Pierre Mulele
Leçon sur les classes sociales
1963
Il y a maintenant chez nous trois classes de vie.
La première classe, c’est nous qui produisons, les coupeurs de fruits de palme.
Qu’est-ce que nous recevons pour nos fruits ?
Est-ce que nous pouvons encore acheter les pagnes pour les femmes avec notre salaire ?
Non, nous ne pouvons plus acheter de wax.
Quand nous vieillirons, est-ce que nous aurons une pension ? Non, nous n’y avons pas droit.
La deuxième classe, ce sont les Blancs qui achètent nos fruits.
Est-ce que nous savions ce que les Blancs pourraient faire avec nos produits ?
Personne parmi nous ne le savait.
Avec nos fruits, le Blanc fabrique de l’huile de palme, du savon, des bougies, du beurre. Les coques, il les vend comme bois de chauffage.
Il mélange les déchets avec le maïs pour obtenir du fourrage pour la volaille.
Tout cela, est-ce que nous le savions ?
Nous ne connaissions pas la vraie valeur de nos fruits de palme.
C’est nous qui faisons le travail dangereux, mais nous ne recevons presque rien. Le Blanc vole nos richesses.
Les impérialistes sont comme les moustiques.
Vous avez travaillé et peiné toute la journée.
Avec votre argent, vous mangez pour vous procurer du sang qui est nécessaire pour vivre.
Alors, les moustiques viennent et ils sucent votre sang, et ils ne laissent plus une seule goutte dans votre corps.
Ils deviennent très gras. Mais, dites-moi, est-ce que c’est eux qui ont travaillé ?
Les richesses sont produites par nous, mais nous n’en profitons pas. Est-ce que vous êtes contents de cette situation ?
Non, on n’est pas contents. Les Blancs viennent et eux ils fixent les prix.
Mais pourquoi est-ce que vous ne pouvez pas fixer les prix ?
Ah oui, quand est-ce qu’on aura ce pouvoir-là ?
Oui, voilà ce qu’on cherche. Nous ne voulons plus travailler comme avant.
Alors, nous faisons la connaissance d’une troisième classe.
Il y a des personnes qui se mettent du côté du Blanc et qui nous disent : vous n’avez pas le droit de faire grève.
Nous revendiquons une juste cause, mais eux, ils nous mettent en prison. Entre le Blanc et nous, se trouve le réactionnaire noir.
Dans un régime normal, le gouvernement doit prendre les mesures pour satisfaire les besoins du peuple.
Mais nos chefs ne savent que donner des amendes, lever des impôts, arrêter et torturer.
Les Blancs les paient pour ça.
Le Blanc corrompt nos frères qui sont réactionnaires pour nous causer du tort.
Le militaire qui a tué toute sa vie aura sa pension et retournera au village.
Est-ce qu’il va continuer à exterminer ses propres parents ?
Non, le militaire doit aussi apprendre pourquoi ses parents luttent. Quand il aura compris, il rejoindra notre combat.