche de fascisation, une fascisation en profondeur. Elle se fait sans bruit, sans que les masses ne soient alertées. Et la mise en branle des forces répressives, les interdictions et les limitations, cela tombe vite quand le reste est en place.
Notre rôle est d’exposer cet aspect de la fascisation qui est très réel et profond et d’appeler à l’action à la base. Mais il serait vain de rééditer les tactiques qui se sont imposées en d’autres temps et en d’autres lieux.
« Le fascisme, c’est le capital financier même ».
Le danger fasciste, nous ne le vaincrons définitivement que par la révolution, l’instauration de la dictature du prolétariat et sous la dictature du prolétariat, par la mobilisation permanente des masses conduites par le parti marxiste-léniniste.
NOS PERSPECTIVES
Camarades,
Si nous résumons le bilan du Parti depuis sa réunification, nous mettons en avant les points suivants :
– un approfondissement idéologique notamment dans l’étude des contradictions inter-impérialistes, de la fascisation, du syndicalisme révolutionnaire. Nous sommes ainsi mieux armé pour la lutte ;
– un renforcement profond de l’unité de pensée et d’action de l’ensemble du Parti, une réelle direction collective ;
– des progrès sensibles dans l’organisation léninistes, dans l’édification des cellules surtout aux entreprises et des comités régionaux ;
– une pénétration réelle aux entreprises, la diffusion en progrès du journal vers les entreprises, une participation efficace des militants dans les combats de classe.
Tous ces points de notre bilan, sont autant de victoires contre la réaction, contre le réformisme, le révisionnisme, le gauchisme, l’esprit de fraction de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie.
Ils sont la preuve que nous avons rompu radicalement avec le grippisme et le néo-grippisme qui fleurit dans certains groupes gauchistes. Par exemple, à Bruxelles, nous avons connu certaines tentatives de sape de nature gauchiste et opportuniste à forts relents grippistes. C’est quand les camarades de la base appuyés par le Comité Central, ont exigé d’appliquer la ligne organisationnelle du Parti, de mettre en place toutes les structures et de diriger tout l’effort des militants de la régionale vers les entreprises, que la ligne erronée a été écrasée purement et simplement.
Quelles sont les perspectives ?
Pour l’époque qui va s’écouler jusqu’au deuxième Congrès de notre Parti, nous devons porter notre effort dans les domaines suivants :
1) Dans le domaine de l’organisation, nous devons pousser plus avant l’organisation léniniste. Les progrès accomplis pour substantiels qu’ils soient ne sont encore qu’un début.
2) Nous devons accomplir un effort très profond dans la combinaison du travail illégal et du travail légal. Dans ce domaine, nous devons bannir à la fois le romantisme et les jeux puérils et à la fois le légalisme opportuniste. Le Parti n’est pas un club de cagoulards. Pendant l’occupation hitlérienne où il a fonctionné admirablement de façon totalement clandestine, il a encore su utiliser les formes de luttes légales et illégales. Tant que subsistera la démocratie bourgeoise, nous aurons à en utiliser toutes les possibilités.
Dans « Les problèmes de la guerre et de la stratégie », le camarade Mao Tsé-toung souligne les tâches des communistes dans les pays de démocratie bourgeoise :
« …éduquer les ouvriers et accumuler des forces au moyen d’une lutte légale de longue durée et se préparer ainsi à renverser finalement le capitalisme sont les tâches du parti du prolétariat dans les pays capitalistes ».
Dans l’« Histoire du Parti Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S. », le point 4 du chapitre II est consacré aux principes du Parti en matière d’organisation. Ce passage concerne les conditions d’élection dans le Parti, mais voyons bien comment Lénine conçoit l’usage de l’illégalité et de la légalité :
« Naturellement, comme le Parti était illégal sous l’autorité tsariste, les organisations du Parti ne pouvaient, à l’époque, reposer sur le principe de l’élection de base, le Parti devant être rigoureusement clandestin. Mais Lénine estimait que cet état de choses, MOMENTANÉ dans la vie de notre Parti, disparaîtrait dès que le tsarisme aurait été supprimé, lorsque le Parti serait un parti déclaré, légal, et que ses organisations reposeraient sur le principe d’élections démocratiques, sur le principe du CENTRALISME DÉMOCRATIQUE ».
Nous avons donc raison de dire que nous devons utiliser toutes les possibilités légales de la démocraties bourgeoise. L’expérience nous a prouvé d’ailleurs que les illégalistes à tous crins le plus souvent, étaient des froussards et des capitulards.
Mais il est évident que nous devons tenir compte des dangers très réels du fascisme, de répression accrue, de guerre et que l’organisation parallèle du Parti doit être prêt à fonctionner. Méditons ce qui s’est passé en Indonésie, au Chili, etc. Nous serions criminels, si nous ne tenions pas compte de ces leçons par la négative.
Dans ce domaine aussi, il y a contradiction antagonique entre les conceptions légalistes des révisionnistes et les conceptions marxistes-léninistes qui visent à organiser le Parti selon une juste combinaison des formes légales et illégales.
3) Une troisième tâche est le recrutement. La règle doit être : il faut ouvrir les rangs du Parti. Il ne faut jamais repousser ceux qui demandent leur adhésion sauf si ce sont des individus tarés. Il faut solliciter nous-mêmes l’adhésion des sympathisants. Nous devons accroître l’influence du Parti, accroître la vente du journal, être mieux à même de répondre aux désirs de la classe ouvrière et des masses. Acceptons, sollicitons l’entrée au Parti des simples ouvriers qui ont fait preuve de combativité dans la lutte de classe. Acceptons, sollicitons l’entrée au Parti des jeunes qui ont fait preuve d’esprit ardent dans la bataille des jeunes. Il faut mettre au tout premier plan de nos préoccupations le recrutement tout en tenant compte strictement des règles de vigilance pour éviter l’infiltration des agents de l’ennemi.
4) Une quatrième tâche, c’est la mise sur pied, en partant de la base, des comités de lutte syndicale, des comités d’union ouvrière. Il faut, dans ce travail, adopter une tactique souple, ne jamais nous couper. Mais il faut s’y mettre avec décision : le syndicalisme révolutionnaire doit entrer dans les faits.
5) Nous devons unir. Nous savons très bien que des ouvriers, de jeunes ouvriers surtout, qui font encore confiance aux démocrates-chrétiens, au P.S.B., au P.C.B., peuvent être combatifs. Nous les avons côtoyés dans les grèves, ils ont été des camarades de combat.
Des travailleurs ont fait confiance au Rassemblement wallon parce qu’ils y ont vu une organisation de combat contre le régime et contre l’Etat. Nous savons qu’il y a à la base une révolte contre une direction qui a cyniquement dupé ses militants de base. Il est certain que la période électorale et les éternelles illusions qu’elle engendre ont fait mettre une sourdine à cette révolte. Elle n’est pas terminée.
Nous tendons la main à tous ceux qui ont avec nous une commune haine de l’exploitation et de l’oppression. Dans cette direction aussi qui est celle du front, les perspectives positives s’offrent à nous.
Camarades,
La période qui s’est écoulée depuis la réunification a été une période riche, exaltante et chacun de nous en a conscience.
Nous avons progressé. Nous avons un Parti, où les jeunes sont majoritaires et où ils sont unis fraternellement aux vétérans, aux camarades d’âge moyen. Nous avons un Parti où plus de 70 pour cent des militants et des dirigeants sont ouvriers mais où les intellectuels révolutionnaires sont heureux de militer.
Les perspectives que nous venons de tracer sont d’envergure. Il faut accomplir efficacement nos tâches. Avec confiance, avec entrain, entre camarades unis fraternellement, allons de l’avant.
Vive la lutte de la classe ouvrière !
Vive notre combat en direction des entreprises, pour l’édification des cellules, pour le recrutement, pour le syndicalisme révolutionnaire !
Vive le Premier Congrès du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique !
En avant, pour l’édification du parti de la révolution prolétarienne, le Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique !
Dans le rapport politique au Xème Congrès du Parti Communiste Chinois, le camarade Chou En-laï rappelle que « nous sommes toujours dans l’époque de l’impérialisme et de la révolution prolétarienne ». Pour connaître convenablement l’impérialisme, il faut s’en référer à l’analyse qu’en a faite Lénine, il y a près de soixante ans dans son œuvre capitale « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme ».
Quand nous avons analysé l’impérialisme et le social-impérialisme, la Communauté européenne et le capital monopoliste belge, c’est précisément de cette œuvre que nous sommes partis. Lénine a indiqué que « …l’impérialisme est le capitalisme monopoliste, le capitalisme parasitaire ou pourrissant, le capitalisme agonisant, et que l’impérialisme porte à l’extrême l’aggravation de toutes les contradictions du capitalisme ». Il a encore montré que « l’impérialisme est la veille de la révolution sociale du prolétariat » 1.
I.
Le plus puissant impérialisme est l’impérialisme américain. Il veut contrôler le monde entier ; il est le ferme rempart de la réaction mondiale. Partout, sur tous les continents, il a accumulé les crimes les plus ignobles. Il a agressé les peuples de Corée, du Vietnam, du Laos, du Cambodge, il a intrigué contre Cuba et contre de nombreux pays. On le retrouve derrière la création de l’Etat artificiel d’Israël au détriment du peuple palestinien et derrière les agressions sionistes contre les peuples arabes. On le retrouve derrière mille manœuvres contre les peuples, mille provocations. On le retrouve derrière les gouvernements fantoches qui subsistent en Asie, en Afrique, en Amérique latine. Il maintient sous sa dépendance le territoire chinois de Taïwan. Il a mis sur pied l’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord (OTAN), puissant bloc agressif anti-révolutionnaire. Il est le soutien des régimes fascistes criminels du Portugal, d’Espagne, de Grèce, de Turquie, du Brésil, d’Indonésie, etc. C’est lui qui a organisé le coup d’Etat fasciste contre le peuple chilien.
Mais aussi les contradictions se multiplient qui l’ébranlent de fond en comble. Toutes ses provocations sont autant de cordes qu’il se passe autour du cou.
Déjà, en 1950, l’impérialisme américain a été vaincu par le peuple coréen et par les volontaires du peuple chinois. Malgré ce coup sévère, il a continué ses agressions. Il a été vaincu par le peuple vietnamien et, en ce moment, il est sévèrement étrillé au Cambodge. Dans les vastes régions d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie, les peuples se lèvent, passent à l’offensive, surmontent les échecs et défaites temporaires et remportent des victoires importantes contre l’impérialisme américain, ses complices et ses fantoches.
Les coups portés par les peuples du monde ont précipité la grave crise de l’impérialisme américain : les difficultés économiques, financières et monétaires l’assaillent. Non seulement Nixon a dû dévaluer le dollar, mais celui-ci est instable, perd constamment de sa valeur. Le déficit fiscal, le déficit de la balance commerciale, le déficit de la balance des paiements ne parviennent pas à être comblés. Par sa politique économique et sociale, l’impérialisme américain a avivé ses contradictions avec ceux qui étaient ses alliés, comme il a avivé ses contradictions avec son propre peuple.
L’impérialisme est l’ennemi de la liberté et de l’indépendance des peuples, un oppresseur et un exploiteur féroce.
II.
L’U.R.S.S. est devenue un pays impérialiste, agresseur. Les dirigeants soviétiques ont agressé la Tchécoslovaquie, instigué l’agression des réactionnaires indiens contre le Pakistan sous prétexte de « libération du Bangla Desh », organisé des provocations aux frontières de la République Populaire de Chine ; ils entretiennent en permanence une armée considérable prête à envahir les territoires chinois ; ils apportent leur soutien à la clique militaro-fasciste de Lon Nol au Cambodge ; ils ont appuyé le plan Rogers de l’impérialisme américain pour tenter de briser la résistance du peuple palestinien et ils favorisent le départ d’experts militaires et techniciens vers Israël ; en octobre 1973, ils sont intervenus de concert avec les impérialistes américains pour sauver les agresseurs israéliens de la défaite totale ; ils s’immiscent dans les affaires intérieures de divers pays ; ils occupent la Tchécoslovaquie, la Pologne, l’Allemagne de l’Est, la Bulgarie, la Hongrie et la Mongolie, « pratiquement transformées en provinces militaires de l’empire de Moscou »2. La nouvelle bourgeoisie au pouvoir en U.R.S.S. ouvre les frontières aux capitaux japonais, français, ouest-allemands, italiens, américains, cependant que des capitaux soviétiques sont investis en Inde, en Egypte, en Iran, au Brésil et dans d’autres pays. Elle organise le Pacte de Varsovie, instrument d’oppression des peuples de l’Europe de l’Est, instrument d’agression impérialiste et contre-révolutionnaire. C’est pourquoi, il est juste de qualifier l’U.R.S.S. d’Etat social-impérialiste, selon le critère de Lénine : « socialisme en paroles, impérialisme dans les faits, transformation de l’opportunisme en impérialisme ».
« Il n’est pas un pays où les révisionnistes sont au pouvoir qui ne se caractérise par un régime de terreur réactionnaire (…) Mais là où il y a oppression, il y a fatalement lutte contre l’oppression. Les contradictions assaillent le social-impérialisme comme l’impérialisme. En tous cas s’avivent les contradictions entre le social-impérialisme et les peuples qu’il opprime, entre les dirigeants soviétiques et leur propre peuple. Les témoignages mêmes des journalistes bourgeois qui ont visité l’U.R.S.S., prouvent que le peuple soviétique est resté fidèle à Lénine et à Staline » 3.
III.
Le rapport politique au Premier Congrès du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique disait :
« Les deux super-grands composent l’un avec l’autre, se partagent cyniquement le monde mais en même temps, ils sont rivaux et s’affrontent tout aussi cyniquement ».
Citant Lénine qui a dit :
« Ce qui est l’essence même de l’impérialisme, c’est la rivalité de plusieurs grandes puissances tendant à l’hégémonie »,
le camarade Chou En-laï montre qu’il n’y a pas de détente ainsi que l’affirment les révisionnistes et leurs complices :
« Aujourd’hui, ce sont notamment les Etats-Unis et l’Union Soviétique, ces deux superpuissances nucléaires, qui se disputent l’hégémonie. Ils prêchent à tout bout de champ le désarmement, mais en fait, ils procèdent tous les jours à l’expansion des armements ; leur but est de se disputer l’hégémonie dans le monde. Ils se disputent tout en collaborant. Et lorsqu’ils entrent en collusion, c’est en vue d’une rivalité encore plus acharnée. La rivalité est absolue et de longue durée, tandis que la collusion est relative et temporaire » 4.
Cette analyse est très importante car elle s’inscrit en faux contre tout schématisme. Cependant, il serait assez vain, comme le font certains opportunistes qui se parent des plumes d’une fallacieuse troisième voie, de jouer un impérialisme contre l’autre (par exemple : le social-impérialisme qu’on refuse de dénoncer contre l’impérialisme américain) :
« Du moment que l’impérialisme américain et l’impérialisme révisionniste représentent deux super-puissances impérialistes et affichent une stratégie contre-révolutionnaires commune, il est impossible que la lutte des peuples contre eux ne se ramène pas à un seul courant. Il n’est pas possible de s’appuyer sur un impérialisme pour s’opposer à l’autre » 2.
Aujourd’hui, l’impérialisme américain et le social-impérialisme sont au même titre des ennemis implacables des peuples. Le combat des peuples contre l’impérialisme américain et contre la guerre impérialiste exige de diriger à la fois ses coups contre l’impérialisme américain et son organisation agressive, l’OTAN, et contre le social-impérialisme soviétique et son instrument d’agression, l’organisation du Pacte de Varsovie.
IV.
Lorsqu’on analyse les contradictions inter-imperialistes, il faut attacher beaucoup d’importance à l’Europe des Neuf. La Communauté Européenne vise à devenir un bloc économique dont le rythme de développement industriel est supérieur à celui des U.S.A., dont le commerce extérieur est le plus important du globe, qui est le plus vaste marché de l’occident pour l’écoulement des marchandises, qui du point de vue de la production d’acier et de la plupart des biens de consommations surpasse les deux super-puissances, les Etats-Unis d’Amérique et l’Union Soviétique.
L’Europe des Neuf vise à intégrer l’économie des différents pays et de là à passer à une unité monétaire, à une intégration politique et même à une intégration militaire. Bien entendu, cette Europe-là concerne des pays capitalistes où les grands monopoles font la loi absolue. Ceux-ci n’ont évidemment aucunement cure des données nationales ; ils veulent être les maîtres de l’Europe occidentale ; ils veulent imposer aux impérialistes américains et aux social-impérialistes soviétiques un nouveau partage du globe.
La constitution d’un Marché Commun à neuf ne va pas sans contradiction multiples. Il y a des divergences graves à propos des problèmes agraires, des questions monétaires, de la politique des impôts, du marché des capitaux, des subventions d’Etat. Même en admettant que ces contradictions puissent être surmontées, le partage du profit se fera sur la base de la force. Au sein de ce Marché Commun, il y a et il y aura des rivalités constantes entre la République Fédérale Allemande, la France et la Grande-Bretagne pour la direction de la communauté.
« L’Europe unie, que monte le capital d’Europe occidentale, vise à devenir une nouvelle superpuissance impérialiste ayant les mêmes prétentions d’hégémonie et de domination que les Etats-Unis d’Amérique et l’Union Soviétique » 2.
« En outre, les deux super-grands voient d’un mauvais œil la formation de cette Europe qui entend devenir un troisième super-grand, donc un rival. C’est pourquoi on voit les chefs de file de l’impérialisme américain et du social-impérialisme soviétique multiplier les manœuvres : la séduction succède à la menace, le chantage au marchandage et vice-versa 3.
Quand nous examinons la situation internationale, nous devons tenir compte du double aspect des choses. Les contradictions inter-impérialistes sont une bonne chose et il est normal que les marxistes-léninistes s’en réjouissent car elle affaiblissent le camp de l’ennemi ; il est normal que dans la bataille diplomatique, ils en tiennent compte largement.
Mais il serait faux que nous qui vivons en Europe occidentale, nous perdions de vue que l’Europe occidentale qui se fait est celle des financiers, des industriels et des banquiers, l’Europe des monopoles capitalistes. Ce sont ces monopoles-là qui exploitent la classe ouvrière, qui ruinent la paysannerie travailleuse. L’intégration européenne vise à les renforcer, donc à accroître l’exploitation capitaliste. Dans les pays de la Communauté, la hausse des prix est rapide et continue ; le chômage est impressionnant ; partout les cadences s’accroissent, les fermetures d’entreprises se multiplient, le niveau de vie de la paysannerie travailleuse a baissé de dix pour cent ; le nombre d’exploitants agricoles est en régression de moitié. Mais aussi les luttes ouvrières et populaires prennent un essor prodigieux : grèves sauvages, luttes paysannes, luttes des jeunes se succèdent, se groupent en un vaste assaut. C’est le régime capitaliste, c’est la dictature des monopoles qui est mise en cause. Aussi, les monopoles internationaux qui veulent l’intégration européenne et qui la mettent sur pied, ne peuvent plus résoudre cette contradiction par les moyens de la démocratie bourgeoise. C’est pourquoi cette Europe-Unie sera forcément l’Europe de la réaction, de la répression, de la fascisation, et si la classe ouvrière et les autres couches travailleuses ne parviennent pas à vaincre l’ennemi, ce sera l’Europe du fascisme. Il est évident que dans ce combat de classe, le prolétariat d’Europe occidentale entre en collision avec ce bloc impérialiste en formation.
V.
Lénine a montré que « les guerres impérialistes sont absolument inévitables, aussi longtemps qu’existera la propriété des moyens de production ». Les marxistes-léninistes savent qu’on ne peut mettre fin à l’exploitation capitaliste que par le triomphe de la révolution. Nous devons attacher une grande importance à l’analyse qu’a faite le camarade Mao Tsé-toung dans sa capitale déclaration du 20 mai 1970 :
« Le danger d’une nouvelle guerre mondiale demeure et les peuples du monde doivent y être préparés. Mais aujourd’hui, la tendance principale, c’est la révolution ».
Cette déclaration est amplement démontrée dans les faits. Elle est exaltante. Aujourd’hui, il est possible d’éviter une troisième guerre mondiale parce que quelque chose se révèle plus fort que les intrigues et manœuvres agressives de l’impérialisme et du social-impérialisme : la révolution.
I.
Chacun d’entre nous connaît l’offensive idéologique menée par la bourgeoisie pour nier la lutte de classe ou pour annoncer sa fin. Le professeur Janne, ancien ministre socialiste de l’Education nationale, a même développé ce point de vue dans la revue « Socialisme » pour le 75ème anniversaire de la fondation du P.O.B. : la classe ouvrière est en voie de disparition ; elle se fond dans un « grand public » informe, à conception de vie petite-bourgeoise ; il n’y aura plus de grande grève (l’ironie a voulu que cette prophétie soit faite un an avant la grève de décembre 1960-Janvier 1961, la plus grande grève de notre histoire) ; le socialisme revient à aménager le régime capitaliste, à aménager la répartition.
Or, il se fait que Janne est aujourd’hui le « penseur » auquel la F.G.T.B. recourt dans les grandes occasions. Le matraqueur d’étudiants et conseiller du trust électronique M.B.L.E. Simonet est en ce moment l’homme de base pour la préparation du congrès « doctrinal » du parti socialiste. Il est le théoricien de cette vieillerie qu’est le socialisme moderne qu’il a ramassée dans une formule percutante : « Vivons normalement dans un régime que nous ne remettons pas en cause ». Cela c’est une vieillerie parce que c’est le crédo de tous les « rénovateurs » de socialisme de Bernstein à Henri de Man, ce de Man qui, de reniement en reniement, sombra dans le fascisme et qui, aujourd’hui, redevient un homme estimable pour les grosses têtes de l’université bourgeoise.
On a l’impression que les mercenaires de la pensée du capital se donnent beaucoup de mal pour nier la réalité. Il faut vraiment fermer les yeux, se mettre de la cire dans les oreilles pour ne pas voir, pour ne pas entendre, pour ne pas avoir conscience de la formidable montée des luttes ouvrières et populaires en Europe occidentale.
Dans un important article de « Rruga e Partise », la revue théorique du Comité Central du Parti du Travail d’Albanie, repris dans le premier numéro de « Prolétariat », revue théorique de nos camarades français, nous voyons définir l’attitude des jeunes partis marxistes-léninistes dans les conditions actuelles. Nous lisons :
« L’activité des jeunes partis et des nouvelles forces marxistes-léninistes dans les pays capitalistes se déploie alors que le mouvement révolutionnaire connaît un net essor dans ces pays et que la classe ouvrière et les autres couches de travailleurs s’affrontent toujours plus ouvertement avec la bourgeoisie, l’Etat bourgeois et les forces à son service. A l’heure actuelle dans ces pays, le centre de gravité des luttes de masse est passé du mouvement de solidarité anti-impérialiste aux affrontements directs des masses travailleuses elles-mêmes avec le système capitaliste exploiteur (…) ».
Dans ces luttes, la classe ouvrière et les autres couches de travailleurs s’opposent toujours plus clairement au système bourgeois dans sa totalité et deviennent plus conscientes de leur puissance ainsi que de l’importance de l’union de toutes les forces à l’échelle nationale ».
Est-ce que cette analyse est correcte ?
Voyons les luttes formidables, ces derniers mois, des prolétaires de Grande-Bretagne, d’Italie, d’Irlande, d’Allemagne occidentale. Voyons les luttes du prolétariat et de la jeunesse française, leur ampleur sans cesse renouvelée malgré la lourde répression d’un Etat où le processus de fascisation est largement avancé. Voyons le long combat des ouvriers de Lip, qui a remis en cause dans les faits, avec une remarquable sérénité, le droit de propriété et la légalité bourgeoise. Voyons, en Espagne, l’extraordinaire combat du peuple, de la classe ouvrière, des autres couches populaires contre la dictature terroriste fasciste.
En est-il de même en Belgique ? Nous avons le devoir de nous poser la question puisque certains estiment que nous nous trouvons dans une période de « reflux ».
Or, que constatons-nous en ce moment ? Depuis les vacances payées de l’an dernier, des grèves formidables se sont succédées les unes aux autres, à tel point qu’on peut dire que rares sont les semaines qui n’ont pas connu une lutte essentielle. Énumérons-en quelques-unes : grèves de la General Motor, de Ford-Anvers, de Ford-Genk, des jeunes de Cockerill, de différents secteurs de la F.N., des dockers d’Anvers et de Gand, de Caterpillar, des glaces de Courcelles, de Brassico, du charbonnage de Colard, de Cockerill, des mineurs du Limbourg, de Hainaut-Sambre, etc…
Est-ce là un reflux ? Non, c’est évident.
Ce qui est évident, au contraire, c’est que toutes ces luttes témoignent non seulement d’un accroissement de la lutte de classe mais aussi d’un bond en avant dans le développement de la conscience de classe. Car toutes ces grèves ont cette caractéristique qu’elle sont des grèves sauvages, voulues par la base, sans dépôt du préavis légal et qu’elles ont lieu en dépit de l’opposition des syndicats F.G.T.B., C.S.C., libéraux.
Ajoutons à cela, ce qui a été un des événements principaux de l’année écoulée, l’ample et ferme révolte des jeunes contre le plan Vanden Boeynants, élément majeur de la fascisation du régime ; ajoutons le combat des paysans de Marche-en-Famenne contre l’implantation d’un camp militaire, etc…
Que constatons-nous ?
Les ouvriers s’en prennent à un des aspects fondamentaux du régime, la paix sociale. Ils violent la légalité bourgeoise, le système des préavis, les dispositions des conventions collectives ; souvent ils affrontent les forces de répression.
Les jeunes ont, dans l’action, par leur expérience directe, vite dépassé la question des sursis, remis en cause la nature de l’armée, de l’Etat, affronté la violence policière.
Voilà le tableau, quelques aspects soulignés. La Belgique, pays industriel avancé, connaît le même développement des luttes ouvrières et populaires que l’ensemble de l’Europe occidentale. Nous ne sommes pas dans une période de reflux mais, au contraire, c’est le flux montant de la lutte de classe.
Dans son rapport au Sixième Congrès du Parti du Travail d’Albanie, le camarade Enver Hodja souligne :
« Il a été désormais historiquement démontré que sans son Parti, la classe ouvrière, quelles que soient les conditions dans lesquelles elle vit et agit, ne peut acquérir d’elle-même une conscience de classe. Ce qui transforme la classe ouvrière de « classe en soi » en « classe pour soi », c’est le Parti. Bien entendu, la lutte, l’action, trempent et mettent à l’épreuve les masses et les révolutionnaires, elles leur enseignent bien des choses. Mais tant qu’un parti politique doté d’un programme clair, d’une stratégie et d’une tactique scientifiques, fait défaut, la lutte, soit demeure à mi-chemin, soit échoue. C’est ce qu’enseigne aussi l’expérience du mouvement révolutionnaire actuel et des nombreuses luttes des peuples des divers continents ».
Aujourd’hui, en Belgique, nous disposons d’un tel Parti. La réunification a constitué un remarquable bond en avant. Ce parti nous le construisons, nous l’édifions et l’ennemi de classe ne s’y trompe pas puisque ses agents l’ont désigné comme l’ennemi principal qu’il convient de détruire. Mais la construction du Parti, son renforcement, son édification, passent par son implantation au sein des entreprises qui doivent devenir, selon l’expression de Lénine, des citadelles du Parti. Ce qui a rendu possible la réunification du Parti et ce qui en est le ciment, c’est l’analyse fondamentale qu’à travers la lutte et la pratique nous avons élaborée, chacun de notre côté : la tâche centrale de nos membres, c’est de militer dans et vers les entreprises. Nous devons mettre sur pied des cellules d’entreprises, les renforcer là où elles existent. Les cellules locales là où elles existent ont comme tâche fondamentale de militer vers les entreprises, de tout mettre en œuvre pour constituer des cellules d’entreprises. Toute autre tâche n’est que dérisoire au regard de cette tâche fondamentale. Notre meilleure arme pour ce travail, c’est notre journal. Chaque communiste a pour devoir essentiel auquel il ne peut échapper (sauf cas spécifiques dus à l’âge, à la santé ou tâches confiées par le Parti) de diffuser notre journal à l’entreprise.
II.
La tâche principale de l’heure, c’est la construction, le renforcement, l’édification du Parti, sa pénétration dans les entreprises. Mais cela veut-il dire que nous devons négliger le mouvement de masse, qu’il faut attendre que le Parti soit bien structuré, avec ses cellules parfaites pour s’occuper du mouvement de masse ? Cela veut-il dire que dans les entreprises où il n’existe pas encore de cellule du Parti, mais que par contre il existe une volonté nette des ouvriers combatifs de constituer une organisation de lutte à la base, cela veut-il dire que nous devons bouder cette volonté de la base, prier les ouvriers de daigner attendre que nous ayons mis sur pied la cellule du Parti ? Non, c’est évident. Seuls les petits bourgeois dogmatiques, qui ne connaissent rien à la classe ouvrière, peuvent parler comme cela.
Une question se pose actuellement dans toutes les entreprises. Elle se pose avec acuité : c’est celle du syndicalisme. Et si nous ne nous présentons pas devant la classe ouvrière avec une position scientifique, ferme et souple à la fois, nous nous couperons de la classe ouvrière. Parce que c’est vraiment la question qui préoccupe la classe ouvrière, qu’elle se pose à travers sa lutte, à travers son expérience quotidienne.
Quel est le rôle d’un syndicat ? Même les plus arriérés des ouvriers sont à même de dire qu’il sert à défendre les ouvriers contre les exploiteurs capitalistes et même, quand les circonstances sont favorables, à arracher par la lutte des améliorations aux conditions de vie. Mais s’en tenir à cela, c’est une vision étriquée du syndicalisme.
Pourtant, selon certains pseudo-révolutionnaires, cet aspect seulement du syndicalisme serait valable. Ils disent par exemple qu’il faut régénérer les syndicats en les rendant indépendants des partis politiques. Le rôle du syndicat, c’est uniquement défendre les travailleurs.
C’est évidemment faux aux yeux d’un marxiste-léniniste. Dans son ouvrage « Salaire, prix et profit », Marx disait en 1865 :
« Les trade-unions agissent utilement en tant que centres de résistance aux empiétement du capital. Elles manquent en partie leur but dès qu’elles font un emploi peu judicieux de leur puissance. Elles manquent entièrement leur but dès qu’elles se bornent à une guerre d’escarmouches contre les effets du régime existant, au lieu de travailler en même temps à sa transformation et de se servir de leur force organisée comme d’un levier pour l’émancipation définitive de la classe travailleuse, c’est-à-dire pour l’abolition définitive du salariat ».
Donc Marx place le syndicat parmi les organisations révolutionnaires de la classe ouvrière. Nous devons avoir comme perspectives d’amener la classe ouvrière à constituer son syndicat révolutionnaire — il sera et il restera révolutionnaire dans la mesure où il est sous la direction du parti révolutionnaire, donc du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Belgique.
Bien entendu, les syndicats légaux en Belgique — la F.G.T.B., la C.S.C., les libéraux et autres petits syndicats indépendants — n’ont rien de syndicats révolutionnaires. Mais ces syndicats ont perdu leur caractère de syndicats réformistes pour devenir des rouages du régime. L’article de « Rruga e Partise » le définit très bien :
« Le trait caractéristique du développement des syndicats à l’époque actuelle, c’est l’intégration de l’appareil syndical dans l’Etat bourgeois ».
Dans les documents du Congrès qui sont maintenant le bien du Parti tout entier, nous caractérisions déjà ce phénomène. Nous disions :
« Nous devons nous demander si les syndicats ont changé qualitativement par rapport à l’analyse qu’en faisait Lénine. Bien entendu, ils n’ont pas changé dans le sens favorable à la classe ouvrière. Cela ne fait aucun doute. Ils sont devenus purement et simplement des rouages de l’impérialisme. Les syndicats ne sont plus en voie d’intégration, ils sont totalement intégrés dans le régime. Ils sont devenus des pièces de l’Etat bourgeois, au stade de l’impérialisme pourrissant. Ils sont officiellement les PARTENAIRES SOCIAUX de la bourgeoisie impérialiste. Ils signent avec elle des conventions en vertu desquelles, contre quelques miettes du gâteau capitaliste, ils garantissent la paix sociale, c’est-à-dire la pacifique exploitation du prolétariat par les monopoles. Ils s’engagent à empêcher les grèves et si elles se déclenchent malgré eux, à les briser. Ils sont devenus des rouages del’Etat et participent à la gestion et à la direction de la Société Nationale de Crédit à l’Industrie, de la S.N.C.B., de la Banque Nationale (la banque des banquiers), du Conseil Supérieur de l’Economie et de dizaines d’autres organismes de l’Etat bourgeois. ».
Aux A.C.E.C., ils ont célébré comme une victoire le fait de régler avec le patron la carrière des travailleurs ! A la F.N. et à Fabelta, ils ont « conquis » le droit d’organiser les licenciements pour le compte des patrons. On les a vus notamment chez Caterpillar et aux Forges de Clabecq, relever de leur mandat des délégués honnêtes pour que ceux-ci puissent être « légalement » frappés par les capitalistes !
Ils sont subsidiés par les monopoles sous prétextes de primes aux syndiqués ; ils sont subsidiés par l’Europe des monopoles pour l’organisation de leurs cours de militants (les monopoles savent reconnaître les leurs) ; les émissions syndicales à la T.V. sont payées en partie par l’Office Belge pour l’Accroissement de la Productivité ! On n’avoue pas plus ingénument qu’aujourd’hui les syndicats sont des instruments particulièrement précieux de l’exploitation de la classe ouvrière ».
Les syndicats de nos jours sont pires que des syndicats jaunes. Ils sont entièrement, totalement dans le camp de l’impérialisme et ne pas le dire, se taire à ce sujet, c’est se faire complice ».
III.
Nous croyons qu’aujourd’hui le moment est venu d’approfondir l’analyse de cette intégration. Nous caractérisons l’Etat belge comme une démocratie bourgeoise en voie de fascisation. Cette notion est évidemment très importante si nous voulons nous y retrouver dans les luttes actuelles.
D’abord il faut bien se rendre compte que le grand capital en soi ne tient pas au fascisme. Pour l’exercice de sa dictature, le capital monopoliste préfère même la démocratie parlementaire qui est apte à créer des illusions.
Recourons au rapport de Dimitrov au VIIème Congrès de l’Internationale Communiste (1935) ; il dit :
« Ce qui est caractéristique pour la victoire du fascisme, c’est précisément la circonstance que cette victoire, d’une part atteste la faiblesse du prolétariat, désorganisé et paralysé par la politique social-démocrate scissionniste de collaboration de classe avec la bourgeoisie et, d’autre part, exprime la faiblesse de la bourgeoisie elle-même, qui est prise de peur devant la réalisation de l’unité de lutte de la classe ouvrière, prise de peur devant la révolution et n’est plus en état de maintenir sa dictature sur les masses par les vieilles méthodes de démocratie bourgeoise et de parlementarisme ».
Dimitrov définissait encore le fascisme :
« la dictature la plus ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier ».
Le fascisme est donc un produit du capitalisme monopoliste qui ne parvient pas à mater la classe ouvrière, une classe ouvrière qui ne parvient pas à l’abattre.
Dimitrov disait encore :
« Le fascisme est l’offensive la plus féroce du Capital contre les masses travailleuses ».
La fascisation, ce n’est pas le fascisme encore. C’est la mise en place des institutions socio-économiques et de l’appareil répressif du fascisme. Mais celui-ci ne viendra pas nécessairement. Il ne viendra pas si la classe ouvrière est suffisamment forte.
Le capital monopoliste devant la montée des luttes ouvrières est tentée de mettre en place les forces répressives et d’Etat, les lois, les tribunaux, etc… qui font le chemin du fascisme.
En Belgique, il serait faux de dire que nous en sommes, par exemple, au stade de la France. De ce côté, on peut dire que la fascisation est beaucoup plus avancée en France qu’ici. Mais il serait faux, opportuniste et capitulard de dire que le processus n’est pas engagé. Les camarades d’Union Ouvrière ont édité à ce sujet une petite brochure qui est bien documentée. Citons quelques points qu’ils développent : l’intervention de plus en plus brutale de la gendarmerie contre les manifestations et les luttes ouvrières et étudiantes.
Rappelons-nous, il y a quelque mois, l’écœurante répression des manifestations de jeunes contre le plan V.D.B., des dockers en grève. Rappelons les procès contre les grévistes, contre les manifestants jeunes, contre les chauleurs et contre de simples distributeurs de tracts ; la saisie de bande d’actualités à la B.R.T.-R.T.B. afin de rechercher des militants ; la gâchette facile des flics contre les étudiants (meurtre d’un étudiant à Louvain), contre les ouvriers immigrés (plusieurs meurtres d’ouvriers immigrés).
Actuellement, il faut souligner la mise sur pied d’un fichier national : tous les Belges avec leurs caractéristiques, leurs activités politiques, leurs faits et gestes sur fiches perforées dans un ordinateur ; les arrêtés Major et le projet Vanderpoorten contre les travailleurs étrangers ; l’arrêté Vranckx créant une police et des tribunaux anti-jeunes avec entretien de mouchards ; le projet Vranckx (qui était repris par le gouvernement Leburton) contre l’activité révolutionnaire et contre les piquets de grève ; le plan V.D.B.-Cudell réalisant la défense globale du territoire sous la direction de la gendarmerie et mettant sur pied une armée de métier.
Tout cela, c’est un aspect important de la fascisation qu’il faut combattre sans relâche, mais nous croyons qu’actuellement, ce n’est pas le principal aspect dans notre pays.
Où le processus de fascisation est très avancés dans notre pays (et peut-être plus qu’ailleurs), c’est dans la mise sur pied des institutions qui réalisent les buts et les tâches des institutions politiques et socio-économiques du fascisme.
Au service du grand capital monopoliste, les corporations organisent la collaboration des syndicats patronaux et des syndicats « ouvriers » et suscitaient les conventions collectives qui avaient force de loi. En même temps, les grèves étaient interdites et il existait des juridictions du travail sanctionnant les entorses aux conventions collectives et les faits de grève. Qui, aujourd’hui, ne peut voir qu’au service du grand capital monopoliste, les organisations patronales et les syndicats de collaboration de classe réalisent des conventions collectives qui assurent la paix sociale et mettent la grève hors la loi ? Qui doute, après le jugement concernant la grève des Forges de Clabecq que les tribunaux du travail, où siègent des magistrats désignés par les organisations patronales, par les syndicats et par l’Etat du Capital, n’ont pas pour but de régler les conflits du travail dans le sens de la collaboration de classe et de la paix sociale ? Qui ne peut voir que le parlement bourgeois ne joue plus aucun rôle mais que toutes les décisions sont prises dans les conseils d’administration de grands monopoles financiers et que leur passage dans les faits est réalisé par l’action des partenaires sociaux ? En un mot comme en cent, les institutions qui naissent en ce moment à tous les niveaux ne sont-elles pas du CORPORATISME ?
IV.
Aujourd’hui, on en est pratiquement au stade du syndicalisme obligatoire. Dans bien des entreprises, les services de comptabilité retiennent d’office les cotisations syndicales comme ils retiennent le précompte fiscal ou les cotisations à l’O.N.S.S. Et si quelqu’un ne veut pas être syndiqué, on lui retient quand même le montant de la cotisation que l’on verse à une caisse dite de solidarité. C’est exactement la pratique qui existait en Italie fasciste et contre laquelle les communistes et même les socialistes luttaient.
C’est cela qu’on veut nous imposer aujourd’hui : le syndicalisme obligatoire. Sous prétexte que les non-syndiqués profiteraient de la lutte des syndicats ! Mais, selon Gus Wallaert, lui-même, à un récent Congrès de la Centrale des Métallurgistes de Belgique, la plupart des grèves qui éclatent aujourd’hui sont des grèves sauvages, c’est-à-dire des grèves qui éclatent sans et contre les syndicats. Si les syndicats étaient, jour et nuit, mobilisés par la défense des intérêts des travailleurs, combatifs, il n’y aurait pas besoin de rendre l’affiliation obligatoire pour que les ouvriers s’y trouvent et surtout y militent.
Les syndicats se vantent du haut taux de syndicalisation en Belgique — il serait même le plus élevé du monde capitaliste. Mais c’est le régime bourgeois qui oblige les ouvriers à se syndiquer. Devient-on chômeur ? On a besoin des syndicats pour toucher les allocations, sinon c’est l’attente interminable. Doit-on recourir au tribunal du travail ? On a besoin d’être syndiqué. Presque partout existe le système des primes aux syndiqués.
Aujourd’hui, on va au syndicat comme on s’inscrit à une mutualité. Si l’on veut connaître le véritable taux de syndicalisation en Belgique, on ferait mieux de mesurer la présence aux assemblées syndicales. Mais, de toute façon, l’accusation la plus terrible portée contre les syndicats de collaboration de classe, c’est le nombre extraordinaire de grèves sauvages. Contre cela, aucun plaidoyer n’est possible.
Il importe d’amplifier notre campagne contre les conventions collectives avec clauses de paix sociale. Pour quelques miettes de leur festin jetées aux ouvriers, les capitalistes obtiennent des syndicats l’engagement de respecter et de faire respecter la paix sociale. Pendant la durée de l’accord, il y a interdiction de revendiquer, de faire grève et si, malgré tout, il y a revendication et grève, les syndicats doivent briser la lutte.
Particulièrement en ce domaine, les syndicats jouent leur rôle de traîtres. Ils remplacent la lutte par la négociation. Certes un marxiste-léniniste sait que l’on doit négocier et que négocier peut être une forme de lutte. Une chose est de négocier en ayant auparavant démobilisé, freiné les ouvriers ; autre chose est de négocier avec derrière soi les masses ouvrières au combat. Ce sont deux choses différentes.
Mais les clauses de paix sociale donnent aux patrons des armes efficaces pour frapper la classe ouvrière. Le jugement dans l’affaire des Forges de Clabecq est clair et il ne peut faire aucun doute. Il fait jurisprudence : en fonction des clauses de paix sociale, la grève est interdite durant la durée de l’accord et tout gréviste commet une faute grave qui peut être sanctionnée par un licenciement immédiat. Tout délégué doit être un flic de la paix sociale et s’il agit autrement, il doit être sanctionné. Observons que c’est bien comme cela que la F.G.T.B. et la C.S.C. l’entendent. Sinon comment expliquer qu’en 1970, aux Forges de Clabecq et à Caterpillar, des délégués au combat aient été sanctionnés par les syndicats eux-mêmes ! En 1973, à Caterpillar et à Brassico, la sanction est venue des patrons eux-mêmes mais précisément, Davister n’a-t-il pas dit tout crûment que ce qu’il reprochait aux patrons, c’est d’avoir fait une besogne que les syndicats étaient capables de faire eux-mêmes ? Et depuis, Lambion qui se présente comme un syndicaliste de « gauche », a révoqué vingt délégués de Cockerill restés fidèles à leurs camarades en grève et a permis ainsi au patron de licencier légalement sept d’entre eux.
Il faut absolument faire une campagne, une longue campagne contre les clauses de paix sociale, bien expliquer de quoi il s’agit car c’est une arme que l’on place contre la classe ouvrière dans les mains du capital.
Aujourd’hui plus personne ne doute qu’il faille un syndicat, que la classe ouvrière ne peut s’en passer ni dans un régime capitaliste ni dans un régime socialiste. Les déclarations gauchistes comme quoi les syndicats n’étaient plus nécessaires sont bien mortes et, parmi ceux qui le déclaraient péremptoirement il y a quelques années, on découvre bien des positions opportunistes aujourd’hui.
Dans les documents du Congrès, nous rencontrions les positions des révisionnistes et des trotskistes :
« Les révisionnistes disent qu’il faut suivre les syndicats, tout au plus faire régner « plus de démocratie ». Partout où ils ont des délégués — comme aux A.C.E.C., chez Cockerill, à la F.N., etc. —, ils se sont montrés les pires conformistes des serviteurs du patron ».
Les trotskistes, qui aiment jouer les tranche-montagne, ont une position analogue en employant des termes plus à gauche. Pour eux, il suffit de nettoyer les syndicats des bureaucrates. Tout le mal est dans la bureaucratie. Et on ne va pas plus loin dans l’analyse. Des bureaucrates, il y en a partout, aussi bien chez les capitalistes que dans les organisations ouvrières. Ils sont des freins. Dans les organisations ouvrières, ils sont une nuisance pour la classe. Mais ce ne sont pas nécessairement des ennemis. Il faut les critiquer, les secouer, certes. Cela est une chose. Il est des dirigeants syndicaux qui sont audacieux, qui savent aller parler aux masses qui ne sont pas du tout des bureaucrates. Ils savent manœuvrer et trahir. Que l’on se rappelle feu Renard ! Que l’on voie aujourd’hui comment procèdent Davister ou Lambion !
Le manque de sérieux de la proposition trotskiste apparaît dans ce qui s’est passé à la régionale bruxelloise de la C.G.S.P.-enseignement. A la fin de la grève en janvier 1961, sous la conduite des syndicalistes révisionnistes et trotskistes, Le Grève en tête, on a éjecté les « bureaucrates » syndicaux. La direction a été totalement changée. Elle est aujourd’hui à majorité trotskiste et révisionniste. Pourtant la régionale de Bruxelles a chaque fois appuyé les accords de programmation sociale, ce que ne fait pas la régionale ouvertement droitière de Charleroi. A la fin de l’année scolaire 1970-1971, cette même régionale, avec Le Grève en tête, a voté contre la grève des enseignants, voulue par la majorité des régionales. Dans ces conditions, on est en droit de se demander si l’opération trotskiste en définitive ne consiste pas à remplacer des bureaucrates par d’autres bureaucrates, mais abonnés à « La Gauche ». On ne voit pas en tout cas ce que les travailleurs ont à y gagner.
Aujourd’hui existe une variante : certains veulent régénérer les syndicats en faisant élire des délégués combatifs (c’est une illusion qui est entretenue aussi par certains groupements petits bourgeois qui se disent marxistes-léninistes).
L’article de « Rruge e Partise » définit bien le problème :
« La lutte contre la démagogie syndicaliste de la bourgeoisie, des sociaux-démocrates et des révisionnistes, est à l’ordre du jour. Le trait caractéristique du développement des syndicats à l’époque actuelle, c’est l’intégration de l’appareil syndical dans l’appareil d’Etat bourgeois. C’est pourquoi de grandes possibilités sont offertes aux partis marxistes-léninistes pour TRAVAILLER A FAIRE DISPARAITRE LES ILLUSIONS SYNDICALISTES qui sont encore fortes dans nombre de pays capitalistes (…) ».
« Les partis marxistes-léninistes voient bien clairement que les organisations syndicales actuelles sont des instruments de défense non pas des intérêts de la classe ouvrière, mais de la bourgeoisie monopoliste. LES PARTIS MARXISTES-LENINISTES LUTTENT NON PAS POUR CORRIGER ET EDUQUER LES CHEFS DE FILE REACTIONNAIRES DES SYNDICATS, NI POUR AMELIORER ET REFORMER LES CENTRALES SYNDICALES, MAIS POUR ECLAIRER LE PROLETARIAT ET DONNER A SA LUTTE DES BASES POLITIQUES ET IDEOLOGIQUES SAINES. Naturellement, dans cette lutte, les révolutionnaires marxistes-léninistes visent à ce que, parallèlement au travail dans les syndicats, LEURS PROPRES ORGANISATIONS REVOLUTIONNAIRES SE CREENT GRADUELLEMENT ET SE CONSOLIDENT » (passages soulignés par nous).
C’est bien notre position et c’est incontestablement à ce stade que nous en sommes. La classe ouvrière au combat saisit admirablement la trahison des syndicats de collaboration de classe. Il faut donc poser les jalons pour construire l’organisation syndicale révolutionnaire. C’est à la base que cela peut et doit se faire, sur l’initiative et sous la direction des ouvriers eux-mêmes. Il faut tout mettre en œuvre pour constituer les comités d’union ouvrière, ces comités de lutte syndicale qui sont les embryons de la centrale syndicale rouge que la classe ouvrière construira à travers sa lutte.
V.
Nous devons souligner l’importance de l’expérience dans le Limbourg de l’organisation Union Ouvrière – Arbeiders Unie.
Comment se définit Union Ouvrière ?
« UNION OUVRIERE est l’organisation syndicale ouvrière qui se propose d’organiser tous les travailleurs belges et immigrés de toute nationalité qui sont disposés, indépendamment de leurs opinions philosophiques, religieuses ou politiques à lutter contre le patronat, les syndicats traîtres (aussi bien sociaux-démocrates, que social-chrétien ou libéral) et les autres traîtres du même genre, comme les révisionnistes et d’autres groupes composés et dirigés essentiellement par des éléments dans leur grande majorité petits-bourgeois. L’objectif d’Union Ouvrière est à long terme la formation d’un syndicat révolutionnaire de la classe ouvrière qui dénonce et met en échec toutes les formes de collaboration de classe et qui utilise les méthodes de lutte classe contre classe en vue de l’élimination de l’exploitation de l’homme par l’homme ». (Extrait du communiqué conjoint Union Ouvrière-Opposition Syndicale Ouvrière espagnole).
Cela est tout à fait juste. C’est la position du Parti. Nous avons toute confiance dans les camarades d’Union Ouvrière, le travail qu’ils font dans le domaine syndical est de première importance. Ils ne proclament pas des principes en l’air, ils interviennent de façon juste dans les batailles ouvrières du Limbourg, notamment lors de la dernière grève des mineurs. Ils agissent vraiment en syndicalistes révolutionnaires. Et la preuve en est apportée par le fait que nous savons que la C.S.C. s’inquiète de la présence d’Union Ouvrière dans le Limbourg. Une autre preuve est apportée par le fait que la police et la justice de classe ont frappé deux de ses militants.
Nous devons étudier dans les faits comment la lutte de classe se déroule dans cette province, quel rôle nos amis d’Union Ouvrière jouent et comment ils comptent l’amplifier. Il est certain que l’expérience d’Union Ouvrière est pour nous, en chaque région, extrêmement positive et que nous désirons l’étendre partout.
Evidemment, il y a la façon bureaucratique de le faire et il y a la façon correcte, révolutionnaire de le faire.
Prenons un exemple historique. La pratique indirecte est précieuse. Dans les années 30, l’Internationale Communiste définit une tactique tenant compte des conditions de l’époque : créer à l’intérieur des syndicats réformistes, des organisations d’Opposition Syndicale Révolutionnaire sous la direction de l’Internationale Syndicale Rouge qui existait à l’époque. Le mot d’ordre est juste mais il est appliqué bureaucratiquement. Des communistes se réunissent, se proclament Opposition Syndicale Révolutionnaire. Cette O.S.R. se réunit, prend des décisions, rédige des motions mais elle n’existe pas ou peu au niveau des entreprises. C’est évidemment de la caricature.
Prenons un autre exemple historique. Durant l’occupation hitlérienne, ce sont les cellules d’entreprises du Parti qui créent les C.L.S. (Comités de Lutte Syndicale). Au début, il n’y a que les membres de la cellule mais rapidement ils recrutent.
Apparemment, la manière est la même. En fait, elle est différente. Dans le premier cas, on ne part pas des besoins des masses mais d’une directive juste en soi mais que l’on applique mécaniquement sans tenir compte des conditions concrètes. Dans le deuxième cas, il y a la désertion des syndicats socialiste et chrétien, la volonté de la classe ouvrière de se battre contre l’occupant fasciste, contre la collaboration des capitalistes belges avec les hitlériens, contre la déportation, pour les conditions de vie. Le besoin des masses existe et les communistes y répondent correctement. Et c’est ce qui a permis le développement des C.L.S., les seules organisations syndicales révolutionnaires de grandes ampleur qui aient jamais existé en Belgique.
Pour étendre Union Ouvrière, une façon mauvaise de procéder serait que dans les entreprises où militent des camarades, ils proclament, éventuellement avec un ou deux sympathisants, la création de l’Union Ouvrière. Et nous voici satisfaits avec des Unions Ouvrières au Borinage, dans le Centre, à Charleroi, à Liège, à Verviers, dans le Brabant Wallon. Bientôt voici la Centrale Union Ouvrière et le syndicat rouge ! En procédant comme cela, nous n’aurions rien du tout. Ce serait du gauchisme parce que le gauchisme c’est cela : partir d’une idée qui peut être juste plus tard dans le développement de la lutte mais qui ne correspond pas aux conditions actuelles, au désir des masses ou tout au moins de la partie la plus avancée des masses.
Les travailleurs perçoivent-ils la trahison des syndicats, en sont-ils dégoutés ? Oui, nous pouvons le dire. Y a-t-il souhait de voir une organisation de lutte de classe ? Oui, ce souhait existe et il est maintes fois exprimé de façons diverses.
Nous devons guider la classe ouvrière, l’aider. Ce seront les ouvrier eux-mêmes qui, à travers leur lutte, construiront le syndicat unique révolutionnaire, sous la direction du Parti.
Cela veut dire quoi ?
Que le Parti doit avoir pour perspective de créer le syndicat unique révolutionnaire, que nous devons étudier, analyser, critiquer toutes les expériences, justes et pas justes, si nombreuses depuis quelque quatre ans.
Et nous devons bien avoir à l’esprit que les situations varient d’une région à une autre, d’une entreprise à une autre. Est-ce qu’Union Ouvrière existerait sans la grande grève du Limbourg, où les ouvriers ont compris la trahison des syndicats jaunes, du Comité Permanent (émanation de la Volksunie) et ont dû combattre les déviations des éléments petits bourgeois qui, depuis, ont fondé Amada ?
Donc chaque régionale du Parti doit se pencher avec soin sur ce problème et s’y retrouver. Où est-il possible de mettre sur pied un comité d’union ouvrière, un comité de lutte syndicale, peu importe le nom ? Quels sont les ouvriers non communistes qui peuvent nous rejoindre dans cette tâche ? Il faut avancer et avancer à coup sûr, sans vouloir courir quinze kilomètres à l’avance, patiemment. C’est un combat important que nous devons remporter.
VI.
Une question se pose : peut-on et doit-on travailler dans les syndicats réactionnaires ? On sait que dans son rapport au sixième congrès, le camarade Enver Hodja estime que dans les pays capitalistes, les communistes doivent
« mener une lutte résolue au sein même des syndicats réformistes contre la ligne et les positions de leurs chefs bourgeois ».
L’article de « Rruge e Partise » dit
« refuser de travailler dans leurs rangs signifie isoler le Parti de la classe qu’il doit diriger ».
Remarquons aussi qu’un peu plus loin l’article déclare que
« les marxistes-léninistes visent à ce que parallèlement au travail dans les syndicats, leurs propres organisations révolutionnaires se créent graduellement et se consolident ».
Cela veut dire que nous devons avoir la perspective d’un syndicat révolutionnaire mais il n’existe pas encore. Là où comme dans le Limbourg, il existe une organisation née des luttes ouvrières, c’est là que le marxiste-léniniste milite. Là où il existe un comité de lutte qui a la confiance des travailleurs, même si ce comité n’est pas dû à l’initiative des marxistes-léninistes, même si ce comité n’a qu’une existence éphémère, les marxistes-léninistes doivent y militer. Là où il n’existe qu’un syndicat jaune, et que les masses ouvrières s’y trouvent, c’est là qu’il faut être. Mais attention, pas sans boussole ! Pas pour préconiser ou accepter une discipline syndicale imposée par les dirigeants syndicaux. Pas pour suivre la politique droitière des dirigeants. Pas pour faire n’importe quelle politique.
Un marxiste-léniniste qui milite dans une organisation de masse, quelle qu’elle soit, à fortiori si c’est une organisation réactionnaire, doit le faire sous la direction du Parti. Et dans ces organisations de masse nous luttons selon les données de la ligne du Parti. L’article de la revue théorique du Parti du Travail d’Albanie est très clair à ce sujet :
« A propos de l’attitude envers le mouvement syndical, la vie et l’expérience acquise ont imposé la nécessité de lutter sur deux fronts : CONTRE LE SECTARISME, qui se caractérise par la renonciation au travail dans les organisations dirigées par la bourgeoisie, la social-démocratie ou les révisionnistes, mais où se trouvent les masses de la classe ouvrière. Cette pratique peut aboutir à l’isolement des partis marxistes-léninistes. CONTRE LE DANGER DE L’OPPORTUNISME, le danger de nourrir des illusions à l’égard de l’activité de ces syndicats qui est acceptable par la bourgeoisie et ne représentent aucun danger effectif pour sa domination ».
En dehors et dans les syndicats du règime, nous pratiquons un syndicalisme révolutionnaire. Et notre tâche est de nous inspirer des principes que nous mettons en avant dans les documents du congrès :
« — dénonciation des trois syndicats jaunes comme rouages de l’impérialisme ;
— soutien critique et fraternel des délégués honnêtes ;— vis-à-vis des revendications justes posées par syndicats, des grèves organisées par les syndicats, soutien sans restriction en visant à développer la lutte plus loin et à souligner la dupliciter et les trahisons des dirigeants syndicaux ;
— profiter au maximum des contradictions et de la concurrence des syndicats du régime comme de celles qui peuvent exister au sein de ces syndicats ;
— si on se trouve dans une région ou dans une entreprise où l’activité syndicale existe dans les faits et non sur le papier, aller aux réunions syndicales, s’y montrer les meilleurs défenseurs des revendications des travailleurs, dénoncer le rôle des conventions, montrer le véritable caractère des référendums, armes privilégiées des briseurs de grève ».
Résumons-nous.
1. L’expérience d’Union Ouvrière est une expérience à nos yeux remarquables ;
2. il faut étudier cette expérience, s’en inspirer partout, en tenant compte des circonstances qui peuvent varier selon les régions, selon les entreprises ;
3. les comités d’union ouvrière, les comités de lutte syndicale ne peuvent être mis sur pied artificiellement ; c’est en fonction des masses, en militant parmi les masses, que nous amènerons les travailleurs à mettre sur pied ces comités sous la direction du Parti ;
4. partout le marxiste-léniniste est là où les masses se trouvent, comité de lutte, comité de grève… et même parmi un syndicat jaune mais pas passivement pour suivre et surtout pas pour y appliquer la ligne des dirigeants collabos. Il y est pour lutter contre la trahison de classe. Il y est parce que les travailleurs y sont, pour dénoncer la collaboration de classe, l’intégration dans le régime. Comme dit l’article de « Rruga e Partise »,
« non pas corriger et éduquer les chefs de file réactionnaires des syndicats, ni pour améliorer et réformer les centrales syndicales, mais pour éclairer le prolétariat et donner à sa lutte des bases politiques et idéologiques saines ».
Notre perspectives à travers cette lutte doit toujours être le syndicalisme révolutionnaire.
VIII.
Un problème a été posé par certains camarades. Nos militants peuvent-ils être délégués ?
Il faut bien souligner qu’être un délégué honnête et combatif est extrêmement difficile. Certes, il en existe dans beaucoup d’usines ; ils veulent servir leurs camarades. Mais quelles sont leurs possibilités réelles ? Ne se font-ils pas eux-mêmes des illusions sur le rôle qu’ils peuvent jouer ? Bien souvent les directions syndicales se servent de leur combat pour se disculper et pour mieux duper les travailleurs. Quand ils deviennent trop dangereux, les patrons ou les directions syndicales (parfois les deux à la fois) les sanctionnent et vont jusqu’à les licencier. N’est-ce pas ce qui s’est passé aux Forges de Clabecq, chez Caterpillar à Gosselies, chez Nestor Martin à Bruxelles, à la Brasserie de Ghlin, chez Cockerill, et en combien d’autres endroits ?
Dire et croire que l’on puisse changer de l’intérieur quelque chose à la pratique du syndicalisme de collaboration de classe, c’est se faire des illusions et contribuer à en créer parmi les travailleurs. Il faut dire que les délégués honnêtes et combatifs, s’ils veulent le rester, s’exposent d’une part à couvrir involontairement les pires des manœuvres des dirigeants syndicaux, d’autre part à recevoir des coups à la fois des patrons et des dirigeants syndicaux. De toute façon, il est faux de faire croire comme le font les révisionnistes, les trotskistes et leurs émules que l’on puisse changer quelque chose à la nature des syndicats de trahison de classe ou à la lutte à l’intérieur de l’usine en faisant élire des délégués honnêtes.
Il est certain que les camarades qui ont de tels mandats doivent les garder en se plaçant sous le contrôle du Parti. On n’abandonne pas ce qu’on a.
Il paraît certain que l’on ne doit pas rechercher ni briguer de tels mandats. Mais dans l’application de notre ligne, il faut être à la fois ferme et souple. Nous avons dit que notre tactique devait varier en tenant compte des réalités concrètes de chaque région et de chaque entreprise. Là où des camarades ont la confiance des masses, que celles-ci les imposent comme délégués, il serait faux de refuser mais il est du devoir de ces camarades d’éclairer sur la vanité d’espérer changer quoi que ce soit de fondamental par l’exercice d’un tel mandat.
Nous définissons le régime de la Belgique comme étant une démocratie parlementaire bourgeoise en voie de fascisation. Cette notion, il importe de la préciser d’autant plus que certains groupes gauchistes utilisent le concept de fascisation comme un slogan dépourvu de signification.
Lénine observe :
« La démocratie bourgeoise, tout en constituant un grand progrès historique par rapport au moyen-âge, reste toujours, — elle ne peut pas ne pas rester telle en régime capitaliste, — une démocratie étroite, tronquée, hypocrite, un paradis pour les riches, un piège et un leurre pour les exploités, pour les pauvres » 5.
La démocratie parlementaire bourgeoise constitue un grand pas en avant par rapport au régime féodal ou même par rapport à d’autres formes de dictature du capital. Il est donc juste que la classe ouvrière ait lutté pour étendre les droits et libertés qu’elle garantit (par exemple la lutte pour le droit de grève ou pour le suffrage universel) ou pour les préserver contre tout ce qui vise à les limiter ou à les paralyser (par exemple, Front populaire contre le fascisme).
Les réformistes ont fait mine de croire qu’il est possible de se servir de la démocratie bourgeoise, « étroite, tronquée » pour parvenir au socialisme. C’est évidemment « un piège et un leurre pour les exploités ». Les chefs révisionnistes qui connaissent bien l’enseignement de Lénine et de Staline l’ont totalement renié et ils sont tombés aussi bas et même encore plus bas que les sociaux-démocrates. Il y a eu de nombreuses tentatives révisionnistes au cours de dizaines d’années, mais c’est Khrouchtchev qui, le premier, a donné le plus d’éclat au reniement quand, en 1956, il l’a fait en tant que premier secrétaire du Comité Central au XXème Congrès du P.C.U.S. — donc en se servant d’un titre qui, aux yeux du monde entier, le faisait passer pour successeur de Lénine et de Staline. Il a dit que :
« …la classe ouvrière ralliant autour de soi la paysannerie travailleuse, les intellectuels, toutes les forces patriotiques, infligeant une riposte décisive aux éléments opportunistes, incapables de renoncer à la politique d’entente avec les capitalistes et les grands propriétaires fonciers, est en mesure d’infliger la défaite aux forces réactionnaires et anti-populaires, de conquérir une solide majorité au parlement et de le transformer d’organe de la démocratie bourgeoise en instrument d’une volonté populaire » 6.
Cela s’inscrit évidemment en faux contre l’enseignement de Lénine qui, en 1919, disait :
« Seuls des misérables ou des imbéciles peuvent croire que le prolétariat doit d’abord conquérir la majorité en participant aux votes effectués sous LE JOUG DE LA BOURGEOISIE, SOUS LE JOUG DE L’ESCLAVAGE SALARIE, et après seulement conquérir le pouvoir. C’est le comble de la stupidité et de l’hypocrisie ; c’est remplacer la lutte des classes et la révolution par des votes sous l’ancien régime, sous l’ancien pouvoir » 7.
Les révisionnistes se sont alignés sur Khrouchtchev et aujourd’hui, ils se sont totalement ralliés à la voie électorale.
La démocratie parlementaire est dans notre pays la forme que revêt le pouvoir du capital. Engels montrait que le suffrage universel est un instrument de la dictature du capital. Lénine disait :
« Décider périodiquement, pour un certain nombre d’années, quel membre de la classe dirigeante foulera aux pieds, écrasera le peuple au parlement telle est l’essence véritable du parlementarisme bourgeois, non seulement dans les monarchies constitutionnelles parlementaires, mais encore dans les républiques les plus démocratiques » 8.
Quiconque connaît l’enseignement de Lénine comprend combien les théories révisionnistes sont réactionnaires et pourquoi leur application au Chili a conduit à la catastrophe que l’on sait.
Dans les documents du Premier Congrès, notre Parti rappelle que la tâche de la révolution
« est de s’emparer de l’appareil d’Etat bourgeois, de le détruire et de le remplacer par l’Etat prolétarien ».
Lénine dit :
« Sans révolution violente, il est impossible de substituer l’Etat prolétarien à l’Etat bourgeois » 8.
« La révolution est impossible sans la destruction violente de la machine d’Etat bourgeois » 5.
« …Le prolétariat y parvient de la façon suivante : LOIN d’utiliser le vieil appareil du pouvoir d’Etat, il le BRISE en morceaux, il n’en laisse pas pierre sur pierre (malgré les clameurs des philistins apeurés et les menaces des saboteurs), et il crée un NOUVEL appareil d’Etat » 9.
Pour construire le socialisme et aller au communisme, il est nécessaire de construire un Etat de dictature du prolétariat :
« Le passage du capitalisme au communisme ne peut évidemment manquer de fournir une grande abondance et une large diversité de formes politiques, mais leur essence sera nécessairement une : LA DICTATURE DU PROLETARIAT » 8.
Deux enseignements marxistes-léninistes importants doivent être soulignés. Il n’y a pas de révolution possible si les masses ne la veulent pas :
« La révolution est l’œuvre des masses. Si les masses ne sont pas convaincues de la nécessité de la révolution, si elle ne se préparent pas, ne se mobilisent pas et ne s’organisent pas, aucune révolution ne peut triompher » 10.
Les masses ne peuvent aller à la révolution que sous la direction de la classe ouvrière, guidée par son avant-garde, le Parti marxiste-léniniste :
« Pour faire la révolution, il faut qu’il y ait un parti révolutionnaire. Sans un parti révolutionnaire, sans un parti fondé sur la théorie révolutionnaire marxiste-léniniste, il est impossible de conduire la classe ouvrière et les grandes masses populaires à la victoire dans leur lutte contre l’impérialisme et ses valets » 11.
II.
La période actuelle se caractérise par un extraordinaire essor des luttes ouvrières et populaires en Belgique comme dans toute l’Europe occidentale. Mais quand elles se sentent prises à la gorge par la lutte des masses, les classes dirigeantes n’hésitent jamais à violer leur propre légalité. Pour cela, elles se servent de l’appareil d’Etat. Engels disait que l’Etat est un
« pouvoir spécial de répression » 12.
Lénine remarquait que
« plus la démocratie est développée et plus elle est près, en cas de divergence politique et dangereuse pour la bourgeoisie, du massacre ou de la guerre civile » 5.
Toute répression n’est pas du fascisme. Les coups de matraque aux manifestants et même les assassinats de grévistes ne constituent pas par eux-mêmes du fascisme, ni même un témoignage de fascisation. Aucun homme sérieux n’a jamais parlé de fascisme à propos de la répression sanglante de la Commune de Paris, de fascisation à propos des lois de Bismarck réprimant, au 19ème siècle, les socialistes allemands, de fascisme ou de fascisation pour l’autocratie tsariste. Pas plus d’ailleurs pour les centaines de grévistes wallons et flamands assassinés par l’appareil répressif de l’Etat belge depuis 125 ans : cela, c’est l’exercice normal de la répression à l’intérieur d’une démocratie bourgeoise, même la plus avancée.
Lénine pressentait l’évolution quand il écrivait :
« Plus particulièrement, l’impérialisme — époque du capital bancaire, époque des gigantesques monopoles capitalistes, époque où le capitalisme monopoliste se transforme par voie de croissance en capitalisme monopoliste d’Etat — montre le renforcement extraordinaire de la « machine d’Etat », l’extension inouïe de son appareil bureaucratique et militaire en liaison avec une répression accrue du prolétariat, aussi bien dans les pays monarchiques que dans les républiques les plus libres » 8.
Sans connaître encore le fascisme, puisque ces lignes ont été écrites en août-septembre 1917, Lénine voyait que le capitalisme au stade de l’impérialisme allait amener un changement qualitatif dans l’appareil répressif de l’Etat. Mais il concevait que cela puisse aller de pair avec l’existence des démocraties « les plus libres ».
Pour qu’il y ait fascisme et fascisation, il faut que le capitalisme au stade de l’impérialisme renforce sa dictature pour déboucher sur un terrorisme permanent.
La meilleure analyse marxiste-léniniste du fascisme a été faite par Georges Dimitrov dans le rapport qu’il a présenté au VIIème congrès mondial de l’Internationale Communiste, le 2 août 1935, sous le titre :
« L’offensive du fascisme et les tâches de l’Internationale communiste dans la lutte pour l’unité de la classe ouvrière contre le fascisme ».
Dimitrov reprend la définition du fascisme telle qu’elle avait été énoncée auparavant par la XIIIème assemblée du Comité Exécutif de l’Internationale communiste. Le fascisme au pouvoir, c’est
« la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier ».
Mais Dimitrov approfondit et précise cette définition, polémiquant notamment avec les prétendues analyses social-démocrates.
Cela permet de mettre en évidence certaines notions qui ont toute leur importance aujourd’hui :
1) Le fascisme, c’est le pouvoir du capital financier lui-même.
2) Le fascisme, en politique extérieure, c’est le chauvinisme sous sa forme la plus grossière, cultivant une haine bestiale contre les autres peuples.
3) Le développement du fascisme et la dictature fasciste elle-même revêtent des formes diverses selon les conditions historiques, sociales et économiques, selon les particularités nationales et la situation internationale du pays donné.
4) L’arrivée du fascisme au pouvoir, ce n’est pas simplement le remplacement d’un gouvernement bourgeois par un autre mais
« le remplacement d’une forme étatique de la domination de la classe de la bourgeoisie — la démocratie bourgeoise — par une autre forme de cette domination, la dictature terroriste déclarée ».
5) Ce serait une grave erreur
« sous-estimer l’importance que revêtent, pour l’instauration de la dictature fasciste les mesures réactionnaires de la bourgeoisie, qui s’aggravent aujourd’hui dans les pays de démocratie bourgeoise, et qui écrasent les libertés démocratiques des travailleurs, falsifient et rognent les droits du parlement, accentuent la répression contre le mouvement révolutionnaire ».
C’est ce qu’on appelle la fascisation. Idée que Dimitrov souligne encore un peu plus loin :
«…avant l’instauration de la dictature fasciste, les gouvernements bourgeois passent ordinairement par une série d’étapes préparatoires et prennent une série de mesures réactionnaires contribuant à l’avènement direct du fascisme », et il ajoute : « Quiconque ne lutte pas, au cours de ces étapes préparatoires, contre les mesures réactionnaires de la bourgeoisie et le fascisme grandissant, n’est pas en état d’entraver la victoire du fascisme mais au contraire la facilite ».
Il stigmatise à ce sujet la trahison des chefs de la social-démocratie et leur responsabilité historique dans l’avènement des régimes fascistes.
6) Pour atteindre une audience dans les masses, le fascisme utilise une démagogie sociale, nationale, anti-capitaliste, anti-corruption, — alors qu’il est au service du capital, qu’il est chauvin et raciste, qu’il utilise les éléments les plus corrompus de la société. Fondamentalement,
« le fascisme arrive au pouvoir comme le PARTI DE CHOC contre le mouvement révolutionnaire du prolétariat, contre les masses populaires en fermentation ».
Finalement Dimitrov conclut :
« Quel que soit le masque dont le fascisme s’affuble, sous quelque forme qu’il apparaisse, quelle que soit la voie qu’il emprunte pour arriver au pouvoir :
Le fascisme est l’offensive la plus féroce du Capital contre les masses travailleuses.
Le fascisme, c’est le chauvinisme effréné et la guerre de conquête.
La fascisme, c’est la réaction forcenée et la contre-révolution.
Le fascisme, c’est le pire ennemi de la classe ouvrière et de tous les travailleurs » 13.
L’analyse de Dimitrov permet de réfuter les finasseries de gauchistes de tout bord, trotskistes, néo-trotskistes et autres qui veulent caractériser le fascisme par certains caractères comme l’attrait des « classes moyennes », le parti unique, les milices politiques, le caractère de masse du fascisme, etc… Tout cela vise, en fait, à restreindre le fascisme à peu de chose, à minimiser le danger fasciste.
Le phénomène de l’attrait des classes moyennes, dans certaines conditions, pour le fascisme est secondaire. Ce qui est plus fondamentale, c’est que
« le fascisme, c’est le pouvoir du capital financier lui-même ».
Il y a eu des régimes fascistes avec plusieurs partis. Cela a été le cas de l’Italie à l’époque connue parfois sous le nom de « fascisme libéral » ; cela a été le cas en Espagne où la phalange était minoritaire parmi les courants fascistes ; c’est le cas de la Turquie aujourd’hui ; les milices politiques du genre chemises noires, S.A., S.S., n’existent pas au Portugal, ni en Grèce, ni en Turquie ; le fascisme n’a pas eu de caractère de masse en Hongrie, ni au Portugal et il n’en a pas aujourd’hui ni au Brésil, ni au Chili, ni en Grèce, ni en Turquie, etc…14
III.
Dans son rapport, Dimitrov ne parle pas du problème des institutions socio-économiques et politiques du fascisme — le corporatisme d’Etat — parce que tel n’était pas évidemment son propos. Il nous paraît cependant intéressant d’aborder cet aspect et de nous demander dans quelle mesure les institutions mises en place actuellement par le capitalisme de monopoles vont dans ce sens.
Dans une encyclique qui est une des chartes de la démocratie chrétienne, le pape Pie XI dit tout ce qui à ses yeux, fait le mérite des institutions de l’Italie fasciste, plus particulièrement de son Etat corporatiste :
« Récemment, ainsi que nul ne l’ignore, a été inaugurée une organisation syndicale et coopérative d’un genre particulier. L’objet même de Notre Encyclique Nous fait un devoir de la mentionner et de lui consacrer quelques réflexions ». L’Etat accorde au syndicat une reconnaissance légale qui n’est pas sans confier à ce dernier un caractère de monopole, en tant que seul le syndicat reconnu peut représenter respectivement ouvriers et patrons, que seul il est autorisé à conclure les contrats ou conventions collectives, et c’est dans ce sens seulement que l’on peut qualifier de libre cette organisation syndicale, vu que la cotisation syndicale et d’autres contributions spéciales sont obligatoires pour tous ceux qui appartiennent à une catégorie déterminée, ouvriers aussi bien que patrons, comme sont aussi obligatoires les conventions collectives de travail conclues par le syndicat légal. Il est vrai qu’il a été officiellement déclaré que le syndicat légal n’exclut pas l’existence d’associations professionnelles de fait.
» Les corporations sont constituées par les représentants des syndicats ouvriers et patronaux d’une même profession ou d’un même métier et, ainsi que de vrais organes ou institutions d’Etat, dirigent et coordonnent l’activité des syndicats dans toutes les matières d’intérêts commun.
» Grève et lock-out sont interdits ; si les parties ne peuvent se mettre d’accord, c’est l’autorité qui intervient.
» Pas n’est besoin de beaucoup de réflexion pour découvrir les avantages de l’institution si sommairement que nous l’ayons décrite : collaboration pacifique des classes, éviction de l’action et des organisations socialistes, influence modératrice d’une magistrature spéciale » 15.
On peut constater combien la sympathie de ce « pape social » pour le fascisme contraste avec la haine qu’il voue au communisme, que dans le même document, il qualifie de « sauvage et inhumain à un degré qu’on a peine à croire et qui tient du prodige ». Mais ce n’est pas cela qui importe ici. Ce qui importe, c’est qu’on se trouve devant une description condensée des institutions socio-économiques du fascisme par un de ses admirateurs.
Nous avons déjà fait le rapprochement avec le système en vigueur aujourd’hui en Belgique( ). Nous avons en Belgique une organisation patronale, la F.E.B., disposant d’un monopole de fait. Trois organisations syndicales se partagent le monopole de la reconnaissance de l’Etat. Le syndicat libéral n’a qu’une importance dérisoire. La C.S.C. et la F.G.T.B. tendent à fusionner ; elles sont en tout cas coordonnées dans le Front Commun Syndical. L’organisation patronale officielle, les trois syndicats reconnus par l’Etat sont seuls autorisés à conclure les conventions collectives. L’affiliation syndicale est théoriquement facultative mais pratiquement, elle est obligatoire. Dans la plupart des entreprises, le patron retient sur le salaire la cotisation syndicale ou, si l’ouvrier n’est pas syndiqué, un versement à une caisse de solidarité. Les conventions collectives ont force de loi.
La grève n’est pas officiellement interdit, mais les dispositions de paix sociale des conventions sociales reviennent à l’interdire ; en cas de non respect de ces dispositions, il y a intervention d’une magistrature spéciale, les tribunaux du travail où les magistrats sont désignés par l’Etat, par l’organisation patronale et par les syndicats.
Banque Nationale, Société Nationale de Crédit à l’Industrie, Société Nationale d’Investissement, Caisse d’Epargne, Office Belge pour l’Accroissement de la Productivité, etc…)
Le tableau est éloquent. Nous sommes en plein corporatisme d’Etat. C’est pourquoi nous soulignions que le domaine où le processus de fascisation est très avancé dans notre pays (et peut-être plus qu’ailleurs), c’est dans la mise sur pied des institutions qui réalisent les buts et les tâches des institutions politiques, sociales et économiques du fascisme.
IV.
Précédemment, nous rapportions que Lénine observait qu’à l’époque où le capitalisme monopoliste se transforme en capitalisme monopoliste d’Etat, il y avait renforcement extraordinaire de la machine d’Etat, extension de l’appareil bureaucratique et militaire, répression accrue de prolétariat.
Le grand capital veut renforcer et renforce son pouvoir au-delà de toute mesure. Il le fait pour éliminer tout ce qui peut le freiner, même très temporairement. Par exemple pour écraser ses concurrents plus faibles. Ou pour faire sauter les institutions à ses yeux devenues inutiles. Lénine faisait remarquer que
« plus la démocratie est puissamment développée, et plus la Bourse et les banquiers se soumettent les parlements bourgeois » 5.
Mais en fait, aujourd’hui, le parlement bourgeois ne fait plus qu’entériner passivement les décisions des monopoles ou bien, selon un usage de plus en plus répandu, de prendre acte de décisions d’ordre législatif et gouvernemental mises au point par les organisations patronales et syndicales. Encore une fois, le corporatisme d’Etat. Plus rien d’important, de décisif ne sort du parlement ; celui-ci n’a d’ailleurs pratiquement plus d’hommes d’envergure.
En fait, nous nous trouvons devant un fascisme larvé, une fascisation en profondeur et qui montre que le fascisme est dans la nature du capitalisme de monopole.
Ce fascisme larvé se manifeste de diverses façons. Par exemple, en façonnant l’opinion publique. La R.T.B., radio et télévision, est soigneusement orientée même si pour mieux donner le change, elle utilise ses « gauchistes de poche » (trotskistes ou néo-trotskistes).
On uniformise les journaux par le jeu des budgets publicitaires. D’ailleurs ceux-ci diminuent en nombre, sont à la merci des bailleurs de fond et on va les faire vivre grâce à des subsides gouvernementaux, ce qui accroîtra encore leur dépendance, donc leur larbinisme.
Mais d’autres aspects doivent être soulignés ; énumérons les principaux : l’intervention de plus en plus brutale de la gendarmerie contre les manifestations ainsi que contre les luttes ouvrières et étudiantes ; les procès contre les grévistes, les manifestations jeunes, les chauleurs et même contre de simples distributeurs de tracts ; la saisie de bandes d’actualité à la B.R.T. ; la mise sur pied d’un fichier national ; les lois Major contre les travailleurs étrangers et contre les chômeurs ; les arrêtés Vranckx créant une police et des tribunaux anti-jeunes avec entretien de mouchards ; l’assassinat par la police pour des motifs futiles d’un étudiant à Louvain et de travailleurs immigrés à Bruxelles ; la collaboration des polices belges avec les services grecs, espagnols, portugais, turcs, marocains, tunisiens, israéliens, américains ; le projet Vranckx (repris par Leburton) contre l’activité révolutionnaire et contre les piquets de grève ; l’apprentissage de la torture chez les paras ; le surarmement de la police et de la gendarmerie ; la réforme V.D.B.-Cudell réalisant la défense globale du territoire sous la direction de la gendarmerie et instaurant une armée de métier. Même si tout cela est moins marquant que les mesures prises en France, il n’en est pas moins vrai que nous nous trouvons devant ce que Dimitrov appelle
« la liquidation graduelle par la bourgeoisie des libertés démocratiques bourgeoises » 16.
Il faut souligner aussi l’activité de plus en plus grande des groupes et groupements fascistes. Le Vlaamse Militante Orde, qui a pourtant assassiné déjà, défile librement, en uniforme et en utilisant des voitures blindées. La Volksunie, parti aux racines qui plongent dans la collaboration hitlérienne, mène campagne pour l’amnistie et des dédommagements aux personnes condamnées pour faits de trahison durant la deuxième guerre mondiale. Les N.E.M. Clubs, constitués autour du torchon fasciste « Nouvel Europe Magazine », rassemblent d’anciens mercenaires de la Légion S.S. Wallonie qui s’est battue aux côtés des hitlériens au front de l’est, divers rescapés des diverses formes de la collaboration mais aussi des officiers, des magistrats, des professeurs d’Université. Le groupe Occident, le Mouvement Nationaliste Wallon, le Parti Européen, etc…, organisent des formations paramilitaires.
Tout cela n’inquiète pas le gouvernement. Bien au contraire ! Vanden Boeynants patronne une milice de caractère fasciste, la J.B.J. Un des proches de ce ministre, Jo Gérard, qui célébra les mérites de la Légion Wallonie, n’a-t-il pas quitté le « Nouvel Europe Magazine » pour devenir directeur du musée de l’armée, rédacteur de l’organe du ministère de la défense nationale et n’est-il pas chroniqueur à la R.T.B.?
L’U.N.O.R. (Union Nationale des Officiers de Réserve) qui se livre ouvertement à une propagande fasciste, raciste, anti-ouvrière, anti-jeunes, a statut officiel au sein du Ministère de la Défense Nationale, reçoit des subsides, organise des camps de jeunes pour la formation paramilitaire, et constitue un des rouages de la « défense globale du territoire » prévue par la réforme V.D.B.-Cudell de l’armée.
Cela s’accompagne d’une offensive de grande envergure sur le plan idéologique. Les entreprises d’édition multiplient les livres et études élogieux ou faussement objectifs sur Hitler, Mussolini, Dayan… Il y a même des publications qui mêlent adroitement la pornographie et la glorification de l’hitlérisme. Cela s’accompagne d’une entreprise de dépolitisation des masses voulue par le P.S.B. et les révisionnistes, d’un culte délirant de certaines vedettes du sport et du music-hall qui vise à développer un chauvinisme exacerbé parmi les jeunes, à développer la morale de la réussite, de l’homme fort, de celui qui est toujours vainqueur.
Tout cela doit retenir notre attention. Nous devons nous rappeler qu’à un moment de leur histoire, les chemises noires de Mussolini ou les nazis d’Hitler n’étaient que des groupuscules sans importance, parmi d’ailleurs beaucoup d’autres groupuscules d’extrême-droite ; ils se sont gonflés quand les monopoles ont eu besoin d’eux.
Cependant, d’une façon générale, le capital financier préfère donner à sa dictature une façade démocratique parce qu’elle est apte à tromper et à créer des illusions (par exemple, les élections ou encore les conseils d’entreprise…). Il va même dans certains cas jusqu’à essayer de plaquer une caricature de parlementarisme et de démocratie sur de féroces dictatures fascistes (c’est le cas actuellement de la Turquie).
Mais ce qui frappe même les observateurs bourgeois, c’est l’incapacité du régime à résoudre ses problèmes et à surmonter ses contradictions. Il brandit de fausses solutions : par exemple le fédéralisme ou la régionalisation pour éviter de résoudre la question nationale de la seule façon juste : le droit des peuples de Belgique à disposer d’eux-mêmes. Par exemple encore « les réformes de structure » ou « le contrôle ouvrier », slogans brandis par la F.G.T.B., les révisionnistes et les trotskistes qui visent à faire croire que l’on pourrait introduire des dispositions anticapitalistes à l’intérieur de l’Etat des monopoles. Par exemple aussi, le rassemblement des progressistes qui viserait « à la belge », en mêlant socialistes, sociaux-chrétiens, révisionnistes, syndicalistes, et même politiciens du R.W. et du F.D.F., à mettre sur pied une combinaison gouvernementale du type de celle qui a fait les preuves que l’on sait au Chili 17.
V.
Ce que Dimitrov a souligné particulièrement, c’est que le fascisme résulte d’une double faiblesse — faiblesse de la classe ouvrière qui ne parvient pas à vaincre le capital mais aussi faiblesse de la bourgeoisie qui ne parvient pas à museler la classe ouvrière en utilisant les méthodes de la démocratie bourgeoise :
« Mais ce qui est caractéristique pour la victoire du fascisme, c’est précisément la circonstance que cette victoire, d’une part, atteste la faiblesse du prolétariat, désorganisé et paralysé par la politique social-démocrate scissionniste de collaboration de classe avec la bourgeoisie, et d’autre part, exprime la faiblesse de la bourgeoisie elle-même, qui est prise de peur devant la réalisation de l’unité de la classe ouvrière, prise de peur devant la révolution et n’est plus en état de maintenir sa dictature sur les masses par les vieilles méthodes de la démocratie bourgeoise et de parlementarisme »16.
Aujourd’hui, la situation est la suivante. D’une part, il existe un essor remarquable des luttes ouvrières et populaires, mais les masses ne peuvent encore porter la lutte à un niveau décisif par suite du poids de la social-démocratie et de la démocratie-chrétienne sur la classe ouvrière de Belgique, de la trahison révisionniste et de la confusion entretenue par les groupes gauchistes ; il est certain enfin que notre Parti reste faible, insuffisamment implanté dans la classe ouvrière.
D’autre part, la bourgeoisie étale son impuissance, est incapable de résoudre les problèmes, est prise d’angoisse devant la combativité des ouvriers, des jeunes, d’autres couches de la société et de plus en plus pense à recourir à un « gouvernement fort », à un homme providentiel, à un coup d’Etat 18.
Dans ses conditions, non seulement la fascisation existe en Belgique, mais encore un réel danger fasciste.
Dans l’analyse qu’il a consacrée le 2 octobre dernier aux événements du Chili, « Zeri i popullit », organe du Comité Central du Parti du Travail d’Albanie, observe :
« Dans l’étape de l’impérialisme aussi bien au début qu’à présent, il a existé et il existe toujours le danger que ne s’instaure une dictature militaire fasciste toutes les fois que les monopoles capitalistes estiment leurs intérêts menacés. De plus, il a été prouvé, en particulier depuis la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’à nos jours, que l’impérialisme américain, l’impérialisme britannique et consorts ont aidé les bourgeoisies de divers pays à écraser les gouvernements et à écraser les forces révolutionnaires qui, d’une façon ou d’une autre, mettent tant soit peu en danger les bases du système capitaliste. Tant que l’impérialisme existe, existe aussi la possibilité de le voir intervenir dans les affaires intérieurs des autres pays, tramer des complots contre-révolutionnaires, renverser des gouvernements légaux, liquider les forces démocratiques et progressistes et étouffer la révolution, étant donné qu’il dispose d’une base pour cela et que sa politique demeure inchangée » 19.
Le danger fasciste nous ne pouvons le vaincre définitivement que par la révolution, l’instauration de la dictature du prolétariat et sous la dictature du prolétariat, la mobilisation permanente des masses sous la direction du parti marxiste-léniniste.
De toute l’analyse marxiste-léniniste, nous devons conclure qu’il est impossible de lutter contre le fascisme sans lutter contre l’impérialisme, contre le capital financier puisque comme le montre Dimitrov, « le fascisme, c’est le capital financier même ».
Le capital monopoliste est la cible dans la lutte contre le fascisme et la fascisation et penser pouvoir s’allier dans ce combat à certaines fractions du capitalisme de monopole est de l’opportunisme et la voie de la défaite. C’est penser que certaines fractions de la bourgeoisie monopoliste pourraient ne pas avoir les caractéristiques de la bourgeoisie monopolistes, impérialiste.
Certes, il y a des contradictions entre groupes monopolistes et même à l’intérieur des groupes monopolistes eux-mêmes : il y a des alliances, des affrontements ; les groupes en question obéissant aux lois du développement inégal. Les contradictions entre nos ennemis sont une bonne chose car elles facilitent notre combat. Mais il serait fautif de ne pas voir que contre la classe ouvrière, contre les masses populaires, ils sont tous unis.
Ainsi, le premier monopole financier en notre pays est la Société Générale de Banque. Il domine d’assez loin la vie économique. Il détient les principaux rouages de l’Etat, de la démocratie parlementaire bourgeoise. La famille royale belge est une des grandes familles de la Société Générale. On a coutume de dire que ce groupe manque de dynamisme et que repu, il est accroché à l’Etat belge tel qu’il est : unitaire, parlementaire, monarchique mais aussi démocrate bourgeois. Or, que remarquons-nous ? Sur le point de perdre le Congo, la Société Générale organise une première répression sanglante par les paras belges en 1959 ; elle suscite la sécession du Katanga en employant l’assassin Tshombe ; elle organise l’assassinat de Lumumba ; elle obtient l’intervention des paras sur Kisangani et Paulis, avec le bain de sang qui en résulte. Ce sont là des méthodes impérialistes et fascistes.
Selon certains témoignages, en 1960, devant les événements du Congo et à travers l’exploitation d’un délire chauvin et colonialiste, les milieux de la Cour (liés à la Société Générale) envisagent de former un « gouvernement fort », véritable coup d’Etat royal ; l’accord du « Soir » et de la « Libre Belgique » est acquis et sans doute de nombre de politiciens. C’est Théo Lefèvre, alors président du P.S.C., qui fait échouer le projet au nom des principes démocratiques — au bout du compte parce qu’il appartient à des fractions de la bourgeoisie qui estiment qu’un fascisme ou un semi-fascisme n’est pas nécessaire à ce moment.
C’est encore la Société Générale qui organise la répression des mineurs au moment de la grève de 1966 et celle de 1970 parce que les charbonnages, c’est le domaine de la Société Générale.
Ce que nous avons dit du rôle de Théo Lefèvre pourrait faire croire que les fractions du capital qu’il représente sont opposées à la fascisation. Ce serait une illusion. Théo Lefèvre, la fin de sa vie l’a prouvé, était un homme de la Compagnie Bruxelles-Lambert.
Devenu premier ministre après la grève de décembre 1960-janvier 1961, il accélère la fascisation du régime avec son compère Spaak qui est l’homme du capital américain : augmentation du budget de la gendarmerie laquelle est dotée d’un matériel ultra-moderne, accroissement de l’effectif de la gendarmerie et de la police, lois limitant le droit de grève.
Deux hommes sont également proches de la Compagnie Bruxelles-Lambert qui sont de purs symboles de la fascisation : Simonet et Vanden Boeynants. C’est en faveur du second que « La Libre Belgique » publiait récemment l’appel au coup d’Etat dont nous avons parlé plus haut.
Certes, l’histoire nous apprend qu’en Italie et en Allemagne par exemple, certains groupes financiers ont voulu le fascisme avant d’autres. Mais quand il s’est agi de museler les masses populaires en action, il n’y a plus eu la moindre hésitation.
Enfin, il faut tenir compte que si le caractère principal de la fascisation en Belgique est la mise sur pied des institutions du corporatisme d’Etat, tous les groupes financiers sont étroitement unis et il n’y a pas entre eux la moindre divergence.
La classe ouvrière dans son combat ne doit pas se priver de la possibilité de manœuvrer et de diviser l’ennemi si, dans l’éventualité de l’organisation d’un coup d’Etat, certaines fractions du capital financier s’y opposaient parce qu’elles le trouveraient inutile pour maintenir le pouvoir des monopoles ou parce qu’elles craindraient de ne pas en profiter. Mais il est assez vain d’établir une stratégie et une tactique sur des hypothèses fragiles et des chimères. C’est le capital de monopole en tant que tel qui enfante le fascisme et il n’est pas d’alliance possible avec lui.
La bourgeoisie non monopoliste, les cadres supérieurs, les grands technocrates ne sont pas des alliés de la classe ouvrière sauf très exceptionnellement. Les capitalistes non monopolistes peuvent avoir des contradictions d’intérêts avec les monopoles mais ce sont des exploiteurs féroces. Les cadres supérieurs et les grands technocrates organisent l’exploitation capitaliste pour le compte des monopoles. Dans les thèses du Premier Congrès, nous disons que :
« si le prolétariat doit tenir compte de ces contradictions et les exploiter dans l’intérêt de son combat, il ne peut se faire aucune illusion au sujet de gens qui organisent son exploitation et qui en vivent » 20.
Dans les couches inférieures de la moyenne bourgeoisie (qui restent fort réactionnaires) et dans la petite bourgeoisie qui est très instable, il y a des contradictions d’intérêts avec le capital de monopole et ses desseins ; il y a donc des alliés possibles dans la lutte pour la sauvegarde des libertés démocratiques.
VI.
Mais dans la lutte contre la fascisation et le danger fasciste, la principale force et la force dirigeante, c’est la classe ouvrière dont les meilleurs alliés sont les autres couches travailleuses : employés, petits paysans, certains petits commerçants surtout dans les régions industrielles, certaines couches d’intellectuels. Cela représente au moins 75% de la population.
Bien entendu, cette masse imposante est traversée de courants contradictoires et certains de ces facteurs sont franchement négatifs. Notamment la politique de collaboration de classe et de trahison de la classe ouvrière menée par le P.S.B., le P.C.B., la démocratie chrétienne. Ces formations minimisent et nient la fascisation et le danger fasciste. Au gouvernement, les dirigeants social-démocrates sont des agents très actifs de la fascisation ; au sein de la F.G.T.B., les social-démocrates et les révisionnistes, au sein de la C.S.C., les démocrates chrétiens mettent en pratique le corporatisme d’Etat. Ce serait une erreur tragique de croire que les directions du P.S.B., de la démocratie-chrétienne, de la F.G.T.B., de la C.S.C. peuvent être des alliés valables dans la lutte contre la fascisation : elles sont des facteurs très actifs de la dictature des monopoles, donc de la fascisation.
La lutte contre le fascisme et la fascisation ne postule pas l’alliance avec ces agents actifs de la dictature des monopoles et ne l’a jamais historiquement postulé. Nul plus que Dimitrov n’a mieux dénoncé les opportunistes qui préconisaient l’alliance aux sommets pour lutter contre le fascisme. C’est l’alliance à la base qu’il préconisait :
« La création d’organisme de classe en dehors des partis est la MEILLEURE FORME pour réaliser, élargir et consolider le front unique au plus profond des grandes masses. Ces organismes seront aussi le meilleur rempart contre toutes les tentatives des adversaires du front unique de violer l’unité d’action qui s’établit au sein de la classe ouvrière »16.
Un autre facteur négatif est constitué par les groupes gauchistes qui en paroles dénoncent le réformisme et le révisionnisme, s’opposent à l’institutionnalisme de la répression mais dans les faits font diversion. Par exemple, les trotskistes et certains autres groupes qui parfois collaborent avec eux et parfois s’y opposent, jettent la confusion. Un groupe néo-trotskiste violemment anti-Parti en donne même une vision caricaturale qui aboutit à ridiculiser le concept de fascisation aux yeux des masses : certains membres vont provoquer la police sur des questions mineures, reçoivent des coups de matraque ou se font arrêter un court temps et ils baptisent ça : fascisation. Ce n’est pas sérieux car la fascisation, c’est quelque chose de plus important et de plus profond. Enfin, il est des groupes qui parlent plus sérieusement de la fascisation mais sans en faire une analyse en profondeur, sans se démarquer des néo-trotskistes et en maintes occasions, ils s’allient aux trotskistes.
A la base, les possibilités sont immenses. Les luttes récentes ont porté à un plus haut niveau une prise de conscience générale.
Prise de conscience des jeunes à travers la lutte contre le plan V.D.B. du rôle de l’Etat bourgeois, de son armée, de sa police et même de son enseignement ; prise de conscience de cette réforme de l’armée comme aspect important de la fascisation du régime.
Prise de conscience de la classe ouvrière et des autres travailleurs de l’intégration des syndicats F.G.T.B., C.S.C., libéraux dans le régime, de la nécessité de dénoncer les directions de trahison et de pratiquer un syndicalisme révolutionnaire. Dans les grèves qui se sont succédées depuis des mois, il a été prouvé qu’un vaste front est possible : des délégués qui croient encore aux syndicats du régime se sont révélés combatifs ; à la base des travailleurs socialistes, chrétiens, membres du parti révisionnistes se sont montrés courageux dans le combat de classe. De grandes possibilités existent non seulement sur le plan de la défense des libertés et des droits de la démocratie bourgeoise, mais aussi pour passer à l’offensive contre le capitalisme de monopole, racine du fascisme, contre l’Etat bourgeois et pour aller à la révolution.
Mais cela dépend de notre ardeur et de notre ténacité dans l’application de la juste ligne prolétarienne de notre Parti.
« L’effort principal du Parti doit porter vers les grandes entreprises ; l’organisation du Parti dans les principales entreprises des régions industrielles doit être notre objectif numéro un » 21.
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