NALBANDIAN Mikael Lazarévitch (1829-1866). Eminent philosophe matérialiste arménien, démocrate révolutionnaire, socialiste utopique, poète et publiciste. Nalbandian fut le compagnon de lutte des démocrates révolutionnaires russes : Herzen (V.), Biélinski (V.), Tchernychevski (V.), Dobrolioubov (V.).
L’activité de Nalbandian, son dévouement désintéressé à la cause de la démocratie révolutionnaire étaient hautement appréciés par Herzen et Ogarev (V.). Comme Tchernychevski et ses compagnons de lutte, Nalbandian préparait une révolution démocratique, préconisait l’unité du mouvement révolutionnaire des peuples de Russie contre le tsarisme.
Il rejetait les « théories » libérales de l’harmonie sociale, en faisant observer l’acharnement de la lutte de classes qui divise la société. Il dénonçait les guerres injustes, les guerres de conquête, la politique colonialiste des puissances capitalistes, démasquait leurs plans de rapine, leur solidarité avec la politique des sultans turcs, avec la politique d’extermination physique du peuple arménien.
En philosophie, Nalbandian est matérialiste : la matière est pour lui la donnée première, elle est éternelle et indestructible, elle enferme en elle-même la cause de sa propre existence. Il attache une grande importance à l’expérience et à l’induction (V.). Les idées ne sont que le reflet de la nature, du monde extérieur.
De même que les représentants du matérialisme russe des années 40-60 du XIXe siècle, il s’approche de la dialectique. La nature est toujours en mouvement et le monde organique est issu du monde inorganique. La vie sociale consiste dans la lutte entre le progressif et le réactionnaire, et finalement c’est toujours la tendance progressive qui l’emporte.
Nalbandian rejette la philosophie idéaliste de Kant (V.), de Fichte (V.) et de Hegel (V.) ; il critique le fond réactionnaire et monarchiste des opinions de Hegel, ses dérogations à l’idée du développement. Il défend les positions idéologiques de la littérature progressiste arménienne naissante, ses tendances démocratiques. En esthétique, comme Biélinski, Tchernychevski et Dobrolioubov, c’est un partisan du réalisme.
Nalbandian est un poète et écrivain distingué. Ses œuvres respirent la haine du servage. Ses idées ont inspiré la culture démocratique progressive arménienne de la seconde moitié du XIXe siècle. Emprisonné pour son activité révolutionnaire, pour la diffusion des publications londoniennes de Herzen interdites en Russie, Nalbandian resta près de trois ans dans la forteresse Pierre et Paul.
Il est mort en déportation. Ses ouvrages les plus importants sont : « Deux lignes », « L’agriculture, c’est la voie juste », une critique du roman de Prochiantz « Sos et Vartiter », etc.
NATION. « La nation est une communauté de personnes, stable, historiquement constituée, née sur la base d’une communauté de langue, de territoire, de vie économique et de formation psychique qui se traduit dans une communauté de culture» (Staline : « Le marxisme et la question nationale », M. 1954, p. 12).
Tous ces traits : communauté de langue, de territoire, de vie économique et de formation psychique, sont inséparables de la nation ; pris ensemble ils donnent la nation.
En revanche, il suffit qu’un seul en soit absent pour que la nation cesse d’être nation. Il ne faut pas confondre nation avec race (V.) ni avec tribu. Contrairement à la race, caractérisée par les traits biologiques extérieurs (couleur de la peau, des cheveux etc.), la nation est une catégorie sociale.
La tribu est une catégorie ethnique propre au régime de la commune primitive, alors que la nation est une catégorie historique, née à l’époque du capitalisme ascendant. La nation s’est constituée historiquement, de personnes appartenant à des races et des tribus diverses. Ainsi, la nation italienne s’est formée de Romains, Germains, Etrusques, Grecs, Arabes, etc. ; la nation française, de Gaulois, Romains Bretons, Germains, etc.
Les traits spécifiques de la nation se sont constitués à la longue, dès la période précapitaliste, quand ils étaient encore à l’état embryonnaire et ne présentaient que des possibilités de constituer la nation si les conditions étaient favorables.
La possibilité n’est devenue réalité qu’à l’époque du capitalisme ascendant avec son marché national, ses centres économiques et intellectuels. Le capitalisme a mis fin au morcellement féodal, il a stimulé les liens économiques interrégionaux, réuni les marchés locaux en un marché national unique.
La communauté de vie économique s’est constituée, elle a engendré la communauté de culture et ainsi de suite. Le fond de ce processus étant le mode de production capitaliste, les liens nationaux créés étaient des liens bourgeois.
Les nations qui se sont développées à l’époque du capitalisme ascendant étaient des nations bourgeoises, car c’était la bourgeoisie qui les assemblait et les cimentait, car c’était la bourgeoisie et ses partis nationalistes qui constituaient la force principale, dirigeante. La physionomie sociale, politique et morale de ces nations en a subi l’empreinte.
« La paix sociale à l’intérieur de la nation au nom de l’« unité de la nation » ; l’extension du territoire de sa nation par la conquête de territoires nationaux étrangers ; la méfiance et la haine envers les autres nations ; l’oppression des minorités nationales ; le front unique avec l’impérialisme : tel est le bagage idéologique, politique et social de ces nations » (Staline : « La question nationale et le léninisme», M. 1954 p. 9).
Et comme corollaire : querelles, haines nationales, conflits entre les nations, enfantés par le capitalisme. La division de la société bourgeoise en classes antagoniques n’exclut pas l’unité nationale en tant que communauté stable de vie économique, les bourgeois et les prolétaires étant économiquement liés.
Avec la chute du capitalisme les nations bourgeoises quittent la scène. Sur les ruines de ces vieilles nations s’érigent des nations de type foncièrement nouveau, les nations socialistes nées sur la base du socialisme ascendant. La classe ouvrière et son parti internationaliste sont la force qui les dirige, les oriente, assure leur cohésion. Pour autant, la physionomie des nations change, elle aussi.
« L’alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie travailleuse au sein de la nation, en vue de liquider les vestiges du capitalisme au nom de l’édification victorieuse du socialisme ; la suppression des survivances de l’oppression nationale au nom de l’égalité en droits et du libre développement des nations et des minorités nationales ; l’élimination des vestiges du nationalisme pour établir l’amitié entre les peuples et affirmer l’internationalisme ; le front unique avec toutes les nations opprimées et qui ne jouissent pas de la plénitude de leurs droits, dans la lutte contre la politique de conquête et de guerres de conquête, dans la lutte contre l’impérialisme : telle est la physionomie morale, politique et sociale de ces nations » (Ibid., pp. 10-11).
Les nations socialistes une fois formées, les rapports entre elles changent radicalement : les vestiges de la méfiance d’antan disparaissent ; l’amitié des peuples (V.) se développe et devient un des moteurs les plus importants de la société socialiste. Les nations socialistes, libres des antagonismes de classes qui déchirent les nations bourgeoises, sont incomparablement plus unies et viables que les nations bourgeoises.
La suppression du joug national, l’égalité des nations en droits, l’assistance mutuelle efficace des peuples dans toutes les sphères de la vie économique et sociale, les lacunes comblées sur le plan économique et culturel, sont autant de conditions de prospérité des nations socialistes soviétiques.
Des peuples qui, avant la Révolution, ne formaient pas encore une nation, ou n’avaient pas la possibilité d’en former une, se sont développés et constituent une nation au sein de l’U.R.S.S. (par exemple les Turkmènes, les Kirghiz, etc.). Le nombre des nations a donc augmenté en Union Soviétique.
Ainsi, en dépit des affirmations des ennemis du léninisme, le socialisme, loin d’entraîner la mort des nations, est la cause de leur épanouissement. Sous le régime soviétique les nations sont des nations socialistes.
L’aide du peuple russe, nation la plus éminente de l’Union Soviétique et dont le rôle dirigeant est unanimement reconnu, a été d’une grande portée pour l’essor économique et culturel des nations autrefois arriérées.
Catégorie historique, la nation a un commencement et une fin. Dans l’avenir, quand le socialisme aura vaincu à l’échelle mondiale et que les nations se seront rassemblées dans un système d’économie socialiste mondiale unique, les conditions nécessaires seront réunies pour la fusion progressive de toutes les nations. Mais ces conditions n’apparaîtront pas d’emblée.
Ce serait une grande erreur de penser que la première étape de la dictature mondiale du prolétariat serait le début du dépérissement des nations et des langues nationales. Au contraire, au cours de cette étape les langues nationales et les nations autrefois opprimées croîtront et s’épanouiront, leur égalité en droits s’affirmera, la méfiance nationale disparaîtra, les relations entre les nations se renforceront.
Ce n’est qu’à la seconde étape de la dictature mondiale du prolétariat, au fur et à mesure que se constituera une économie mondiale unique du socialisme, que les nations éprouveront la nécessité d’avoir, parallèlement à leurs langues nationales propres, une langue commune.
Il se peut qu’au début il existera non pas un seul centre économique mondial, commun à toutes les nations, avec une langue commune, mais plusieurs centres économiques zonaux pour divers groupes de nations, avec une langue commune zonale, distincte pour chaque groupe.
Ce n’est qu’à une étape ultérieure, quand l’économie socialiste mondiale se sera suffisamment affirmée et que le socialisme sera entré dans les mœurs des peuples, que les nations se rendront pratiquement compte des avantages d’une langue commune.
Les distinctions nationales commenceront à dépérir et les langues nationales céderont la place à une langue mondiale, commune à tous. Cette langue internationale ne sera ni l’allemand, ni le russe, ni l’anglais, etc., mais une langue nouvelle qui aura absorbé les meilleurs éléments des langues nationales et zonales.
NATIONALISME. Idéologie et politique de la bourgeoisie visant à exciter les haines nationales entre les travailleurs, à renforcer la domination d’une nation sur une autre. Le nationalisme est engendré par le régime capitaliste, car la propriété privée et le capital divisent nécessairement les hommes, attisent la haine nationale, aggravent l’oppression.
La bourgeoisie propage le nationalisme pour semer la discorde entre les travailleurs de nations différentes, les empêcher de s’unir dans leur lutte émancipatrice, les détourner de la lutte de classes et substituer à celle-ci l’hostilité entre nations.
Lénine écrivait en 1913 : « Regardez les capitalistes : ils s’attachent à semer la haine nationale entre les « petites gens », et en même temps, ils font parfaitement leurs petites affaires : on voit dans une seule et même société anonyme Russes, Ukrainiens, Polonais, Juifs, Allemands. Les capitalistes de toutes les nations et religions font front unique contre les ouvriers qu’ils tâchent de diviser et d’affaiblir par la haine nationale ! » (Lénine : Œuvres, t. 19, éd. russe, p. 275).
A l’époque de l’impérialisme, la bourgeoisie a fait du nationalisme une arme idéologique dont elle se sert pour préparer les guerres impérialistes et pour justifier l’asservissement des autres peuples.
Pendant la première guerre mondiale impérialiste, la bourgeoisie de tous les pays belligérants, conjointement avec les social-chauvins de la IIe Internationale, intoxiquait les masses avec des mots d’ordre mensongers sur la défense de la patrie bourgeoise.
L’impérialisme actuel utilise le nationalisme bourgeois pour garder son système colonialiste, pour lutter contre le mouvement de libération nationale des peuples qu’il opprime, pour affaiblir le camp de la paix, de la démocratie et du socialisme.
Forts des idées de Marx et d’Engels, Lénine et Staline ont dénoncé l’idéologie et la politique du nationalisme bourgeois, ils ont mis au point la théorie, le programme et la tactique du parti marxiste dans la question nationale.
Le marxisme oppose au nationalisme bourgeois l’internationalisme prolétarien (V.) ; à la politique d’oppression nationale, la revendication du droit de la nation à disposer librement de son sort. « Egalité complète des nations ; droit des nations à disposer d’elles-mêmes ; union des ouvriers de toutes les nations, c’est ce programme national qu’enseigne aux ouvriers le marxisme, qui enseigne l’expérience du monde entier et l’expérience de la Russie » (Lénine : Oeuvres choisies en deux volumes, t. I, 2e partie, M. 1954, p. 385).
La Grande Révolution socialiste d’Octobre a liquidé le joug national, créé des conditions pour l’épanouissement politique, économique et culturel des nations nouvelles, socialistes. L’Union Soviétique est le premier Etat multinational de l’histoire, basé sur une amitié solide, indestructible, des peuples.
Le parti communiste lutte contre les vestiges du capitalisme, y compris les manifestations du nationalisme bourgeois dans la conscience des hommes.
Dans le domaine national ces vestiges sont beaucoup plus tenaces que partout ailleurs. Le parti communiste éduque les Soviétiques dans l’esprit de l’internationalisme prolétarien, du patriotisme soviétique (V.), de l’amitié entre les peuples.
Les survivances du nationalisme revêtent des formes diverses : idéalisation dans la science et la littérature de courants nationalistes réactionnaires du passé, qu’on fait passer pour des mouvements « avancés », « progressistes », sous-estimation de l’amitié des peuples, ce fondement, ce pilier de l’Etat soviétique, etc.
Les ennemis du peuple soviétique voudraient particulièrement semer la discorde entre les peuples de l’U.R.S.S. et le peuple russe, provoquer le sentiment de méfiance à son égard, minimiser son importance et son rôle dans la grande famille des peuples et nations soviétiques.
Aussi, toute sous-estimation à cet égard fait-elle le jeu des ennemis du régime socialiste, et représente un mal qu’il faut combattre avec énergie.
Dans sa lutte contre le nationalisme local ou grand-russe, le parti communiste a su unir les peuples de l’U.R.S.S.
« Si nous n’avions pas battu les fauteurs des déviations nationalistes de tout genre et de tout acabit, nous n’aurions pas pu éduquer le peuple dans l’esprit de l’internationalisme, nous n’aurions pas pu sauvegarder le drapeau de la grande amitié des peuples de l’U.R.S.S., nous n’aurions pas pu bâtir l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques » (« Précis d’Histoire du P.C.(b) de l’U.R.S.S. »).
Le nationalisme est foncièrement étranger à l’idéologie soviétique, au régime soviétique qu’animé tout entier l’esprit de l’internationalisme prolétarien, de l’amitié des peuples, grands et petits, l’esprit du patriotisme soviétique.