Noël est une des fêtes les plus populaires en Belgique. Fêtée depuis très longtemps, elle est suivie d’une manière ou d’une autre par la quasi-totalité des masses belges. Fête païenne, fête chrétienne, fête liée au solstice d’hiver, fête de la surconsommation, fête de la famille et de la générosité… Noël recouvre une multiplicité de sens du fait de sa persistance historique et des différentes influences internationales.
Noël participe de manière importante à notre culture nationale. Il convient donc d’essayer d’en comprendre tous les aspects et d’en dégager ceux qui sont authentiquement populaires et nationaux.
Tout d’abord, la fête de Noël est intimement liée au solstice d’hiver qui est une date remarquable dans la rotation de notre planète la Terre autour de notre étoile le Soleil.
L’axe de rotation la Terre étant incliné par rapport au plan de l’ellipse que constitue sa course autour du Soleil, c’est au moment de ce solstice que l’hémisphère nord de notre planète est le moins incliné vers le Soleil (et l’hémisphère sud le plus incliné). La situation inverse se passe au moment du solstice d’été. Ainsi, au moment du solstice d’hiver, le jour est le plus court de l’année et les rayons du soleil frappent l’hémisphère Nord avec l’angle le plus grand. Il fait donc plus froid et moins longtemps jour.
La date réelle du solstice d’hiver se situe en général le 21 décembre et parfois le 22 décembre (selon les années), celle du solstice d’été est le 21 juin et parfois le 22 juin. Il y a deux étapes intermédiaires, où la durée du jour et de la nuit sont équivalentes, ce sont les équinoxes du printemps et de l’automne qui se situe respectivement le 20 mars (et parfois le 21) et le 22 septembre (et parfois le 23). Ces quatre étapes remarquables de la course de la Terre autour du Soleil sont utilisées dans notre calendrier comme marqueurs des saisons ; pour plus de de commodités, c’est à chaque fois la date du 21 qui a été retenue, ainsi l’hiver commence le 21 décembre, le printemps le 21 mars, l’été le 21 juin et l’automne le 21 septembre.
Durant l’antiquité, dans la plupart des civilisations, les célébrations des solstices et des équinoxes étaient des fêtes très importantes. Comme la plupart des calendriers étaient luni-solaires, c’est-à-dire suivant les cycles de la Lune mais rajoutant des jours ou mois intercalaires régulièrement pour « rattraper » le cycle du Soleil, les dates n’étaient pas fixes par rapport au Soleil et donc les fêtes des solstices s’étendaient souvent sur plusieurs jours. Ainsi par exemple la fête de Hanoukka chez les Juifs, censée commémorer la réinauguration du Temple de Jérusalem, dure 8 jours et commencent le 25e jour du mois de Kislev de leur calendrier. Sa date (entre début décembre et fin décembre selon les fluctuations du calendrier) et sa symbolique autour de la lumière laisse peu de doute quant à son lien avec le solstice d’hiver.
Il en va de même des Saturnales romaines qui s’étendaient sur 7 jours et fêtaient le dieu Saturne, dieu de la période précédant le solstice d’hiver. Leur période s’étendaient, une fois le calendrier solaire établit en 46 av. J.-C. par Jules César, du 17 au 24 décembre. Elles étaient des jours chômés où même les esclaves jouissaient d’une apparente mais provisoire liberté. Les rues et les maisons étaient décorées, les gens eux-mêmes portaient des guirlandes autour du cou, de grands banquets étaient donnés à la population, un marché spécial et de grandes processions de masses avaient lieu. Ces Saturnales étaient suivies par la fête des Sigilaires concluant les festivités et durant laquelle les romains offraient des cadeaux sous forme de petites figurines (particulièrement aux enfants).
On voit qu’on y retrouve un certain nombre des codes participant aux coutumes actuelles de Noël (repas, marché, décoration, échanges de cadeaux, etc.).
A partir de IIe siècle av. J.-C., s’est développé en Perse puis répandu dans tout l’Empire romain durant le IIe et IVe siècle ap. J.-C., le culte de Mithra. Ce culte était de type initiatique (transmission d’initié à initié par la parole) et essentiellement masculin. On sait donc peu de choses exactes sur son contenu si ce n’est qu’il est devenu très populaire au sein de l’armée romaine. Toujours est-il que la fête la plus importante de ce culte se déroulait le 25 décembre, fête de la renaissance annuelle du dieu Mithra. Petit à petit ce culte fusionna avec celui rendu à Apollon et une nouvelle divinité apparu : Sol Invictus (« le Soleil Invaincu » qui triomphe tous les jours de l’obscurité). Son culte lui était donc rendu le 25 décembre, date considérée comme celle du solstice d’hiver suite à une erreur de calcul commise par l’astronome Sosigène d’Alexandrie lors de la réforme calendaire de Jules César.
Le culte à Sol Invictus fut instauré comme culte commun à tout l’Empire Romain par l’empereur Aurélien (270-275 ap. J.-C.) dans une vue d’unification culturelle des populations de l’Empire. Le 25 décembre, jour du solstice pour les romains donc, est alors instauré comme fête officielle célébrant la naissance de Sol Invictus : le « Dies Natalis Solis » (Jour de naissance du Soleil).
Le christianisme a commencé à se répandre de manière importante dans l’Empire romain depuis la Grèce (correspondant aujourd’hui aux territoires recouvrant la Grèce mais aussi la Turquie, la Macédoine, etc.) à partir du IIIe siècle ap. J.-C.. Les chrétiens étaient persécutés en raison de l’aspect féodal anti-esclavagiste de leur idéologie jusqu’au moment de la conversion de l’Empereur Constantin Ier en 330. C’est à partir de cette conversion que le christianisme devient religion officielle de l’Empire romain (et donc de tous les peuples sous sa domination) ; mais les anciens cultes, ainsi que les cultes locaux étaient encore très pratiqués. Le christianisme a donc dû s’adapter en absorbant et reformulant les cultes populaires et locaux. Il a ainsi pu pénétrer au cœur des masses de manière profonde et structurer leur manière de voire le monde dans le sens de la nouvelle étape féodale de l’Humanité dont il était l’idéologie en Europe.
Ainsi, vers la fin du IVe siècle, la date du 25 décembre a été décrétée comme étant celle de la fête de la naissance de Jésus Christ. C’est donc la fête de la nativité du Christ. Ce terme de « Nativité » est d’ailleurs l’autre nom de Noël en français, faisant plus directement référence à son aspect chrétien. En fait, ici est directement repris le nom de l’ancienne fête populaire de Sol Invictus « Dies Natalis », et c’est de ce terme de « Natalis » que provient étymologiquement le mot « Noël » – la fête de Noël a d’ailleurs pour nom « Natale » en italien. L’expression « Noël » est restée longtemps utilisée durant le Moyen-Age comme une expression joyeuse pour célébrer les naissances.
Plus directement encore, le christianisme s’est appuyé sur une phrase tirée des Évangiles à propos de la naissance de Jésus Christ disant :
« Pour vous qui craignez mon Nom, le Soleil de Justice brillera, avec la guérison dans ses rayons. » (Malachie 3, 20).
Jésus Christ est présenté ainsi comme étant le « vrai » Soleil. Non pas celui païen du carcan oppressif esclavagiste romain, mais celui « de Justice » de la nouvelle société féodale.
Comme on le voit, Noël est une fête liée intimement à la célébration du solstice d’hiver. En faisant de Jésus Christ, un homme qui est en même temps un dieu, le « Soleil de Justice », le christianisme a dénaturalisé la fête du solstice d’hiver. C’était une étape nécessaire pour que l’humanité aille vers le matérialisme car par ce processus, l’humanité a d’abord pu commencer à se penser elle-même, à saisir sa propre nature en passant par un plus haut niveau d’abstraction.
Aujourd’hui, le christianisme est dépassé et l’humanité, après avoir pris conscience d’elle-même en tant que réalité matérielle et de la matière comme seule réalité, est engagée sur le chemin l’amenant à la conscience d’elle-même comme part de la Nature, comme élément de la Biosphère lié aux autres. L’humanité revient donc à la Nature mais en tant que réalité matérielle concrète et non plus en tant que forces surnaturelles comme lors de l’Antiquité.
Mais le christianisme a partiellement saisi ces enjeux et a donc dû produire un nouveau discours sur Noël afin de ramener les masses à son idéalisme. Ainsi, si depuis le Moyen-Age et jusque récemment tout rapport entre Noël et le solstice d’hiver était rejeté formellement par le christianisme car jugé comme relevant du « paganisme », depuis plusieurs années est mis en avant l’idée que Noël serait la date où le Soleil « reprend sa course » après le solstice, comme étant le début du rallongement des jours. Comme si la Terre « faisait une pause » de 4 jours entre le moment du solstice et Noël. Or cela est totalement faux !
La date du solstice d’hiver est maintenant connu précisément grâce à l’astronomie. Elle se situe, comme tout le monde le sait maintenant, dans la nuit entre le 21 et le 22 décembre. Notre planète ne fait pas de pause et continue sa course en ellipse autour de notre étoile le Soleil. Les jours rallongent donc immédiatement après le solstice d’hiver pour l’hémisphère nord. Telle est la seule réalité scientifique.
Cela le christianisme, comme force du passé, ne peut l’accepter. Cela reviendrait pour lui à admettre tout d’abord qu’il se base depuis presque deux millénaires sur une erreur de calcul d’un astronome romain, mais surtout que le Noël chrétien n’a été en fait qu’une forme de la manière dont les humains comprennent le solstice d’hiver, une forme liée à une étape de l’organisation humaine. Et que donc que la seule réalité ce n’est pas Dieu ou le Christ, mais la Nature et que l’homme n’a au final jamais fait que parler de cela avec les moyens qui étaient les siens en fonction de son mode de production.