Mao Zedong
Du gouvernement de coalition1
24 avril 1945
Notre Congrès s’ouvre dans les circonstances suivantes : Après une lutte résolue, héroïque et inflexible, poursuivie pendant près de huit années contre l’agresseur japonais et marquée par des difficultés, des privations et des sacrifices sans nombre, notre peuple se trouve aujourd’hui en présence d’une situation nouvelle — des victoires décisives ont été remportées dans la guerre juste et sacrée menée à travers le monde contre les agresseurs fascistes, et l’heure est proche où le peuple chinois, de concert avec les pays alliés, infligera une défaite définitive à l’envahisseur japonais. Mais la Chine n’est toujours pas unie, elle traverse encore une crise grave. Que devons-nous faire dans ces circonstances ? Il est hors de doute qu’il faut de toute urgence former un gouvernement démocratique provisoire de coalition qui unisse les représentants de tous les partis et groupements politiques, ainsi que des personnalités sans-parti, pour procéder à des réformes démocratiques, surmonter la crise actuelle, mobiliser et unifier toutes les forces antijaponaises du pays et, par une action énergique menée en coordination avec les opérations militaires des pays alliés, écraser les agresseurs japonais et permettre au peuple chinois de se libérer de leur emprise. Ensuite, il faudra convoquer, sur une large base démocratique, une assemblée nationale et constituer définitivement un gouvernement démocratique, qui sera aussi un gouvernement de coalition, avec une participation encore plus représentative des différents partis et groupements politiques ainsi que des personnalités sans-parti ; sa tâche sera de guider le peuple libéré dans l’édification d’un nouvel État indépendant, libre, démocratique, unifié, fort et prospère. Bref, il faut prendre la voie de l’union et de la démocratie, écraser l’envahisseur et édifier une Chine nouvelle.
Nous pensons que c’est seulement ainsi qu’on pourra refléter les revendications fondamentales du peuple chinois. L’essentiel de mon rapport sera donc consacré à l’examen de ces revendications. Faut-il ou non former en Chine un gouvernement démocratique de coalition ? C’est une question qui préoccupe le peuple chinois et l’opinion démocratique des pays alliés. Je m’y arrêterai donc tout particulièrement.
En huit années de guerre de résistance, le Parti communiste chinois a surmonté bien des difficultés et remporté d’immenses succès ; mais, dans l’état actuel des choses, notre Parti et notre peuple se heurtent encore à de sérieux obstacles. La situation présente exige de notre Parti qu’il travaille avec une efficacité accrue à l’accomplissement de ses tâches pressantes, qu’il s’attache continuellement à vaincre les difficultés et qu’il lutte pour la réalisation des revendications fondamentales du peuple chinois.
Le peuple chinois est-il en mesure de faire passer dans la réalité ces revendications fondamentales? Cela dépendra de son niveau de conscience politique, de sa cohésion et de ses efforts. De toute façon, la situation internationale et la situation intérieure présentent aujourd’hui des conditions qui lui sont extrêmement favorables. S’il sait les utiliser judicieusement, s’il déploie des efforts énergiques, résolus et persévérants, il n’y a aucun doute qu’il parviendra à vaincre l’agresseur et à édifier une Chine nouvelle. Le peuple chinois doit redoubler d’efforts dans sa lutte pour l’accomplissement de ses tâches sacrées.
Quelle est actuellement la situation internationale ?
Sur le plan militaire, l’armée soviétique s’est lancée à l’assaut de Berlin, les forces alliées de la Grande-Bretagne, des Etats-Unis et de la France, opérant en coordination avec elle, attaquent les débris des troupes hitlériennes, et le peuple italien s’est soulevé. Tout cela permettra d’en finir une fois pour toutes avec Hitler. Et alors, la défaite de l’agresseur japonais ne tardera pas. Contrairement aux prévisions des réactionnaires chinois et étrangers, les forces d’agression fascistes seront écrasées, et les forces démocratiques populaires seront victorieuses. Le monde prendra la voie du progrès et non celle de la réaction. Nous devons, bien entendu, garder toute notre vigilance et savoir que le cours des événements peut comporter temporairement des détours, parfois fort dangereux. Dans de nombreux Etats, les forces de la réaction sont encore puissantes, elles ne veulent pas que le peuple de leurs propres pays et celui des autres s’unissent, progressent et se libèrent. Qui perd cela de vue commettra des erreurs politiques. Néanmoins, le cours général de l’histoire est d’ores et déjà tracé, il ne changera pas. Ce n’est un mal que pour les fascistes et pour les réactionnaires des différents pays qui, en fait, les soutiennent, tandis que c’est un bien pour les peuples et pour les forces démocratiques organisées de tous les pays. Le peuple, le peuple seul, est la force motrice, le créateur de l’histoire universelle. Le peuple soviétique s’est constitué en une force puissante et il joue le rôle principal dans l’écrasement du fascisme. C’est grâce à ses efforts, conjugués avec ceux des peuples des autres pays alliés en lutte contre le fascisme, qu’il est devenu possible de l’écraser. La guerre a instruit le peuple, et le peuple gagnera la guerre, la paix et aussi le progrès.
Cette situation nouvelle est toute différente de celle que nous avons connue pendant la Première guerre mondiale. L’Union soviétique n’existait pas et, dans de nombreux pays, le peuple n’avait pas le niveau de conscience politique qu’il a atteint aujourd’hui. Les deux guerres mondiales représentent deux époques totalement différentes.
Cependant, avec la défaite des pays agresseurs fascistes, la fin de la Seconde guerre mondiale et l’instauration de la paix dans le monde, la lutte ne cessera pas pour autant. Les forces fascistes qui subsistent en bien des endroits ne manqueront pas de susciter encore des troubles. Dans le camp de ceux qui luttent contre l’agression fasciste, il existe des forces qui s’opposent à la démocratie et qui oppriment d’autres nations ; elles continueront d’opprimer les peuples de divers pays, ainsi que les peuples des colonies et des semi-colonies. C’est pourquoi, même une fois la paix mondiale instaurée, les luttes seront encore nombreuses dans une grande partie du monde, entre les masses antifascistes et ce qui reste des forces fascistes, entre les forces démocratiques et les forces antidémocratiques, entre les forces de libération nationale et les forces d’oppression nationale. C’est seulement après de longs efforts, lorsque auront été détruits les vestiges des forces fascistes, les forces antidémocratiques et toutes les forces impérialistes, que les peuples pourront remporter la victoire la plus large. Ce jour n’arrivera pas très rapidement ni très aisément, mais il arrivera sûrement. La victoire dans la Seconde guerre mondiale antifasciste ouvrira la voie à la victoire des peuples dans leurs luttes d’après-guerre. L’issue victorieuse de ces luttes pourra seule assurer une paix solide et durable.
Quant à la situation à l’intérieur du pays, comment se présentent-elle actuellement ?
La longue guerre que soutient la Chine a exigé et exigera encore de son peuple de lourds sacrifices ; mais, en même temps, c’est elle qui l’a trempé. Plus qu’aucune des grandes luttes qu’il a menées au cours des cent dernières années, elle a contribué à élever sa conscience politique et à promouvoir son union. Le peuple chinois a devant lui non seulement le puissant ennemi de la nation, mais aussi les puissantes forces réactionnaires de l’intérieur qui soutiennent en fait cet ennemi. Voilà un aspect de la question. Mais l’autre aspect, c’est que la conscience politique du peuple est plus élevée que jamais, et que, par ailleurs, de puissantes régions libérées ont été créées tandis qu’un mouvement démocratique à l’échelle nationale grandit de jour en jour. Telles sont les conditions favorables qui existent à l’intérieur du pays. Si les défaites ou les revers subis par notre peuple au cours des luttes qu’il a menées durant ces cent dernières années s’expliquent par l’absence de certaines conditions indispensables, tant sur le plan international que sur le plan national, la situation n’est plus la même aujourd’hui : toutes les conditions nécessaires sont réunies. Il est maintenant entièrement possible d’éviter la défaite et de remporter la victoire. Si nous savons unir tout notre peuple dans une lutte énergique et lui donner une bonne direction, nous serons victorieux.
Le peuple chinois a maintenant une confiance beaucoup plus grande dans sa capacité de s’unir pour vaincre l’agresseur et pour édifier une Chine nouvelle. Le moment est venu où il surmontera toutes ses difficultés et fera triompher ses revendications fondamentales, dont l’importance historique est immense. Y a-t-il le moindre doute à ce sujet ? Je ne le pense pas.
Telle est aujourd’hui la situation générale, sur le plan international et intérieur.
LA CLÉ DES PROBLÈMES QUI SE POSENT EN CHINE
En abordant la situation intérieure, nous devons aussi soumettre à une analyse concrète la guerre de résistance de la Chine contre le Japon.
La Chine est l’un des cinq grands Etats du monde en guerre contre le fascisme, et le principal pays en lutte contre l’envahisseur japonais sur le continent asiatique. Si le rôle du peuple chinois est des plus importants dans la guerre contre le Japon, il sera tout aussi considérable pour le maintien de la paix dans le monde d’après-guerre et il sera décisif pour le maintien de la paix en Orient. Engagée dans la Résistance depuis huit ans déjà, la Chine a déployé, pour se libérer et pour aider ses alliés, des efforts magnifiques, qui sont essentiellement fournis par le peuple. Sur le front, un grand nombre d’officiers et de soldats combattent et versent leur sang ; à l’arrière, les ouvriers, les paysans, les intellectuels et les milieux industriels travaillent avec acharnement ; les ressortissants chinois à l’étranger envoient des dons pour soutenir la guerre ; tous les partis politiques antijaponais, à l’exception des éléments opposés au peuple, y apportent leur contribution. Bref, depuis huit longues années, notre peuple verse son sang et sa sueur dans la lutte héroïque qu’il mène contre l’agresseur japonais. Mais, pendant des années, les réactionnaires chinois n’ont cessé de répandre des rumeurs et de duper l’opinion, afin de cacher au monde le vrai rôle que joue le peuple chinois dans la guerre. Par ailleurs, personne encore n’a établi un bilan complet de l’expérience qu’il a acquise dans ses huit années de résistance. Il appartient donc à notre Congrès de dresser un bilan approprié qui servira à éduquer le peuple et qui fournira à notre Parti une base pour l’élaboration de sa politique.
Dès qu’on s’apprête à faire ce bilan, on voit clairement qu’il existe en Chine deux lignes directrices différentes : l’une permet de vaincre l’agresseur japonais, tandis que l’autre, loin de le permettre, à certains égards aide en fait l’agresseur et sape la Guerre de Résistance.
La politique réactionnaire adoptée par le gouvernement du Kuomintang, politique de résistance passive au Japon et de répression active à l’égard du peuple, a entraîné des revers militaires, la perte d’une grande partie de notre territoire, une crise financière et économique, l’oppression et la misère pour le peuple, tout en nuisant à l’union nationale. Cette politique a fait obstacle à la mobilisation et à l’unification de toutes les forces antijaponaises du peuple chinois pour la poursuite efficace de la guerre, ainsi qu’à la prise de conscience et à l’union de notre peuple. Cependant, cette prise de conscience et cette union n’ont cessé de progresser, tout en suivant une voie sinueuse sous le double joug de l’agresseur japonais et du gouvernement du Kuomintang. Manifestement, il existe depuis longtemps en Chine deux lignes : la ligne d’oppression du peuple et de résistance passive, qui est celle du gouvernement du Kuomintang, et la ligne propre à assurer la prise de conscience et l’union du peuple chinois en vue d’une guerre populaire. C’est là que réside la clé de tous les problèmes chinois.
L’HISTOIRE SUIT UNE ROUTE SINUEUSE
Pour aider à comprendre pourquoi cette question des deux lignes est la clé de tous les problèmes qui se posent en Chine, il est nécessaire de retracer l’histoire de notre Guerre de Résistance.
La guerre du peuple chinois contre l’agresseur japonais a suivi une route sinueuse. Elle a commencé en 1931. Le 18 septembre de cette année-là, l’agresseur occupa Chenyang et, en quelques mois, s’empara des trois provinces du Nord-Est. Le gouvernement du Kuomintang adopta une politique de non-résistance. Cependant, dirigées ou aidées par le Parti communiste chinois, et contrairement à la volonté du gouvernement du Kuomintang, les masses populaires et les troupes patriotes de ces provinces, s’organisant d’abord en Détachements de Volontaires antijaponais, puis en Armée coalisée antijaponaise, se lancèrent héroïquement dans la guerre de partisans, qui, à un certain moment, prit une grande ampleur ; malgré bien des difficultés et des revers, elle ne put être étouffée par l’ennemi. En 1932, lorsque l’envahisseur attaqua Changhaï, un groupe de patriotes du Kuomintang, à la tête de la XIXe Armée de Route, entreprit de résister, défiant ainsi une fois de plus la volonté du gouvernement du Kuomintang. En 1933, les Japonais envahirent le Jehol et le Tchahar. Alors, pour la troisième fois, un groupe de patriotes du Kuomintang brava le gouvernement de ce parti, et, coopérant avec le Parti communiste, constitua l’Armée alliée antijaponaise pour résister à l’ennemi. Seuls le peuple chinois, le Parti communiste, les groupements démocratiques et les patriotes vivant à l’étranger apportèrent leur soutien à toutes ces actions militaires contre le Japon. Le gouvernement du Kuomintang, conformément à sa politique de non-résistance, ne leur en accorda aucun; au contraire, il fit échouer les actions entreprises à Changhaï et dans le Tchahar contre l’envahisseur, et liquida le gouvernement populaire créé en 1933 dans le Foukien par la XIXe Armée de Route.
Pourquoi adopta-t-il une politique de non-résistance ? La principale raison en est que le Kuomintang avait, en 1927, rompu la coopération avec le Parti communiste et brisé l’unité du peuple chinois.
En 1924, le Dr Sun Yat-sen, acceptant les propositions du Parti communiste chinois, convoqua le Ier Congrès national du Kuomintang auquel participèrent les communistes, définit les trois thèses politiques fondamentales — alliance avec la Russie, alliance avec le Parti communiste, soutien aux paysans et aux ouvriers —, fonda l’Académie militaire de Whampou et créa un front uni national qui groupait le Kuomintang, le Parti communiste et le peuple de tous les milieux. Aussi, en 1924-1925, les forces réactionnaires furent-elles balayées dans le Kouangtong ; en 1926-1927, l’Expédition du Nord se déroula avec succès : la majeure partie des bassins du Yangtsé et du fleuve Jaune fut occupée, le gouvernement des seigneurs de guerre du Peiyang fut battu, et la lutte de libération du peuple prit une ampleur sans précédent dans l’histoire de la Chine. Mais, à la fin du printemps et au début de l’été 1927, au moment décisif où l’Expédition du Nord était en plein développement, le front uni national du Kuomintang, du Parti communiste et du peuple de tous les milieux, qui représentait la cause de la libération du peuple chinois, de même que tous ses principes politiques révolutionnaires furent détruits par la politique antipopulaire de trahison que poursuivaient les autorités du Kuomintang, politique d’“épuration du Parti” et de répression sanglante. Les alliés d’hier — le Parti communiste chinois et le peuple chinois — furent considérés comme des ennemis, et les ennemis d’hier — les impérialistes et les féodaux — comme des alliés. Ainsi, un coup perfide fut porté à l’improviste au Parti communiste et au peuple chinois, et notre grande révolution, si pleine de vie et de force, fut enterrée. Dès lors, à l’union se substitua la guerre civile, à la démocratie la dictature, à une Chine radieuse une Chine enveloppée de ténèbres. Mais le Parti communiste et le peuple chinois ne se laissèrent ni effrayer, ni soumettre, ni exterminer. Ils se relevèrent, essuyèrent le sang, ensevelirent les camarades tombés au combat et poursuivirent la lutte. Levant haut le grand drapeau de la révolution, ils entreprirent de résister par les armes. Dans de vastes régions de la Chine, ils instaurèrent le pouvoir du peuple, procédèrent à la réforme du système agraire, créèrent une armée populaire, l’Armée rouge chinoise ; ils conservèrent ainsi, puis développèrent les forces révolutionnaires du peuple chinois. Les trois principes du peuple révolutionnaires du Dr Sun Yat-sen, rejetés par les réactionnaires du Kuomintang, furent maintenus par le peuple, le Parti communiste et d’autres démocrates.
Après l’invasion des trois provinces du Nord-Est par le Japon, le Parti communiste proposa, en 1933, aux forces du Kuomintang qui attaquaient les bases révolutionnaires et l’Armée rouge la conclusion d’un armistice en vue d’une résistance commune à l’envahisseur ; cette proposition comportait les trois conditions suivantes : arrêter les attaques, accorder au peuple les libertés démocratiques, armer le peuple. Mais les autorités du Kuomintang la repoussèrent.
Dès lors, le gouvernement du Kuomintang poursuivit avec une fureur accrue sa politique de guerre civile, tandis que s’élevait, de plus en plus impérieuse, la voix du peuple chinois qui réclamait la cessation de la guerre civile et l’union pour la résistance au Japon. Toutes sortes d’organisations populaires patriotiques se formèrent à Changhaï et en beaucoup d’autres endroits. De 1934 à 1936, sous la direction de notre Comité central, les forces principales de l’Armée rouge, qui se trouvaient au nord et au sud du Yangtsé, se déplacèrent et, après avoir subi mille épreuves, arrivèrent dans le Nord-Ouest, où elles firent jonction avec les unités de l’Armée rouge qui y opéraient déjà. C’est au cours de ces deux années que, pour répondre à la situation nouvelle, le Parti communiste chinois établit et appliqua une ligne politique nouvelle et complète, celle de la création d’un front uni national antijaponais, avec comme objectif de combat l’union pour la résistance au Japon et la fondation d’une république de démocratie nouvelle. Le 9 décembre 1935, la grande masse des étudiants de Peiping déclencha, sous la direction de notre Parti, un héroïque mouvement patriotique ; elle créa l’Avant-garde pour la Libération de la Nation chinoise2 et étendit le mouvement à toutes les grandes villes du pays. Le 12 décembre 1936, à la tête de l’Armée du Nord-Est et de la XVIIe Armée de Route, deux groupes patriotes du Kuomintang, partisans de la Résistance, s’unirent et s’opposèrent courageusement à la politique réactionnaire des autorités du Kuomintang, politique de compromis avec l’envahisseur et de répression sanglante à l’intérieur du pays ; ainsi eut lieu le célèbre Incident de Sian. D’autres patriotes, au sein du Kuomintang, étaient également mécontents de la politique pratiquée par les autorités de ce parti. Aussi celles-ci se virent-elles contraintes de renoncer à leur politique de guerre civile et de faire état des exigences du peuple. Le règlement pacifique de l’Incident de Sian marqua un tournant : des rapports de coopération s’établirent à l’intérieur du pays dans des circonstances nouvelles, et ce fut le début de la guerre de résistance à l’échelle nationale. En mai 1937, peu de temps avant l’Incident de Loukeoukiao, notre Parti convoqua une conférence nationale de portée historique, qui approuva la nouvelle ligne politique appliquée depuis 1935 par le Comité central.
Durant la période qui s’étend de l’Incident de Loukeoukiao, survenu le 7 juillet 1937, à la chute de Wouhan, en octobre 1938, le gouvernement du Kuomintang fut relativement actif dans la guerre contre le Japon. Au cours de cette période, les attaques de grande envergure lancées par l’envahisseur japonais et la montée de l’indignation patriotique du peuple chinois obligèrent le gouvernement du Kuomintang à faire de la lutte contre l’envahisseur l’élément principal de sa politique, ce qui permit, dans des conditions relativement favorables, un essor de la résistance antijaponaise de toute l’armée et de tout notre peuple et engendra, pour quelque temps, une atmosphère nouvelle d’enthousiasme général. Tout le peuple, y compris les communistes et les démocrates, fondait à cette époque de grands espoirs sur le gouvernement du Kuomintang : il attendait de ce gouvernement qu’il procédât à des réformes démocratiques et mît en pratique les trois principes du peuple révolutionnaires du Dr Sun Yat-sen, à un moment où la nation était en péril et où l’élan populaire prenait son essor. Mais ces espoirs furent déçus. Même au cours de ces deux années de résistance relativement active, les autorités du Kuomintang continuèrent de s’opposer à la mobilisation des larges masses pour une guerre populaire, et de freiner les efforts spontanés de notre peuple qui cherchait à s’unir pour mener des activités antijaponaises et démocratiques. Quoiqu’il eût quelque peu modifié son attitude envers le Parti communiste chinois et les autres partis et groupements politiques antijaponais, le gouvernement du Kuomintang refusa cependant de les traiter sur un pied d’égalité et limita leur activité par tous les moyens possibles. Il ne voulut pas relâcher les nombreux détenus politiques qui avaient été arrêtés pour leur activité patriotique. Et surtout, il continua de maintenir la dictature oligarchique qu’il avait établie après avoir déclenché la guerre civile en 1927, ce qui rendait impossible la création d’un gouvernement démocratique de coalition jouissant de l’appui de toute la nation.
Dès le début de cette période, nous, communistes, nous avons montré l’existence de deux lignes dans la Guerre de Résistance : ou une guerre générale, menée par le peuple, et qui conduit à la victoire, ou une guerre partielle, qui maintient le peuple opprimé, et qui conduit à la défaite. Nous avons également indiqué que la guerre serait longue, que de nombreuses difficultés et privations seraient inévitables, mais que, grâce à ses efforts, le peuple chinois remporterait la victoire finale.
LA GUERRE POPULAIRE
Au cours de cette période, les forces principales de l’Armée rouge chinoise dirigée par le Parti communiste, qui avaient été transférées dans le Nord-Ouest, prirent une nouvelle dénomination et devinrent la VIIIe Armée de Route de l’Armée révolutionnaire nationale de Chine ; quant aux détachements de partisans de l’Armée rouge, qui étaient restés au nord et au sud du Yangtsé, ils prirent, eux aussi, une nouvelle dénomination et devinrent la Nouvelle IVe Armée de l’Armée révolutionnaire nationale ; la première alla se battre en Chine du Nord, la seconde en Chine centrale. Pendant la période de la guerre civile, l’Armée rouge chinoise conserva et développa les traditions démocratiques de l’Académie militaire de Whampou et de l’Armée révolutionnaire nationale du temps de l’Expédition du Nord. Ses effectifs avaient atteint à un moment donné plusieurs centaines de milliers d’hommes. Mais, par suite de la sauvage répression exercée par le gouvernement du Kuomintang dans nos bases d’appui du Sud et des pertes éprouvées au cours de la Longue Marche, et pour d’autres raisons encore, ils avaient diminué au point de ne plus compter, au début de la Guerre de Résistance contre le Japon, que quelques dizaines de milliers d’hommes. Aussi d’aucuns dédaignaient-ils cette armée, estimant que, dans la Guerre de Résistance, il fallait compter essentiellement sur le Kuomintang. Mais le peuple est le meilleur juge ; il savait que la VIIIe Armée de Route et la Nouvelle IVe Armée, quoique peu nombreuses, étaient des troupes de haute qualité, qu’elles seules étaient capables de mener une guerre authentiquement populaire, et qu’une fois arrivées sur le front de la Résistance et unies aux larges masses du lieu elles auraient devant elles des perspectives illimitées. Le peuple voyait juste, puisque au moment où je présente ce rapport notre armée compte déjà 910.000 hommes ; quant à la milice populaire, dont les membres ne sont pas détachés de la production agricole, elle dépasse 2.200.000 hommes. Il est vrai que notre armée régulière le cède de beaucoup en nombre aux forces dont dispose le Kuomintang (et qui comprennent des unités contrôlées par l’autorité centrale et des unités dépendant des autorités locales), mais si l’on considère l’importance des effectifs japonais et fantoches qu’elle combat et l’étendue de ses zones d’opérations, si l’on pense à sa capacité combative, si l’on tient compte de l’appui que lui apportent dans ses opérations les masses populaires, si l’on envisage enfin ses qualités politiques, son unité interne et sa cohésion, elle est bien devenue la force principale dans la guerre de résistance que mène la Chine contre le Japon.
Cette armée est forte parce que les hommes qui la composent obéissent à une discipline consciente ; ils se sont unis et combattent non pour les intérêts d’une poignée de gens ou d’un groupe restreint, mais pour les intérêts des larges masses populaires, pour les intérêts de la nation tout entière. Se tenir fermement aux côtés du peuple chinois, servir de tout cœur le peuple chinois, tel est l’unique dessein de cette armée.
Guidée par un tel dessein, cette armée va toujours de l’avant, intrépide et décidée à triompher de n’importe quel ennemi. Jamais elle ne se laissera soumettre. Quelles que soient les circonstances, et aussi difficiles qu’elles puissent être, elle se battra jusqu’au dernier homme.
Guidée par un tel dessein, cette armée connaît une remarquable cohésion dans ses rapports internes comme dans ses relations extérieures. A l’intérieur de l’armée, la cohésion règne dans les rapports entre officiers et soldats, entre supérieurs et subordonnés, entre le travail militaire proprement dit, le travail politique et les services de l’Intendance ; à l’extérieur, elle règne dans les relations entre l’armée et le peuple, entre l’armée et les organes du pouvoir, entre nos troupes et les troupes amies. Tout ce qui peut nuire à cette cohésion doit être banni.
Guidée par un tel dessein, cette armée applique une politique juste afin de gagner à elle les officiers et les soldats de l’ennemi ; elle agit de même dans le traitement des prisonniers de guerre. Tous ceux qui se rendent à nous, qui passent de notre côté ou qui, après avoir déposé les armes, désirent participer à la lutte contre l’ennemi commun seront les bienvenus et recevront une éducation appropriée. Il n’est permis à personne de tuer, de maltraiter ou d’humilier un prisonnier de guerre.
Guidée par un tel dessein, cette armée a élaboré une série de principes stratégiques et tactiques indispensables à la guerre populaire. Elle sait mener la guerre de partisans avec mobilité et souplesse, en s’adaptant aux conditions concrètes d’une situation changeante ; elle sait également mener la guerre de mouvement.
Guidée par un tel dessein, cette armée a créé un système de travail politique indispensable à la guerre populaire et qui vise à promouvoir la cohésion dans ses rangs, l’union avec les troupes amies ainsi que l’union avec le peuple, à provoquer la désagrégation de l’armée ennemie et à assurer la victoire dans les combats.
Guidée par un tel dessein, cette armée tout entière peut, dans les conditions de la guerre de partisans, entreprendre, comme elle l’a déjà fait, la production des céréales et d’autres biens de première nécessité, en utilisant les intervalles entre les combats, ainsi que les heures libres qui suivent l’entraînement, ce qui lui permet de subvenir elle-même, totalement, pour moitié ou pour une petite partie, à ses propres besoins et de surmonter ainsi les difficultés économiques, d’améliorer ses conditions matérielles et d’alléger la charge du peuple. Elle a en outre exploité toutes les possibilités pour créer dans ses bases d’appui un grand nombre de petites usines d’armement.
De plus, cette armée est forte parce qu’elle est appuyée dans ses opérations par les vastes organisations armées des masses que sont les forces populaires d’autodéfense et la milice populaire. Dans les régions libérées de Chine, toute la jeunesse ainsi que les adultes des deux sexes s’organisent en forces populaires d’autodéfense antijaponaises, sur la base du volontariat et des principes démocratiques, et sans se détacher de la production. Les éléments d’élite de ces forces d’autodéfense, à l’exception de ceux qui rejoignent l’armée et les détachements de partisans, s’organisent en milice populaire. Sans l’appui de ces forces armées des masses, il serait impossible de vaincre l’ennemi.
Enfin, cette armée est forte parce qu’elle se compose de deux parties, les forces principales et les unités territoriales ; les premières peuvent à tout moment être appelées à exécuter des opérations qui ne se limitent pas à une seule région, tandis que les secondes ont uniquement pour tâche de défendre leur propre région ou d’y porter des coups à l’adversaire, de concert avec la milice populaire et les forces d’autodéfense. La population approuve entièrement cette juste répartition des tâches. Si l’on ne procédait pas de cette manière, si, par exemple, on ne prêtait attention qu’aux forces principales en négligeant le rôle des unités territoriales, il serait également impossible, dans les conditions où se trouvent les régions libérées de Chine, de vaincre l’ennemi. Les unités territoriales ont formé un grand nombre d’équipes de travail armées, composées d’hommes bien entraînés et, partant, mieux préparés au travail militaire et politique, ainsi qu’au travail de masse ; de grands succès ont été remportés par ces équipes, qui, en pénétrant profondément dans les régions occupées, ont porté des coups à l’ennemi, soulevé les masses populaires contre l’envahisseur japonais et appuyé par là même les opérations menées de front dans les régions libérées.
Sous la direction du pouvoir démocratique, un appel a été lancé, dans les régions libérées de Chine, à toute la population civile en lutte contre l’envahisseur pour qu’elle se groupe dans des organisations d’ouvriers, de paysans, de jeunes ou de femmes, dans des organisations culturelles, professionnelles ou autres, qui, pour soutenir l’armée, accompliront avec ardeur les tâches les plus variées. Il s’agit non seulement d’encourager la population à s’enrôler, à transporter les vivres pour le compte de l’armée, à prendre soin des familles des combattants, à aider l’armée à résoudre ses difficultés matérielles, mais également de mobiliser les détachements de partisans, la milice populaire et les forces d’autodéfense, afin qu’ils déclenchent et développent un mouvement pour l’exécution de coups de main et la pose de mines, qu’ils accomplissent des missions de reconnaissance, liquident traîtres et espions, transportent et protègent les blessés, apportant ainsi une aide directe aux opérations de l’armée. En même temps, toute la population des régions libérées travaillera avec ardeur à l’édification dans les domaines politique, économique et culturel, ainsi que dans le domaine de la santé publique. L’essentiel est de mobiliser toute la population pour la production des céréales et des articles de consommation courante, et, d’autre part, d’obtenir de tous les organismes et de toutes les écoles, à l’exception de ceux qui se trouvent dans des circonstances particulières, qu’ils participent durant les heures libres au travail productif en vue de pourvoir à leurs propres besoins et qu’ils s’associent ainsi au mouvement déclenché dans le même but par la population civile et par l’armée. On pourra alors susciter un immense élan pour la production, qui permettra de soutenir une guerre de résistance prolongée. Dans les régions libérées, les dégâts causés par l’ennemi sont extrêmement sérieux ; et les inondations, la sécheresse, les dommages occasionnés par les insectes nuisibles y sont fréquents. Mais, sous la direction du pouvoir démocratique, la population a surmonté et surmonte avec méthode toutes ces difficultés. Des succès sans précédent ont été obtenus dans le grand mouvement de masse lancé en vue de combattre les sauterelles et les inondations et de secourir les sinistrés, c’est cela qui nous a permis de soutenir si longtemps la Guerre de Résistance. Bref, tout pour le front, tout pour la défaite de l’envahisseur japonais et la libération du peuple chinois, tel est le mot d’ordre général, telle est la politique générale pour l’armée et la population civile des régions libérées de Chine.
Voilà la véritable guerre populaire, la seule qui nous permette de vaincre l’ennemi de la nation. Si le Kuomintang subit des défaites, c’est qu’il s’oppose frénétiquement à la guerre populaire.
Lorsque l’armée des régions libérées de Chine sera dotée d’armes modernes, elle sera encore plus puissante et elle pourra écraser définitivement l’envahisseur japonais.
LES DEUX FRONTS DE LA GUERRE
En Chine, la Guerre de Résistance s’est engagée dès le début sur deux fronts : celui du Kuomintang et celui des régions libérées.
Après la chute de Wouhan en octobre 1938, l’envahisseur japonais cessa son offensive stratégique contre le front du Kuomintang et transféra progressivement ses principales forces armées sur le front des régions libérées. En même temps, exploitant les dispositions défaitistes qui se manifestaient au sein du gouvernement du Kuomintang, il fit connaître son désir d’arriver avec lui à une paix de compromis, et, adoptant une politique destinée à duper la nation chinoise, il amena le traître Wang Tsing-wei à quitter Tchongking et à créer à Nankin un gouvernement fantoche. Dès lors, le gouvernement du Kuomintang commença à modifier sa politique : il en déplaça progressivement le centre de gravité, le faisant passer de la résistance au Japon à la lutte contre les communistes et lé peuple. Cette modification se manifesta avant tout dans le domaine militaire. Pour conserver ses forces, le gouvernement du Kuomintang adopta une politique de résistance passive à l’égard du Japon et fit supporter le poids principal de la guerre aux régions libérées, en laissant l’agresseur entreprendre de vastes offensives contre elles, tandis que lui-même “observait le combat des tigres du haut de la montagne”.
En 1939, le gouvernement du Kuomintang adopta les “Mesures pour la limitation de l’activité des partis hérétiques”, mesures réactionnaires qui retiraient au peuple et aux partis et groupements politiques antijaponais les quelques droits qu’ils avaient pu conquérir au début de la guerre. Dès lors, dans les régions du Kuomintang, tous les partis et groupements démocratiques, et, en tout premier lieu, le Parti communiste chinois furent rejetés dans la clandestinité. Dans les provinces contrôlées par le Kuomintang, les prisons et les camps de concentration s’emplirent de communistes, de jeunes patriotes et d’autres militants démocrates. En cinq ans, de 1939 à l’automne 1943, le gouvernement du Kuomintang déclencha trois grandes “campagnes anticommunistes”3; il brisa ainsi l’union nationale et plaça le pays devant le grave danger d’une guerre civile. C’est au cours de cette période que la “dissolution” de la Nouvelle IVe Armée fut ordonnée et qu’une partie de ses troupes, forte de plus de 9.000 hommes, fut anéantie dans l’Anhouei du Sud — événement qui souleva une grande émotion dans le pays et à l’étranger. Jusqu’à présent, les troupes du Kuomintang n’ont pas cessé d’attaquer les forces des régions libérées, et rien ne permet de prévoir quand elles mettront fin à leurs attaques. Dans ces circonstances, les réactionnaires du Kuomintang ont vomi toutes sortes de calomnies et d’injures : “parti traître”, “armée de traîtres”, “régions de traîtres”, “saper la Résistance et mettre l’Etat en danger”, etc., autant de qualificatifs et d’expressions qu’ils ont fabriqués en vue de diffamer le Parti communiste, la VIIIe Armée de Route, la Nouvelle IVe Armée et les régions libérées. Le 7 juillet 1939, le Comité central du Parti communiste chinois publia un manifeste dans lequel, par souci de surmonter la crise qui avait éclaté, il avançait le mot d’ordre suivant : “Persévérer dans la Résistance et s’opposer à la capitulation, persévérer dans l’union et s’opposer à la division, persévérer dans le progrès et s’opposer à la régression”. Conformément à ce mot d’ordre qui répondait aux exigences du moment, notre Parti, au cours de ces cinq années, repoussa énergiquement à trois reprises les “campagnes anticommunistes”, réactionnaires et antipopulaires, et, chaque fois, il surmonta la crise.
Durant cette période, il n’y eut, en fait, pas d’opérations sérieuses sur le front du Kuomintang. Les baïonnettes de l’envahisseur étaient surtout dirigées contre les régions libérées. En 1943, les forces armées et la population civile des régions libérées durent tenir tête à 64 pour cent des forces japonaises en Chine et à 95 pour cent des troupes fantoches, alors que sur le front du Kuomintang il n’y avait que 36 pour cent des forces japonaises et 5 pour cent des troupes fantoches.
En 1944, lorsque l’envahisseur japonais entreprit des opérations militaires pour s’emparer, sur toute sa longueur, de la ligne de communication qui relie le nord et le sud du pays, l’armée du Kuomintang, désemparée, se montra incapable d’offrir la moindre résistance. En quelques mois, de vastes régions du Honan, du Hounan, du Kouangsi et du Kouangtong tombèrent aux mains de l’ennemi. C’est à cette époque seulement que se produisit un certain changement dans la proportion des forces ennemies engagées contre les deux fronts. Mais, au moment même où je présente mon rapport, sur les 40 divisions japonaises engagées dans l’agression contre la Chine et fortes de 580.000 hommes (sans compter les troupes japonaises en Mandchourie), le front des régions libérées résiste à 22 divisions et demie, groupant 320.000 hommes, soit à 56 pour cent de l’ensemble des forces de l’adversaire, alors qu’il n’y a, sur le front du Kuomintang, que 17 divisions et demie, soit 260.000 hommes, ou 44 pour cent de l’ensemble des forces ennemies. Quant à la proportion des troupes fantoches, elle n’a nullement changé.
Notons par ailleurs que l’armée fantoche (troupes régulières et forces locales), dont l’effectif se monte à plus de 800.000 hommes, se compose en majeure partie d’unités qui avaient suivi des généraux du Kuomintang dans leur désertion à l’ennemi ou d’unités mises sur pied par des officiers du Kuomintang qui s’étaient rendus aux Japonais. Les réactionnaires du Kuomintang avaient, au préalable, doté cette armée fantoche de la théorie absurde et traîtresse du “salut de la patrie par une voie détournée”. Par la suite, ils lui ont apporté un soutien tant du point de vue moral que sur le plan de l’organisation, pour qu’elle attaque les régions libérées du peuple chinois, en coordination avec l’envahisseur japonais. En outre, ils ont massé des forces importantes — pas moins de 797.000 hommes — pour établir un blocus et lancer des attaques contre la région frontière du Chensi-KansouNinghsia et les autres régions libérées. De nombreux Chinois et étrangers ignorent la gravité de cette situation, en raison de la sévère censure établie par le gouvernement du Kuomintang.
LES RÉGIONS LIBÉRÉES DE CHINE
Les régions libérées de Chine, dirigées par le Parti communiste, comptent actuellement une population de 95.500.000 habitants. Elles se sont établies jusqu’en Mongolie intérieure, au nord, et jusqu’à l’île de Haïnan, au sud. Dans la plupart des régions que l’ennemi a pu atteindre, opèrent la VIIIe Armée de Route, la Nouvelle IVe Armée et les autres forces populaires. Le vaste territoire libéré se compose de dix-neuf grandes régions qui embrassent soit la majeure partie, soit une faible partie des provinces du Liaoning, du Jehol, du Tchahar, du Soueiyuan, du Chensi, du Kansou, du Ninghsia, du Chansi, du Hopei, du Honan, du Chantong, du Kiangsou, du Tchékiang, de l’Anhouei, du Kiangsi, du Houpei, du Hounan, du Kouangtong et du Foukien. Yenan est le centre dirigeant de toutes ces régions libérées. La région frontière du Chensi-Kansou-Ninghsia, qui se trouve à l’ouest du fleuve Jaune, avec une population de 1.500.000 habitants seulement, n’est qu’une des dix-neuf régions qui composent le vaste territoire libéré ; elle vient au dernier rang quant à la population, à l’exception de deux autres régions, l’une dans le Tchékiang oriental, l’autre dans l’île de Haïnan. Ceux qui ne sont pas au courant de la situation s’imaginent que les régions libérées de Chine comprennent essentiellement la région frontière du Chensi-Kansou-Ninghsia. C’est là une idée fausse qui provient de la politique de blocus pratiquée par le gouvernement du Kuomintang. Dans chacune des régions libérées, sont appliquées toutes les mesures qu’exige la politique de front uni national antijaponais ; des organes du pouvoir élus par le peuple et où coopèrent les communistes, les représentants des autres partis et groupements politiques antijaponais, ainsi que les personnalités sans-parti opposées au Japon, c’est-à-dire des gouvernements locaux de coalition, ont été créés ou sont en voie de création. Les énergies de toute la population y sont mises en œuvre. Ainsi, malgré la pression d’un puissant agresseur, malgré les attaques et le blocus entrepris par l’armée du Kuomintang, malgré l’absence totale d’aide extérieure, ces régions ont pu se maintenir, et même se développer de jour en jour tout en réduisant les territoires occupés par l’ennemi et en étendant les leurs ; elles sont devenues le modèle d’une Chine démocratique, la force principale qui chassera l’envahisseur japonais, en coordination avec les pays alliés, et libérera le peuple chinois. Les forces des régions libérées — la VIIIe Armée de Route, la Nouvelle IVe Armée et les autres forces populaires — donnent l’exemple non seulement par leur héroïsme dans la guerre contre le Japon, mais aussi quand il s’agit d’appliquer les mesures démocratiques qu’implique la politique de front uni national antijaponais. Le 22 septembre 1937, le Comité central du Parti communiste chinois publiait un manifeste dans lequel il déclare : “Les trois principes du peuple du Dr Sun Yat-sen étant aujourd’hui nécessaires à la Chine, notre Parti est prêt à lutter pour leur réalisation complète.” Ce manifeste a été entièrement mis en œuvre dans les régions libérées.
LES RÉGIONS CONTRÔLÉES PAR LE KUOMINTANG
La principale clique dirigeante du Kuomintang, qui se cramponne à son régime de dictature, pratique une politique de résistance passive à l’égard du Japon et une politique intérieure dirigée contre le peuple. En conséquence, ses forces armées ont diminué de plus de la moitié, et la plupart de celles qui subsistent ont pratiquement perdu leur capacité combative ; un abîme profond s’est creusé entre cette clique et les masses populaires, et une crise grave a éclaté : le peuple, réduit à la misère, bout d’indignation et se soulève de toutes parts. La principale clique dirigeante du Kuomintang, dont le rôle dans la Guerre de Résistance s’est brutalement affaibli, est devenue un obstacle pour la mobilisation et l’unification de toutes les forces antijaponaises du peuple chinois.
Pourquoi une situation aussi grave a-t-elle pu se créer sous sa domination ? C’est parce qu’elle représente les intérêts des grands propriétaires fonciers, banquiers et compradores de Chine, c’est-à-dire d’une couche réactionnaire formée d’une infime minorité de gens qui contrôlent tous les leviers de commande dans les organismes militaires, politiques, économiques et culturels placés sous l’autorité du gouvernement du Kuomintang. Les gens de cette clique font passer la défense de leurs propres intérêts avant la résistance au Japon. Ils déclarent que “la nation est au-dessus de tout”, mais leurs actes ne s’accordent pas avec les revendications de la majorité de la nation. Ils déclarent que “l’Etat est au-dessus de tout”, mais l’Etat qu’ils entendent est celui de la dictature féodalo-fasciste des grands propriétaires fonciers, banquiers et compradores, et non l’Etat démocratique des masses populaires. C’est pourquoi ils ont peur que le peuple ne se lève, ils redoutent le mouvement démocratique et craignent une mobilisation effective de toute la nation dans la guerre contre le Japon. Voilà la cause première de leur politique de résistance passive à l’égard du Japon et de leur politique intérieure réactionnaire, dirigée contre le peuple, la démocratie et le Parti communiste. Ils appliquent une politique double dans tous les domaines. Par exemple, tout en luttant contre le Japon, ils adoptent une politique de résistance passive ; de plus, ils sont constamment l’objet des manœuvres de l’agresseur japonais qui les incite à capituler. Ils parlent de développer l’économie de la Chine, mais, en fait, ils procèdent à l’accumulation de leur propre capital bureaucratique, à savoir le capital des grands propriétaires fonciers, banquiers et compradores ; ils monopolisent les secteurs vitaux de l’économie chinoise, tout en opprimant cruellement les paysans, les ouvriers, la petite bourgeoisie et la bourgeoisie libérale. Ils parlent de réaliser “la démocratie”, de “rendre le pouvoir au peuple”, mais, en réalité, ils répriment brutalement le mouvement démocratique du peuple et refusent d’introduire la moindre réforme démocratique. Ils disent que “la question du Parti communiste est un problème politique à régler par des moyens politiques”, et pourtant ils font peser sur le Parti communiste chinois une brutale oppression militaire, politique et économique, en considérant ce dernier comme “l’ennemi numéro un” et l’envahisseur japonais comme un ennemi de second plan; et, chaque jour, ils se préparent activement à la guerre civile, ruminant toutes sortes de plans en vue d’anéantir notre Parti. Ils disent qu’ils veulent créer un “Etat moderne”, mais en fait ils s’emploient par tous les moyens à préserver la dictature féodalo-fasciste des grands propriétaires fonciers, banquiers et compradores. Ils maintiennent, pour la forme, des relations diplomatiques avec l’Union soviétique, mais, dans la pratique, ils adoptent à son égard une attitude hostile. En chœur avec les isolationnistes américains, ils chantent : “L’Asie d’abord, l’Europe ensuite”, afin de prolonger les jours de l’Allemagne fasciste, autrement dit, ceux du fascisme en général, donc aussi de leur propre domination fasciste sur le peuple chinois ; mais, par ailleurs, ils se livrent à des manœuvres diplomatiques et jouent les héros antifascistes. Si vous cherchez à découvrir l’origine de toute cette politique double, contradictoire, vous la trouverez dans la couche sociale des grands propriétaires fonciers, banquiers et compradores.
Mais le Kuomintang n’est pas un parti homogène. Bien qu’il soit dominé et dirigé par la clique réactionnaire qui représente les grands propriétaires fonciers, banquiers et compradores, on ne saurait l’assimiler entièrement à elle. Une partie de ses leaders n’appartiennent pas à cette clique qui, pour sa part, les attaque, les évince ou les méprise. Beaucoup de ses cadres et de ses membres de la base, ainsi que de nombreux membres de la Ligue de la Jeunesse des Trois Principes du Peuple sont mécontents de la direction exercée par cette clique ; certains même s’y opposent. Semblable situation se retrouve dans les armées, les administrations gouvernementales, les organismes économiques et culturels du Kuomintang, que contrôle cette clique : on y compte bon nombre de démocrates. Et la clique elle-même, divisée en plusieurs groupes rivaux, n’est nullement monolithique. On aurait incontestablement tort de considérer le Kuomintang comme une masse homogène, uniquement composée de réactionnaires.
UN CONTRASTE
Le peuple chinois voit clairement le contraste entre les régions libérées et les régions du Kuomintang.
N’est-ce pas évident ? Nous avons devant nous deux lignes, la ligne de la guerre populaire et celle de la résistance passive qui s’oppose à la guerre populaire ; la première conduit à la victoire, en dépit des conditions difficiles des régions libérées et de l’absence d’aide extérieure; la seconde conduit à la défaite, en dépit des conditions extrêmement favorables et de l’aide étrangère dont jouissent les régions du Kuomintang.
Le gouvernement du Kuomintang attribue ses défaites à un armement insuffisant. Mais qui manque vraiment d’armes, les troupes du Kuomintang ou celles des régions libérées ? De toutes les forces armées de Chine, ce sont celles des régions libérées qui en manquent le plus. Elles se les procurent soit en les prenant à l’ennemi, soit en les fabriquant elles-mêmes dans les conditions les plus défavorables.
Les forces placées directement sous l’autorité centrale du Kuomintang ne sont-elles pas bien mieux équipées que les forces locales? Pourtant, en capacité combative, les premières, dans leur majorité, le cèdent aux secondes.
Le Kuomintang dispose d’un potentiel humain énorme ; cependant, en raison de sa mauvaise politique de recrutement, il lui est extrêmement difficile de compléter ses forces. Quant aux régions libérées, coupées les unes des autres par l’ennemi et obligées de livrer des combats incessants, elles possèdent des réserves inépuisables, parce qu’on y a appliqué partout le système de la milice populaire et des forces d’autodéfense, adapté aux besoins du peuple, et qu’on a réussi à éviter tout emploi abusif et tout gaspillage des ressources humaines.
Le Kuomintang dispose de vastes régions riches en céréales, et la population lui fournit 70 à 100 millions de piculs de grain par an ; néanmoins, l’armée du Kuomintang manque constamment de vivres et ses soldats sont amaigris par la sous-alimentation, parce que ceux qui ont la charge des grains s’en approprient la majeure partie. La plupart des régions libérées, qui se trouvent sur les arrières de l’ennemi, subissent les destructions dues à sa politique de “tout brûler, tout tuer, tout piller”, alors que d’autres, comme le Chensi du Nord, sont formées de contrées très arides ; cependant, nous avons réussi à résoudre le problème du ravitaillement en développant la production agricole grâce à nos propres efforts.
Les régions du Kuomintang traversent une crise économique extrêmement grave ; la plupart des industries sont ruinées, et même des articles de consommation courante, telles les cotonnades, doivent être importés des Etats-Unis. En revanche, les régions libérées sont capables de couvrir elles-mêmes leurs besoins en cotonnades et autres articles de consommation courante grâce au développement de l’industrie.
Dans les régions du Kuomintang, les ouvriers, les paysans, les employés de commerce, les fonctionnaires, les intellectuels et les travailleurs culturels vivent dans la plus noire misère. Dans les régions libérées, toute la population est assurée de recevoir nourriture, vêtements et travail.
C’est un trait marquant des régions du Kuomintang que des gens y profitent de la Guerre de Résistance pour s’enrichir aux dépens de la nation, que de gros fonctionnaires y font figure de brasseurs d’affaires, que la corruption est monnaie courante, que l’intégrité et l’honneur ont disparu. C’est un trait marquant des régions libérées que les gens y mènent une vie exemplaire de dur combat, qu’ils consacrent leur temps libre à l’activité productrice, que la probité y est récompensée et la corruption bannie.
Dans les régions du Kuomintang, le peuple est privé de toute liberté. Dans les régions libérées, il jouit d’une liberté pleine et entière.
A qui reprocher toutes ces anomalies devant lesquelles se trouvent placés les gouvernants du Kuomintang ? Aux autres ou à eux-mêmes ? Aux pays étrangers, qui leur auraient donné une aide insuffisante, ou au gouvernement du Kuomintang, qui pratique la dictature, qui est pourri et incapable? La réponse n’est-elle pas évidente ?
QUI DONC “SAPE LA RÉSISTANCE ET MET L’ÉTAT EN DANGER” ?
Les faits n’ont-ils pas pleinement prouvé que c’est bien le gouvernement du Kuomintang qui sape la Résistance du peuple chinois et met notre pays en danger ? Pendant dix années entières, ce gouvernement s’est jeté corps et âme dans la guerre civile, en dirigeant la pointe de son épée contre le peuple et en négligeant totalement la défense nationale ; sa politique de non-résistance a entraîné la perte des quatre provinces du Nord-Est. Quand l’envahisseur japonais passa au sud de la Grande Muraille, les gens du Kuomintang ne surent lui opposer que le plus grand désarroi, et reculèrent de Loukeoukiao jusque dans le Koueitcheou. Et ce sont eux qui osent prétendre que “les communistes sapent la Résistance et mettent l’Etat en danger” (voir les résolutions de la onzième session plénière du Comité exécutif central du Kuomintang, septembre 1943). Leur seul argument, c’est que le Parti communiste, ralliant le peuple de tous les milieux, a créé des régions libérées, qui résistent héroïquement au Japon. La logique de ces gens diffère à tel point de celle du peuple chinois qu’il n’est pas étonnant qu’on ne puisse arriver à trouver un langage commun sur de nombreux problèmes.
Deux questions se posent :
Premièrement, pour quelle raison, en définitive, le gouvernement du Kuomintang a-t-il abandonné à l’ennemi un territoire aussi vaste, aussi peuplé, s’étendant d’abord du Heilongkiang à Loukeoukiao, puis de Loukeoukiao au Koueitcheou ? N’est-ce pas parce qu’il a suivi une politique de non-résistance, puis de résistance passive, et une politique intérieure dirigée contre le peuple ?
Deuxièmement, pour quelle raison, en définitive, nos régions libérées ont-elles réussi à repousser les attaques acharnées et continuelles des troupes japonaises et fantoches, à reprendre à l’ennemi de notre nation un territoire aussi vaste et à libérer une population aussi nombreuse ? N’est-ce pas à cause de la juste ligne de la guerre populaire ?
“DÉSOBÉISSANCE AUX DÉCRETS GOUVERNEMENTAUX ET AUX ORDRES MILITAIRES”
Le gouvernement du Kuomintang accuse constamment le Parti communiste chinois de “désobéissance aux décrets gouvernementaux et aux ordres militaires”. Nous nous contenterons de dire ceci : Il est heureux que les communistes aient conservé ce bon sens propre au peuple chinois et qu’ils n’aient pas obéi à ces “décrets gouvernementaux” et à ces “ordres militaires”, qui visaient au fond à rendre à l’envahisseur japonais les régions libérées que le peuple chinois lui avait arrachées au prix d’une lutte âpre et difficile. De ces prétendus ordres et décrets relèvent notamment les “Mesures pour la limitation de l’activité des partis hérétiques” (1939), la “dissolution de la Nouvelle IVe Armée” et le “retrait des troupes au nord de l’ancien lit du fleuve Jaune” (1941), la “dissolution du Parti communiste chinois” (1943), la “dissolution, dans un délai déterminé, de toutes les troupes, sauf dix divisions” (1944) ; il y a aussi la proposition — baptisée “concession” par le gouvernement du Kuomintang — faite au cours des récents pourparlers et demandant aux communistes de remettre au Kuomintang leurs troupes et les organes locaux du pouvoir, en échange, non pas d’un accord sur la formation d’un gouvernement de coalition, mais de quelques portefeuilles ministériels dans son gouvernement dictatorial. Heureusement, nous ne nous sommes pas laissé soumettre, et nous avons conservé intacte au peuple chinois une partie de son territoire, ainsi qu’une armée qui lutte héroïquement contre l’envahisseur. Le peuple chinois ne doit-il pas se féliciter de cette “désobéissance” ? N’est-ce pas assez que le gouvernement du Kuomintang ait, par ses décrets fascistes et ses ordres militaires défaitistes, cédé à l’envahisseur, avec toute sa population, l’immense territoire qui s’étend du Heilongkiang au Koueitcheou ? A part l’envahisseur japonais et les réactionnaires chinois qui approuvent ces “décrets gouvernementaux” et ces “ordres militaires”, se trouve-t-il, dans toute la Chine, un seul patriote honnête pour y souscrire ? A moins de voir s’établir un gouvernement de coalition authentique et non de pure forme, un gouvernement démocratique et non de dictature fasciste, peut-on s’imaginer que le peuple chinois permette aux communistes d’abandonner délibérément au gouvernement du Kuomintang, défaitiste, fasciste et dictatorial, les régions libérées, où lui-même s’est émancipé, ainsi que les forces armées populaires qui se sont illustrées dans la Guerre de Résistance ? Sans les régions libérées et sans leurs forces armées, qu’en serait-il aujourd’hui de la lutte du peuple chinois contre l’envahisseur ? Quel avenir s’offrirait à notre nation ?
LE DANGER D’UNE GUERRE CIVILE
Aujourd’hui encore, la principale clique dirigeante du Kuomintang s’obstine dans sa politique réactionnaire de dictature et de guerre civile. Bien des indices montrent qu’elle se prépare depuis longtemps, et aujourd’hui plus que jamais, à déclencher une guerre civile dès que les armées d’une certaine puissance alliée auront, dans une bonne mesure, chassé l’envahisseur japonais de la partie continentale de la Chine. Elle espère aussi que certains généraux de cette puissance alliée joueront en Chine le même rôle que le général britannique Scobie4 en Grèce. Elle applaudit à la répression sanglante exercée par celui-ci et le gouvernement réactionnaire grec. Elle cherche à précipiter la Chine dans le gouffre d’une guerre civile, semblable à celle de 1927-1937. Derrière le rideau de fumée de la “convocation de l’Assemblée nationale” et de la “solution politique”, elle s’y prépare sourdement. Si nos compatriotes ne se tiennent pas sur leurs gardes, s’ils ne dénoncent pas son complot ni n’arrêtent ses préparatifs, ils entendront tonner, un beau matin, les canons de la guerre civile.
LES POURPARLERS
Pour écraser l’envahisseur japonais et édifier une Chine nouvelle, pour prévenir la guerre civile, le Parti communiste chinois, en accord avec les partis et groupements démocratiques, réclama, lors de la session du Conseil politique national en septembre 1944, la suppression immédiate de la dictature du seul Kuomintang et la création d’un gouvernement démocratique de coalition. Cette demande était sans aucun doute opportune, et, en quelques mois, elle gagna l’approbation des masses populaires.
Au sujet de l’abolition de la dictature d’un seul parti, de la création d’un gouvernement de coalition et de l’introduction des réformes démocratiques indispensables, nous eûmes, à de nombreuses reprises, des pourparlers avec le gouvernement du Kuomintang, mais ce dernier rejeta toutes nos propositions. Non seulement le Kuomintang refuse d’abolir la dictature d’un seul parti et d’envisager la création d’un gouvernement de coalition, il refuse même de procéder à des réformes démocratiques d’urgence, telles que la suppression des services secrets, l’abolition des lois et décrets réactionnaires, qui étouffent les libertés démocratiques, la libération des détenus politiques, la reconnaissance du statut légal des partis et groupements politiques, la reconnaissance des régions libérées, le retrait des troupes qui font le blocus de ces régions et qui les attaquent. Voilà pourquoi les rapports politiques sont devenus extrêmement tendus en Chine.
DEUX PERSPECTIVES
En considération de la situation, prise dans son ensemble, et de l’analyse que je viens de faire de ses différents éléments, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays, je voudrais mettre en garde nos camarades : ils ne doivent pas croire que chez nous tout sera facile, que tout ira à merveille. Il n’en sera pas ainsi. En fait, il existe deux possibilités, c’est-à-dire deux perspectives — l’une défavorable, l’autre favorable. La première, c’est que la dictature fasciste se maintiendra et que les réformes démocratiques ne seront pas autorisées ; que l’essentiel des efforts sera dirigé contre le peuple et non contre l’envahisseur japonais; que même après la défaite de ce dernier la guerre civile pourra éclater, ce qui ramènera la Chine à la condition misérable d’un pays qui ne possède ni indépendance, ni liberté, ni démocratie, ni unification, ni prospérité, ni puissance. Cette possibilité, cette perspective subsiste, elle n’est pas du tout exclue, elle n’a nullement disparu d’elle-même du fait que la situation internationale est favorable, que, dans le pays, la conscience politique du peuple s’est élevée et que ses forces organisées se sont développées. Ceux qui voudraient voir se réaliser cette possibilité ou perspective sont, en Chine, la clique antipopulaire au sein du Kuomintang et, à l’étranger, les réactionnaires aux aspirations impérialistes. C’est là un aspect de la question auquel il faut prêter attention.
Mais son autre aspect, c’est que, toujours en considération de la situation, prise dans son ensemble, et de l’analyse de ses différents éléments, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays, nous pouvons, avec une confiance et un courage accru, lutter pour la seconde possibilité ou perspective. Il s’agit de triompher de toutes les difficultés, d’unir tout le peuple, d’abolir la dictature fasciste du Kuomintang, de procéder à des réformes démocratiques, de consolider et d’accroître les forces antijaponaises, d’infliger une défaite définitive à l’agresseur japonais et d’édifier une Chine nouvelle qui soit indépendante, libre, démocratique, unifiée, forte et prospère. Ceux qui voudraient que cette possibilité ou perspective devienne une réalité sont, en Chine, les masses populaires, le Parti communiste et les partis et groupements démocratiques et, à l’étranger, toutes les nations qui nous traitent sur un pied d’égalité, les progressistes et les masses populaires.
Nous savons fort bien que devant nous et devant le peuple chinois se dressent encore de grandes difficultés et de nombreux obstacles, que notre route sera longue et sinueuse. Mais nous savons aussi qu’avec tout notre peuple nous surmonterons ces difficultés et ces obstacles, et accomplirons les tâches que l’histoire a assignées à la Chine. Lutter de toutes nos forces pour écarter la première possibilité et pour réaliser la seconde, lutter contre la première perspective et pour la seconde, voilà la grande tâche qui se pose à nous et à tout notre peuple. Ainsi, comme je viens de l’expliquer, la situation extérieure et intérieure nous est essentiellement favorable, à nous et à tout notre peuple. Nous espérons que les autorités du Kuomintang tiendront compte de la tendance générale dans le monde et du sentiment populaire en Chine, qu’elles auront le courage de mettre fin à leur politique erronée, afin d’assurer la victoire dans la Guerre de Résistance, d’alléger les souffrances du peuple chinois et de hâter la naissance d’une Chine nouvelle. Sachons bien que, aussi sinueuse que soit notre route, l’indépendance et la liberté du peuple chinois seront finalement conquises, et que le temps d’agir est venu. Il incombe à notre génération de réaliser ces grandes aspirations pour lesquelles, depuis plus d’un siècle, tant d’hommes ont donné leur vie; quiconque cherche à nous en empêcher va à coup sûr à l’échec.
J’ai analysé plus haut les deux lignes suivies pendant la Guerre de Résistance en Chine. Cet examen était tout à fait nécessaire. En effet, dans la masse de notre peuple, nombreux sont ceux qui ignorent encore ce qui se passe réellement dans cette guerre. La politique de blocus, appliquée par le gouvernement du Kuomintang, a voilé la vue à beaucoup de gens dans les régions du Kuomintang et à l’étranger. Ils ne connaissaient pratiquement rien des régions libérées jusqu’au jour où un groupe de journalistes chinois et étrangers vinrent les visiter en 1944. Mais dès le retour de ce groupe, le gouvernement du Kuomintang, qui craignait fort que la situation réelle dans les régions libérées ne fût connue à l’extérieur, en ferma l’accès et n’autorisa plus un seul journaliste à s’y rendre. Il interdit également toute diffusion d’informations susceptibles de révéler la vérité sur ses propres régions. Voilà pourquoi je crois qu’il est de notre devoir de faire connaître, dans toute la mesure du possible, la vérité sur les “deux zones” en Chine. Ce n’est qu’en ayant une image claire de la situation dans l’ensemble du pays qu’on saisira pourquoi il existe une telle différence de politique entre les deux plus grands partis de Chine — le Parti communiste et le Kuomintang, et pourquoi il y a une telle lutte entre les deux lignes. Ainsi seulement pourra-t-on comprendre que le différend entre les deux partis n’est pas, comme l’affirment certains, une querelle vaine et sans importance, une simple chicane, mais une controverse de principe qui décide du sort de centaines de millions d’êtres.
Devant la grave situation que connaît actuellement la Chine, le peuple, les partis et groupements démocratiques, les éléments démocrates du pays ainsi que ceux qui, à l’étranger, s’intéressent à ce qui se passe dans notre pays espèrent tous que chez nous la division fera place de nouveau à l’unité et que l’on procédera à des réformes démocratiques ; ils veulent tous connaître la politique que le Parti communiste chinois applique pour résoudre les nombreux et importants problèmes actuels. Les membres de notre Parti, bien entendu, s’en préoccupent au premier chef.
Notre politique de front uni national antijaponais a toujours été claire et précise ; elle a soutenu l’épreuve de huit années de guerre. Notre Congrès se doit d’en tirer les conclusions qui nous guideront dans notre lutte à venir.
Je m’arrêterai maintenant sur quelques conclusions définitives auxquelles a déjà abouti notre Parti à propos de mesures politiques importantes destinées à résoudre les problèmes de la Chine.
NOTRE PROGRAMME GÉNÉRAL
Pour mobiliser et unir toutes les forces antijaponaises du peuple chinois, pour écraser définitivement l’agresseur japonais et pour édifier une Chine nouvelle qui soit indépendante, libre, démocratique, unifiée, forte et prospère, notre peuple, le Parti communiste chinois et tous les autres partis et groupements démocratiques antijaponais ont un besoin urgent d’un programme commun sur lequel ils soient d’accord.
On peut diviser ce programme en deux parties : l’une d’ordre général, l’autre traitant des problèmes concrets. Je commencerai par le programme général, puis je passerai au programme concret.
Partant de la condition préalable qu’il faut écraser définitivement l’envahisseur japonais et édifier une Chine nouvelle, nous, communistes, nous sommes, à l’étape actuelle de notre pays, du même avis que l’écrasante majorité de la population sur les points essentiels suivants :
1° La Chine ne doit pas avoir un régime d’Etat féodal, fasciste et antipopulaire, régime de dictature des gros propriétaires fonciers et de la grande bourgeoisie, car dix-huit années de domination de la principale clique dirigeante du Kuomintang ont déjà prouvé sa faillite complète.
2° Il ne peut non plus s’y instaurer un Etat de dictature démocratique de l’ancien type, où le pouvoir est détenu exclusivement par la bourgeoisie nationale, et par conséquent on ne doit pas tenter de le faire, car, d’une part, la bourgeoisie nationale s’est révélée, économiquement et politiquement, très faible dans notre pays, d’autre part, un facteur nouveau est depuis longtemps apparu, à savoir un prolétariat conscient qui, avec le Parti communiste pour guide, a fait preuve de grandes capacités dans l’arène politique, et dirige les larges masses de la paysannerie, de la petite bourgeoisie urbaine, des intellectuels et des autres forces démocratiques.
3° De même, à l’étape actuelle, le peuple chinois n’a pas la possibilité d’instituer un régime d’Etat socialiste, puisque sa tâche est toujours de lutter contre l’oppression étrangère et féodale et que les conditions socio-économiques nécessaires à un tel régime font encore défaut.
Que préconisons-nous donc dans ces conditions ? Nous préconisons d’établir, après la défaite complète de l’envahisseur japonais, un régime d’Etat, que nous appellerons démocratie nouvelle et qui sera une alliance démocratique à caractère de front uni, fondée sur l’immense majorité de la population et placée sous la direction de la classe ouvrière.
Ce régime d’Etat répondra véritablement aux exigences de l’immense majorité de la population, parce qu’il pourra être approuvé, et qu’en fait il est déjà approuvé, tout d’abord par des millions d’ouvriers de l’industrie et par des dizaines de millions d’ouvriers artisanaux et de salariés agricoles, ensuite par la paysannerie, qui constitue les 80 pour cent de la population chinoise, soit 360 millions d’habitants sur 450 millions, enfin par la nombreuse petite bourgeoisie des villes, la bourgeoisie nationale, les hobereaux éclairés et les autres patriotes.
Il va de soi qu’il y aura toujours entre ces classes des contradictions, dont l’une des plus manifestes sera, par exemple, la contradiction entre le Travail et le Capital. Il s’ensuit que chacune de ces classes aura des revendications qui lui sont propres. Ce serait une hypocrisie, une erreur de vouloir ignorer ces contradictions, ces revendications. Mais, durant toute l’étape de la démocratie nouvelle, elles ne sortiront pas du cadre des revendications communes à toutes ces classes, et l’on ne devra d’ailleurs pas permettre qu’elles en sortent. Elles pourront cependant faire l’objet de rajustements, ce qui permettra à ces diverses classes d’accomplir en commun les tâches politiques, économiques et culturelles qu’implique l’édification de l’Etat de démocratie nouvelle.
La démocratie nouvelle que nous préconisons vise, sur le plan politique, à l’affranchissement du joug étranger, à la liquidation de l’oppression intérieure, féodale et fasciste, puis, à l’instauration d’un régime politique qui sera fondé, non sur la démocratie de type ancien, mais sur le front uni de toutes les classes démocratiques. Ce que nous préconisons coïncide entièrement avec les thèses révolutionnaires du Dr Sun Yat-sen. Celui-ci écrivait dans le Manifeste du Ier Congrès national du Kuomintang :
Dans les Etats modernes, le système dit démocratique est le plus souvent monopolisé par la bourgeoisie et est devenu un simple instrument pour opprimer le peuple. Par contre, selon le principe de la démocratie du Kuomintang, le système démocratique est le bien commun de tout le peuple, et non quelque chose qu’une minorité peut s’approprier.
C’est là un grand précepte politique du Dr Sun Yat-sen. Notre peuple, les communistes chinois et tous les autres démocrates doivent l’observer et le mettre résolument en pratique ; ils lutteront fermement contre toute personne, contre tout groupement qui l’enfreint ou qui s’y oppose ; ils défendront et développeront ainsi le principe politique parfaitement juste de la démocratie nouvelle.
Le principe d’organisation du pouvoir de démocratie nouvelle sera le centralisme démocratique ; les assemblées populaires détermineront les grandes lignes politiques et éliront les gouvernements aux différents échelons. Ce système sera à la fois démocratique et centralisé, c’est-à-dire que la centralisation sera fondée sur la démocratie, et la démocratie pratiquée sous une direction centralisée. Lui seul permettra de réaliser une large démocratie en donnant aux assemblées populaires, à tous les échelons, la plénitude du pouvoir ; en même temps, il assurera la centralisation dans le règlement des affaires d’Etat en donnant aux gouvernements établis à tous les échelons la possibilité d’accomplir d’une manière centralisée toutes les tâches qui leur seront confiées par les assemblées populaires correspondantes tout en garantissant au peuple la liberté d’exercer les activités démocratiques indispensables.
L’armée et les autres forces armées seront une partie constitutive importante de l’appareil du pouvoir de démocratie nouvelle ; sans elles, on ne pourrait assurer la défense de l’Etat. Toutes les forces armées de l’Etat de démocratie nouvelle, comme les autres organes du pouvoir, appartiendront au peuple et assumeront la charge de le défendre. Elles se distingueront entièrement de la vieille armée, de la vieille police et des autres anciennes forces armées, qui appartiennent à une petite minorité et qui oppriment le peuple.
L’économie de démocratie nouvelle que nous préconisons répond, elle aussi, aux principes du Dr Sun Yat-sen. Dans la question agraire, ce dernier avança le principe : “La terre à ceux qui la travaillent”. A propos de l’industrie et du commerce, il déclara dans le Manifeste du Ier Congrès national du Kuomintang :
Toute entreprise, appartenant aux Chinois ou aux étrangers, qui a un caractère monopoliste ou dépasse, par son envergure, les possibilités d’un particulier, comme la banque, les chemins de fer et les transports aériens, doit être administrée par l’Etat, afin que le capital privé ne puisse dominer la vie économique du peuple. Tel est le sens fondamental du contrôle du capital.
A l’étape actuelle, nous sommes entièrement d’accord avec ces vues du Dr Sun Yat-sen sur les questions économiques.
Certains soupçonnent les communistes chinois d’être opposés au développement de l’initiative individuelle, au développement du capital privé, à la protection de la propriété privée. Mais ils se trompent. Ce sont l’oppression étrangère et l’oppression féodale qui entravent impitoyablement l’initiative individuelle des Chinois ainsi que le développement du capital privé, et qui causent la ruine des masses populaires. Or, la tâche du régime de démocratie nouvelle que nous préconisons est justement de briser ces entraves et d’empêcher cette ruine, d’offrir à la masse des Chinois la possibilité de développer librement leur initiative individuelle dans le cadre de la vie sociale, d’assurer le libre développement de cette économie privée capitaliste qui doit, non pas “dominer la vie économique du peuple”, mais lui être profitable, et enfin de garantir toute propriété privée légitimement acquise.
Selon les principes du Dr Sun Yat-sen et l’expérience de la révolution chinoise, l’économie de la Chine comprendra, à l’étape actuelle, un secteur d’Etat, un secteur privé et un secteur coopératif. Mais l’Etat dont il est question ne sera, en aucun cas, un Etat “qu’une minorité peut s’approprier”, mais un Etat de démocratie nouvelle, dirigé par le prolétariat et constituant “le bien commun de tout le peuple”.
La culture de démocratie nouvelle sera, elle aussi, “le bien commun de tout le peuple”, c’est-à-dire une culture nationale et scientifique des masses populaires, et non pas une culture “qu’une minorité peut s’approprier”.
Tout ce que je viens d’exposer constitue le programme général ou fondamental que nous, communistes, nous préconisons pour l’étape actuelle, c’est-à-dire pour toute l’étape de la révolution démocratique bourgeoise. C’est notre programme minimum, par rapport à notre programme pour l’avenir, ou programme maximum, qui est pour l’instauration du socialisme et du communisme. L’exécution de notre programme minimum fera faire un pas en avant à la Chine d’aujourd’hui, c’est-à-dire qu’elle permettra à notre pays et à notre société, de caractère colonial, semi-colonial et semi-féodal, de se transformer en un pays et en une société de démocratie nouvelle.
La direction politique exercée par le prolétariat, ainsi que le secteur d’Etat et le secteur coopératif de l’économie dirigés par lui, comme le prévoit notre programme, sont des facteurs du socialisme. Néanmoins, la réalisation de ce programme n’aura pas encore fait de la Chine une société socialiste.
Nous autres communistes, nous ne dissimulons jamais nos aspirations politiques. Il est certain, indubitable, que notre programme pour l’avenir, ou programme maximum, a pour but de conduire la Chine au socialisme et au communisme. Le nom même de notre Parti ainsi que notre conception marxiste du monde indiquent clairement cet idéal suprême que nous voulons réaliser dans l’avenir, idéal infiniment beau et radieux. Tout communiste, en entrant au Parti, a en vue deux objectifs bien définis : révolution de démocratie nouvelle dans le présent, socialisme et communisme dans l’avenir ; il luttera pour leur réalisation en dépit de l’hostilité, des calomnies, des injures ou des railleries d’adversaires stupides et abjects du communisme. A celles-ci nous nous opposerons résolument. Quant aux sceptiques qui n’ont pas d’intentions malveillantes, nous ne devons pas les attaquer, mais leur donner avec patience et bienveillance les éclaircissements nécessaires. Tout cela est parfaitement clair, établi, sans équivoque possible.
Mais, en Chine, tout communiste, tout sympathisant du communisme doit lutter d’abord pour les objectifs de l’étape présente: combattre l’oppression étrangère et briser le joug féodal, soustraire notre peuple au sort tragique d’un pays colonial, semi-colonial et semi-féodal, édifier une Chine de démocratie nouvelle dirigée par le prolétariat et ayant pour tâche principale l’affranchissement de la paysannerie, c’est-à-dire une Chine des trois principes du peuple révolutionnaires du Dr Sun Yat-sen, une Chine indépendante, libre, démocratique, unifiée, forte et prospère. Et c’est ce que nous faisons ; depuis vingt-quatre ans, nous, les communistes, nous menons, avec la grande masse du peuple chinois, une lutte héroïque pour atteindre ce but.
Si un communiste ou un sympathisant ne lutte pas pour ces objectifs, mais se contente de disserter du socialisme et du communisme, s’il dédaigne la révolution démocratique bourgeoise et relâche ou ralentit tant soit peu ses efforts, si, pour cette cause, il manque si peu que ce soit de dévouement et de zèle, s’il répugne à verser son sang ou à sacrifier sa vie pour elle, c’est donc qu’il commet, consciemment ou inconsciemment, des actes de trahison plus ou moins graves envers le socialisme et le communisme et qu’il n’est pas un communiste conscient et dévoué. On ne peut arriver au socialisme qu’en passant par l’étape de la démocratie, c’est une loi du marxisme. Et en Chine, la lutte pour la démocratie sera encore longue. Ce serait une pure chimère que de vouloir construire une société socialiste sur les ruines d’un ordre colonial, semi-colonial et semi-féodal sans l’existence d’un Etat unifié de démocratie nouvelle, sans le développement du secteur d’Etat de l’économie de démocratie nouvelle, du secteur privé capitaliste et du secteur coopératif, sans le développement d’une culture nationale et scientifique des masses populaires, c’est-à-dire d’une culture de démocratie nouvelle, sans l’émancipation et le développement de l’initiative individuelle de centaines de millions d’hommes, en un mot, sans une révolution démocratique bourgeoise, conséquente et de type nouveau, dirigée par le Parti communiste.
Certains se demandent pourquoi les communistes, loin de redouter le capitalisme, en préconisent au contraire le développement dans des conditions données. Notre réponse est simple : la substitution d’un capitalisme développé jusqu’à un certain degré au joug de l’impérialisme étranger et du féodalisme intérieur n’est pas seulement un progrès, c’est un processus inéluctable. Cela est profitable tant à la bourgeoisie qu’au prolétariat, et même plus à ce dernier. Ce qui est de trop dans la Chine d’aujourd’hui, c’est l’impérialisme étranger et le féodalisme intérieur, et non pas le capitalisme national ; au contraire, il y a trop peu de capitalisme chez nous. Chose étrange, certains porte-parole de la bourgeoisie chinoise n’osent pas préconiser ouvertement le développement du capitalisme, et ils abordent la question de biais. Il se trouve même des gens pour nier catégoriquement la nécessité d’un certain développement du capitalisme en Chine, prétendant qu’on peut passer d’emblée à la société socialiste et “accomplir d’un seul coup” les tâches des trois principes du peuple et du socialisme. Il est bien évident que ces opinions reflètent la faiblesse de la bourgeoisie nationale chinoise ou relèvent de la démagogie des gros propriétaires fonciers et de la grande bourgeoisie. Partant de la conception marxiste des lois du développement social, nous, communistes, nous comprenons clairement qu’en Chine, sous le régime d’Etat de démocratie nouvelle, il est nécessaire, dans l’intérêt même du progrès social, de faciliter, outre l’essor de l’économie d’Etat et de l’économie individuelle et coopérative des travailleurs, le développement de l’économie privée capitaliste, dans la mesure où elle ne domine pas la vie économique du peuple. Les communistes chinois sont des gens à l’esprit lucide ; aucune parole oiseuse, aucune tricherie ne pourra les abuser.
Certains mettent en doute notre sincérité, à nous autres, communistes, quand nous déclarons : “Les trois principes du peuple étant aujourd’hui nécessaires à la Chine, notre Parti est prêt à lutter pour leur réalisation complète.” Ces doutes s’expliquent par l’incompréhension du fait que les thèses fondamentales des trois principes du peuple, telles qu’elles ont été exposées par le Dr Sun Yat-sen dans le Manifeste du Ier Congrès national du Kuomintang en 1924 — thèses que nous avons reconnues — coïncident avec certains principes fondamentaux du programme de notre Parti pour l’étape actuelle, c’est-à-dire de notre programme minimum. Remarquons toutefois que cette coïncidence porte uniquement sur certains principes fondamentaux et non sur tous les points. Le programme de démocratie nouvelle présenté par notre Parti est, évidemment, bien plus complet que les trois principes du peuple du Dr Sun Yat-sen, d’autant plus que notre théorie, notre programme et notre pratique de la démocratie nouvelle se sont considérablement développés avec les progrès accomplis par la révolution chinoise au cours de ces vingt dernières années qui ont suivi la mort du Dr Sun Yat-sen, et qu’ils connaîtront, à l’avenir, un développement encore plus grand. Néanmoins, ces trois principes du peuple du Dr Sun Yat-sen, qui diffèrent de ses trois principes du peuple antérieurs, des anciens, constituent dans leur essence un programme de démocratie nouvelle ; il va sans dire qu’ils sont “aujourd’hui nécessaires à la Chine” et que “notre Parti est prêt à lutter pour leur réalisation complète”. Aux yeux des communistes chinois, lutter pour le programme minimum du Parti ou lutter pour les trois principes du peuple révolutionnaires du Dr Sun Yat-sen, c’est-à-dire les nouveaux trois principes du peuple, c’est, pour l’essentiel (et non en tous points), une seule et même tâche. Ainsi, il a été prouvé autrefois comme aujourd’hui, et l’avenir le confirmera, que ce sont les communistes chinois qui témoignent de la plus grande sincérité et persévérance dans l’application des trois principes du peuple révolutionnaires.
Certains se demandent si, une fois au pouvoir, le Parti communiste ne va pas, à l’instar de la Russie, instaurer la dictature du prolétariat et un régime de parti unique. Nous leur répliquerons qu’entre l’Etat de démocratie nouvelle, fondé sur l’alliance de plusieurs classes démocratiques, et l’Etat socialiste, fondé sur la dictature du prolétariat, il y a une différence de principe. Il est hors de doute que notre régime de démocratie nouvelle sera établi sous la direction du prolétariat et du Parti communiste, mais, durant toute la période de la démocratie nouvelle, il ne peut pas et partant il ne doit pas y avoir en Chine de dictature d’une seule classe ni de gouvernement d’un seul parti. Nous n’avons aucune raison de ne pas travailler avec les partis, les groupes sociaux ou les personnalités qui ne sont pas hostiles au Parti communiste et qui sont disposés à coopérer avec lui. Le système russe est le produit de l’histoire de la Russie ; dans ce pays, le système social de l’exploitation de l’homme par l’homme a été aboli, et on y a créé un système politique, économique et culturel du type démocratique le plus récent, c’est-à-dire du type socialiste ; le peuple a rejeté tous les partis opposés au socialisme et soutient uniquement le parti bolchévik. Ainsi s’est créée la situation qui existe en Russie, où elle est parfaitement nécessaire et justifiée. Mais même dans ce pays où il n’y a pas d’autre parti que le parti bolchévik, le système appliqué dans les organes du pouvoir d’Etat reste un système fondé sur l’alliance des ouvriers, des paysans et des intellectuels, sur l’alliance des communistes et des sans-parti, et ne réserve pas à la classe ouvrière et aux bolchéviks seuls le droit d’y occuper des fonctions. La Chine établira un système qui corresponde à l’étape actuelle de son histoire ; pour une longue période à venir, il y existera une forme particulière d’Etat et de pouvoir politique, tout à fait nécessaire et justifiée pour nous, mais différente du système russe ; il s’agit de l’Etat et du pouvoir de démocratie nouvelle, fondés sur l’alliance de plusieurs classes démocratiques.
NOTRE PROGRAMME CONCRET
Sur la base du programme général que je viens d’exposer, notre Parti doit avoir en outre un programme concret pour chaque période. Notre programme général de démocratie nouvelle est demeuré et demeurera inchangé durant toute l’étape de la révolution démocratique bourgeoise, c’est-à-dire pendant plusieurs dizaines d’années. Mais comme la situation s’est modifiée et se modifiera encore au cours des différentes phases de cette étape, il est évident que nous avons dû et que nous devrons apporter à notre programme concret les changements qui s’imposent. Ainsi, pendant l’Expédition du Nord, la Guerre révolutionnaire agraire et la Guerre de Résistance, notre programme général de démocratie nouvelle n’a pas changé, mais il y a eu des modifications dans notre programme concret, parce que nos amis et nos ennemis ne sont pas restés les mêmes pendant ces trois périodes.
Actuellement, le peuple chinois se trouve devant la situation suivante :
1) L’agresseur japonais n’est pas encore battu ;
2) Le peuple chinois a un besoin urgent de resserrer ses rangs et de procéder à une réforme démocratique, afin de réaliser l’union nationale, de mobiliser et d’unifier rapidement toutes les forces antijaponaises, de battre l’agresseur japonais de concert avec les pays alliés ;
3) Le gouvernement du Kuomintang sape l’union nationale et fait obstacle à cette réforme démocratique.
Quel est, dans ces circonstances, notre programme concret ou, en d’autres termes, quelles sont les revendications immédiates du peuple chinois ?
Voici, à notre avis, les revendications qui sont justifiées et qui constituent un minimum :
Mobiliser toutes les forces disponibles et, de concert avec les pays alliés, infliger une défaite définitive à l’envahisseur japonais et instaurer la paix dans le monde ;
Abolir la dictature du seul Kuomintang, créer un gouvernement démocratique de coalition et un haut commandement conjoint ;
Châtier tous les éléments projaponais, fascistes et défaitistes, qui sapent l’union nationale et s’opposent au peuple, et réaliser l’union nationale ;
Châtier les réactionnaires qui menacent le pays d’une guerre civile, et assurer la paix intérieure ;
Châtier les traîtres à la nation, entreprendre des actions punitives contre les officiers passés à l’ennemi et châtier les espions à la solde du Japon ;
Liquider tous les services secrets, instruments réactionnaires d’oppression du peuple, mettre fin à leur activité et supprimer les camps de concentration ;
Abroger les lois et décrets réactionnaires dirigés contre la liberté de parole, de presse, de réunion, d’association, de pensée, de conscience et contre la liberté de la personne, afin d’assurer au peuple la pleine jouissance de ces droits ;
Reconnaître le statut légal de tous les partis et groupements démocratiques ;
Relâcher tous les détenus politiques arrêtés pour leur activité patriotique ;
Retirer toutes les troupes qui encerclent ou attaquent les régions libérées de Chine et les envoyer au front combattre l’envahisseur japonais ;
Reconnaître toutes les forces armées antijaponaises des régions libérées, ainsi que les gouvernements de ces régions, élus par le peuple ;
Consolider et étendre les régions libérées et leurs forces armées, recouvrer tous les territoires perdus ;
Aider la population des régions d’occupation japonaise à organiser des forces armées clandestines et à préparer des soulèvements armés ;
Autoriser le peuple à s’armer de sa propre initiative pour défendre ses foyers et la patrie ;
Procéder à la réforme politique et militaire des forces armées relevant directement du Haut Commandement du Kuomintang, qui ne cessent de perdre des batailles, d’opprimer la population et de pratiquer la discrimination à l’égard des autres corps de troupes, châtier les généraux responsables des défaites désastreuses ;
Améliorer le système de recrutement et les conditions de vie des officiers et des soldats ;
Accorder un traitement de faveur aux familles des combattants de la Résistance, afin de libérer de tout souci de famille les officiers et les soldats qui se battent au front ;
Accorder un traitement de faveur aux familles des combattants morts pour la patrie et aux mutilés de guerre, et aider les soldats démobilisés à assurer leur existence matérielle et à trouver du travail ;
Développer l’industrie de guerre dans l’intérêt des opérations militaires ;
Répartir équitablement, entre les différentes armées antijaponaises, l’aide militaire et financière reçue des puissances alliées ;
Châtier les fonctionnaires corrompus et assurer une administration intègre ;
Améliorer le traitement des fonctionnaires des échelons moyens et inférieurs ;
Accorder les droits démocratiques au peuple chinois ;
Supprimer le système du pao-kia5, instrument qui sert à opprimer le peuple ;
Secourir les réfugiés de guerre et les victimes des calamités naturelles ;
Créer un important fonds de secours, qui permettra, après la reconquête du territoire national, de donner une large assistance aux populations ayant souffert de l’occupation ;
Supprimer les impôts exorbitants et les taxes multiples et créer un impôt unique et progressif ;
Introduire des réformes à la campagne, réduire les fermages et le taux d’intérêt des prêts, garantir de façon appropriée aux paysans leurs droits sur les terres prises à ferme, accorder aux paysans nécessiteux des crédits à faible intérêt, aider les paysans à s’organiser, afin de favoriser le développement de la production agricole ;
Proscrire le capital bureaucratique ;
Mettre fin à la politique actuelle de contrôle économique ;
Arrêter l’inflation galopante et la hausse vertigineuse des prix ;
Aider les industries privées en leur accordant des facilités pour l’obtention de crédits, l’achat de matières premières et l’écoulement des produits ;
Améliorer les conditions de vie des ouvriers, secourir les chômeurs, aider les ouvriers à s’organiser, afin de favoriser le développement de la production industrielle ;
Mettre fin, dans l’enseignement, à l’endoctrinement pratiqué par le Kuomintang6, développer une culture et une éducation nationales et scientifiques des masses populaires ;
Assurer l’existence matérielle des enseignants et du personnel administratif des écoles et garantir la liberté des activités intellectuelles ;
Défendre les intérêts des jeunes, des femmes et des enfants, secourir les étudiants qui ont dû interrompre leurs études, aider les jeunes et les femmes à s’organiser et à participer, de plein droit, à toute activité utile à la Guerre de Résistance et au progrès social, assurer la liberté du mariage et l’égalité des sexes, donner aux jeunes et aux enfants un enseignement utile ;
Améliorer la situation de nos minorités nationales et leur accorder le droit à l’autonomie ;
Défendre les intérêts des ressortissants chinois établis à l’étranger et aider ceux d’entre eux qui reviennent au pays ;
Protéger les étrangers qui, pour échapper à l’oppression japonaise, se sont réfugiés en Chine, et soutenir leur lutte contre l’agresseur japonais ;
Améliorer les relations sino-soviétiques.
Pour réaliser toutes ces revendications, il importe avant tout de mettre immédiatement fin à la dictature du seul Kuomintang, et de constituer, avec l’approbation de tout le pays, un gouvernement central provisoire, qui soit un gouvernement démocratique de coalition réunissant les représentants de tous les partis et groupements politiques antijaponais, ainsi que des personnalités antijaponaises sans-parti. Sans cette condition préalable, il sera impossible de procéder à des réformes tant soit peu sérieuses dans les régions du Kuomintang, donc dans l’ensemble du pays.
Ces revendications expriment les aspirations des masses populaires chinoises et aussi celles de l’opinion démocratique des pays alliés.
Un programme concret minimum, approuvé par tous les partis démocratiques antijaponais, est indispensable, et nous sommes prêts à entrer en consultation avec ces partis sur la base du programme qui vient d’être exposé. Chaque parti peut avoir ses revendications propres, mais tous doivent s’entendre sur un programme commun.
Pour les régions du Kuomintang, un tel programme demeure encore au stade de la revendication ; pour les régions d’occupation japonaise, sa mise en application, à l’exception du point qui concerne l’organisation de forces clandestines en vue de soulèvements armés, ne peut commencer qu’une fois nos territoires reconquis ; pour les régions libérées, il est depuis longtemps mis en œuvre et on doit continuer à l’appliquer.
Les revendications immédiates du peuple chinois, c’est-à-dire le programme concret que je viens d’exposer, touchent un grand nombre de problèmes majeurs de la période de guerre et de l’après-guerre, qu’il est nécessaire d’élucider ici. Ce faisant, nous soumettrons à la critique certains des points de vue erronés de la principale clique dirigeante du Kuomintang et nous dissiperons les doutes qui ont pu naître chez d’autres personnes.
I. Ecraser définitivement l’envahisseur japonais, n’admettre aucun compromis à mi-chemin
La Conférence du Caire7a eu raison de décider d’imposer la capitulation sans conditions à l’envahisseur japonais. Mais, actuellement, celui-ci manœuvre dans les coulisses pour obtenir une paix de compromis, tandis que des éléments projaponais au sein du gouvernement du Kuomintang s’abouchent, par l’intermédiaire du gouvernement fantoche de Nankin, avec des émissaires secrets du Japon, et leur activité ne rencontre aucun obstacle. Le danger d’un compromis à mi-chemin n’est donc pas encore entièrement écarté. La Conférence a bien fait de décider aussi la restitution à la Chine des quatre provinces du Nord-Est, de Taïwan et des îles Penghou. Toutefois, étant donné la politique actuelle du gouvernement du Kuomintang, on ne saurait compter sur ce dernier pour se battre jusqu’au Yalou et pour recouvrer tous les territoires perdus. Que doit donc faire, dans ces conditions, le peuple chinois ? Il exigera du gouvernement du Kuomintang qu’il écrase définitivement l’envahisseur japonais, et n’admettra aucun compromis à mi-chemin. Toute intrigue en vue d’un compromis doit cesser immédiatement. Le peuple chinois exigera du gouvernement du Kuomintang qu’il renonce à sa politique actuelle de résistance passive et utilise toute sa force militaire dans une guerre active contre le Japon. Il accroîtra ses propres forces armées — la VIIIe Armée de Route, la Nouvelle IVe Armée et les autres forces populaires ; là où se trouve l’ennemi, il développera largement, et de sa propre initiative, ses forces armées antijaponaises, afin de se préparer à recouvrer, par des actions militaires menées en coordination directe avec les puissances alliées, tous les territoires perdus ; en aucun cas il ne comptera uniquement sur le Kuomintang. Battre l’agresseur japonais, c’est là le droit sacré du peuple chinois. Si les réactionnaires chinois cherchent à l’en priver, s’ils tentent de réprimer ses activités antijaponaises et de saper ses forces de résistance, il ripostera résolument en état de légitime défense, quand la persuasion pratiquée à leur égard se sera révélée inefficace ; car, par une telle trahison des intérêts de la nation, ces réactionnaires ne font que servir l’envahisseur.
2. Abolir la dictature du seul Kuomintang, former un gouvernement démocratique de coalition
Pour écraser définitivement l’envahisseur japonais, il faut procéder à des réformes démocratiques dans tout le pays. Mais c’est chose impossible sans l’abolition de la dictature du seul Kuomintang et sans la création d’un gouvernement démocratique de coalition.
La dictature du seul Kuomintang est, en fait, la dictature de la clique antipopulaire de ce parti ; c’est elle qui sape l’union nationale, qui est responsable des défaites essuyées sur le front du Kuomintang et qui constitue l’obstacle principal à la mobilisation et à l’unification des forces antijaponaises du peuple chinois. Ce dernier, à la suite de huit années d’amère expérience durant la Guerre de Résistance, est profondément convaincu du caractère criminel de cette dictature ; aussi en exige-t-il tout naturellement la suppression immédiate. Cette dictature dirigée contre le peuple recèle en outre le danger d’une guerre civile, dont les calamités vont de nouveau s’abattre sur lui s’il n’abolit pas immédiatement un tel régime.
La voix du peuple chinois qui réclame cette abolition s’élève partout avec une telle force que les autorités du Kuomintang elles-mêmes ont été obligées de reconnaître publiquement la nécessité de “mettre fin avant le terme prévu à la tutelle politique”; on voit donc à quel point cette “tutelle politique”, ou dictature d’un seul parti, est devenue impopulaire et combien elle s’est discréditée aux yeux du peuple. Il n’y a plus personne en Chine pour oser prétendre qu’elle soit une bonne chose ou qu’il ne faille pas l’abolir et y “mettre fin”, et cela marque un grand changement dans la situation actuelle.
Il est certain qu’il faut y “mettre fin”, il n’y a pas le moindre doute à ce sujet. Mais comment le faire ? C’est là que les avis sont partagés. Les uns disent : il faut en finir immédiatement et constituer un gouvernement démocratique provisoire de coalition ; les autres disent qu’il faut attendre un peu, qu’on doit d’abord convoquer l’“Assemblée nationale”, puis “rendre le pouvoir au peuple” et non le transférer à un gouvernement de coalition.
De quoi s’agit-il en fait ?
Il s’agit de deux façons de procéder, l’une honnête, l’autre malhonnête.
D’abord, la façon honnête. Elle consiste à proclamer immédiatement l’abolition de la dictature du seul Kuomintang et la formation d’un gouvernement central provisoire, composé de représentants du Kuomintang, du Parti communiste, de la Ligue démocratique, ainsi que de personnalités sans-parti, et à promulguer un programme démocratique d’action politique, conforme aux revendications immédiates du peuple chinois que nous venons d’exposer, afin de rétablir l’union nationale et de battre l’agresseur japonais. Il convient de convoquer, pour examiner ces questions, une conférence de la table ronde, réunissant les représentants de tous les partis et groupements politiques, ainsi que des personnalités sans-parti, d’arriver à un accord et de se mettre à la tâche. C’est là une politique d’union que le peuple chinois soutient fermement.
Ensuite, la façon malhonnête. Elle consiste à convoquer arbitrairement, en négligeant les revendications des masses populaires et de tous les partis et groupements démocratiques, une “Assemblée nationale” montée de toutes pièces par la clique antipopulaire du Kuomintang et à lui faire adopter une “Constitution” qui, en réalité, maintiendrait la dictature de cette clique et serait antidémocratique; on draperait dans la toge de la légalité un “Gouvernement national” illégal, nommé en privé par quelques dizaines de membres du Kuomintang, qui ne serait aucunement fondé sur la volonté du peuple mais qui aurait été imposé par la force à ce dernier; ainsi, tout en feignant de “rendre le pouvoir au peuple”, on le “rendrait” en fait à la même clique antipopulaire du Kuomintang. Tous ceux qui exprimeraient leur désapprobation se verraient accusés de saboter la “démocratie” et l’“unification”, et on aurait une “raison” pour ordonner contre eux une expédition punitive. C’est là une politique de division à laquelle le peuple chinois s’oppose fermement.
Les mesures que comptent adopter, dans la ligne de cette politique de division, nos “héros” ennemis du peuple risquent de les mener à leur propre destruction. Ils s’apprêtent à se passer au cou une corde dont ils n’arriveront jamais à se libérer ; cette corde, c’est l’“Assemblée nationale”. Leur intention est d’utiliser celle-ci comme une arme magique qui leur permettrait, premièrement, d’empêcher la formation d’un gouvernement de coalition, deuxièmement, de maintenir leur régime de dictature et, troisièmement, de trouver une justification à la guerre civile. Mais la logique de l’histoire ira à l’encontre de leur projet, ils ne feront que “soulever une pierre pour se la laisser retomber sur les pieds”. Chacun sait en effet que, dans les régions du Kuomintang, le peuple ne jouit d’aucune liberté, que la population des régions d’occupation japonaise ne peut participer aux élections, alors que les régions libérées, où le peuple a conquis sa liberté, ne sont pas reconnues par le gouvernement du Kuomintang. Dans ces conditions, comment peut-il y avoir des représentants de la nation ? Et comment peut-il y avoir une “Assemblée nationale” ? Cette “Assemblée nationale” qu’on réclame à cor et à cri est en fait celle-là même que le gouvernement dictatorial du Kuomintang a fabriquée de toutes pièces, il y a huit ans, pendant la guerre civile. Si elle se réunit, le peuple tout entier se dressera à coup sûr contre elle ; alors, qu’on nous permette de poser cette question : Comment nos “héros” ennemis du peuple s’en sortiront-ils ? En dernière analyse, la convocation de cette pseudo-Assemblée nationale ne pourra que les conduire à leur propre perte.
Pour en finir avec la dictature du seul Kuomintang, nous proposons, nous communistes, de procéder en deux temps: premièrement, à l’étape présente, créer un gouvernement provisoire de coalition, sur la base d’un accord entre les représentants de tous les partis et groupements politiques, ainsi que des personnalités sans-parti; deuxièmement, à l’étape suivante, convoquer, après des élections libres, exemptes de restrictions, une assemblée nationale et former définitivement un gouvernement de coalition. Bref, dans les deux cas, ce sera un gouvernement de coalition qui groupera des représentants de toutes les classes et de tous les partis désireux d’y participer, en vue de lutter, selon un programme démocratique commun, pour la Résistance dans le présent et pour l’édification du pays dans l’avenir.
Quoi qu’en pensent les gens du Kuomintang et les autres partis, groupements ou individus, qu’ils le veuillent ou non, qu’ils en aient conscience ou non, c’est la seule voie que peut suivre la Chine. C’est là une loi historique, une tendance nécessaire, inéluctable, irréversible.
Sur cette question comme sur toutes celles qui ont trait aux réformes démocratiques, nous communistes, nous déclarons ce qui suit : En dépit de l’obstination actuelle des autorités du Kuomintang à poursuivre leur politique erronée, et quelle que soit leur façon d’utiliser les négociations pour gagner du temps et pour apaiser l’opinion publique, nous sommes disposés à reprendre les pourparlers avec elles dès qu’elles auront manifesté le désir de renoncer à cette politique erronée et consenti à des réformes démocratiques. Toutefois, ces négociations devront être menées sur la base du principe général de la Résistance, de l’union et de la démocratie. Aucun règlement, aucun projet, aucun discours qui s’en écarterait ne saurait, si attrayant soit-il, obtenir notre assentiment.
3. Liberté pour le peuple
Actuellement, la lutte du peuple chinois pour la conquête de sa liberté est d’abord et surtout dirigée contre l’envahisseur japonais. Mais le gouvernement du Kuomintang a privé le peuple de ses libertés et lui a lié pieds et poings pour l’empêcher de combattre cet envahisseur. Tant qu’on ne remédiera pas à cette situation, il sera impossible de mobiliser et d’unifier, à l’échelle du pays, toutes les forces antijaponaises. C’est justement pour délivrer le peuple de ses liens et lui donner la liberté de résister au Japon, de réaliser l’union et la démocratie que nous avons formulé dans notre programme les revendications suivantes: abolir la dictature d’un seul parti ; former un gouvernement de coalition; supprimer les services secrets ; abroger les lois et décrets répressifs ; châtier les traîtres, les espions, les éléments projaponais, les fascistes et les fonctionnaires corrompus ; relâcher les détenus politiques ; reconnaître le statut légal de tous les partis et groupements démocratiques; retirer les troupes qui encerclent ou qui attaquent les régions libérées ; reconnaître les régions libérées ; abolir le système du pao-kia ; ainsi que toute une série d’autres revendications concernant l’économie, la culture et le mouvement de masse.
C’est au peuple lui-même de conquérir sa liberté, et nul ne peut la lui accorder comme une faveur. La population des régions libérées de Chine a déjà conquis la liberté, celle des autres régions peut et doit également le faire. Plus le peuple chinois conquerra de liberté et plus les forces démocratiques organisées seront puissantes, plus grande sera la possibilité de créer un gouvernement de coalition provisoire, unifié. Une fois établi, ce gouvernement accordera, à son tour, une pleine liberté au peuple et, par là même, renforcera sa propre base. C’est ainsi seulement qu’il sera possible, après l’anéantissement de l’agresseur, de procéder dans tout le pays à des élections libres, exemptes de restrictions, de constituer une assemblée nationale démocratique et de créer définitivement un gouvernement unifié de coalition. Sans la liberté du peuple, il ne saurait y avoir ni véritable assemblée nationale ni véritable gouvernement élus par le peuple. N’est-ce pas clair ?
La liberté de parole, de presse, de réunion, d’association, de pensée, de conscience et la liberté de la personne sont les plus importantes. En Chine, c’est seulement dans les régions libérées qu’on en jouit pleinement.
Dans le testament qu’il fit en 1925 sur son lit de mort, le Dr Sun Yat-sen disait :
Pendant quarante années, je me suis dévoué à la cause de la révolution nationale afin d’obtenir pour la Chine la liberté et l’égalité. L’expérience accumulée durant ces quarante années m’a profondément convaincu que, pour atteindre ce but, nous devons éveiller les masses populaires et nous unir, en une lutte commune, avec les nations du monde qui nous traitent sur un pied d’égalité.
Les indignes héritiers du Dr Sun Yat-sen, qui l’ont trahi, loin d’éveiller les masses populaires, les oppriment; ils les ont privées de toute liberté de parole, de presse, de réunion, d’association, de pensée, de conscience et de toute liberté de la personne; quant au Parti communiste, à la VIIIe Armée de Route et à la Nouvelle IVe Armée, aux régions libérées, qui s’emploient réellement à éveiller les masses populaires, à protéger leurs libertés et leurs droits, ils sont traités respectivement de “parti traître”, d’“armées de traîtres”, de “régions de traîtres”. Nous souhaitons que l’on cesse au plus vite d’appeler blanc ce qui est noir. Le peuple chinois ne tolérera pas que cette situation se prolonge.
4. Unification par le peuple
Afin d’anéantir l’envahisseur japonais, de conjurer la guerre civile et d’édifier une Chine nouvelle, il est indispensable de transformer la Chine divisée en une Chine unifiée. Telle est la tâche historique de notre peuple.
Mais de quel genre d’unification s’agira-t-il ? D’une unification despotique imposée par un dictateur ou d’une unification démocratique réalisée par le peuple ? A commencer par Yuan Che-kai, les seigneurs de guerre du Peiyang avaient tenté obstinément d’établir une unification despotique. Mais qu’en était-il résulté ? Le contraire de ce qu’ils désiraient : non pas l’unification mais la division ; finalement, ils ont été eux-mêmes renversés. La clique antipopulaire du Kuomintang, marchant sur les traces de Yuan Che-kai et cherchant à établir une unification despotique, s’est livrée, durant dix ans exactement, à la guerre civile, si bien qu’elle a laissé entrer l’envahisseur japonais et qu’elle a dû se retirer sur le mont Omei8. Et maintenant, de cette montagne, elle recommence à prêcher sa théorie de l’unification despotique. A qui s’adresse-t-elle ? Se trouvera-t-il un seul Chinois honnête, patriote, pour l’écouter ? Le peuple, qui a connu pendant seize ans la domination des seigneurs de guerre du Peiyang et pendant dix-huit ans la dictature du Kuomintang, a suffisamment d’expérience et de pénétration. Il veut une unification démocratique, réalisée par les masses populaires, et non une unification despotique, imposée par un dictateur. Nous, communistes, nous avons formulé dès 1935 la politique de front uni national antijaponais et, depuis, nous n’avons cessé un seul jour de lutter pour elle. En 1939, lorsque le Kuomintang appliquait ses mesures réactionnaires dites “Mesures pour la limitation de l’activité des partis hérétiques”, créant ainsi un danger imminent de capitulation, de division et de régression, et que ses hommes prêchaient leur théorie de l’unification despotique, nous avons déclaré qu’il fallait une unification fondée sur la Résistance et non sur la capitulation, sur l’union et non sur la division, sur le progrès et non sur la régression, que c’était là la seule véritable unification et que toute autre était une imposture9. Six années se sont écoulées, mais la question reste entière.
Peut-on parvenir à l’unification si le peuple n’a ni liberté ni démocratie ? Dès qu’il les aura acquises, l’unification sera aussitôt réalisée. Le mouvement du peuple chinois pour la liberté, la démocratie et un gouvernement de coalition est également un mouvement pour l’unification. Lorsque, dans notre programme concret, nous formulons toute une série de revendications en vue de la liberté, de la démocratie et d’un gouvernement de coalition, nous visons dans le même temps à l’unification. Sans l’abolition de la dictature de la clique antipopulaire du Kuomintang et sans la formation d’un gouvernement démocratique de coalition, il est impossible, dans les régions du Kuomintang, de procéder à quelque réforme démocratique que ce soit et de mobiliser tous les militaires et tous les civils pour vaincre l’envahisseur japonais, impossible aussi d’éviter les calamités d’une guerre civile. C’est là une simple vérité que beaucoup de gens ont comprise. Pourquoi tant de démocrates, qu’ils appartiennent ou non à un parti, y compris tous ceux qu’on trouve au sein du Kuomintang, exigent-ils unanimement un gouvernement de coalition ? Parce qu’ils sont parfaitement conscients de la crise actuelle, qu’ils comprennent qu’il n’y a pas d’autre moyen de la surmonter et de réaliser l’union nécessaire à la lutte contre l’ennemi et à l’édification du pays.
5. L’armée du peuple
Sans une armée qui soit avec lui, le peuple chinois ne peut ni obtenir sa liberté, ni réaliser l’unification du pays, ni établir un gouvernement de coalition ; il ne peut pas non plus écraser définitivement l’envahisseur japonais ni édifier une Chine nouvelle. Aujourd’hui, les seules forces qui se tiennent sans réserve à ses côtés sont les armées, pas encore très nombreuses, des régions libérées, c’est-à-dire la VIIIe Armée de Route et la Nouvelle IVe Armée, ce qui est loin d’être suffisant. Néanmoins, la clique antipopulaire du Kuomintang ne pense qu’à les briser et à les anéantir. En 1944, le gouvernement du Kuomintang a émis une “recommandation” exigeant du Parti communiste qu’il “dissolve dans un délai déterminé” les quatre cinquièmes de ces forces armées. Et, en 1945, au cours des récents pourparlers, il a demandé au Parti communiste de lui remettre la totalité de ces troupes, en échange de quoi il lui donnerait un “statut légal”.
On disait aux communistes : Remettez-nous vos troupes et nous vous accorderons la liberté. Il découle de cette “théorie” que les partis qui n’ont pas de troupes devraient jouir de la liberté. Or, de 1924 à 1927, le Parti communiste chinois n’avait que très peu de troupes, mais dès que le gouvernement du Kuomintang eut commencé à appliquer sa politique d’“épuration du Parti” et de répression sanglante, il ne connut plus la moindre liberté. Actuellement, la Ligue démocratique et les démocrates du Kuomintang ne possèdent pas de troupes, mais ils n’ont pas de liberté non plus. Au cours des dix-huit dernières années, dans les régions soumises au contrôle du gouvernement du Kuomintang, les ouvriers, les paysans, les étudiants et tous ceux qui, dans les milieux de la culture, de l’enseignement et de l’industrie, aspiraient au progrès n’avaient pas de troupes, et pas davantage de liberté. Refuse-t-on la liberté à ces partis démocratiques et à ces diverses couches de la population parce qu’ils ont organisé une armée, constitué un “fief féodal”, créé une “région de traîtres” ou enfreint les “décrets gouvernementaux” et les “ordres militaires” ? Nullement. Au contraire, c’est bien parce qu’ils n’ont rien fait de semblable qu’on les prive de liberté.
“L’armée appartient à l’Etat.” Rien de plus juste. Il n’est pas d’armée au monde qui n’appartienne à un Etat. Mais à quelle sorte d’Etat doit-elle appartenir ? A un Etat de dictature féodalo-fasciste des grands propriétaires fonciers, banquiers et compradores ou à un Etat de démocratie nouvelle des masses populaires ? Le seul Etat qui soit à créer en Chine est un Etat de démocratie nouvelle et, sur cette base, sera établi un gouvernement de coalition, de démocratie nouvelle ; c’est au gouvernement d’un tel Etat que doivent appartenir toutes les forces armées du pays, qui défendront la liberté du peuple et lutteront efficacement contre les envahisseurs. Aussitôt qu’un gouvernement de coalition, de démocratie nouvelle, aura été créé en Chine, les troupes des régions libérées lui seront transférées. Mais, en même temps, ce doit être aussi le cas pour toutes les troupes du Kuomintang.
En 1924, le Dr Sun Yat-sen disait : “A partir d’aujourd’hui, la révolution nationale doit entrer dans une ère nouvelle… Le premier pas consiste à lier les forces armées au peuple ; le second, à transformer ces forces en armées nationales10.” C’est précisément parce que la VIIIe Armée de Route et la Nouvelle IVe Armée ont appliqué cette politique et sont devenues des “armées nationales”, c’est-à-dire l’armée du peuple, qu’elles ont pu remporter des victoires. Durant la première phase de l’Expédition du Nord, l’armée du Kuomintang avait fait ce “premier pas” dont parle le Dr Sun Yat-sen ; aussi fut-elle victorieuse. Mais depuis la dernière phase de l’Expédition du Nord, et cela jusqu’au moment présent, elle ne veut même plus se prêter à ce “premier pas” et adopte une position antipopulaire ; c’est pourquoi sa dégradation, sa déchéance va s’accélérant ; “experte en matière de guerre civile”, elle ne peut être que “profane dans la guerre contre l’ennemi extérieur”. Dans l’armée du Kuomintang, tout officier patriote et honnête doit s’employer à faire renaître l’esprit du Dr Sun Yat-sen pour réformer ses troupes.
Au cours de la réforme des anciennes armées, on donnera une éducation appropriée à tous les officiers susceptibles d’être rééduqués, on les aidera à se débarrasser de leurs vieilles conceptions et à en acquérir de justes, afin qu’ils puissent servir dans l’armée populaire.
Le devoir du peuple chinois tout entier est de lutter pour la création d’une armée populaire. Sans armée populaire, le peuple n’a rien. C’est une question qui ne souffre aucun bavardage.
Nous, communistes, nous sommes prêts à appuyer la réforme de l’armée chinoise. Notre VIIIe Armée de Route et notre Nouvelle IVe Armée doivent considérer comme des armées amies toutes celles qui, au lieu de se battre contre les régions libérées de Chine, sont disposées à s’unir avec le peuple et à lutter contre l’envahisseur japonais, et elles doivent leur apporter une aide appropriée.
6. Le problème agraire
Pour anéantir l’envahisseur japonais et pour édifier une Chine nouvelle, il est nécessaire de réformer le système agraire et d’émanciper la paysannerie. Le principe du Dr Sun Yat-sen: “La terre à ceux qui la travaillent” est juste pour notre révolution dans sa période actuelle, qui est une révolution de caractère démocratique bourgeois.
Pourquoi disons-nous que notre révolution dans sa période actuelle est une “révolution de caractère démocratique bourgeois”? Nous entendons par là qu’elle est dirigée non pas contre la bourgeoisie en général mais contre l’oppression étrangère et le joug féodal, que les mesures qu’elle prend visent en général non pas à l’abolition de la propriété privée mais à sa protection; elle aura pour conséquence de permettre à la classe ouvrière d’accumuler des forces en vue de conduire la Chine vers le socialisme, mais, pendant une assez longue période, elle laissera encore au capitalisme la possibilité de se développer dans la mesure qui convient. “La terre à ceux qui la travaillent” signifie que les terres des exploiteurs féodaux passeront aux mains des paysans, que la propriété privée des propriétaires fonciers féodaux se transformera en propriété privée des paysans, que ces derniers se libéreront des rapports agraires féodaux, ce qui permettra de transformer un pays agricole en un pays industriel. Ainsi, ce principe revêt un caractère démocratique bourgeois et non socialiste prolétarien ; ce ne sont pas seulement les communistes, mais tous les démocrates révolutionnaires qui le préconisent. La différence, c’est que, dans les conditions de la Chine, nous, communistes, nous sommes les seuls à le considérer avec tout le sérieux nécessaire, que nous ne le soutenons pas seulement en paroles, mais le mettons en pratique. Quelles sont les forces démocratiques révolutionnaires ? Si le prolétariat est la plus conséquente de ces forces, la paysannerie en est de loin la plus nombreuse. A l’exception des paysans riches, qui sont quelque peu marqués par le féodalisme, l’immense majorité des paysans demandent avec instance qu’on donne “la terre à ceux qui la travaillent”. La petite bourgeoisie urbaine est, elle aussi, une force démocratique révolutionnaire ; elle tirera avantage de l’application de ce principe, qui contribuera au développement des forces productives dans l’agriculture. La bourgeoisie nationale est une classe instable ; ayant besoin de débouchés, elle approuve ce principe ; mais comme elle est en majorité liée à la propriété foncière, nombre de ses éléments ont peur de voir distribuer “la terre à ceux qui la travaillent”. Sun Yat-sen fut le premier démocrate révolutionnaire de Chine ; représentant la fraction révolutionnaire de la bourgeoisie nationale ainsi que la petite bourgeoisie urbaine et la paysannerie, il mena une révolution armée et préconisa les principes : “Egalisation du droit à la propriété de la terre” et “La terre à ceux qui la travaillent”. Mais, malheureusement, quand il fut au pouvoir, il ne prit aucune initiative pour réformer le système agraire. Et lorsque la clique antipopulaire du Kuomintang s’empara du pouvoir, elle trahit tous les principes qu’il avait préconisés. C’est précisément cette clique qui s’oppose aujourd’hui avec obstination au principe : “La terre à ceux qui la travaillent”, parce qu’elle représente la couche des grands propriétaires fonciers, banquiers et compradores. Comme il n’y a pas, en Chine, de parti qui représente exclusivement la paysannerie et que les partis de la bourgeoisie nationale n’ont pas de programme agraire conséquent, le Parti communiste chinois est devenu le dirigeant de la paysannerie et de toutes les forces démocratiques révolutionnaires, puisqu’il est le seul parti qui ait élaboré et appliqué un programme agraire conséquent, combattu sérieusement pour les intérêts de la paysannerie et gagné ainsi la masse paysanne la plus large dont il a fait sa grande alliée.
De 1927 à 1936, il prit des mesures pour réformer complètement le système agraire, appliquant ainsi le principe du Dr Sun Yat-sen : “La terre à ceux qui la travaillent”. Et c’est cette clique antipopulaire du Kuomintang, ramassis d’indignes successeurs de Sun Yat-sen, qui, pendant ces dix années, mena avec un acharnement féroce la guerre contre le peuple, s’opposant donc au principe : “La terre à ceux qui la travaillent”.
Pendant la Guerre de Résistance, le Parti communiste chinois a fait une grande concession en remplaçant sa politique fondée sur le principe : “La terre à ceux qui la travaillent” par une politique de réduction des fermages et du taux d’intérêt des prêts. Cette concession était justifiée ; elle amena le Kuomintang à participer à la Résistance et les propriétaires fonciers des régions libérées à moins s’opposer à nos efforts pour mobiliser les masses paysannes en vue de la guerre. S’il n’y a pas d’obstacles particuliers, nous sommes prêts à poursuivre cette politique après la guerre, en étendant à l’ensemble du pays la réduction des fermages et du taux d’intérêt ; et ensuite, nous adopterons des mesures appropriées pour la réalisation méthodique du principe : “La terre à ceux qui la travaillent”.
Cependant, ceux qui ont trahi le Dr Sun Yat-sen ne se prononcent pas seulement contre la distribution de “la terre à ceux qui la travaillent”, ils sont même contre la réduction des fermages et du taux d’intérêt. Le gouvernement du Kuomintang n’applique pas les décrets qu’il a lui-même promulgués, notamment celui qui prescrit de “réduire de 25 pour cent les fermages”; nous sommes les seuls à l’appliquer dans les régions libérées, crime pour lequel elles sont qualifiées de “régions de traîtres”.
Pendant la Guerre de Résistance est apparue ce qu’on appelle la théorie des deux étapes, avec une étape dite de révolution nationale et une étape dite de révolution pour la démocratie et le bien-être du peuple. Cette théorie est fausse.
Face à un ennemi puissant, il ne faudrait pas soulever la question des réformes démocratiques et du bien-être du peuple, mieux vaut attendre que les Japonais soient partis — telle est la thèse inepte de la clique antipopulaire du Kuomintang dont le but est d’empêcher la victoire complète dans la Guerre de Résistance. Et dire qu’il y a des gens qui font chorus avec cette stupidité, qui l’approuvent servilement !
Face à un ennemi puissant, il nous est impossible de créer des bases d’appui pour résister aux attaques de l’envahisseur à moins d’apporter une solution au problème de la démocratie et du bien-être du peuple — telle est la thèse préconisée par le Parti communiste chinois, qui l’a déjà mise en pratique et en a retiré d’excellents résultats.
Pendant la Guerre de Résistance, la réduction des fermages et du taux d’intérêt, ainsi que les autres réformes démocratiques sont toutes au service de la guerre. Afin d’amener les propriétaires fonciers à diminuer leur opposition à l’effort de guerre, nous avons seulement réduit les fermages et le taux d’intérêt au lieu d’abolir leur droit à la propriété foncière; en même temps, nous les encourageons à placer leurs capitaux et leurs biens dans l’industrie, et nous invitons les hobereaux éclairés à participer, avec les représentants des autres couches de la population, aux activités publiques en faveur de la Résistance et au travail dans les organes du pouvoir. Quant aux paysans riches, nous les encourageons à développer la production. Toutes ces mesures sont dans la ligne de l’application conséquente des réformes démocratiques à la campagne, elles sont absolument nécessaires.
Il existe donc deux lignes : ou bien empêcher obstinément la paysannerie chinoise de résoudre le problème de la démocratie et du bien-être, ce qui conduirait à la corruption et à l’incurie, ainsi qu’à l’incapacité de résister au Japon ; ou bien lui apporter résolument notre aide dans la solution de ce problème, ce qui nous assurerait l’allié le plus fort, représentant les 80 pour cent de la population, et nous permettrait, par conséquent, d’organiser de puissantes forces de combat. La première ligne est celle du gouvernement du Kuomintang, la seconde, celle de nos régions libérées.
L’attitude des opportunistes est d’osciller entre les deux lignes ; ils soutiennent en paroles la paysannerie, mais manquent de résolution quand il s’agit de réduire les fermages et le taux d’intérêt, d’armer les paysans et d’instaurer dans les régions rurales le pouvoir démocratique.
Mobilisant toutes ses forces, la clique antipopulaire du Kuomintang déchaîne contre le Parti communiste chinois les attaques les plus perfides, ouvertes ou secrètes, militaires ou politiques, sanglantes ou non. Au point de vue social, la controverse entre les deux partis porte, au fond, sur la question des rapports agraires. Qu’est-ce qui nous a valu la fureur de la clique antipopulaire du Kuomintang si ce n’est précisément cette question ? Et si cette clique est bien vue de l’envahisseur japonais et même encouragée par lui, n’est-ce pas justement parce qu’elle lui a rendu un grand service à ce sujet? Si on prétend que “le Parti communiste sape la Résistance et met l’Etat en danger”, si on use à notre égard des qualificatifs de “parti traître”, d’“armée de traîtres” et de “régions de traîtres”, si on nous accuse de “désobéissance aux décrets gouvernementaux et aux ordres militaires”, n’est-ce pas précisément parce que, dans ce domaine, le Parti communiste chinois a fait du travail sérieux, qui répond réellement aux intérêts de la nation ?
Les paysans forment le milieu dont sont issus les ouvriers chinois. Dans l’avenir, des dizaines de millions d’entre eux gagneront la ville et entreront à l’usine. Si la Chine veut créer une puissante industrie nationale, construire de nombreuses grandes villes modernes, elle devra, par un long processus, transformer la population rurale en population urbaine.
Les paysans jouent un rôle de première importance sur le marché de l’industrie chinoise. Ce sont eux qui fournissent le plus de produits alimentaires et de matières premières, qui absorbent aussi le plus de produits industriels.
Les paysans sont la source à laquelle puise l’armée chinoise : les soldats sont des paysans en uniforme. Ce sont les ennemis jurés des agresseurs japonais.
Les paysans représentent à l’étape actuelle la force principale qui lutte pour la démocratie en Chine. Les démocrates chinois n’aboutiront à aucun résultat s’ils ne s’appuient pas sur les 360 millions de paysans.
C’est aux paysans que s’adresse principalement le mouvement culturel en Chine, à l’étape actuelle. La liquidation de l’analphabétisme, la popularisation de l’enseignement, la littérature et l’art pour les masses, la protection de la santé publique, tout cela ne serait-il pas, dans une grande mesure, que de vains bavardages si on laissait de côté les 360 millions de paysans ?
Il est évident que je ne sous-estime pas pour autant le rôle important que jouent sur les plans politique, économique et culturel les autres 90 millions de Chinois, et notamment la classe ouvrière qui est, politiquement, la classe la plus consciente et qui, pour cette raison, est qualifiée pour diriger l’ensemble du mouvement révolutionnaire. Il ne doit y avoir là aucun malentendu.
Il est absolument nécessaire que ces points soient compris non seulement des communistes mais également de tous les démocrates de Chine.
Quand on aura effectué la réforme du système agraire, même s’il ne s’agit que d’une réforme élémentaire comme la réduction des fermages et du taux d’intérêt, les paysans s’intéresseront davantage à la production. Et lorsque, par la suite, on les aura aidés à s’organiser, progressivement et sur la base du libre consentement, en coopératives agricoles de production ou autres coopératives, on verra les forces productives se développer. Pour l’instant, les coopératives agricoles de production peuvent seulement prendre la forme d’organisations de travail collectif et d’entraide, fondées sur l’économie individuelle, c’est-à-dire sur la base de la propriété privée des paysans, telles que les équipes d’échange de travail, les équipes d’entraide et les groupes d’échange de travail ; mais déjà la productivité et la production accusent un accroissement extraordinaire. Dans les régions libérées, ce système a déjà reçu une large application, et il y a lieu de l’étendre le plus possible à l’avenir.
Il convient de signaler que les organisations coopératives du type équipe d’échange de travail avaient déjà existé parmi les paysans. Néanmoins, ce n’était que l’un des moyens auxquels ils avaient recours pour alléger leur misère. Maintenant, dans les régions libérées, les équipes d’échange de travail sont différentes, tant par leur forme que par leur contenu ; elles sont devenues pour les masses paysannes un moyen de développer la production et de lutter pour une vie meilleure.
Pour savoir quel rôle jouent la politique et l’activité pratique de tel ou tel parti dans la vie du peuple chinois, si ce rôle est positif ou négatif, important ou modeste, il faudra, en fin de compte, voir si elles contribuent au développement des forces productives, et dans quelle mesure, si elles les freinent ou si elles les libèrent. Seuls l’anéantissement de l’envahisseur japonais, l’application de la réforme agraire, l’émancipation de la paysannerie, le développement d’une industrie moderne et l’édification d’une Chine nouvelle qui soit indépendante, libre, démocratique, unifiée, forte et prospère permettront de libérer les forces productives sociales et auront l’approbation du peuple chinois.
Il convient également de signaler qu’il n’est pas facile pour les intellectuels de la ville qui viennent travailler à la campagne de comprendre que les régions rurales sont toujours fondées sur l’économie individuelle, dispersée et arriérée, que, de plus, les régions libérées sont encore, pour le moment, coupées les unes des autres par l’ennemi et engagées dans la guerre de partisans. Faute de comprendre ces particularités, ils ont souvent une manière inappropriée d’envisager les problèmes ruraux et d’aborder le travail à la campagne, parce qu’ils partent du point de vue de la vie ou du travail dans les villes, ce qui les écarte de la réalité rurale et les empêche de faire corps avec les paysans. C’est par l’éducation qu’il faut surmonter ces insuffisances.
La masse des intellectuels révolutionnaires de Chine doivent prendre conscience de la nécessité de se lier avec les paysans, qui ont besoin d’eux et qui attendent leur aide. Il faut qu’ils aillent avec enthousiasme dans les régions rurales, qu’ils abandonnent leur accoutrement d’étudiant pour revêtir l’habit de toile grossière et qu’ils se mettent de bon gré à la tâche, si modeste soit-elle, qu’ils cherchent à comprendre les aspirations des paysans, les aident à prendre conscience et à s’organiser, afin de mener à son terme la révolution démocratique à la campagne, qui est une tâche d’importance exceptionnelle dans la révolution démocratique en Chine.
Après l’anéantissement de l’envahisseur japonais, les terres dont il s’est emparé ainsi que celles des grands traîtres seront confisquées et distribuées aux paysans qui ont peu de terre ou qui n’en ont pas du tout.
7. Le problème de l’industrie
Pour vaincre l’envahisseur japonais et pour édifier une Chine nouvelle, il faut développer l’industrie. Mais, sous la domination du gouvernement du Kuomintang, on dépend pour tout de l’étranger ; de plus, la politique financière et économique de ce gouvernement sape toute la vie économique du peuple. Les petites entreprises industrielles, d’ailleurs très peu nombreuses, des régions du Kuomintang n’ont pu, dans la plupart des cas, éviter la faillite. Sans réformes politiques, toutes les forces productives iront infailliblement à la ruine, dans l’industrie comme dans l’agriculture.
Si l’on considère le problème dans son ensemble, le développement de l’industrie est impossible sans une Chine indépendante, libre, démocratique et unifiée. Anéantir l’envahisseur, c’est conquérir l’indépendance ; abolir la dictature du seul Kuomintang, former un gouvernement de coalition démocratique et unifié, transformer toutes les troupes du pays en forces armées du peuple, réaliser la réforme agraire, émanciper la paysannerie, c’est obtenir la liberté, la démocratie et l’unification. Sans l’indépendance, la liberté, la démocratie et l’unification, il est impossible de développer véritablement l’industrie sur une vaste échelle. Sans industrie, il ne peut y avoir ni défense nationale solide, ni bien-être du peuple, ni prospérité et puissance pour le pays. L’histoire des cent cinq dernières années, depuis la Guerre de l’Opium en 1840, et surtout celle des dix-huit dernières années, depuis l’arrivée au pouvoir du Kuomintang, a montré clairement au peuple chinois ce point capital. Une Chine forte et prospère, et non faible et pauvre, suppose une Chine indépendante et non coloniale ou semi-coloniale, libre et démocratique et non semi-féodale, unifiée et non divisée. Dans la Chine semi-coloniale, semi-féodale et divisée, combien d’hommes ont rêvé, pendant de longues années, de développer l’industrie, de renforcer la défense nationale, d’apporter le bien-être au peuple, de donner au pays la prospérité et la puissance, mais tous leurs rêves ont été déçus. Nombre d’éducateurs, d’hommes de science et d’étudiants pleins de bonnes intentions se sont plongés à corps perdu dans le travail ou l’étude, sans s’occuper de politique ; ils croyaient pouvoir servir le pays par leurs seules connaissances, mais là aussi, ce ne furent que rêves déçus. C’était d’ailleurs une bonne chose, car l’effondrement de leurs illusions naïves est à l’origine de la lutte pour une Chine forte et prospère. Notre peuple a beaucoup appris dans la Guerre de Résistance ; il s’est convaincu de la nécessité d’édifier, après la défaite de l’agresseur, une Chine de démocratie nouvelle qui lui permettra d’obtenir l’indépendance, la liberté, la démocratie, l’unification, la prospérité et la puissance, conditions toutes interdépendantes et indispensables. S’il agit dans ce sens, il y a de l’espoir pour la Chine. Il ne sera pas possible de libérer les forces productives du peuple et de leur donner un plein développement avant que se réalisent, pour tout le pays, les conditions politiques de démocratie nouvelle. Les gens qui le comprennent sont de jour en jour plus nombreux.
Quand ces conditions seront réunies, le peuple chinois et son gouvernement devront prendre des mesures effectives en vue de créer graduellement, en un certain nombre d’années, une industrie lourde et une industrie légère, et de faire de la Chine agricole un pays industriel. L’Etat de démocratie nouvelle ne pourra se renforcer que sur la base d’une économie solide, c’est-à-dire d’une agriculture avancée et nettement plus développée que notre agriculture actuelle, d’une industrie de grande envergure qui occupe une position prédominante dans l’économie du pays, avec un développement correspondant des communications, du commerce et des finances.
Nous, communistes, nous sommes prêts à lutter pour la réalisation de ces objectifs, de concert avec tous les partis et groupements démocratiques et tous les milieux industriels du pays. La classe ouvrière chinoise aura un grand rôle à jouer dans l’accomplissement de cette tâche.
Après la Première guerre mondiale, elle a commencé, en tant que force consciente, à lutter pour l’indépendance et la libération du pays. En 1921 est né son détachement d’avant-garde, le Parti communiste chinois ; dès lors, la lutte libératrice de la Chine est entrée dans une étape nouvelle. Pendant les trois périodes suivantes — l’Expédition du Nord, la Guerre révolutionnaire agraire et la Guerre de Résistance contre le Japon —, la classe ouvrière et le Parti communiste chinois ont déployé d’immenses efforts pour la libération du peuple chinois, à laquelle ils ont apporté une contribution inestimable. La classe ouvrière chinoise jouera un très grand rôle dans la lutte finale contre l’envahisseur japonais, et en particulier dans la lutte pour recouvrer nos grandes villes et nos principales voies de communication. Il est à prévoir qu’après la fin de la Guerre de Résistance les efforts de cette classe et sa contribution seront encore plus considérables. Sa tâche n’est pas seulement de lutter pour un Etat de démocratie nouvelle, mais également pour l’industrialisation de la Chine et la modernisation de son agriculture.
Sous le régime de démocratie nouvelle, on appliquera la politique destinée à rajuster les intérêts du Travail et du Capital. D’une part, les intérêts des ouvriers seront protégés : on adoptera la journée de travail de huit à dix heures selon les circonstances, on accordera aux chômeurs des secours appropriés, on introduira dans la mesure qui convient les assurances sociales et on préservera les droits syndicaux. D’autre part, on garantira aux entreprises d’Etat, aux entreprises privées et coopératives les profits légitimes d’une gestion rationnelle. Ainsi, le secteur public et le secteur privé, le Travail et le Capital contribueront de concert au développement de la production industrielle.
Après la défaite du Japon, les entreprises et les biens de l’envahisseur, ainsi que ceux des grands traîtres, seront confisqués et mis à la disposition du gouvernement.
8. Le problème de la culture, de l’éducation et des intellectuels
Parmi les maux dont souffre le peuple chinois du fait de l’oppression étrangère et féodale, il faut compter ceux qui affectent la culture nationale, et plus particulièrement les institutions culturelles et éducatives progressistes ainsi que les hommes de culture et les éducateurs progressistes. Pour liquider l’oppression étrangère et féodale, pour édifier un Etat de démocratie nouvelle, il nous faut un grand nombre d’intellectuels dévoués au peuple, comprenant éducateurs et enseignants, hommes de science, ingénieurs, techniciens, médecins, journalistes, écrivains, hommes de lettres, artistes et autres travailleurs de la culture. Ils auront à cœur de servir le peuple et travailleront avec acharnement. Tous les intellectuels qui ont rendu au peuple des services méritoires seront entourés de respect, et il faut les considérer comme un bien précieux pour l’Etat et la société. La Chine, dont la culture est restée arriérée en raison de l’oppression étrangère et féodale, a un urgent besoin d’intellectuels dans la lutte libératrice de son peuple ; le problème des intellectuels revêt donc une importance particulière. Depuis un demi-siècle, et plus particulièrement depuis le Mouvement du 4 Mai et pendant ces huit années de guerre de résistance, la masse des intellectuels révolutionnaires a joué un très grand rôle dans la lutte pour la libération du peuple chinois. Dans les luttes à venir, son rôle sera encore plus important. C’est pourquoi le gouvernement populaire devra former méthodiquement, dans les différents domaines, des cadres intellectuels issus des masses populaires, tout en prenant soin de rallier et d’éduquer ceux des intellectuels déjà existants qui peuvent être utiles.
Liquider l’analphabétisme, qui affecte les 80 pour cent de la population, est une tâche importante de la Chine nouvelle.
Des mesures appropriées et énergiques seront prises pour supprimer toute culture et toute éducation asservissantes, féodales et fascistes.
Une action vigoureuse sera entreprise pour prévenir et combattre les maladies parmi la population et pour développer les services populaires de l’hygiène et de la santé.
On rééduquera, par des méthodes appropriées, les intellectuels de type ancien qui travaillent dans les domaines de la culture, de l’enseignement et de la médecine, afin qu’ils puissent assimiler les nouvelles conceptions et les nouvelles méthodes de travail et qu’ils se mettent au service du peuple.
La culture et l’éducation en Chine seront celles de la démocratie nouvelle ; en d’autres termes, la Chine créera une culture et une éducation nouvelles, qui soient nationales, scientifiques et au service des masses populaires.
Quant à la culture étrangère, on aurait tort de pratiquer à son égard une politique de rejet pur et simple ; il faut assimiler autant que possible tout ce qu’elle contient de progressiste et qui soit susceptible de servir au développement de la nouvelle culture chinoise. Mais on aurait tort aussi de l’adopter aveuglément ; il faut l’assimiler avec un esprit critique, selon les besoins réels du peuple chinois. La culture nouvelle créée en U.R.S.S. nous servira de modèle dans l’édification de la culture populaire. De même, la culture chinoise des temps anciens ne doit être ni rejetée totalement, ni adoptée sans discernement, mais être assimilée avec un esprit critique, dans l’intérêt du développement de la nouvelle culture chinoise.
9. Le problème des minorités nationales
La clique antipopulaire du Kuomintang nie qu’il existe en Chine de multiples nationalités ; à l’exception des Hans, elle les appelle toutes des “clans”11. Elle pratique à l’égard des minorités nationales une politique réactionnaire, entièrement héritée du gouvernement des Tsing et de celui des seigneurs de guerre du Peiyang : elle les opprime et les exploite par tous les moyens possibles. Témoin le massacre, en 1943, des Mongols de la Ligue d’Ikh-tchao, la répression armée exercée depuis 1944 contre les minorités nationales du Sinkiang, ainsi que le massacre des Houeis, dans le Kansou, au cours des dernières années. Ce sont là les manifestations d’une conception et d’une politique erronées, inspirées par le chauvinisme grand-han.
En 1924, le Dr Sun Yat-sen écrivait dans le Manifeste du Ier Congrès national du Kuomintang:
Le principe du nationalisme du Kuomintang a une double signification : d’une part, libération de la nation chinoise par elle-même; d’autre part, égalité des droits pour toutes les nationalités de Chine.
Et plus loin :
Le Kuomintang déclare solennellement qu’il reconnaît le droit d’autodétermination à toutes les nationalités de Chine et qu’après la victoire de la révolution dirigée contre les impérialistes et les seigneurs de guerre sera créée une république chinoise libre et unie (fondée sur l’union librement consentie de toutes ses nationalités).
Le Parti communiste chinois approuve entièrement cette politique du Dr Sun Yat-sen à l’égard des nationalités. Les communistes doivent soutenir activement les masses populaires des minorités nationales dans la lutte qu’elles mènent pour son application ; ils aideront ces masses, y compris tous les dirigeants qui sont liés à elles, dans leur lutte pour l’émancipation et le développement politiques, économiques et culturels ; de même, ils aideront à la création de forces armées qui appartiennent en propre aux minorités nationales et qui défendent les intérêts de leurs masses. La langue, l’écriture, les mœurs et les coutumes des minorités nationales, ainsi que leurs croyances religieuses, seront respectées.
Depuis des années, une attitude juste a été observée dans la région frontière du Chensi-Kansou-Ninghsia et dans les régions libérées de la Chine du Nord à l’égard des Mongols et des Houeis, et le travail accompli a été fructueux.
10. Le problème de la politique extérieure
Le Parti communiste chinois approuve la Charte de l’Atlantique, ainsi que les décisions des conférences internationales de Moscou, du Caire, de Téhéran et de Crimée12, car ces décisions contribuent à la défaite des agresseurs fascistes et à la défense de la paix dans le monde.
Le principe fondamental de la politique extérieure du Parti communiste chinois est le suivant : Sur la base de la lutte pour abattre définitivement l’agresseur japonais, de la défense de la paix mondiale, du respect mutuel de l’indépendance et de l’égalité des droits, ainsi que de la promotion réciproque des intérêts et de l’amitié entre les Etats et entre les peuples, la Chine établira des relations diplomatiques avec tous les pays et les renforcera, en vue de résoudre toutes les questions d’intérêt commun, telles que la coordination des opérations militaires, les conférences de la paix, les échanges commerciaux et les investissements.
Le Parti communiste chinois approuve entièrement les propositions de la Conférence de Dumbarton Oaks et les décisions de la Conférence de Crimée au sujet de la création d’une organisation chargée d’assurer la paix et la sécurité internationales après la guerre. Il salue la “Conférence des Nations unies sur l’Organisation internationale” de San Francisco. Il a envoyé à cette Conférence son représentant, qui fait partie de la délégation chinoise, afin d’y exprimer la volonté du peuple chinois13.
Nous estimons que le gouvernement du Kuomintang doit mettre fin à son hostilité envers l’Union soviétique et améliorer sans tarder les relations sino-soviétiques. L’Union soviétique a été le premier Etat à dénoncer les traités inégaux et à conclure avec la Chine de nouveaux traités sur un pied d’égalité. A l’époque du Ier Congrès national du Kuomintang, convoqué en 1924 par le Dr Sun Yat-sen, et plus tard, au cours de l’Expédition du Nord, seule l’Union soviétique a soutenu notre guerre de libération. Quand la Guerre de Résistance a commencé en 1937, c’est encore elle qui fut la première à venir en aide à la Chine dans la lutte contre l’agresseur japonais. Le peuple chinois en exprime sa reconnaissance au gouvernement et au peuple soviétiques. Nous estimons que la solution définitive et complète des problèmes du Pacifique est impossible sans la participation de l’Union soviétique.
Nous demandons aux gouvernements des pays alliés, et, en premier lieu, à ceux des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, de prêter une attention sérieuse à la voix de la grande masse du peuple chinois et de ne pas porter préjudice à leurs liens d’amitié avec lui en donnant à leur politique extérieure une orientation contraire à sa volonté. Nous soutenons que tout gouvernement étranger qui aiderait les réactionnaires chinois et qui s’opposerait à la lutte de notre peuple pour la démocratie commettrait une très grave erreur.
Le peuple chinois salue les déclarations que de nombreux gouvernements étrangers ont faites à propos de leur décision de dénoncer les traités inégaux imposés à la Chine et de conclure avec elle de nouveaux traités sur un pied d’égalité. Néanmoins, nous estimons que la conclusion de ces traités ne signifiera pas pour autant que la Chine jouisse vraiment de l’égalité des droits. L’égalité effective, véritable, ne saurait être un simple don des gouvernements étrangers, elle doit être conquise avant tout par les efforts du peuple chinois lui-même ; c’est en transformant la Chine, sur les plans politique, économique et culturel, en un Etat de démocratie nouvelle qu’il y parviendra, sinon l’indépendance et l’égalité ne seront que nominales et non effectives. En d’autres termes, la politique actuelle du gouvernement du Kuomintang ne permettra jamais à la Chine d’obtenir véritablement l’indépendance et l’égalité des droits.
Nous estimons qu’après la défaite et la capitulation sans conditions de l’envahisseur japonais il sera nécessaire, pour éliminer complètement le fascisme et le militarisme japonais, ainsi que les causes politiques, économiques et sociales qui les ont engendrés, d’aider toutes les forces démocratiques du peuple japonais à instaurer leur propre régime démocratique. Sinon, il sera impossible d’en finir avec le fascisme et le militarisme japonais et d’assurer la paix dans le Pacifique.
Nous considérons que la décision de la Conférence du Caire au sujet de l’indépendance de la Corée est juste ; le peuple chinois doit aider le peuple coréen à se libérer.
Nous espérons que l’Inde deviendra indépendante. Car une Inde indépendante et démocratique, nécessaire au peuple indien lui-même, l’est aussi à la paix mondiale.
En ce qui concerne les pays du Sud-Est asiatique — la Birmanie, la Malaisie, l’Indonésie, le Vietnam, les Philippines —, nous espérons qu’après la défaite de l’envahisseur japonais les peuples de ces pays pourront exercer leur droit de créer leurs propres Etats indépendants et démocratiques. Quant à la Thaïlande, il conviendra de la traiter de la même manière que les pays satellites fascistes d’Europe.
* * *
Tels sont les points essentiels de notre programme concret.
Je le répète, aucun de ces points ne pourra être appliqué avec succès à l’échelle du pays sans un gouvernement démocratique de coalition jouissant de l’appui de toute la nation.
Par ses vingt-quatre années de lutte pour la libération du peuple chinois, le Parti communiste a conquis une position telle que tous les partis politiques ou groupes sociaux, tous les Chinois ou étrangers qui ne prendraient pas en considération son opinion sur les questions relatives à la Chine commettraient une très grave erreur et se condamneraient à l’échec. Il y a eu et il y a encore des gens assez butés pour essayer de n’en faire qu’à leur tête, sans tenir compte de nos opinions ; mais, finalement, ils se sont engagés ou s’engagent tous dans une impasse. Pourquoi ? Simplement parce que nos opinions répondent aux intérêts de la grande masse du peuple chinois. Le Parti communiste est le porte-parole le plus fidèle du peuple chinois ; quiconque refuse de le respecter refuse en fait de respecter la grande masse du peuple chinois, et il va inévitablement à l’échec.
NOS TACHES DANS LES RÉGIONS DU KUOMINTANG
Je viens d’exposer, en détail, le programme général et le programme concret de notre Parti. Il ne fait aucun doute qu’ils seront appliqués dans toute la Chine ; la situation, tant internationale qu’intérieure, permet au peuple chinois d’en être convaincu. Néanmoins, les conditions sont actuellement différentes dans les régions du Kuomintang, dans les régions d’occupation japonaise et dans les régions libérées, ce qui nous oblige à appliquer ces programmes différemment selon les régions. A situations différentes, tâches différentes. J’ai déjà exposé certaines de ces tâches, il convient maintenant d’en examiner encore quelques autres.
Dans les régions du Kuomintang, le peuple n’est pas libre d’exercer une activité patriotique, et le mouvement démocratique est considéré comme illégal ; et pourtant on y voit se développer une action de plus en plus intense, à laquelle prennent part de nombreuses couches de la population, beaucoup de partis et groupements démocratiques et un grand nombre de démocrates. La Ligue démocratique de Chine a publié, en janvier dernier, un manifeste réclamant la fin de la dictature du seul Kuomintang et la formation d’un gouvernement de coalition. Et bien d’autres milieux ont fait des déclarations de même nature. Au sein même du Kuomintang, beaucoup de membres expriment toujours plus de doutes et un mécontentement croissant au sujet de la politique suivie par leur propre organe dirigeant ; ils sont de plus en plus conscients du danger que court leur parti pour s’être isolé de la grande masse du peuple et ils réclament des réformes démocratiques qui correspondent aux exigences du moment. A Tchongking et ailleurs, le mouvement démocratique se développe parmi les ouvriers, les paysans, les étudiants, les femmes, les fonctionnaires, ainsi que dans les milieux de la culture, de l’enseignement, de l’industrie et du commerce, voire chez une partie des militaires. Ces faits montrent que toutes les couches opprimées font converger peu à peu leur mouvement démocratique vers le même objectif. Cependant un point faible du mouvement actuel, c’est que les couches fondamentales de la société n’y prennent pas encore une large part : les forces extrêmement importantes que sont les paysans, les ouvriers, les soldats, les petits fonctionnaires et les instituteurs, qui mènent tous une vie si misérable, ne se sont pas encore organisées. Un autre point faible, c’est que, parmi les démocrates qui participent à ce mouvement, beaucoup n’ont pas encore adopté une position nette et ferme quant à la politique fondamentale qui vise à obtenir un changement dans la situation par un combat mené sur une large base démocratique. Toutefois, la situation objective oblige toutes les couches sociales, tous les partis politiques et tous les groupes sociaux qui souffrent de l’oppression à prendre conscience et à s’unir progressivement. Aucune répression exercée par le gouvernement du Kuomintang n’empêchera ce mouvement de se développer.
Toutes les couches sociales, tous les partis politiques et tous les groupes sociaux victimes de l’oppression dans les régions du Kuomintang doivent assurer à leur mouvement démocratique un large développement et rassembler graduellement toutes leurs forces encore dispersées, en vue de lutter pour l’union nationale, pour un gouvernement de coalition, pour la défaite de l’envahisseur japonais et pour l’édification d’une Chine nouvelle. Le Parti communiste chinois et la population des régions libérées apporteront à ce mouvement toute l’aide possible.
Dans les régions du Kuomintang, les communistes doivent poursuivre leur politique de large front uni national antijaponais. Dans la lutte pour l’objectif commun, nous devons collaborer avec quiconque ne s’oppose pas à nous aujourd’hui, eût-il été contre nous hier encore.
NOS TACHES DANS LES RÉGIONS D’OCCUPATION JAPONAISE
Dans les régions occupées, les communistes doivent lancer un appel à tous ceux qui sont opposés au Japon pour que, suivant l’exemple de la France et de l’Italie, ils se groupent dans diverses organisations, créent des forces clandestines et préparent des soulèvements armés, afin de pouvoir, le moment venu, anéantir l’envahisseur japonais par une action intérieure menée en coordination avec les troupes attaquant de l’extérieur. Les atrocités, les pillages, les viols et les outrages commis par l’envahisseur japonais et ses serviteurs dociles contre nos frères et nos sœurs des régions occupées ont suscité la furieuse colère de tout le peuple chinois, et l’heure du châtiment va bientôt sonner. Les victoires sur le théâtre européen des opérations et celles que remportent notre VIIIe Armée de Route et notre Nouvelle IVe Armée ont exalté, au plus haut degré, les sentiments antijaponais de la population des régions occupées. Celle-ci désire ardemment s’organiser, afin de se libérer au plus vite. Il faut donc accorder au travail dans les régions occupées une importance aussi grande qu’au travail dans les régions libérées. Nous devons y envoyer un grand nombre de cadres. Nous devons y former et promouvoir un grand nombre d’activistes au sein même de la population pour qu’ils participent au travail du lieu. Nous devons intensifier notre travail clandestin dans les quatre provinces du Nord-Est, occupées depuis plus longtemps que toute autre région et qui constituent pour l’envahisseur japonais une région industrielle clé et une importante zone de concentration de troupes. En vue de reconquérir ces territoires, il nous faut encore renforcer notre solidarité avec les réfugiés du Nord-Est qui se trouvent maintenant au sud de la Grande Muraille.
Les communistes doivent appliquer dans toutes les régions occupées la politique du front uni national antijaponais le plus large. Afin de venir à bout de l’ennemi commun, ils doivent s’allier avec quiconque est décidé à lutter contre l’envahisseur japonais et ses serviteurs dociles.
A toutes les troupes et à toute la police fantoches ainsi qu’à tous les autres éléments qui aident l’ennemi à combattre nos compatriotes, nous lançons cet avertissement : Prenez conscience, au plus vite, du caractère criminel de votre action, repentez-vous avant qu’il ne soit trop tard, et rachetez vos crimes en soutenant vos compatriotes dans leur lutte contre l’ennemi. Sinon, quand ce dernier s’effondrera, vous n’échapperez pas à la justice de la nation.
Les communistes doivent effectuer un travail de persuasion auprès des organisations fantoches qui groupent des masses plus ou moins importantes, pour que ces masses abusées se joignent à notre lutte contre l’ennemi de la nation. En même temps, il faut recueillir des preuves contre les traîtres coupables des crimes les plus odieux et qui ne veulent pas se repentir, afin qu’ils soient châtiés selon la loi lorsque les territoires perdus auront été recouvrés.
Aux éléments réactionnaires du Kuomintang qui trahissent la nation en organisant des traîtres pour qu’ils luttent contre le peuple chinois, contre le Parti communiste chinois, contre la VIIIe Armée de Route, la Nouvelle IVe Armée et les autres forces armées populaires, il faut lancer un avertissement les sommant de se repentir au plus vite. Sinon, quand les territoires perdus auront été recouvrés, ils devront répondre de leurs crimes devant la justice, au même titre que les traîtres à la nation, et ils seront châtiés sans aucune indulgence.
NOS TACHES DANS LES RÉGIONS LIBÉRÉES
Dans les régions libérées, notre Parti a déjà appliqué intégralement son programme de démocratie nouvelle et des succès évidents ont été obtenus ; il a réussi à constituer d’importantes forces antijaponaises, qu’il s’agit désormais de développer et de consolider sous différents rapports.
Dans les conditions actuelles, les forces armées des régions libérées doivent étendre leurs attaques à toutes les localités susceptibles d’être arrachées à l’envahisseur et aux fantoches, afin d’élargir les régions libérées et de réduire les territoires occupés.
Mais on n’oubliera pas que l’ennemi est encore fort et qu’il pourrait lancer de nouvelles attaques contre les régions libérées. L’armée et la population civile doivent donc toujours se tenir prêtes à les briser ; elles veilleront à consolider dans tous les domaines les régions libérées.
Il faut, dans ces régions, accroître les effectifs de nos armées, de nos unités de partisans, de notre milice populaire et de nos détachements d’autodéfense, et élever leur capacité combative en accélérant leur instruction et leur consolidation, afin de préparer des forces suffisantes pour vaincre définitivement l’envahisseur.
Dans les régions libérées, l’armée doit soutenir le gouvernement et aimer le peuple, tandis que le gouvernement démocratique doit diriger le peuple dans ses efforts pour soutenir l’armée et pour prendre soin des familles des combattants de la Résistance, et cela afin d’améliorer encore les rapports entre l’armée et le peuple.
Dans leur travail au sein des gouvernements locaux de coalition et dans toutes leurs activités publiques, les communistes continueront, sur la base du programme de démocratie nouvelle, de coopérer étroitement avec tous les démocrates antijaponais.
De même, sur le plan militaire, ils s’appliqueront à travailler en parfaite harmonie avec tous les démocrates antijaponais disposés à coopérer avec nous, qu’ils appartiennent ou non aux forces armées des régions libérées.
Afin d’encourager les ouvriers, les paysans et les autres masses travailleuses à redoubler d’ardeur dans la Résistance et la production, nous devons appliquer à fond notre politique de réduction des fermages et du taux d’intérêt, ainsi que notre politique d’amélioration des conditions matérielles des ouvriers et des employés. Les cadres des régions libérées s’efforceront d’apprendre à bien accomplir le travail économique. Nous devons mobiliser toutes les forces disponibles pour développer largement l’agriculture, l’industrie et le commerce, et pour améliorer la situation matérielle de l’armée et de la population. Il convient, à cet effet, d’organiser l’émulation dans le travail et de récompenser les héros du travail et les travailleurs modèles. Nos cadres devront apprendre rapidement à mener le travail économique dans les villes, une fois que l’envahisseur en aura été chassé.
Pour élever la conscience politique des masses dans nos régions libérées et, avant tout, celle des ouvriers, des paysans et des soldats, et afin de former des cadres en grand nombre, nous devons développer la culture et l’éducation. Ceux qui s’y consacrent leur donneront un contenu et une forme adaptés aux particularités actuelles de la campagne ainsi qu’aux besoins de la population, tout en s’assurant la participation volontaire des masses aux activités culturelles et éducatives.
Quel que soit le travail que nous entreprenons dans les régions libérées, nous devons faire le meilleur usage des ressources locales en hommes et en matériel, prévoir à cet effet un plan à long terme et éviter tout mauvais emploi ou tout gaspillage de ces ressources. Cela est indispensable non seulement pour vaincre l’agresseur japonais, mais aussi pour édifier une Chine nouvelle.
Tout travail dans les régions libérées exige que nous veillions très attentivement à aider les gens du pays à administrer eux-mêmes leurs affaires, et à former un grand nombre de cadres locaux choisis parmi les meilleurs représentants de la population. Les camarades venus d’ailleurs ne pourront accomplir la grande tâche de la révolution démocratique à la campagne que s’ils font corps avec la population, s’ils aident les cadres locaux avec chaleur et sincérité, d’une façon qui réponde aux conditions de l’endroit, et s’ils les traitent comme leurs propres frères et leurs propres sœurs.
La VIIIe Armée de Route, la Nouvelle IVe Armée et les autres forces armées populaires, partout où elles arriveront, aideront immédiatement la population locale à organiser des forces armées qui seront dirigées par des cadres du pays, et qui comprendront non seulement la milice populaire et des détachements d’autodéfense, mais aussi des unités ou des formations territoriales susceptibles de devenir plus tard des unités ou des formations intégrées aux forces principales de notre armée et au commandement desquelles participeraient des cadres du pays. C’est là une tâche d’une importance primordiale. Si on ne la mène pas à bien, il ne sera possible ni d’établir des bases antijaponaises solides ni de développer les forces armées populaires.
Il va de soi que, pour leur part, les gens du pays réserveront un accueil chaleureux et apporteront leur aide aux cadres révolutionnaires et aux forces populaires qui viennent d’autres régions.
Il convient d’attirer l’attention de tous sur l’action à mener contre les saboteurs camouflés de la cause nationale. Car, s’il est facile de reconnaître et de contrecarrer les ennemis déclarés, qui se livrent ouvertement à des attentats contre la nation, il n’en est pas de même des ennemis cachés, qui mènent contre elle en secret des activités de sape. Il importe donc de traiter leur cas avec rigueur, tout en ne prenant des mesures contre eux qu’après mûre réflexion.
Conformément au principe de la liberté de conscience, l’exercice de tous les cultes est autorisé dans les régions libérées. Les protestants, les catholiques, les musulmans, les bouddhistes et les adeptes des autres religions sont assurés de la protection du gouvernement populaire dans la mesure où ils respectent la loi. Chacun est libre de pratiquer ou non une religion ; on n’admettra aucune contrainte ni aucune discrimination à cet égard.
Notre Congrès doit proposer au peuple de toutes les régions libérées qu’une conférence de ses représentants soit convoquée au plus tôt à Yenan, pour examiner les moyens de coordonner l’activité des différentes régions libérées, de renforcer le travail qu’exige la Résistance, de soutenir le mouvement démocratique antijaponais de la population des régions du Kuomintang, d’aider le peuple des régions occupées à créer des forces armées clandestines, de contribuer à l’union de toute la nation et à la création d’un gouvernement de coalition14. Les régions libérées représentent actuellement le centre de gravité dans la lutte de notre peuple contre l’envahisseur japonais et pour le salut de la patrie. C’est en nous que, partout dans le pays, les masses populaires mettent leur espoir ; notre devoir est de ne pas les décevoir. La conférence que nous proposons donnera un puissant élan à la cause de la libération nationale du peuple chinois.
Camarades ! Maintenant que nous connaissons nos tâches et la politique qui permet de les mener à bien, quelle va être notre attitude dans l’application de cette politique et dans l’accomplissement de ces tâches ?
A nous et à tout le peuple chinois, la situation internationale et intérieure ouvre un brillant avenir et offre des conditions plus favorables que jamais ; cela est évident, incontestable. Mais, en même temps, de graves difficultés subsistent. Celui qui ne voit que le côté radieux des choses et non les difficultés ne pourra lutter avec succès pour l’accomplissement des tâches du Parti.
Au cours de ses vingt-quatre années d’existence, dont huit années de Guerre de Résistance, notre Parti a créé pour le peuple chinois, en luttant à ses côtés, des forces puissantes ; les succès remportés dans notre travail sont évidents, incontestables. Mais on y trouve aussi des insuffisances. Celui qui ne voit que les succès et non les insuffisances ne pourra pas non plus lutter avec efficacité pour l’accomplissement des tâches du Parti.
Au cours des vingt-quatre années qui se sont écoulées depuis sa naissance, en 1921, le Parti communiste chinois a connu trois grandes luttes : l’Expédition du Nord, la Guerre révolutionnaire agraire et la Guerre de Résistance contre le Japon, qui se poursuit encore. Dès sa création, notre Parti s’est fondé sur le marxisme-léninisme, car cette doctrine résulte de la cristallisation de la pensée scientifique la plus juste et la plus révolutionnaire du prolétariat mondial. Dès que la vérité universelle du marxisme-léninisme fut liée à la pratique concrète de la révolution chinoise, celle-ci prit un tour entièrement nouveau, et ce fut le début de toute l’étape historique de la démocratie nouvelle. Armé de la théorie marxiste-léniniste, le Parti communiste a apporté au peuple chinois un nouveau style de travail dont les éléments essentiels sont l’union de la théorie et de la pratique, la liaison étroite avec les masses et l’autocritique.
La vérité universelle du marxisme-léninisme, qui reflète la pratique de la lutte du prolétariat mondial, devient pour notre peuple une arme toujours victorieuse, dès qu’on l’unit à la pratique concrète de la lutte révolutionnaire du prolétariat et des masses populaires de Chine. C’est ce qu’a fait le Parti communiste chinois. Notre Parti s’est développé et a progressé au cours d’une lutte résolue contre toutes les manifestations de dogmatisme et d’empirisme, qui vont à l’encontre du marxisme-léninisme. Le dogmatisme s’isole de la pratique concrète, alors que l’empirisme prend à tort l’expérience partielle pour une vérité universelle ; ces deux conceptions opportunistes sont contraires au marxisme. Au cours de ses vingt-quatre années de combat, notre Parti a surmonté, et continue de surmonter, de telles conceptions erronées, se renforçant ainsi considérablement du point de vue idéologique. Actuellement, il compte déjà 1.210.000 membres. La grande majorité d’entre eux y ont adhéré pendant la Guerre de Résistance, et leurs conceptions ne sont pas exemptes d’impuretés. Cela est vrai aussi pour les camarades qui sont entrés au Parti avant cette guerre. Le travail de rectification effectué au cours des dernières années a été des plus fructueux, il a puissamment contribué à éliminer ces impuretés. Il faut donc le poursuivre et développer davantage l’éducation idéologique au sein du Parti selon le principe : “Tirer la leçon des erreurs passées pour en éviter le retour et guérir la maladie pour sauver l’homme”. Il est nécessaire de faire comprendre à nos cadres dirigeants de tous les échelons que l’union étroite de la théorie et de la pratique est l’un des traits marquants qui nous distinguent, nous communistes, de tous les autres partis politiques. Aussi la tâche centrale est-elle de prendre en main l’éducation idéologique si l’on veut unir tout le Parti en vue de ses grandes luttes politiques. Sinon, le Parti ne pourra accomplir aucune de ses tâches politiques.
Un autre trait marquant qui nous distingue, nous communistes, de tous les autres partis politiques, c’est que nous sommes intimement liés aux masses les plus larges. Servir le peuple de tout cœur, sans nous couper un seul instant des masses ; partir, en tout, des intérêts du peuple et non des intérêts de l’individu ou d’un petit groupe ; identifier notre responsabilité devant le peuple avec notre responsabilité devant les organes dirigeants du Parti — voilà ce qui doit inspirer nos actes. Un communiste doit être toujours prêt à défendre la vérité, car toute vérité s’accorde avec les intérêts du peuple. Il sera toujours prêt à corriger ses fautes, car toute faute va à l’encontre des intérêts du peuple. Vingt-quatre années d’expérience nous montrent qu’une tâche, qu’une politique, qu’un style de travail justes sont toujours en accord avec les exigences des masses à un moment et en un lieu donné et nous lient à elles ; mais qu’une tâche, qu’une politique, qu’un style de travail erronés ne correspondent jamais aux exigences des masses à un moment et en un lieu donné et nous coupent de celles-ci. Si des maux tels que le dogmatisme, l’empirisme, l’autoritarisme, le suivisme, le sectarisme, la bureaucratie, la présomption dans le travail sont absolument nuisibles et inadmissibles, si ceux qui en sont atteints se doivent de les vaincre, c’est parce que ces maux nous coupent des masses. Notre Congrès doit appeler tout le Parti à redoubler de vigilance, à veiller à ce qu’aucun camarade, quel que soit le domaine de son activité, ne se coupe des masses. Il faut apprendre à chaque camarade à aimer les masses populaires et à prêter une oreille attentive à leur voix; à s’intégrer aux masses où qu’il aille, à se confondre avec elles et non à se placer au-dessus d’elles; à les éveiller ou à élever leur conscience politique en tenant compte de leur niveau; et conformément au principe du libre consentement, à les aider à s’organiser progressivement et à développer graduellement toutes les luttes nécessaires que permettent les conditions internes et externes du lieu et du moment donnés. Dans tout travail, l’autoritarisme est une erreur, car il dépasse le niveau de conscience des masses et viole le principe de libre adhésion ; il est une manifestation de ce mal qu’on appelle précipitation. Nos camarades ne doivent pas croire que tout ce qu’ils comprennent soit également compris des larges masses. Seule une enquête effectuée parmi les masses permet de s’assurer si elles ont saisi telle ou telle idée, si elles sont prêtes à passer à l’action. C’est en agissant de cette manière que nous éviterons l’autoritarisme. Dans tout travail, le suivisme est également une erreur, car il demeure au-dessous du niveau de conscience des masses et viole le principe qui consiste à guider les masses dans leur marche en avant ; il est une manifestation de cet autre mal qu’on appelle lenteur. Nos camarades ne doivent pas croire que les masses ne comprennent rien de ce qu’eux-mêmes n’ont pas encore compris. Il arrive souvent qu’elles nous devancent et éprouvent le besoin impérieux de faire un pas en avant, alors que nos camarades, incapables de les diriger, se mettent à la remorque de certains éléments arriérés, dont ils reflètent les vues en les prenant à tort pour celles des larges masses. Bref, il faut faire savoir à chaque camarade que toutes les paroles, que tous les actes d’un communiste doivent avoir pour premier critère la conformité aux intérêts suprêmes du peuple et l’adhésion des masses les plus larges. Il faut faire comprendre à chaque camarade qu’aussi longtemps que nous prendrons appui sur le peuple, que nous croirons fermement aux inépuisables forces créatrices des masses, plaçant ainsi notre confiance dans le peuple et faisant corps avec lui, nous vaincrons n’importe quelles difficultés ; et tout ennemi, quel qu’il soit, loin de pouvoir nous écraser, sera infailliblement anéanti.
Il est encore un trait marquant qui nous distingue des autres partis, c’est la pratique consciencieuse de l’autocritique. Comme nous l’avons déjà dit, nous devons constamment balayer notre chambre, sinon la poussière s’y entassera ; nous devons nous laver régulièrement la figure, sinon elle sera toute souillée. Dans l’esprit de nos camarades et le travail de notre Parti, bien de la poussière peut aussi s’amasser ; c’est pourquoi nous devons balayer et laver. Le proverbe : “L’eau courante ne peut croupir et le gond d’une porte n’est jamais vermoulu” signifie que le mouvement constant empêche l’action corruptrice des microbes et des parasites. Examiner sans cesse notre travail, introduire largement dans cet examen le style de travail démocratique, ne redouter ni la critique ni l’autocritique, appliquer les maximes si instructives du peuple chinois: “Ne tais rien de ce que tu sais, ne garde rien pour toi de ce que tu as à dire”, “Nul n’est coupable pour avoir parlé, à celui qui écoute de tirer la leçon”, “Si tu as des défauts, corrige-toi; si tu n’en as pas, surveille-toi”; voilà la seule manière efficace de préserver l’esprit de nos camarades et l’organisme de notre Parti de toute contamination par les poussières et les microbes politiques. La grande efficacité du mouvement de rectification, dont le but a été de “tirer la leçon des erreurs passées pour en éviter le retour et guérir la maladie pour sauver l’homme”, est due au fait que la critique et l’autocritique que nous y avons pratiquées étaient justes et non faussées, sérieuses et non de pure forme. Nous autres, communistes chinois, qui prenons pour point de départ les intérêts suprêmes de la grande masse du peuple chinois, qui sommes convaincus que notre cause est entièrement juste, nous n’hésitons pas à lui sacrifier tout ce qui nous est personnel et nous sommes toujours prêts à donner pour elle notre propre vie; y a-t-il donc encore une idée, une conception, une opinion ou une méthode ne répondant pas aux besoins du peuple que nous ne puissions abandonner? Pourrions-nous nous réjouir que des saletés et des microbes politiques viennent souiller notre visage, infecter notre organisme ? Le souvenir des innombrables martyrs de notre révolution qui ont donné leur vie pour le peuple emplit d’affliction le cœur des vivants. Est-il alors intérêt personnel que nous ne puissions sacrifier, défaut que nous ne puissions corriger ?
Camarades, nous rejoindrons le front à l’issue de notre Congrès, et, conformément à ses résolutions, nous lutterons pour vaincre définitivement l’envahisseur japonais et pour édifier une Chine nouvelle. A cette fin, nous devons faire bloc avec le peuple tout entier. Je le répète : Nous devons rallier à nous toute classe, tout parti, tout groupe social, tout individu qui soit pour la défaite de l’envahisseur japonais et pour l’édification d’une Chine nouvelle. A cette fin, nous devons unir étroitement toutes les forces de notre Parti, sur la base des principes d’organisation et de discipline du centralisme démocratique. Nous devons assurer l’union avec tout camarade, quel qu’il soit, à condition qu’il veuille observer le programme, les statuts et les décisions du Parti. Pendant l’Expédition du Nord, notre Parti comptait à peine 60.000 membres ; la plupart de ses organisations furent plus tard détruites par l’ennemi. Pendant la Guerre révolutionnaire agraire, ses effectifs ne dépassaient pas 300.000 membres ; par la suite, la plupart de ses organisations furent à nouveau détruites par l’ennemi. Actuellement, notre Parti compte plus de 1.200.000 membres et, cette fois, nous ne devons absolument pas nous laisser détruire. Si nous savons mettre à profit l’expérience de ces trois périodes, si nous agissons avec modestie en nous gardant de toute présomption, si, à l’intérieur du Parti, nous arrivons à renforcer l’unité avec tous nos camarades, et, à l’extérieur, avec le peuple tout entier, nous sommes assurés de ne jamais nous laisser détruire, mais au contraire de pouvoir anéantir résolument, radicalement, intégralement et totalement l’envahisseur japonais et ses serviteurs dociles, puis édifier une Chine de démocratie nouvelle.
L’expérience des trois périodes de la révolution, en particulier celle de la Guerre de Résistance, nous a donné, à nous et à tout notre peuple, la conviction que, sans les efforts du Parti communiste chinois, sans les communistes chinois, ces piliers du peuple, il sera impossible à la Chine de conquérir son indépendance et d’obtenir sa libération, il lui sera impossible également de réaliser son industrialisation et de moderniser son agriculture.
Camarades, j’ai la ferme conviction qu’avec le Parti communiste chinois, fort de l’expérience de trois révolutions, nous accomplirons notre grande mission politique.
Des milliers et des milliers de martyrs ont donné héroïquement leur vie pour le peuple. Levons haut leur drapeau, avançons sur la voie que leur sang nous a tracée !
Le jour est proche où naîtra une Chine de démocratie nouvelle. Saluons ce grand jour !