Martin Luther ne pardonna jamais à Andreas Bodenstein dit Carlstadt son initiative de Wittenberg. Par la suite, celui-ci réédita sa démarche à Orlamünde, avec l’absence de messe et de confession, de jeûne et de jours de fête, mais avec la communion sous les deux espèces pris assis par l’ensemble des personnes présentes. Il affirme alors haut et fort :

« Toute communauté doit savoir juger, elle seule, si elle est dans la vérité et la justice. »

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Martin Luther ne l’oublie pas et fit en sorte qu’il soit banni, forçant Andreas Bodenstein dit Carlstadt à errer dans toute l’Allemagne, pour finalement terminer sa vie en Suisse.

Mais un autre opposant à Martin Luther posa bien davantage de problèmes. Si Andreas Bodenstein dit Carlstadt était un pacifiste, ce n’était nullement le cas de Thomas Münzer. Devenu luthérien avec la même base propre à la mystique rhénane que Martin Luther, Thomas Münzer ne voyait pas pourquoi il faudrait s’en remettre aux princes électeurs plutôt qu’à l’homme commun.

Thomas Münzer, né à Stolberg im Harz vers 1489, quitta Quendlinburg vers l’âge de 16 ans pour rejoindre l’université de Leipzig, devenant par la suite étudiant de la nouvelle université de Francfort sur l’Oder en 1512, devenant diplômé de théologie et maître dans les arts libéraux.

Il devient prêtre au diocèse de Halberstadt, pour ensuite rejoindre l’église de Saint Michel à Braunschweig, devenant aumônier des chanoinesses de Frose près d’Achersleben, avant d’aller à l’université de Wittenberg.

Il rencontre par la suite Martin Luther et Andreas Bodenstein dit Carlstadt à Leipzig en 1519, au moment de la disputatio contre Jean Eck.

Considéré comme un bon élément, il a déjà un esprit activiste cependant : à 22 ans, il forma une union secrète à Halle pour renverser l’archevêque Ernst de Magdebourg, premier primat de l’empire et frère du prince Frédéric de Saxe. Il dut cependant s’enfuir en raison de l’échec de l’entreprise.

Martin Luther lui-même l’avait soutenu lors de son conflit de 1519 avec les franciscains, subissant pour cette raison les foudres de l’évêque du Brandebourg. Il lui avait également remis une lettre de recommandation, ce qui aida Thomas Müntzer devant voyager de villes en villes.

Dans ce cadre, Thomas Müntzer définissait Martin Luther, comme dans une lettre du 13 juillet 1520, comme étant « specimen et lucerna amicorum dei », l’exemple même et la lampe indiquant la lumière aux amis de Dieu.

Johann « Egran » Wildenhauer, très proche de Martin Luther, proposa par la suite avec succès au conseil de la ville de Zwickau de faire en 1520 de Thomas Münzer son religieux, durant le temps où il ne pourrait être là.

Zwickau était une ville marquée par la production de tissus, avec des travailleurs connaissaient des embryons d’organisation populaire, il y avait également une influence importante des mineurs.

Il existait ainsi une certaine polarisation : l’élite de la ville allait à l’église Sainte-Marie, tandis que le peuple se retrouvait à Sainte-Catherine.

Cette dernière église, de par sa base sociale, connaissait une forte présence de milieux proches des taborites, qui seront connus comme les « prophètes de Zickau ». Il s’agit d’anabaptistes rejetant le baptême des enfants et mettant l’accent sur l’interprétation mystique des messages du Saint-Esprit, aux dépends des sacrements et du clergé.

Thomas Münzer provoqua toutefois immédiatement des troubles en lançant une offensive idéologique contre les moines franciscains. Il mit en déroute idéologique le représentant envoyé par les franciscains, Tiburtius de Weissenfels, et même l’évêque de Naumbourg tentant une intervention ne fut pas en mesure de contrer le processus lancé de rébellion.

Après qu’on l’ait fait passer de l’église Sainte-Marie à celle de Sainte-Catherine au retour d’Eger Egranus, la situation empira, Thomas Müntzer commençant à dénoncer l’option « institutionnelle » de celui-ci.

Initialement, on a une convergence entre Martin Luther et Thomas Münzer. Le premier mit ses réseaux en œuvre pour couvrir l’agitation du second. Mais la montée en puissance de la démarche populaire de Thomas Müntzer devenait inacceptable.

Pour Egrand, la position de Münzer encourageait les « schismes et les pires soulèvements » et la tension monta. De fait, mes jeunes travailleurs produisant des tissus organisèrent un soulèvement pour soutenir Thomas Münzer convoqué par les autorités pour ses incitations à la révolte, mais la cinquantaine d’arrestations empêchant celui-ci força Thomas Münzer à quitter Zwickau précipitamment.

Après être donc définitivement révoqué en avril 1521 par le conseil municipal, Thomas Müntzer refusa un poste de professeur de littérature latine dans un monastère près d’Erfurt, pour décider d’aller à Prague, la capitale historique du mouvement hussite et taborite, où il fut accueilli en juin 1521 comme un important religieux par les différents courants liés au hussitisme.

C’est là qu’il organisa sa rupture théologico-politique avec Martin Luther.


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