People’s March : Comment voyez-vous les développements actuels au Népal ?
Azad : Nous avons en Inde observé les développements en cours avec grand intérêt.
L’agitation de masse militante par le peuple du Népal contre le régime réactionnaire et autocratique du Roi Gyanendra en avril, dans le contexte de la puissante lutte armée, était en effet historique.
Le peuple du Népal avait inscrit un chapitre glorieux dans les annales du Népal en forçant le roi fasciste à abandonner sa position résolue et à concéder le pouvoir au parlement.
En particulier une mobilisation forte d’un million de personnes dans Kathmandou en juin et les centaines milliers de personnes mobilisées dans les zones rurales indique l’influence croissante des maoïstes dans le pays.
Leur influence touche même les secteurs urbains.
Notre Parti salue a lutte historique du peuple du Népal pour la démocratie et une société meilleure.
Cependant, les révolutionnaires en Inde espèrent que la lutte au Népal continuera jusqu’au renversement du roi ainsi que du soi-disant parlement et la conquête du pouvoir par les forces révolutionnaires et démocratiques.
Nous espérons que les maoïstes pourront maintenir leur initiative pour diriger les développements politiques en cours.
Ils devraient rester vigilants dans leur alliance avec l’alliance des sept partis, qui veut passer un compromis avec le roi et trahir les aspirations du peuple.
P.M. : Comment voyez-vous la tactique du PCN (maoïste) qui rejoint le gouvernement intérimaire et fait la promesse pour respecter le verdict de l’assemblée constitutive ? Azad : La situation au Népal et dans le monde est complexe.
En raison de la faiblesse du mouvement communiste international nous voyons beaucoup de guerres populaires embourbées pendant des décennies dans une lutte pour la survie.
Dans cette situation il est évident que le Parti et les masses népalaises ont fait des avancées historiques.
Mais nous pensons qu’il y a besoin d’être prudent quant aux tactiques actuelles.
Nous pensons que les maoïstes, en formant un gouvernement en commun avec les partis bourgeois-féodaux de compradores tels que le congrès réactionnaire du Népal, les révisionnistes du PCN-UML et les autres partis des classes dominantes, ne réussiront pas vraiment étant donné qu’ils représentent deux intérêts de classe diamétralement opposés.
C’est une compréhension erronée de la question de l’Etat au Népal que d’envisager la possibilité d’une transition pacifique de l’Assemblée Constitutionnelle à la République de Nouvelle Démocratie.
On peut apporter quelques réformes par en-haut et satisfaire certaines sections pauvres du peuple mais ceci ne résoudra jamais les problèmes de base du peuple, car vous ne pouvez pas briser le féodalisme et jeter l’impérialisme hors du Népal en utilisant le vieil Etat malgré tous les efforts pour l’embellir et lui donner une façade rénovée.
Seul un bouleversement révolutionnaire des masses peut atteindre cet objectif.
Sans aucun doute, les mobilisations de masse énormes dans tout le pays et les efforts pour créer un essor révolutionnaire encore plus large sont des préparatifs positifs pour mener la révolution en avant, mais certaines déclarations dans les interviews tendent à donner l’impression que le PCN (maoïste) insiste exagérément sur la possibilité de faire avancer le mouvement par l’Assemblée constituante et par l’alliance avec les 7 partis.
Ceci peut avoir des implications dangereuses.
L’insistance actuelle du PCN (maoïste) doit être vue avec prudence surtout qu’elle a lieu après qu’il eut brillamment édifié son Armée Populaire de 25.000 combattants, ses Bases d’Appui, son Front Uni et ses organes de Nouveau Pouvoir, et eut déclaré qu’il était dans la phase de l’offensive stratégique pour prendre le pouvoir.
Dans ce processus ils ont efficacement défait tous les efforts de la police et de l’Armée Royale Népalaises pour les écraser en maintenant l’initiative politico-militaire.
Mais maintenant il n’y a plus aucune référence à cela, on ne parle plus de l’offensive stratégique ni de la question de comment la faire avancer.
Ils se réfèrent naturellement sur ce point à une révolution du type de février [1917] et que pour cela des préparations doivent être menées pour la révolution d’octobre, mais nous ne sommes pas au courant que cela corresponde avec leur plan de l’offensive stratégique.
P.M. : Et que diriez-vous de la dissolution des organes révolutionnaires de pouvoir et la fusion des deux armées ?
Azad : Ces organes sont le produit de la guerre populaire prolongée contre le vieil Etat et ils se tiennent à la lumière du jour en tant qu’exemples brillants de la dictature démocratique du peuple au niveau local, brillamment établi par le PCN (maoïste).
Les tâches immédiates et les tactiques devraient servir à renforcer ces organes et à les mouler dans des organes de soulèvement comme les Soviets en Russie et en Chine révolutionnaires.
Tout en consolidant ces organes de pouvoir nous devons tâcher de mobiliser les masses de façon considérable dans des soulèvements et tâcher de prendre les villes menant à la conquête finale du pouvoir au moment opportun.
En fait dans la situation concrète au Népal aujourd’hui, les maoïstes ont en tant que tel seulement deux options révolutionnaires.
Ou bien ils doivent intensifier le soulèvement de masse, faire évoluer les formes d’organisation de pouvoir politique appropriées à saisir le pouvoir politique au niveau national / de tout le Népal, ou si ce n’est pas possible dû à un équilibre défavorable des forces de classes, les zones libérées existantes doivent être consolidées et renforcées et les mesures prises pour accomplir les tâches démocratiques et avancer en direction des tâches socialistes.
Il est possible que dans ce processus deux Népal émergent – l’un réactionnaire basé à Katmandou et quelques villes et le Népal révolutionnaire basé dans les campagnes.
En ce qui concerne la fusion de l’armée au sein d’une armée étatique refondée, c’est même encore plus dangereux.
Mao a dit que sans armée populaire le peuple n’a rien.
L’armée est l’un des instruments principaux de la domination de classe.
Comment deux classes diamétralement opposées peuvent-elles avoir une seule armée ?
En fusionnant l’armée populaire avec l’armée réactionnaire des classes dominantes (jusqu’ici domestique fidèle du roi) le peuple sera sans défense en cas d’offensive armée réactionnaire par l’ennemi.
Nous avons des expériences de plusieurs pays où les masses laborieuses ont massivement souffert en raison de la ligne erronée du parti communiste.
En Indonésie nous connaissons le cruel massacre des communistes et de leurs sympathisants effectué par les classes dominantes dues à la ligne consistant à se lier d’amitié avec les classes dominantes réactionnaires qu’ils ont considérées comme des forces patriotiques et démocratiques.
Nous avons également devant nous les exemples du Chili, du Nicaragua et de plusieurs autres pays.
On ne peut pas éliminer la possibilité des classes dominantes réactionnaires d’effectuer un coup d’Etat et de rétablir leur monopole du pouvoir politique au moment opportun où les forces révolutionnaires ont été efficacement désarmées ou affaiblies.
Ceci a été l’expérience dans plusieurs pays suivant la seconde guerre mondiale, par exemple en France, en Grèce etc.
Mais, naturellement, si les maoïstes ne constituent pas une menace face aux intérêts de l’impérialisme et de la bourgeoisie bureaucratique compradore (BBC) et s’ils s’adaptent et s’incorporent au système alors eux aussi sont reçus chaleureusement par les classes dominantes.
L’invitation faite à l’ONU de diriger le cessez-le-feu et de surveiller la démobilisation des forces armées populaires est également dangereuse.
L’ONU est essentiellement un instrument de l’impérialisme et en particulier de l’impérialisme américain.
Il est destiné à fonctionner dans l’intérêt des classes dominantes réactionnaires du Népal et de l’impérialisme.
De façon générale, la décision du PCN (maoïste) de dissoudre les gouvernements populaires révolutionnaires dans les campagnes et de fusionner l’Armée Populaire de Libération avec l’armée réactionnaire lancera un processus irréversible de perte de toutes les conquêtes révolutionnaires réalisés jusqu’à maintenant.
P.M. : Les divers partis parlementaires en Inde, pour ne pas parler des partis de gauche comme le CPI [PC d’Inde] et la CPI (M) [PC d’Inde (Marxiste)], ont salué la ligne de la participation au gouvernement intérimaire et à la démocratie parlementaire choisie par les maoïstes du Népal et disent qu’elle aura un impact positif sur le mouvement maoïste en Inde. Comment votre Parti évalue-t-il son impact ?
Azad : Ces partis en Inde ont l’espoir subjectif que les développements au Népal auront un impact « positif » sur le mouvement de maoïste dans notre pays (ce qu’ils veulent dire par positif consiste en ce que les maoïstes cessent la lutte armée et joignent le prétendu courant principal de la politique parlementaire). N’importe qui au courant de l’histoire du mouvement maoïste en Inde, avec les nombreuses avancées et reculs dans les dernières quatre décennies depuis Naxalbari [révolte paysanne de 1967], sait que notre mouvement est solide.
Même lorsque confrontés à de grandes difficultés et défis, les maoïstes authentiques en Inde n’ont jamais vacillé ou dérivé de leur ligne de nouvelle révolution démocratique, de la réaliser par la ligne de la guerre populaire prolongée.
Ils avaient non seulement rejeté la voie parlementaire mais avaient également lutté contre les partis qui ont voulu participer aux élections en prétendant l’utiliser comme tactique.
Naturellement, il existe quelques pseudo-partis révolutionnaires, comme le CPI (ml) – Liberation qui a dégénéré et rejoint les partis parlementaires mais ils se montrent devant le peuple comme des partis révisionnistes déguisés en MLM.
Aucun étonnement ainsi à ce que les nombreux partis de la classe dominante et les prétendus partis de gauche en Inde soient exaltées par le changement de la position du PCN (maoïste) menée par le camarade Prachanda.
Ils saluent naturellement la ligne prise par le PCN (maoïste) et invitent les maoïstes en Inde à prendre conscience de la futilité de la lutte armée et à suivre les maoïstes du Népal pour participer à la porcherie parlementaire en Inde.
En tant qu’ennemis et adversaires forcenés de la révolution tous ces partis ont été au premier plan pour supprimer la guerre populaire en marche en Inde.
La décision du PCN (maoïste) de participer au gouvernement avec les partis réactionnaires, de déclarer leur engagement à la prétendue domination de la loi et la future constitution, et de devenir des acteurs dans le jeu des élections parlementaires suivant les élections à l’assemblée constituante est venue comme un bol d’air frais pour les partis des classes dominantes au Népal et le système parlementaire en Inde.
En fait, dans son entrevue février dernier avec [le journal] The Hindu, le camarade Prachanda lui-même a fait remarquer l’impact « positif » que sa ligne de démocratie multipartite aura sur le mouvement maoïste en Inde.
Cela a dû être un grand soulagement pour les classes dominantes indiennes d’entendre le camarade Prachanda parler de l’engagement de son Parti pour la démocratie multipartite et du message qu’il veut donner au mouvement Naxalite en Inde en établissant avec succès la démocratie multipartite au Népal.
Quand on lui demanda ce qu’il dirait s’il devaient rencontrer le premier ministre indien Manmohan Singh, le camarade Prachanda dit :
« Nous combattons pour une démocratie multipartite véritable mais ils sont emprisonnés là, à Patna, Siliguri, Chennai.
Si vous les libérez tous, un message en sortira.
Et si vous vous pensez que le mouvement Naxalite en Inde est un problème pour vous, nous pensons que nous essayons de traiter les problèmes au Népal d’une nouvelle manière, ainsi si vous libérez nos camarades et si nous réussissons à établir la démocratie multipartite au Népal, ceci sera un message très grand pour le mouvement Naxalite en Inde.
En d’autres termes le terrain sera préparé pour eux pour penser d’une nouvelle manière politique.
Les mots ne sont pas suffisants ; nous devons confirmer ce que nous disons en établissant cette démocratie. »
C’est vraiment une question très inquiétante de voir que le camarade Prachanda, au lieu d’exiger des classes dominantes indiennes expansionnistes l’arrêt de toute interférence et de cesser se mêler dans les affaires internes du Népal, ait seulement parlé de la façon dont leur tactique provoquerait un changement des perspectives des maoïstes en Inde.
Inutile de dire, ces remarques ont non seulement été profondément mal vécues par les masses révolutionnaires de notre pays qui connaissent le misérable système de la démocratie parlementaire en Inde, mais elles seront également montrées comme totalement fausses par leur pratique révolutionnaire.
P.M. : Le CPM [PC d’Inde (Marxiste)] et un de ses leaders, Sitaram Yechuri, ont été mis en avant comme le messie pour jouer un rôle entre les maoïstes et l’Alliance des Sept Partis.
Après son retour en Inde lui et son parti ont conseillé aux maoïstes indiens de suivre la ligne du PCN (maoïste). Comment expliquez-vous ceci quand ils semblent hostiles aux maoïstes ici ? Indépendamment de cela, Yechury [un des dirigeants majeurs du PC d’Inde (Marxiste)] a dit à la presse que les maoïstes indiens ont projeté de le tuer et que le secret concernant cette décision lui a été fourni par les maoïstes du Népal. Quel est votre commentaire s’il vous plaît ?
Azad : Le PC d’Inde (Marxiste) est un parti des classes dominantes indiennes, représentant les intérêts de l’impérialisme, du féodalisme et la bourgeoisie bureaucratique compradore en Inde. Sa tâche principale semblait être d’amener les maoïstes népalais dans le « courant principal » parlementaire, qu’il nous prêche aussi en Inde.
Parce que nous n’accédons pas à leurs exigences ils ont employé les pires formes de terreur d’Etat contre nous comme au Bengale occidental.
Leur but est le même dans les deux pays – pacifier les maoïstes en Inde avec des balles et faire la même chose avec les maoïstes népalais avec des balles enrobées de sucre.
Yechuri et le CPM ont en effet joué un rôle plus effectif pour les classes dominantes indiennes quand le congrès s’y prenait gauchement avec le fiasco de Karan Singh [envoyé officiel spécial de l’Inde au Népal].
Quand il a exagéré sa « diplomatie » et a été mis à l’écart, il a inventé la théorie de la conspiration des maoïstes en Inde visant à le tuer pour regagner de la crédibilité et pour essayer de semer les graines de la méfiance entre les deux partis maoïstes.
Un vrai Chanakya [philosophe indien du 4-3ème siècle avant JC, appelé le « Machiavel » de l’Inde] ! !
P.M. : Pourquoi êtes-vous opposés à la tactique de la démocratie multipartite comme celle proposé par le PCN (maoïste) ?
Azad : Premièrement, nous sommes considérablement troublés par l’affirmation mise en avant par le camarade Prachanda dans ses diverses interviews, selon laquelle son parti s’est engagé dans la démocratie multipartite, qui sera pratiquée non pas après la prise révolutionnaire du pouvoir par le prolétariat, mais dans la société semi-féodale semi-coloniale.
Le document du congrès de 2003 était assez vague concernant le concept de démocratie multipartite ou de concurrence politique du PCN (maoïste), c’est-à-dire s’il est applicable après la prise du pouvoir par le parti révolutionnaire ou avant la prise elle-même.
Il indique seulement qu’il est possible d’organiser la concurrence politique dans les limites constitutionnelles de l’état démocratique anti-féodal et anti-impérialiste.
Cependant, les rapports, les interviews et les documents publiés après l’accord de Delhi de 12 points entre le PCN (maoïste) et l’alliance des sept partis en novembre 2005 soulignent tous le besoin de concurrence dans le système existant après que l’Assemblée constituante soit élue.
Il y a également confusion concernant le caractère de classe des partis avec qui une telle concurrence politique doit être conduite.
Tandis que le document 2003 déclarait clairement que ces forces seront anti-féodales et anti-impérialiste dans leur nature, les documents d’après novembre 2005 et les interviews du PCN (Maoïste) permettent de généraliser une telle compétition parmi les constituants de l’alliance des sept partis, qui sont fondamentalement bourgeois-féodal bureaucratique dans leur caractère malgré leur rôle contre la monarchie, ou, plus spécifiquement, contre la domination autocratique du Roi Gyanendra.
En fait, dans le même document intitulé « La situation actuelle et nos tâches », présenté par le camarade Prachanda et adopté par la réunion du Comité central du PCN (maoïste) en mai 2003, il a correctement décrit la nature des partis parlementaires au Népal dans les termes suivants :
« En apparence cela peut apparaître comme une lutte triangulaire impliquant la monarchie, les forces parlementaires et les forces révolutionnaires, mais dans son essence et si on regarde d’un point de vue de classe, la lutte implique seulement deux forces (forces réactionnaires et démocratiques).
Il a été prouvé en pratique que les différences entre les groupes monarchiques et parlementaires autocratiques ne consistent qu’en différences concernant le partage du pouvoir dans le vieil état.
On l’a prouvé maintes et maintes fois au Népal que la monarchie au nom du (faux) patriotisme et les forces parlementaires au nom de la (fausse) démocratie veulent occuper les places du pouvoir et trahir la nation et le peuple sur une base de classe inchangée. (…)
Ce que nous avions dit d’un point de vue théorique et de classe et qui se confirme toujours davantage dans le processus actuel de cessez-le-feu et de négociation, c’est que c’est seulement le conflit d’intérêts entre les différents centres réactionnaires internationaux qui est derrière les récriminations et les contradictions mutuelles entre différents groupes réactionnaires au Népal.
Pendant que l’armée royale et les éléments du Palais sont manoeuvrés et protégés par l’impérialisme occidental, en particulier l’impérialisme américain, et les forces parlementaires principales par les dominants indiens qui cherchent l’hégémonie spéciale en Asie du sud, ils subissent la secousse continue de la guerre entre eux.
Par conséquent il devrait être clair pour l’ensemble du Parti que, avec comme arrière-plan le développement politique en particulier après le massacre du Palais [meurtres au sein de la famille royale] l’idée de voir ou bien les forces monarchiques ou bien parlementaires du Népal comme plus démocratiques ou plus nationaliste que l’autre, est particulièrement nocive et erronée.
Il est devenu plus clair encore aujourd’hui au Népal que nous ne pourrons jamais avoir quelque rapport idéologique et politique que ce soit avec les groupes monarchiques ou parlementaires, excepté pour gérer des contradictions dans une situation particulière. »
Tandis que l’analyse ci-dessus du caractère de classe des partis parlementaires, de leur fausse démocratie et de l’allégeance à diverses puissances impérialistes, est fondamentalement correcte, il est en effet très triste que le PCN (maoïste) n’ait pas adhéré fermement à cette analyse d’une perspective stratégique et de classe.
Une chose est de faire des ajustements nécessaires, des arrangements et l’unité tactique avec ces forces parlementaires et même avec une section des impérialistes contre l’ennemi principal quand les conditions pour de telles alliances deviennent mûres, mais autre chose est de créer des illusions sur le caractère de ces partis ou oublier de voir leurs liens avec les impérialistes et les expansionnistes indiens. Cela portera un grand tort à la révolution sur le long terme.
D’ailleurs, nous voyons que le camarade Prachanda et le PCN (maoïste) ont transformé la tactique en stratégie et en voie de la révolution mondiale pour le 21è siècle.
Ainsi, dans son interview accordée à The Hindu, le camarade Prachanda a souligné le fait que l’engagement des maoïstes à la démocratie multipartite n’est pas tactique mais est le résultat d’une discussion idéologique prolongée dans le parti pendant trois ans.
Il a dit : « notre décision sur la démocratie multipartite est une position théoriquement et stratégiquement développée et nous disons aux partis parlementaires que nous sommes prêts à entrer en concurrence pacifique avec vous tous. »
Le chef de PCN (maoïste) a directement assuré les partis parlementaires bourgeois-féodaux des compradores que son parti était prêt à entrer en concurrence pacifique avec eux.
Et en décrivant cette décision sur la démocratie multipartite comme une position développée théoriquement et stratégiquement, le camarade Prachanda a mis en avant une thèse dangereuse – celle de la coexistence pacifique avec les partis des classes dominantes au lieu de les renverser par la révolution ; celle de la concurrence pacifique avec tous les autres partis parlementaires, y compris les partis des classes dominantes qui sont des faire-valoir de l’impérialisme ou de la réaction étrangère, dans de prétendues élections parlementaires ;
celle d’abandonner l’objectif de construire le socialisme pendant une période indéfinie ;
et celle d’ouvrir large des portes pour que les réactionnaires féodaux-compradores viennent au pouvoir en utilisant le caractère arriéré des masses et le soutien massif des réactionnaires domestiques et étrangers ou des forces bourgeoises bureaucratiques compradores et des forces petites-bourgeoises et féodales pour détourner le cours entier du développement de la société loin de la direction socialiste, afin de maintenir le système existant (même si c’est sous une nouvelle forme) au nom de la démocratie et du patriotisme.
Quel que puisse être nos bonnes intentions pour établir un système plus démocratique, les lois régissant la lutte de classe n’autorisent pas un tel système.
L’histoire a prouvé maintes et maintes fois ceci depuis les jours de la Commune de Paris jusqu’aux révolutions plus récentes en Asie, en Afrique et en Amérique latine.
P.M. : Êtes-vous alors en faveur de démocratie multipartite au moins après la conquête du pouvoir ?
Sinon quelle est la forme de gouvernement que vous envisagez après la révolution ?
Azad : La compréhension Marxiste-Léniniste-Maoïste concernant la forme de gouvernement qui sera plus la plus adaptée pour le prolétariat est la commune ou Soviet ou le Conseil révolutionnaire qui peuvent le mieux servir le prolétariat et la grande majorité des masses dans la mesure où ils agissent non pas comment salons de thé et de simples formes législatives, mais en tant que corps législatifs et exécutifs.
Les représentants à ces corps sont élus et sont sujets à révocation à n’importe quel moment où les gens considèrent qu’ils ne servent pas leurs intérêts.
Si nous regardons le processus même de la guerre populaire prolongées elle nécessite l’établissement dans les zones libérées du pouvoir démocratique de toutes les forces anti-impérialistes et anti-féodales SOUS LA DIRECTION DU PROLÉTARIAT, élu démocratiquement aux gram sabhas [conseils populaires] avec le droit de les révoquer également par le conseil populaire.
Ici il y a une interaction étroite entre les structures de pouvoir et la volonté du peuple et c’est donc vraiment démocratique.
Une fois que la pouvoir est pris au niveau de toute l’Inde, jusqu’au passage à l’étape socialiste, tous les partis authentiquement anti-impérialistes et anti-féodaux feront partie du nouveau pouvoir, et la transition au socialisme peut seulement avoir lieu en continuant la lutte de classe sous la dictature du prolétariat.
Ceci ne nie pas la démocratie pour les masses dans leur ensemble mais, comme dit Lénine, la petite production produit quotidiennement la bourgeoisie, à chaque heure, et ces éléments trouveront leurs représentants dans toutes les instances du pouvoir d’état, y compris le Parti.
Peut-on concevoir une meilleure forme de gouvernement et un meilleur exercice de la démocratie dans son véritable sens ?
Lénine a dit : « Décider, périodiquement pour un certain nombre d’années, quel membre de la classe dirigeante foulera aux pieds, écrasera le peuple au Parlement, telle est l’essence véritable du parlementarisme bourgeois non seulement dans les monarchies constitutionnelles parlementaires, mais encore dans les républiques les plus démocratiques. » [L’Etat et la révolution]
Cela a été dit par Lénine il y a un siècle.
Depuis, particulièrement depuis la seconde guerre mondiale, le parlement et les institutions qui vont avec sont devenus encore plus corrompus et pourris à la base.
Un bon exemple de la façon dont le nouveau pouvoir a été établi est la commune de Paris.
Les concepts pratiqués là ont été travaillés par les Soviets de l’URSS, les communes en Chine et les expériences du Grande Révolution Culturelle Prolétarienne et on tente de les mettre en pratique dans les zones libérées formées par les maoïstes dans différentes parties du monde.
Le camarade Lénine a également expliqué très lucidement comment le Parlement fonctionne même dans la plus démocratique des républiques et, l’opposant à la Commune, a montré comment les communes (ou les Soviets en Russie et les Conseils révolutionnaires en Chine) sont les formes de gouvernement les plus appropriées pour le prolétariat et les masses laborieuses.
« La république parlementaire bourgeoise entrave, étouffe la vie politique propre des masses, leur participation directe à l’organisation démocratique de toute la vie de l’État, de la base au sommet. Les Soviets des députés ouvriers et soldats font tout le contraire. » [Les tâches du prolétariat dans notre révolution]
« Certes, le moyen de sortir du parlementarisme ne consiste pas à détruire les organismes représentatifs et le principe électif, mais à transformer ces moulins à paroles que sont les organismes représentatifs en assemblées « agissantes ».
« La Commune devait être non pas un organisme parlementaire, mais un corps agissant, exécutif et législatif à la fois. » [L’Etat et la révolution]
« Au parlementarisme vénal, pourri jusqu’à la moelle, de la société bourgeoise, la Commune substitue des organismes où la liberté d’opinion et de discussion ne dégénère pas en duperie, car les parlementaires doivent travailler eux-mêmes, appliquer eux-mêmes leurs lois, en vérifier eux-mêmes les effets, en répondre eux-mêmes directement devant leurs électeurs. » [L’Etat et la révolution]
« Nous ne pouvons concevoir une démocratie, même une démocratie prolétarienne, sans organismes représentatifs : mais nous pouvons et devons la concevoir sans parlementarisme, si la critique de la société bourgeoise n’est pas pour nous un vain mot, si notre volonté de renverser la domination de la bourgeoisie est une volonté sérieuse et sincère et non une phrase « électorale » destinée à capter les voix des ouvriers, comme chez les menchéviks et les socialistes-révolutionnaires. » [L’Etat et la révolution]
P.M. : Et comment assurez-vous la concurrence politique avec d’autres partis ?
Le PCN (maoïste) affirme que c’est seulement en organisant la concurrence politique et en institutionnalisant le droit des masses d’amener au pouvoir un parti révolutionnaire alternatif que la contre-révolution peut être efficacement constatée.
Azad : Il est en effet étonnant que le PCN (maoïste) en arrive à une telle conclusion même y compris après que le prolétariat soit lesté des expériences riches et diverses sur la période de transition du capitalisme au socialisme, après qu’il soit armé avec une forme, une méthode et une arme si appropriée comme la révolution culturelle, et soit en possession de la richesse des écrits de nos professeurs – Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao – et par plusieurs auteurs marxistes, au sujet de constater la dégénérescence du Parti, de l’Armée et de l’Etat ; de prévenir de la restauration du capitalisme ; et construire un nouveau type d’Etat et de société.
Penser que le prolétarisation et la révolutionnarisation continues du parti communiste puissent être assurés et que la contre-révolution puisse être efficacement constatée en organisant une prétendue concurrence politique ou en institutionnalisant le droit des masses à installer un parti ou une direction révolutionnaire alternatif à la tête de l’Etat signifie tomber dans le piège du formalisme bourgeois et mine la vraie tâche consistant à mobiliser les masses intensivement pour mener la lutte de classe rageuse contre les vieilles classes réactionnaires défaites et la nouvelle classe bourgeoise se développant au sein du Parti, de l’armée et de l’administration.
Il est difficile de saisir comment des partis révolutionnaires alternatifs peuvent exister d’autant plus que les partis communistes ont toujours compris que les différentes lignes politiques ont représenté des perspectives prolétariennes ou des perspectives bourgeoises.
Le point crucial ne se situe pas en assurant la droite des masses de remplacer un Parti par un autre par les élections, qui est de toute façon la norme dans n’importe quelle république bourgeoise ou république bourgeoise-féodale bureaucratique, mais en assurant leur participation active et créatrice en dirigeant le Parti et l’Etat, en scrutant l’apparition d’une nouvelle classe bureaucratique, et en participant elles-mêmes à l’administration de l’Etat et de la société et au processus entier de la transformation révolutionnaire.
Et cela sera la première tâche du Parti que d’organiser et mener les masses à étudier la contre-révolution et à amener la transformation révolutionnaire dans toutes les sphères par la révolution ininterrompue sous la dictature du prolétariat.
Et c’est la leçon la plus importante qui nous est apportée par l’expérience historique entière de la révolution mondiale, en particulier par la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.
D’ailleurs, est-il possible que le Parti du prolétariat empêche le retour des classes défaites au pouvoir et prévienne la contre-révolution pacifiquement ou par un coup de force, en leur fournissant une telle occasion de concurrencer d’une façon « démocratique » ?
Le Parti bolchévique aurait-il gagné les élections en Russie après la révolution, s’ils avaient organisé une telle concurrence politique, vue son absence presque totale dans les campagnes où les idées les plus réactionnaires régnaient en maître ?
En fait, le Parti bolchévique a dû même dissoudre l’assemblée constituante juste après qu’il ait pris le pouvoir malgré le fait que c’était seulement une minorité en son sein, car l’assemblée constituante a agi en tant qu’instrument des réactionnaires et est devenue un obstacle face à
la mise en oeuvre des réformes révolutionnaires et face à l’exercice de la dictature prolétariat, comme dans les soviets.
Cela n’est pas simplement le cas de la Russie : dans beaucoup de pays, en particulier dans les pays semi-coloniaux semi-féodaux, où la petite production et l’économie paysanne prédominent, l’idéologie féodale, culture, les coutumes et la force de l’habitude parmi la majorité de la population rendra possible pour d’autres partis non prolétariens et même réactionnaires d’arriver au pouvoir relativement facilement sous le manteau anti-féodal anti-impérialiste.
Par conséquent il n’est pas étonnant si nous constatons que la proposition idéaliste et subjective du PCN (maoïste), même si faite avec de bonnes intentions, devient finalement un outil commode dans les mains des partisans de la voie capitaliste pour saisir la pouvoir.
En ce qui concerne la concurrence politique avec d’autres partis, nous avons l’expérience de la Chine où plusieurs partis démocratiques tels que la ligue démocratique, le parti des paysans et ouvriers et le parti des ouvriers et d’autres ont concurrencé le PC de Chine et participé aux élections dans les divers organes du pouvoir.
Bien que ceux-ci aient existé pendant presque une décennie après la révolution, le peuple les a rejetés quand ils ont refusé de soutenir le socialisme et ont essayé de suivre la voie capitaliste.
La concurrence politique a été encouragée en Chine, pas sous forme de participation dans le type d’élections parlementaires bourgeoises occidentales mais aux élections dans diverses instances.
Les partis démocratiques et les organismes appartenant aux quatre classes qui ont formé les forces motrices de la révolution participaient aux élections dans diverses instances.
Le PCC a lutté pour unir tous les partis et forces anti-féodaux anti-impérialistes pendant la nouvelle révolution démocratique et également après la prise du pouvoir et l’établissement de la démocratie populaire ou dictature démocratique populaire.
Dans son article « De la juste résolution des contradictions au sein du peuple » en 1957, Mao a expliqué ainsi la politique du PCC envers les autres partis politiques après la prise du pouvoir :
« Coexistence prolongée du Parti communiste et des partis démocratiques, tel est notre désir, telle est aussi notre politique.
Quant à savoir si les partis démocratiques pourront exister durant une longue période, cela n’est pas simplement déterminé par le seul désir du Parti communiste, cela est aussi fonction du comportement des partis démocratiques en partant de la confiance qu’ils se voient accorder par le peuple.
Le contrôle mutuel entre les partis politiques existe également depuis longtemps déjà, en ce sens qu’ils se donnent des conseils et se critiquent mutuellement.
Le contrôle mutuel n’est naturellement pas unilatéral : le Parti communiste peut contrôler les partis démocratiques, et ceux-ci peuvent aussi contrôler le Parti communiste. »
En Chine beaucoup de méthodes ont été développées pour empêcher la restauration capitaliste et l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie dans le gouvernement et le Parti.
Le mouvement Que cent fleurs fleurissent et que cent écoles rivalisent de Mao a laissé cent écoles de pensée contester ; son système de « trois-tiers » de la représentation démocratique qui limite les sièges des membres de parti communiste dans tous les corps élus à un maximum d’un tiers du tout et donne deux-tiers des sièges aux membres d’autres partis et éléments non du Parti ; sa mise en avant de six critères politiques pour que les partis politiques se présentent aux élections ; etc. ; sont seulement quelques uns des exemples adoptés.
La démocratie n’est pas simplement une formalité consistant à émettre un vote mais doit exister dans le processus très vivant de toute organisation, avec la direction sous la surveillance étroite des masses et des cadres ; cela n’est possible qu’avec le fait d’augmenter la conscience MLM du Parti et des masses et l’intensification de la lutte de classe.
En Chine il y avait beaucoup de partis partageant la pouvoir après la révolution mais l’unité était sur une base de principe, et faisait partie du front pour approfondir la lutte de classe contre les restes des forces féodales et de la bourgeoisie bureaucratique-compradore.
Au Népal ils diluent en pratique la lutte de classe en formant un gouvernement avec les éléments féodaux et de la bourgeoisie bureaucratique-compradore.
La chose la plus importante est que tous les corps révolutionnaires dans l’Etat démocratique populaire soient élus et que chaque personne ainsi élue soit sujette à révocation, ce qui ne se fait pas dans les prétendues démocraties parlementaires.
P.M. : Trouvez-vous quelque chose d’erroné quand le PCN (maoïste) indique qu’il ira à la nouvelle étape démocratique par l’intermédiaire de la république démocratique ou multipartite bourgeoise ?
Azad : Aucun maoïste ne dirait qu’il est erroné de combattre pour l’exigence d’une République et pour le renversement de la monarchie autocratique.
Et de même, aucun ne s’opposerait à ce que soit forgé un front uni de tout ceux qui sont opposés à l’ennemi principal à n’importe quel moment donné.
Inutile de dire, un front uni de cette sorte serait purement tactique en nature et ne peut pas, et ne devrait pas, en aucune circonstance, déterminer le chemin et la direction de la révolution lui-même.
Le problème avec le théorisation du PCN (maoïste) repose dans le fait qu’en transformant le combat contre l’autocratie en un sous-étape de la république de nouvelle démocratie, avec la tendance de faire que la sous-étape impose (domine et détermine) la direction et la voie mêmes de la révolution.
Le programme et la stratégie de la république de nouvelle démocratie élaborés par le Parti avant son lancement de la lutte armée, ses cibles à renverser, et même l’analyse concrète de classe faite plus tôt, fondée sur les avancées de la révolution jusqu’ici, sont maintenant subordonnés aux besoins de la prétendue sous-étape de la révolution népalaise.
La sous-étape d’une république démocratique bourgeoise semble, dans leurs interviews et rapports, être devenue le facteur déterminant tout.
Pour autant que nous le sachions, nous pouvons dire que les nombreux types de système d’Etat dans le monde peuvent être réduits à trois sortes de base selon le caractère de classe de leur pouvoir politique : (1) républiques sous la dictature bourgeoise (en plus de ces derniers il y a les fausses républiques dans les pays arriérés semi-féodaux, semi-coloniaux sous la dictature commune de la bourgeoisie bureaucratique-compradore et les éléments féodaux, soutenue par l’impérialisme) ; (2) républiques sous la dictature du prolétariat ; et (3) républiques sous la dictature commune de plusieurs classes révolutionnaires.
Essentiellement, le slogan d’une république démocratique bourgeoise donnée par le PCN (maoïste) ne peut pas ne pas relever du premier type de république malgré la participation du parti révolutionnaire dans le pouvoir d’Etat avec les partis bourgeois-féodaux compradores.
Dans son entrevue avec le correspondant de la BBC, le camarade Prachanda a donné sa vision du futur Népal dans les termes suivants : « Nous croyons que le peuple népalais s’acheminera vers une république et, pacifiquement, le processus de reconstruction du Népal avancera. »
« Dans cinq ans le Népal deviendra une nation belle, pacifique et progressiste. »
« Dans cinq ans que les millions de Népalais s’élanceront de l’avant avec la mission de bâtir un beau futur, et le Népal commencera vraiment à devenir un paradis sur terre. »
Il a plus loin affirmé qu’une république démocratique élue d’une telle manière résoudra les problèmes de Népalais !! »
« Nous croyons qu’avec l’élection d’une assemblée constituante, une république démocratique sera formée au Népal.
Et ceci résoudra les problèmes des Népalais et mènera le pays dans un chemin plus progressiste. »
N’importe qui lisant les lignes ci-dessus penserait que ces vues reflètent plus un sentiment nationaliste que des perspectives prolétaires de classe.
Comment le Népal commencera-t-il à devenir un « paradis sur terre » après être devenu une république bourgeoise ?
Comment la formation d’une république démocratique « peut-elle résoudre les problèmes des Népalais » ?
Peut-elle se libérer des griffes de l’impérialisme après être devenue une république dans l’ère impérialiste actuelle ?
Est-ce que le PCN (maoïste), qui prétend croire au MLM, pense vraiment que le « processus de reconstruction du Népal avancera d’une manière pacifique » ?
Et y a-t-il un seul exemple dans l’histoire du monde où un tel processus pacifique de reconstruction a eu lieu ?
L’histoire de la révolution mondiale ne montre-t-elle pas cette lutte de classe amère, sanglante et violente parfois, continue même après des décennies après la prise du pouvoir par le prolétariat ?
Alors comment le camarade Prachanda pourrait-il penser à un processus si pacifique de reconstruction du Népal même à ce sous-étage ?
Les partis appartenant à l’alliance des sept partis combattent-ils vraiment l’impérialisme, l’expansionnisme indien et le féodalisme au Népal ?
Y a-t-il une garantie que le PCN (maoïste) battra les partis bourgeois-féodales, auxquelles il veut être assorti pour la concurrence politique dans les élections et pour s’assurer que le Népal ne tombe sous les griffes de l’impérialisme et de l’expansionnisme indien ?
Comment peut-on croire qu’une fois finies les élections à l’Assemblée constituante et le Népal devenu une République, pas sous la conduite de la partie de classe ouvrière mais peut-être sous une alliance d’une combinaison de partis, c’est-à-dire une alliance des classes dominantes et de la classe ouvrière sous la direction du PCN (maoïste), le pays se libérerait du féodalisme et de l’impérialisme et deviendrait une « nation belle, pacifique et progressiste » ?
Selon l’opinion du camarade Prachanda, « la classe réactionnaire et leurs partis essayeront de transformer cette république en une république parlementaire bourgeoise, tandis que notre Parti de la classe prolétarienne essaiera de la transformer en république de nouvelle démocratie. Combien de temps durera la période de la transition, ce n’est pas une chose qui peut en ce moment être assurée. Il est clair que cela dépendra de la situation nationale et internationale et de l’état de l’équilibre des pouvoirs. »
Cette prétendue république multipartite transitoire est cherchée pour être transformée en république de nouvelle démocratie par la lutte pacifique au moyen de la concurrence politique avec la classe réactionnaire et leurs partis, qui essaient de la transformer en république parlementaire bourgeoise ! !
Quelles que soient les tactiques adoptées par le PCN (maoïste) l’aspect le plus critiquable de ce discours c’est de projeter ces tactiques en tant que position théoriquement développée, qu’elle pense devrait être le modèle pour les révolutions au 21ème siècle.
Au nom de lutter contre le dogmatisme nos camarades de PCN (maoïste) glissent sur un terrain dangereux.
Qui plus est, tant que le Parti mène une lutte cohérente contre l’impérialisme et les réactionnaires locaux, et poursuit la ligne de la redistribution de la terre et de la richesse, de la nationalisation de tout les compradores, des industries étrangères, des banques et du commerce extérieur, il est sûr de faire face à l’opposition des autres partis parlementaires.
Et s’il veut faire partie du jeu parlementaire il doit respecter ses règles et ne peut pas mener à bien ses politiques anti-féodales, anti-impérialistes, d’une manière complète.
Même l’indépendance de l’ordre judiciaire doit être identifiée en tant qu’élément du jeu du parlement et peut causer l’obstruction à chaque réforme que le Parti maoïste essaye de lancer après être venu au pouvoir par des élections.
Ceci déjà est vu avec l’accord de 8 points étant expliqué comme illégal.
Quant à l’impérialisme US, il exige fortement que les maoïstes ne devraient participer à l’assemblée constituante qu’après avoir rendu les armes.
Le PCN (maoïste) s’est correctement opposé à cette position des USA et également des expansionnistes indiens. Nous comptons qu’ils resteront fermes en cela.
Alors il y aura plusieurs institutions comme l’ordre judiciaire, la commission d’élection, les médias, diverses instances artistiques, culturelles et même religieuses, les organismes non gouvernementaux, et également les organismes de droits de l’homme dont certains sont formés par les classes dominantes, et ainsi de suite.
Si on glisse dans le marécage de la prétendue république démocratique multipartite, on ne peut pas éviter de soutenir ces prétendues institutions indépendantes.
Beaucoup de ces dernières peuvent devenir des planques pour les forces réactionnaires et travailler à la contre-révolution, de manière subtile et diversifiée.
On ne peut pas oublier la façon subtile dont les agences occidentales ont infiltré et ont subverti les sociétés dans les pays de l’Europe de l’est et même dans l’ancienne Union Soviétique.
P.M. : Le camarade Prachanda dit que la tactique adoptée par son parti est fondée sur les spécificités de l’équilibre politique et militaire dans le monde aussi bien que l’équilibre particulier de classe, politique et de pouvoir au Népal sans compter les expériences du 20ème siècle. Quelle est l’opinion de votre Parti sur ceci ?
Azad : Il est vrai que le camarade Prachanda dans son interview de février dernier dans The Hindu a cité les trois facteurs ci-dessus quant à la décision de son Parti en faveur de la démocratie multipartite.
En fait, cette position pouvait être vue dans le PCN (maoïste) même avant ladite entrevue.
Par exemple, lors de la réunion du comité central en août 2004, il a commencé à être sceptique au sujet des perspectives de la victoire dans un petit pays comme le Népal quand il est confronté à l’impérialisme et qu’il n’y a aucun avancée de mouvements révolutionnaire forts.
« Dans le contexte actuel, quand avec la restauration du capitalisme en Chine là il n’y a aucun autre Etat socialiste existant, quand malgré les conditions objectives favorables il n’y a actuellement aucune avancée d’aucun mouvement révolutionnaire fort sous la conduite du prolétariat, et quand l’impérialisme mondial attaque le peuple partout comme un tigre blessé, est-il possible à un petit pays avec une contrainte géopolitique spécifique comme le Népal d’aller à la victoire au point de prendre l’Etat central par la révolution ?
C’est la question la plus significative étant posée au Parti aujourd’hui.
La réponse à cette question peut seulement être trouvée dans le Marxisme-Léninisme-Maoisme et de ceci dépend le futur de la révolution népalaise. »
Le même plénum avait également précisé les raisons de l’adoption de la série d’étapes tactiques comme le cessez-le-feu, la négociation, l’issue politique etc..
« Il n’y a aucun doute que les forces impérialistes sont maintenant en train de préparer des attaques bien plus sinistres alors que la guerre populaire népalaise a en vue l’offensive stratégique depuis sa position actuelle d’équilibre stratégique.
Les complexités, les chances et les problèmes de la révolution népalaise sont les manifestations de cet état objectif… mais, au Népal, le développement de la révolution a atteint une étape très sensible de préparation pour l’offensive stratégique.
Il est essentiel de comprendre que la série d’étapes tactiques entreprises par le Parti tels que le cessez-le-feu, la négociation, l’issue politique etc. sont fondés sur cette situation stratégiquement favorable et tactiquement défavorable de la situation mondiale et de l’état de l’équilibre stratégique à l’intérieur du pays. »
Il est vrai que partout les révolutions se confrontent à une situation dure, particulièrement après le revers en Chine.
Tactiquement parlant, dans le monde actuel, les forces ennemies sont tout à fait fortes tandis que nos forces subjectives sont faibles.
L’impérialisme mondial a lâché partout une offensive massive sur les forces révolutionnaires, les mouvements de libération nationale et les mouvements populaires.
Mais ce n’est qu’un côté de la médaille.
En même temps, les conditions objectives sont tout à fait favorables ; l’impérialisme, en particulier l’impérialisme US, est détesté par les peuples partout dans le monde et les mouvements populaires massifs éclatent dans le monde entier contre l’impérialisme, en particulier l’impérialisme US. N’importe quelle révolution dans le monde d’aujourd’hui doit inévitablement faire face aux attaques des impérialistes.
Pour faire face à un ennemi beaucoup plus grand que les forces révolutionnaires, la question ne se pose pas : cela peut et exigera une grande flexibilité dans la tactique.
En particulier quand nous sommes une force considérable, une telle flexibilité peut être maniée plus efficacement pour l’accomplissement de nos buts.
Mais en faisant ainsi, il y a toujours le danger de perdre de vue nos tâches stratégiques de prise du pouvoir par la force armée.
Au vu des rapports fait par la direction du PCN (maoïste) il s’avère que ce danger est présent.
Beaucoup de rapports faits et d’interviews données tendent à nier des positions marxistes de base concernant l’Etat et la révolution.
On peut dire que cela a été fait dans le contexte de la diplomatie ; mais son résultat final est d’induire en erreur le camp révolutionnaire et progressiste.
Ce n’est pas cela qu’on attend d’un homme d’Etat marxiste.
Dans l’interview le camarade Prachanda était allé jusqu’à dire : « Nous sommes prêts à accepter le verdict populaire, s’il choisissait la monarchie constitutionnelle et la démocratie multipartite. »
C’est en effet une grande tragédie de voir le Parti maoïste finir finalement dans ces positions politiques malgré le fait d’avoir de fait le pouvoir dans la majeure partie des campagnes.
P.M. : Le camarade Prachanda dit que la ligne de la démocratie multipartite s’applique au mouvement maoïste en Inde aussi. Comment votre Parti voit-il ceci ?
Azad : Nous avons vu ses commentaires sur ce point dans son entrevue avec le correspondant de The Hindu.
On y lit : « Nous croyons qu’elle s’applique à eux aussi.
Nous voulons discuter ceci.
Ils doivent comprendre ceci et emprunter cette route.
Sur la question de la direction et sur la démocratie multipartite, ou plutôt la concurrence multipartite je crois ceux qui s’appellent des révolutionnaires en l’Inde ont besoin de penser à ces questions.
Et il y a besoin d’aller en direction de cette pratique. Nous souhaitons discuter avec eux sur ceci.
Si les révolutionnaires ne voient pas le besoin de développement idéologique, ils n’iront nulle part. »
Un tel conseil était mis en avant des divers partis parlementaires des classes dominantes en Inde depuis longtemps. Les révisionnistes des CPI et CPI (M), qui jurent par Marx et Lénine, nous sermonnent régulièrement dans leurs magazines, documents et rapports, au sujet de la futilité de la lutte armée pour prendre le pouvoir d’état et réaliser la transformation sociale révolutionnaire.
Ils essayent désespérément de montrer à quel point la démocratie multipartite parlementaire est le meilleur instrument pour réaliser cette transformation comme en ont été témoins le Bengale occidental et le Kerala.
Le CPI (ml) – Liberation, au nom du MLM, prêche les vertus de la démocratie multipartite et traite tous ceux qui ne souhaitent pas être liés à la porcherie parlementaire d’ anarchistes et d’ aventuristes.
Il est bon que le PCN (maoïste) veuille discuter avec les maoïstes d’Inde de la question de la direction et de la démocratie multipartite.
Il y a eu des discussions et échanges intéressants d’opinions et d’expériences entre les directions de nos deux partis sur le concept de la direction, sur la question du culte de personnalité et la concentration de tout le pouvoir dans les mains d’un individu, etc.
Notre avis a toujours été qu’il est qu’une bonne partie de la direction du Parti travaille parmi les masses et se concentre sur la construction la lutte de classe, même après la prise du pouvoir, afin d’empêcher la dégénérescence chez les fonctionnaires du Parti, les fonctionnaires dans les divers départements d’Etat, en particulier les forces armées, dans les diverses unités de la sphère de production, et ainsi de suite.
Nous devons encourager les masses à critiquer les erreurs commises par le Parti et les chefs du Parti même au cours du mouvement révolutionnaire avant la prise du la pouvoir.
Nous devons développer la direction collective plutôt que de se concentrer sur une autorité révolutionnaire individuelle ou déléguée.
La dépendance sur un ou peu d’individus au lieu de développer la direction collective et d’impliquer l’adhésion entière du Parti et des masses dans la prise de décision a été l’une des causes qui a mené à de grands retournements en Russie et en Chine où, après la chute des dirigeants prolétariens exceptionnels comme Staline et Mao, le PCUS et le PCC sont devenus révsionnistes si facilement. Nous sommes d’accord avec le camarade Prachanda quand il dit qu’ « à partir des enseignements des Etats communistes du 20ème siècle – nous voulons nous situer sur un nouveau plan au sujet de la direction – où une seule personne ne reste pas le chef de parti ou le chef d’Etat. »
En fait, cela avait également été l’un des points principaux de discussion pendant la lutte interne au PCN (maoïste) dans les années 2004 – 2005 où le camarade Bhattarai (Laldhoj), dans ses Questions de base pour la discussion à l’intérieur du Parti, a soulevé des questions comme : La direction prolétarienne est-elle une expression centralisée de collectivité, ou est-elle centrée sur une personne ? La loi principale de la dialectique, à savoir un se divise en deux, s’applique-t-elle à la direction centrale ou pas ?
Comment le système d’une personne unique au sommet du Parti, de l’armée et de l’Etat, et cela qui plus est à vie, peut-il résoudre la question de produire des successeurs révolutionnaires et la révolution ininterrompue ?
Notre Parti, CPI (maoïste) souhaite conduire une discussion sérieuse sur ces questions et également sur la question de la voie Prachanda et sur les concepts de voie, de pensée et de isme .
P.M. : Que diriez-vous en ce qui concerne le concept de la démocratie du 21ème siècle tel que proposé par le PCN (maoïste) dirigé par le camarade Prachanda ?
Azad : Qu’est qu’il y a de neuf dans ce concept de la démocratie du 21ème siècle élevé au pinacle par le PCN (maoïste) et comment est-il qualitativement différent de la démocratie du 20ème siècle ?
Le PCN (maoïste) avait également affirmé que sa « décision sur la démocratie multipartite est une position stratégiquement et théoriquement développée » également applicable aux conditions de l’Inde.
La différence entre démocratie bourgeoise et démocratie prolétarienne est connue, la démocratie elle aussi a un caractère de classe, dans une société divisée en classe, la démocratie sert la classe dominante et exerce la dictature sur le reste du peuple.
Dans une république bourgeoise la nature de la démocratie est bourgeoise.
Elle consiste à servir la bourgeoisie tout en opprimant la grande majorité du peuple. Son essence c’est la dictature bourgeoise.
De même, dans les républiques démocratiques populaire, la démocratie s’exerce pour toutes les classes anti-féodales et anti-impérialistes tandis que la dictature s’exerce sur les ennemis du peuple et leurs agents.
La différence qualitative entre les différents types de démocraties se situe dans leur caractère de classe.
Mais quand le PCN (maoïste) indique qu’il y a une différence qualitative entre la démocratie des 20èmes et 21èmes siècles sans aucune référence à leur caractère de classe, elle est non seulement très incertaine, mais semble aussi hautement subjective.
Une des raisons données est que « le 21è siècle connaît un développement sans précédent des sciences et de la technologie, en particulier des technologies de communication électronique dans le monde. »
La manière dont ce développement sans précédent concerne la stratégie des révolutions au 21ème siècle ou sur la nature de la démocratie au 21ème siècle n’est pas claire.
Le PCN (m) dit que « dans le domaine de l’idéologie, le comité central a essayé de dessiner un profil stratégique de la révolution mondiale basé sur l’analyse de la situation du monde contemporain et surtout sur les nouvelles analyses de l’impérialisme globalisé et du mouvement prolétarien et a réussi pour présenter un concept totalement nouveauau sujet de la direction, de l’accomplissement de la révolution et de la prévention de la contre-révolution » et « dans le domaine de la politique » elle indique qu’il a fait « un saut qualitatif dans la conception de la stratégie politique et militaire et de la tactique, par rapport à ce qui fut établi au 20ème siècle. »
Nous ne sommes toujours pas au clair sur la signification de cette conception et de ce saut qualitatif proclamés par le PCN (maoïste), à l’exception de leur ligne de démocratie multipartite et de concurrence politique qui se réduit à la concurrence pacifique des divers partis réactionnaires et révisionnistes pour le pouvoir dans une prétendue république démocratique multipartite transitoire.
P.M. : Pour conclure, vers où voyez-vous aller la révolution népalaise ?
Azad : Nous sommes également au fait de rapports qui signalent que l’Armée Populaire de Libération maintient toujours sa puissance de feu et sa vigilance.
Il y a aussi la référence au récent essor révolutionnaire compris comme une révolution de Février [1917] allant vers la préparation d’une révolution d’Octobre [1917]
Il y a également des rapports au sujet de mobilisations de masse énormes pour gagner de nouvelles forces aux côtés de la révolution, y compris dans les secteurs urbains.
En outre les impérialistes US et les expansionnistes indiens (leur faire-valoir y compris, Yechuri) essayent ouvertement de saboter l’alliance en exigeant comme préalable la reddition des armes maoïstes.
De plus, les maoïstes ont déclaré qu’ils n’abandonneront pas leurs armes et maintiendront leurs propres bases à la campagne.
Voilà des tendances positives indiquant qu eles maoïstes sont prêts à aller vers la révolution de nouvelle démocratie.
Il y a le besoin de prendre garde à deux situations : tomber dans les pièges tendus par les classes dominantes et leurs maîtres impérialistes et expansionnistes ; prendre garde en second lieu de l’éventualité d’un massacre soudain des communistes comme on ne a été témoin en Grèce, en Indonésie, au Chili et un certain nombre d’autres pays.
Même une base de masse énorme dans ces pays n’a pas arrêté de tels massacres. Mais nous comptons sur le PCN(m) pour faire aller de l’avant la révolution vers la conquête du pouvoir dans tout le pays.
P.M. : Une dernière question. Quel est le message que vous donneriez aux révolutionnaires du Népal, de l’Inde et du reste du monde ?
Azad : D’abord nous inviterions sérieusement le PCN (maoïste) et sa direction à reconsidérer certaines de ses positions récentes et pour apprendre de l’histoire des erreurs passées.
Le Parti et le peuple du Népal ont une grande histoire de lutte et de sacrifice. Plus de 10.000 personnes ont perdu leurs vies au cours de la guerre populaire en cours. Nous saluons ces martyrs héroïques de la révolution népalaise et de la révolution mondiale
Nous sommes confiants dans les capacités du grand peuple népalais à faire avancer la révolution malgré les tours et détours qui ont lieu dans le mouvement.
Il n’y a aucun doute que la révolution n’est pas quelque chose de simple, mais avance en zigzags.
Nous invitons également le peuple de l’Inde à prêter un soutien total à la révolution népalaise.
Mais ce faisant, il est également du devoir du prolétariat de l’Inde et du monde de faire des suggestions amicales à leurs camarades du Népal.
Après tout, les intérêts de la révolution népalaise sont infiniment dans l’intérêt de révolution du monde, et plus particulièrement de sa voisine, la révolution indienne. Le peuple révolutionnaire de l’Inde est prêt à n’importe quel sacrifice pour soutenir la révolution népalaise.
Nous sommes confiants en notre marche en avant, ensemble, contre le système odieux de l’impérialisme mondial et sa base semi-féodale locale.
P.M. : Au nom de People’s March, nous vous remercions pour l’interview sur cette question si cruciale dans un pays voisin.
Azad : Merci