PETRACHEVTSY. Nom donné aux membres d’un cercle composé surtout de « roturiers » qui adhéraient au mouvement démocratique révolutionnaire bourgeois dirigé contre le servage en Russie au milieu du XIXe siècle.
Cette organisation avait à sa tête Boutachévitch-Pétrachevski. Le cercle n’avait pas de plan d’action précis : certains de ses membres penchaient vers le libéralisme et n’admettaient que la propagande pacifique, d’autres étaient partisans des méthodes révolutionnaires.
Le gouvernement tsariste décapita le cercle avant qu’il ait eu le temps de prendre corps. En 1849, quatre ans après sa fondation, il fut liquidé.
Les pétrachevtsy haïssaient les conditions sociales et politiques régnant à cette époque en Russie. Les idées démocratiques révolutionnaires de Herzen (V.) et de Biélinski (V.) eurent sur eux une influence décisive. Leurs conceptions radicales se reflètent dans le second fascicule du « Dictionnaire de poche des mots étrangers », rédigé par M. Boutachévitch-Pétrachevski.
C’est à lui qu’appartient la définition des mots « matérialisme », « mysticisme », « morale », « droit naturel », « nationalité », etc. Le mysticisme, écrivait Pétrachevski, est un « système absurde », « l’erreur la plus grande… qui constitue un obstacle majeur au progrès de l’intelligence humaine ».
L’appellation de « matérialistes », explique Pétrachevski, ne convient vraiment « qu’à ceux qui ont réfléchi aussi bien à la matière qu’à l’âme et se sont convaincus, que dans le monde il n’y a rien à part la matière ».
Les pétrachevtsy étaient partisans de l’instruction, de la science, du savoir ; ils se dressaient contre l’ignorance, la superstition, la religion. Toute connaissance est connaissance de la réalité, disait Pétrachevski.
En découvrant les lois de la nature et de la société, la science aide l’homme. Les pétrachevtsy critiquaient les idéalistes allemands pour leur détachement de la vie, leur abstraction. Les pétrachevtsy avaient une conception idéaliste de l’histoire de la société.
Suivant les idées des philosophes du XVIIIe siècle, Pétrachevski affirmait que l’homme naît « ni bon, ni mauvais ; ce sont l’époque, les institutions sociales et les circonstances de sa vie personnelle qui le rendent tel ou tel ». La législation exerce une influence décisive sur les mœurs.
Pour atteindre la vertu, il faut abolir les institutions politiques féodales. Pétrachevski était persuadé que des gouvernants vraiment éclairés, « animés par l’idée lumineuse du bien-être social, sauraient créer de meilleures institutions, dans l’espoir de rester dans la mémoire des générations ».
Il faut changer les conditions de vie pour les adapter aux désirs et aux besoins de l’homme. Les pétrachevtsy ne doutaient pas de la possibilité d’une société où la satisfaction des besoins des uns ne contrarierait pas les intérêts des autres, où l’égoïsme personnel serait neutralisé par l’égoïsme du groupe et inversement.
Cette société harmonieuse serait exempte de tous les vices propres au féodalisme et au capitalisme Ainsi, les pétrachevtsy étaient pour une refonte de la vie sociale conformément à la nature de l’homme. Fourier (V.) exerçait sur eux une profonde influence.
Pétrachevski et ses adeptes se proposaient de contribuer par tous les moyens à la réalisation du socialisme en Russie. Mais leur socialisme était utopique ; d’ailleurs, par socialisme, de nombreux pétrachevtsy entendaient tout autre chose que le régi me socialiste.
Néanmoins, dans les conditions de la Russie d’alors, leur lutte pour le « bonheur de l’homme » signifiait la lutte pour la liberté et les droits du serf russe. Les pétrachevtsy ont le mérite de s’être dressés contre le régime féodal, d’avoir lutté contre l’idéalisme. Ils ont contribué par là au développement du mouvement de libération et au progrès de la pensée sociale en Russie.
PHENOMENALISME (du grec […] — phénomène). Variété de l’idéalisme subjectif, selon laquelle seuls les phénomènes sont accessibles à la connaissance humaine incapable de pénétrer l’être véritable, l’essence des choses. Le phénoménalisme équivaut à l’agnosticisme (V.).
Kant (V.) estimait que seuls les phénomènes sont connaissables ; quant à leur essence (les « choses en soi » — V.), la raison humaine ne peut pas la découvrir. Ainsi, ce qui caractérise le phénoménalisme, c’est la rupture entre le phénomène et l’essence.
La sensation due à l’action des objets extérieurs sur l’homme et qui relie la conscience au monde ambiant, est transformée par le phénoménalisme, comme par l’idéalisme subjectif en général, en un mur qui sépare la conscience et le monde extérieur. Les phénomènes ne sont plus qu’un ensemble des sensations humaines.
Les machistes (V. Mach) étaient des phénoménalistes. Le matérialisme dialectique rejette résolument la conception phénoménaliste du monde. Il n’y a pas d’abîme infranchissable entre le phénomène et l’essence.
Le phénomène est une manifestation de l’essence. La meilleure preuve de l’inconsistance du phénoménalisme, c’est la pratique de la production matérielle des hommes, qui montre que l’essence des choses est connaissable. (V. Essence et phénomène.)
PHENOMENOLOGIE. 1° Dans la philosophie de Hegel (V.), conception idéaliste qui présente faussement l’évolution historique de la conscience humaine comme si, depuis la perception sensorielle immédiate jusqu’à la « connaissance absolue », cette évolution ne serait que l’autodéveloppement de l’esprit qui prend conscience de lui-même ; 2° théorie idéaliste subjective réactionnaire, fondée par le philosophe allemand Husserl (1859-1938), en vogue dans la philosophie bourgeoise à l’époque de l’impérialisme.
Husserl définit la phénoménologie comme la science philosophique fondamentale, traitant des phénomènes de la conscience dans leur rapport aux objets.
Par « conscience », cette théorie entend non la conscience sociale réelle, ni même la conscience réelle d’un individu pensant, mais une conscience transcendantale « pure », détachée de l’homme, de son activité psychique et d’autant plus du milieu social.
Par « objets », elle entend non les choses réelles, concrètes et leurs reflets dans la conscience, mais les objets « idéaux », étrangers au monde matériel, aux choses sensibles, concrètes.
Comme l’affirment ses partisans, la phénoménologie est une science sans prémisses, indépendante de l’expérience sensible et antérieure aux notions logiques ; elle est fondée sur la description et l’analyse des « données immédiates » de la conscience pure, sur une intuition intellectuelle qui permet de « révéler l’essence » des objets idéaux.
Tels sont l’objet et la méthode antiscientifique de la phénoménologie, donnant libre cours à des jongleries verbales toutes scolastiques, vides de sens.
Le but principal de cette philosophie décadente est d’embrouiller la raison humaine, de la détourner des problèmes brûlants de la vie et de la science, des méthodes judicieuses et fécondes de la pensée théorique.
La phénoménologie de Husserl a servi de base philosophique à l’existentialisme (V.). Le siège de la « Société phénoménologique internationale » se trouve à New-York. Il organise les adeptes de cette théorie pour la lutte contre l’influence grandissante des idées avancées du matérialisme philosophique marxiste.
PHENOMENE. V. Essence et phénomène.