Comme nous allons publier un document de nos camarades d’Afghanistan au sujet de la question nationale dans leur pays, nous avons voulu publier, juste avant, une courte présentation culturelle, afin que nos lecteurs et lectrices soient en mesure de l’apprécier dans tous ses aspects.

En fait, il y a surtout un fait qui est à connaître, afin de comprendre un aspect important de l’Afghanistan, et c’est le mot « Afghanistan » lui-même.

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Ce mot, en effet, est une construction de deux mots : il y a le suffixe – stan, qui signifie « la terre », et le mot Afghani juste avant, avec ainsi Afghanistan qui signifie la terre des Afghans.

Le problème est que le mot « afghan » est un synonyme strict du mot « pachtoune » – qui fait que le mot « Afghanistan » signifie uniquement « terre des Pachtounes » (le mot Afghani vient d’Afghana, un prince juif mythique censé être « l’ancêtre » des Pachtounes, ce qui n’est évidemment pas vrai).

La conséquence de cela est que la majorité de la population de l’Afghanistan n’est pas représenté dans le nom « Afghanistan. »

Les Pachtounes représentent environ 35-40% de la population d’Afghanistan, les Tadjiks autour de 26%, les Ouzbeks environ 8%, et puis il y a aussi les Aimaqs, les Turkmènes, les Baloutches, les Nuristanis, les Pashayis, les Arabes, les Brahuis, le Pamiris, les Gurjars … formant environ 15% de la population d’Afghanistan.

Et, bien sûr, il y a les Hazaras, qui forment entre 10 et 20% de la population. Pourquoi cette marge de différence ? Parce que les Hazaras sont terriblement opprimés depuis la fin du 19ème siècle, faisant face à une violente vague de pashtounisation.

La pénétration de l’impérialisme britannique dans ce qui est maintenant l’Afghanistan, avec en toile de fond la perspective de la concurrence avec la Russie, a été le détonateur de ce processus.

Avant cela, les Hazaras ont vécu de façon autonome. Mais les dirigeants réactionnaires pachtounes voulaient contrôler la zone où les Hazaras vivaient ; le très cruel roi Abdur Rahman – qui avait une fois affirmé qu’il avait tué 120 000 de ses propres citoyens (dans un pays de 5-8 millions de personnes), et sous qui la torture de forme terrible était générale – a été le chef de file du processus des meurtres de masse contre les Hazaras.

En conséquence, dans ce processus de liquidation, il y a eu des soulèvements Hazaras, qui devaient finalement faire face à 30 à 40 000 soldats gouvernementaux, 10 000 troupes gouvernementales montées, 100 000 civils armés, les nomades afghans en tant que volontaires, alors que l’état d’urgence avait été déclaré dans toutes les villes.

La défaite des soulèvements Hazaras a été suivie par la réaffirmation de l’esclavage, et la tentative du roi réactionnaire pachtoune de liquider physiquement tous les dirigeants religieux et non religieux Hazaras, avec toutes leurs familles.

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Cela a été suivi par plus de soulèvements, et enfin après 5 ans de lutte pour la simple survie, un compromis a pu être mis en place en 1893. La conséquence n’en était pas moins la conquête d’une partie du territoire des Hazaras, alors que l’émigration massive des Hazaras avait lieu, en Iran et en ce qui est devenu le Pakistan.

L’esclavage des Hazaras a ensuite été aboli en 1921, mais la pashtounisation a pris un nouveau cours, beaucoup plus dur, sur le modèle du nationalisme turc dans l’idéologie kémaliste.

De la même manière que le kémalisme a nié l’existence de peuples non turcs (Kurdes, Arabes, Lazs, Arméniens, etc), le nationalisme afghan a voulu supprimer les autres peuples.

Voici ce qu’écrivait, en 1914, Mahmud Tarzi (1865-1933), théoricien de ce nationalisme afghan.

Et pour bien comprendre cela, il faut savoir que la langue commune historiquement et culturellement, utilisée par tous les peuples de ce qui est aujourd’hui l’Afghanistan, a toujours été le farsi (le persan). Même les Pachtounes parlaient et parlent farsi dans leurs relations avec les autres peuples, et certaines tribus pachtounes ont même le farsi comme langue principale (comme les Mohammadzai de Kaboul et ceux de Kandahar).

Le nationalisme afghan est ici une invention, comme le kémalisme, le sionisme, l’idéologie du Pakistan, etc.

Mahmud Tarzi a ainsi écrit :

« Maintenant, il devient nécessaire de prendre conscience nous-mêmes de l’importance de notre langue nationale pachtoune… Tout d’abord, nous devons comprendre que chaque nation a une langue nationale qui lui donne sa vie. Une nation qui perd sa langue perd également sa vie.

La protection de la langue de base de chaque pays est aussi importante que la protection de la vie. Nous sommes appelés la nation afghane et notre patrie bien-aimée est appelé Afghanistan.

Nous possédons des coutumes, des moeurs spécifiques, et une langue nationale que nous appelons le pachtoune.

Nous devons protéger cette langue et tenter de la développer et de l’améliorer.Tout citoyen de l’Afghanistan doit apprendre cette langue, même s’il n’est pas un locuteur pachtoune, et nos écoles doivent faire de l’enseignement de cette langue leur vocation la plus importante ».

Ce n’était pas seulement un non-sens parce que le farsi était la langue véhiculaire des peuples de ce qui est aujourd’hui l’Afghanistan, c’était aussi une attaque directe contre la démocratie et tous les peuples eux-mêmes.

Une chose intéressante est que la famille royale afghane, qui a déclaré le pachtoune comme langue officielle, alors que le roi lui-même ne parlait pas pachtoune. C’était exactement comme quand Muhammad Ali Jinnah, le « père » du Pakistan, a exigé l’ourdou comme langue principale, alors que lui-même, toujours habillé en costume anglais, ne le parlait pas.

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Cela montre ce qu’il y a derrière la pashtounisation : le chauvinisme au service des classes dirigeantes. Les Hazaras, alors, de 1929 à 1978, sont devenu un peuple terriblement opprimé. Ils ont affronté le racisme en général, mais aussi la famine parfois, l’isolement culturel, l’arriération économique.

Est-ce à dire qu’il s’agissait d’une oppression nationale ? Non, ce n’en était pas une, comme Akram Yari, le grand révolutionnaire, qui était lui-même un Hazara (de la tribu Jaghori), l’a noté : il s’agissait d’une oppression de classe.

C’est pourquoi le document des camarades d’Afghanistan est d’une telle valeur. Il présente un contenu démocratique général, dans une nation qui est elle-même en train de se former – historiquement contre le colonialisme (britannique, social-impérialiste russe, américain…) et contre la féodalité organisée par l’impérialisme.

Il est ici à noter que le mot « Afghanistan » a d’abord été utilisé, comme tel, par les colonialistes britanniques le Juin 26 1838, comme enregistré dans le Pacte de Lahore entre le gouvernement britannique, le fondateur de l’Empire sikh Ranjit Singh et le roi d’« Afghanistan », Shah Shojah (qui sera par la suite rejeté).

Avant cette date, le mot « Afghanistan » a seulement été utilisé comme un nom pour la zone des montagnes Solaiman, comme patrie mythique et historique des Pachtounes.

Puis, de nouveau, avec le Pacte Gandamak de 1879, qui a eu lieu entre le roi d’Afghanistan Mohammad Khan Yaqoub et les colonialistes britanniques, apparaît aussi le nom de « Afghanistan et ses annexes », ce qui signifie d’un côté avec l’Afghanistan la partie sud-est de l’Afghanistan d’aujourd’hui et la bordure du Pakistan, à savoir les zones pachtounes, et de l’autre côté, les annexes représentant les zones habitées par des non-pachtounes de l’Afghanistan d’aujourd’hui.

Par la suite, cela a été le colonialisme britannique qui a utilisé le mot Afghanistan, faisant pression pour faire disparaître toute référence au mot historique de Khorasan, qui a désigné la région jusqu’à cette période et avant l’utilisation impérialiste du mot « Afghanistan ».

De la même manière, le farsi utilisé en Afghanistan a été désigné comme « dari », pour faire comme s’il était « différent » en nature du farsi utilisé en Perse, afin de nier son rôle historique et pratique pour les masses de la région, afin de le réduire à un « dialecte » sans importance.

Tout cela montre l’importance d’une bonne compréhension de la question de la démocratie par les révolutionnaires en Afghanistan ; seul le matérialisme dialectique, aujourd’hui le marxisme-léninisme-maoïsme, peur exprimer les besoins de notre époque !


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