Nous voulons ici souligner certains aspects qui doivent être compris après les attaques du vendredi 13 novembre en France, à Paris, afin de disposer d’une vue d’ensemble correcte des événements. Nous faisons ici un communiqué commun, car nos deux pays sont directement touchés.
Nous disons que le projet islamiste est une idéologie synthétisée, expression de forces féodales qui ont été en mesure de relativement se libérer du rapport avec le capitalisme bureaucratique.
Ainsi, lorsque Saddam Hussein a été renversé en Irak, c’est également le capitalisme bureaucratique qui a été mis de côté et les forces féodales ont pu se développer librement. Cela a aussi été directement le cas dans certains pays où le pétrole et le gaz naturel étaient présents en abondance. A l’opposé de pays comme par exemple en Amérique du Sud, il y a eu au Moyen-Orient des pays sans capitalisme bureaucratique réellement formé, seulement des forces féodales qui se sont modernisées.
Les investissements actuels de l’Émirat du Qatar consistent précisément en la construction d’un capitalisme bureaucratique par le féodalisme. Il y a ici une convergence entre des fractions de la bourgeoisie des pays impérialistes et les « pétro-monarchies » d’Arabie Saoudite et du Qatar.
Cependant, dans ce processus apparaissent des organisations comme Al-Qaïda et l’État Islamique, qui sont les fractions plus radicales de ce féodalisme. Elles construisent des structures qu’elles développent selon leur stratégie, avec comme but de réaliser partout les conditions idéales pour le féodalisme, tant économiquement que culturellement et politiquement. C’est naturellement impossible et c’est la raison pour laquelle cela en arrive à la barbarie et au nihilisme.
Il serait ainsi faux de penser que de tels mouvements fondamentalistes ne seraient que des phénomènes marginaux spontanés, qui n’existeraient que par des actions armées. Leur arrière-plan doit être compris de manière correcte, sinon on pourrait penser qu’il s’agirait d’aventurisme individuel.
De manière concrète, ce qui s’est passé à Paris est le produit d’un réseau : certaines personnes ayant participé aux actions à Paris viennent de Belgique, un pays qui a un rôle important pour le fondamentalisme islamique en tant que plaque tournante, en particulier avec Molenbeek-Saint-Jean (en français) / Sint-Jans-Molenbeek (en flamand), une commune de la région de Bruxelles-Capitale.
Dans les années 1990, il y a eu là-bas plusieurs révoltes de la jeunesse contre l’oppression, en particulier contre le racisme ; en effet, Molenbeek, qui a presque 100 000 habitants, a une forte proportion de la population d’origine immigrée. Afin de la contrôler, la commune a fait en sorte que viennent des imams d’Arabie Saoudite – donc des « wahhabites ».
Ce développement du fondamentalisme islamique suivait la présence massive de la propagande venue d’Arabie Saoudite. Celle-ci commença lorsqu’en 1967 ce pays aida financièrement des familles touchées par l’incendie du grand magasin « l’Innovation », où 323 personnes moururent. En contre-partie, Baudouin 1er a fourni le pavillon oriental, construit en 1897 pour l’exposition universelle à Bruxelles, comme siège du Centre Islamique et Culturel de Belgique (Grande mosquée) ; le fondamentalisme islamique se diffusa rapidement, par la propagande massive et le financement de l’Arabie Saoudite.
Au cours de ce processus, Molenbeek devint un bastion islamiste. Un rôle particulier fut joué ici par le bourgmestre (maire) socialiste Philippe Moureaux, qui appartient à une famille, les Blaton, devant sa fortune au secteur du BTP (Bâtiment et travaux publics) à Bruxelles. Auparavant connu comme ayant, en tant que ministre, fait passé une loi anti-raciste en 1981, Philippe Moureaux a, en tant que bourgmestre de Molenbeek de 1992 à 2012, mené un clientélisme massif en direction de l’Islam et plus particulièrement du fondamentalisme islamique ; il s’est même marié, à 71 ans, à une femme de la communauté musulmane ayant 36 ans de moins.
Molenbeek joue depuis un rôle important pour le fondamentalisme islamique. Les attaques à Paris ont été coordonnées depuis Molenbeek et certaines des personnes y ayant participé ont également vécu là-bas.
C’est également le cas pour Abdessatar Dahmaneb qui a participé à l’assassinat du commandant Ahmad Shah Massoud en Afganistan, de Youssef Belhadj, Mimoun Belhadj et Hassan El Haski qui ont participé aux attentats contre des trains à Madrid en 2004, de Mehdi Nenmouche qui a mené l’attentat contre le musée juif de Bruxelles en 2014. Amedy Coulibaly qui a attaqué un magasin casher à Paris au début de l’année, et Ayoub El Khazzani qui a essayé de mener une attaque contre un train Thalys en août 2015 se sont fournis en armes à Molenbeek.
Les attentats à Paris sont ainsi le résultat d’un processus prolongé. Durant des décennies il a été travaillé dans le sens de construire des réseaux. Il est donc faux de nier « l’autonomie » pratique du fondamentalisme islamique et de le voir comme un « produit » contrôlé de l’impérialisme.
Les attentats à Paris ne sont pas un produit de la guerre impérialiste, mais des conditions sociales produites de manière chaotique par l’impérialisme. Il y a ainsi une contradiction entre l’impérialisme et le fondamentalisme islamique, comme produit de l’effondrement du capitalisme.
Nous voulons ici porter l’attention sur la situation au Bangladesh, parce que parallèlement à ce projet islamiste en Europe, ce pays est conçu depuis des années par les islamistes comme un laboratoire. Dans les derniers mois, il y a eu de nombreuses attaques sanglantes, au moyen de hachoirs, contre des intellectuels critiques de la religion ; il y a également eu pour la première fois une attaque contre la minorité musulmane chiite, menée par « l’État Islamique ».
C’est une augmentation de l’agressivité, qui n’est absolument pas « anti-impérialiste », mais seulement le produit de la crise du capitalisme et la tendance consécutive à la guerre impérialiste. Il est absolument logique que le féodalisme ne puisse avancer que là où les contradictions inter-impérialistes sont les plus fortes, comme en Afrique et au Moyen-Orient.
Les mouvements nazis en Ukraine – tant à l’Ouest qu’à l’Est – sont pareillement le produit du féodalisme et de sa logique romantique anti-démocratique, dans un contexte où les impérialistes s’opposent.
Nous voulons également souligner que cette tendance est pleine de contradictions, car elle dépend en substance de l’effondrement du capitalisme.
D’un côté, la France lutte au Mali contre les islamistes, qui sont soutenus par le Qatar. De l’autre côté la France a ouvert les portes au Qatar par le biais d’exonération d’impôts et d’un large soutien politique. Le Qatar a acheté de l’immobilier de luxe, des hôtels, le club de football du Paris Saint-Germain, a fait des investissements dans les grandes entreprises françaises (EADS, Suez, Lagardère, Veolia), pendant que la France devenait le premier fournisseur d’armes du Qatar. Des bourses d’études, des prix culturels de 10 000 euros, etc. sont également distribués par le Qatar, comme au dessinateur Plantu.
Ces contradictions pratiques existent également idéologiquement. Ces dernières années, cette convergence a amené une combinaison entre du post-modernisme comme conception « post-démocratique » et « post-historique » d’un côté, et l’Islam comme romantisme anticapitaliste de l’autre.
Cela n’est pas aller sans contradictions entre ces formes idéologiques, mais également au sein de la bourgeoisie. En France, Marine Le Pen combat cette alliance avec le Qatar ; en Belgique, le vice-Premier ministre et ministre de l’intérieur du gouvernement fédéral, Jan Jambon, suit une ligne similaire et entend s’occuper « personnellement » de Molenbeek. « Ik ga Molenbeek opkuisen », (Je vais nettoyer Molenbeek), a-t-il ainsi déclaré le week-end dernier.
Le risque pour les masses est ainsi de croire qu’il n’y aurait comme alternatives que des fanatismes religieux romantiques, le nationalisme ou le post-modernisme. En fait, toutes ces formes ne sont que l’expression de l’effondrement de la bourgeoisie et du capitalisme.
C’est pourquoi les communistes appellent aux révolutions démocratiques dans les pays semi-coloniaux semi-féodaux et aux révolutions socialistes dans les pays impérialistes.
Cela ne va pas sans analyse matérialiste de l’histoire, de la culture, de l’économie, de la politique. Cela ne va pas sans programme, avec des revendications positives, des indications sur la voie révolutionnaire.
Les islamistes sont une expression du féodalisme, et donc leurs actions sont sans perspective, meurtrières et nihilistes !
L’impérialisme doit être renversé dans les pays impérialistes, tout comme le féodalisme et le capitalisme bureaucratique dans les pays opprimés !
Guerre populaire jusqu’au communisme !
Parti Communiste de France (mlm)
Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste (Belgique)
17 novembre 2015