Je m’adresse aujourd’hui à la jeunesse, tant masculine que féminine, de la République du Congo. En m’adressant à la Jeunesse de ce pays, je m’adresse aux générations futures, car l’avenir de notre cher pays appartient à cette Jeunesse.
C’est pour préparer à notre Jeunesse un avenir meilleur, un avenir heureux, que nous connaissons tous les ennemis actuels.
Si nous étions égoïstes, si nous ne songions qu’à nous-mêmes, nous ne pourrions pas nous imposer les sacrifices innombrables qui sont aujourd’hui les nôtres.
Je sais que ce pays ne pourra être libéré complètement des chaînes du colonialisme tant sur le plan politique, économique, qu’intellectuel qu’au prix d’une lutte acharnée, parfois périlleuse.
Cette lutte contre la domination étrangère, contre l’exploitation mercantile, contre l’injustice, l’oppression, nous l’avons menée avec la Jeunesse populaire de ce pays.
La Jeunesse longtemps endormie, longtemps exploitée, a compris son rôle qui est celui du porte-drapeau de la révolution pacifique. Dans les villes, dans les villages, dans les campagnes, la Jeunesse populaire du Congo a lutté à nos côtés.
Beaucoup de nos jeunes gens sont tombés sous les balles des colonialistes.
Beaucoup ont abandonné leurs parents, leurs camarades pour avoir héroïquement lutté pour la cause de la liberté.
Le 4 janvier à Léopoldville, et le 30 octobre 1959 à Stanleyville, beaucoup de jeunes gens avaient opposé une résistance digne d’éloges aux agresseurs. C’est avec émotion que je m’incline devant le souvenir de ces courageux patriotes, combattants de la liberté africaine.
Le temps n’est pas loin où les jeunes gens et les jeunes filles de ce pays étaient renvoyés massivement de certaines écoles parce que leurs maîtres blancs les suspectaient d’avoir des idées nationalistes.
Beaucoup de jeunes gens, pourtant brillants, furent privés du bénéfice de l’instruction supérieure, pour la simple raison qu’ils ne voulaient plus subir l’endoctrinement imposé par les colonialistes.
On a voulu faire de nos jeunes gens, de nos jeunes filles, d’éternels serviteurs du régime colonialiste.
Au moment de la lutte héroïque menée par les nationalistes congolais, la jeunesse, même celle qui était sur les bancs de l’école, avait opposé un « non » catégorique à toute nouvelle forme du colonialisme, que ce soit sur le plan politique, social, intellectuel ou spirituel.
Son seul rêve était la libération nationale, son seul objectif était l’indépendance immédiate, sa seule détermination était la lutte acharnée contre les marionnettes et les émissaires qui militaient en faveur des colonialistes.
Grâce à la mobilisation générale de toute la jeunesse démocratique du Congo, les nationalistes congolais ont conquis glorieusement l’indépendance de la Nation congolaise. Cette indépendance, nous l’avons conquise au prix d’une lutte acharnée, au prix de privations de tous genres, au prix de pleurs et de sang.
Après la proclamation solennelle de l’indépendance, le 30 juin 1960, les colonialistes et leurs émissaires noirs ont déclenché une guerre barbare à la jeune République du Congo.
Ils ont déclenché cette perfide agression parce que le Gouvernement nationaliste, actuellement au pouvoir, n’a pas voulu qu’ils exploitent encore ce pays, comme ils le faisaient avant le 30 juin 1960, date historique où le peuple de ce pays a dit « adieu » au colonialiste belge.
N’ayant plus aucun soutien, en particulier celui de la classe ouvrière – celle-ci ne veut plus qu’on l’exploite –, les colonialistes et leurs collaborateurs veulent maintenant se servir d’une certaine jeunesse afin de mener leur propagande de la reconquête coloniale.
C’est ainsi que certains jeunes gens, heureusement peu nombreux, se livrent à une entreprise de démolition nationale.
Heureusement que la grosse majorité de la Jeunesse a compris bien à temps cette dernière tentative des impérialistes qui se servent de quelques mécontents, de quelques aigris, de ceux qui ont échoué aux élections parce qu’ils n’ont pas la confiance du peuple.
Cette Jeunesse nationaliste a défilé récemment dans les différentes villes de la République pour marquer son opposition radicale, totale et complète aux intrigues impérialistes.
Jeunesse, je vous salue, je vous félicite de votre sens civique et patriotique.
Jeunesse, c’est pour vous que j’ai créé tout un ministère au sein du gouvernement central, le ministère de la Jeunesse et des Sports.
Ce ministère est votre ministère.
Ce ministère est à votre disposition.
Beaucoup d’entre vous seront appelés sans distinction aucune pour diriger ce ministère, les différents services et les diverses activités qu’il comporte.
Aujourd’hui, dans un Congo indépendant et libre, il ne doit pas y avoir une Jeunesse Bangala, une Jeunesse Puna, une Jeunesse Abako, une Jeunesse Mukongo, une Jeunesse Batetela, une Jeunesse Lokele, mais une Jeunesse tout court : la Jeunesse Congolaise, la Jeunesse Nationaliste, la Jeunesse Démocratique.
Cette Jeunesse sera au service de la révolution sociale et économique de notre cher et grand pays. Vous devez combattre énergiquement le tribalisme qui est un poison, ce fléau social qui fait aujourd’hui le malheur de ce pays.
Vous devez combattre toutes les manœuvres séparatistes que certains prophètes de la politique de division sont en train d’inculquer aux jeunes innocents sous le nom de Fédéralisme, Fédération ou Confédération.
Ces noms, Jeunesse, ne constituent, en réalité, qu’un nouveau vocabulaire inventé par les impérialistes pour nous diviser, pour vous diviser dans le but d’exploiter davantage la Jeunesse militante, la Jeunesse combattante.
Si vous ne vous opposez pas à ces manœuvres, à cette nouvelle colonisation déguisée, c’est tout votre avenir qui est brisé.
Votre fierté doit être d’appartenir à une grande nation, à un grand pays, à une grande puissance. Cette puissance qui fait aujourd’hui l’envie des impérialistes, s’incarne dans l’unité nationale. Cette unité doit être l’héritage que vous laisserez, à votre tour, à vos enfants.
Le Gouvernement enverra bientôt 300 jeunes gens aux Etats-Unis, 150 en l’Union soviétique, 20 en Guinée, sans parler d’autres pays.
Le Congo n’est plus une réserve nationale, un parc national, un jardin zoologique d’où vous ne pouviez sortir.
Demain, vous irez partout pour apprendre, pour vous spécialiser, pour connaître le monde.
Les ouvriers, les travailleurs participeront également à ces stages, à ces voyages d’études.
Vous irez partout dans toutes les directions du monde. Ce sont ces contacts avec l’extérieur, ces confrontations directes avec les réalités de la vie qui feront de vous des hommes expérimentés dont le Congo indépendant et libre a aujourd’hui besoin.
Là où vous irez vous ne vous présenterez pas en Jeunesse Abako, PUNA, MNC, CEREA, mais en citoyens congolais tout court et vous devrez, par votre conduite, par votre foi, par votre intelligence, par votre maturité politique, faire honneur à la patrie congolaise.
Jeunesse, le Congo vous appartient. Le Gouvernement au pouvoir, le Gouvernement nationaliste, le Gouvernement populaire fera tout pour qu’on ne vous arrache pas ce Congo.
Vive la République du Congo !
Vive la Jeunesse populaire démocratique !