Mao Zedong
Circulaire du Comité central du Parti communiste chinois
sur les négociations de paix avec le Kuomintang1
26 aout 1945
La capitulation rapide de l’envahisseur japonais a changé toute la situation. Tchiang Kaï-chek a monopolisé le droit de recevoir la capitulation et pour le moment (pendant un certain temps) les grandes villes et les importantes voies de communication ne seront pas entre nos mains. Cependant, dans la Chine du Nord, nous devons encore lutter ferme, lutter de toutes nos forces pour prendre tout ce que nous pouvons. Au cours des deux dernières semaines, notre armée a repris 59 villes, grandes et petites, ainsi que de vastes régions rurales, et nous avons maintenant au total 175 villes, y compris celles que nous possédions déjà ; nous avons ainsi remporté une grande victoire. Dans Chine du Nord, nous avons repris Weihaiwei, Yentai, Longkeou, Yitou, Tsetchouan, Yanglieoutsing, Pikehtsi, Poai, Tchangkiakeou, Tsining et Fengtchen ; notre armée a donc, par sa puissance, ébranlé la Chine du Nord, ce qui, avec la foudroyante avance des forces soviétiques et mongoles jusqu’à la Grande Muraille, a mis notre Parti dans une position avantageuse. Dans la période à venir, nous devons poursuivre l’offensive, afin de nous emparer, autant que possible, de la voie ferrée Peiping-Soueiyuan, de la section nord de la ligne Tatong-Poutcheou, des lignes Tchengting-Taiyuan, Tehtcheou-Chekiatchouang, Paikouei-Tsintcheng et Taokeou-Tsinghoua, et de couper les lignes Peiping-Liaoning, Peiping-Hankeou, Tientsin-Poukeou, Tsingtao-Tsinan, Longhai et Changhai-Nankin ; nous devons contrôler tout ce que nous pouvons, ne fût-ce que temporairement. En même temps, nous devons employer les forces nécessaires pour prendre le plus grand nombre possible de villages aussi bien que de chefs-lieux d’anciennes préfectures, de chefs-lieux de district, de bourgs. Par exemple, la Nouvelle IVe Armée a occupé de nombreux chefs-lieux de district situés entre Nankin, le lac Taihou et le mont Tienmou d’une part, entre le Yangtsé et le Houaiho de l’autre ; nos troupes dans le Chantong ont pris toute la péninsule de Kiaotong ; nos forces dans la région frontière du Chansi-Soueiyuan se sont emparées d’un grand nombre de villes au nord et au sud de la voie ferrée Peiping-Soueiyuan ; tout cela a créé une situation extrêmement favorable. Encore une période d’offensive, et notre Parti sera en mesure de contrôler la plus grande partie des régions situées au nord du Bas-Yangtsé et du Houaiho, la plus grande partie des provinces du Chantong, du Hopei, du Chansi et du Soueiyuan, tout le Jéhol et tout le Tchahar et une partie de la province du Liaoning.
Puisqu’à l’heure actuelle, l’Union soviétique, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne n’approuvent pas une guerre civile en Chine2, que d’autre part, notre Parti a lancé les trois grands mots d’ordre : paix, démocratie et union3 et envoie à Tchongking les camarades Mao Zedong, Chou En-lai et Wang Jouo-fei4 pour discuter avec Tchiang Kaï-chek des grands problèmes de l’union et de la construction nationale, il est possible de déjouer le complot de guerre civile des réactionnaires chinois. Il est vrai qu’ayant occupé Changhai, Nankin et d’autres lieux, rétabli les communications maritimes, pris possession des armes de l’ennemi et incorporé dans ses propres forces les troupes fantoches, le Kuomintang voit à présent sa position renforcée ; néanmoins, il reste couvert de mille plaies, déchiré de multiples contradictions internes, assailli par de grandes difficultés. Il est possible que, cédant à des pressions intérieures et extérieures, le Kuomintang reconnaisse conditionnellement le statut de notre Parti après les négotiations, et alors notre Parti aussi reconnaîtrait conditionnellement le statut du Kuomintang, ce qui ouvrirait une nouvelle période de coopération entre les deux partis (plus la Ligue démocratique5, etc.) et de développement pacifique. Si cette situation se présente, notre Parti devra s’efforcer de maîtriser toutes les méthodes de la lutte légale et intensifier son travail à l’intérieur des régions du Kuomintang, dans les trois principaux secteurs : villes, campagnes et armée (autant de points faibles de notre travail dans ces régions). Lors des négociations, le Kuomintang ne manquera certainement pas d’exiger que nous réduisions considérablement l’étendue des régions libérées et l’effectif de l’Armée de Libération et que nous cessions d’émettre du papier-monnaie. De notre côté, nous serons disposés à faire les concessions jugées nécessaires et qui ne porteront pas préjudice aux intérêts fondamentaux du peuple. Faute de ces concessions, nous ne pourrons ni briser le complot de guerre civile du Kuomintang, ni conquérir l’initiative politique, ni gagner la sympathie de l’opinion mondiale et des éléments du centre dans notre pays, ni obtenir en échange le statut légal pour notre Parti et une situation de paix. Mais les concessions ont des limites ; le principe est qu’elles ne doivent pas porter préjudice aux intérêts fondamentaux du peuple.
Si, après que notre Parti aura pris ces mesures, le Kuomintang persiste à déclencher la guerre civile, il se mettra alors dans son tort devant tout le pays et le monde entier, et notre Parti aura toute raison d’entreprendre une guerre de légitime défense en vue de briser les attaques du Kuomintang. D’ailleurs, notre Parti est puissant ; en cas d’une attaque de l’ennemi, pour autant que les conditions permettent de le battre, notre Parti prendra à coup sûr la position de légitime défense pour l’anéantir résolument, radicalement, intégralement et totalement (n’engageons pas de combat à la légère, ne nous battons que si nous sommes sûrs de vaincre). En aucune façon, nous ne devons nous laisser intimider par l’aspect terrifiant des réactionnaires. Mais nous devons à tout moment nous en tenir strictement aux principes suivants sans jamais les oublier : l’union et la lutte, l’union par la lutte ; dans la lutte, avoir le bon droit, l’avantage et de la mesure ; mettre à profit les contradictions, gagner à soi la majorité, s’opposer à la minorité, et écraser les adversaires un à un6.
Dans les provinces du Kouangtong, du Hounan, du Houpei, du Honan et d’autres, les forces de notre Parti sont dans une position plus difficile que dans la Chine du Nord ou dans la région située entre le Yangtsé et le Houaiho ; à vous qui travaillez dans ces provinces, le Comité central porte un profond intérêt. Mais il y a beaucoup de lacunes dans les vastes régions occupées par le Kuomintang ; vous serez tout à fait en état de vous en tirer à condition que vous ne commettiez pas de graves erreurs dans l’application de la politique militaire (mouvements et opérations) et de la politique d’union avec le peuple, et que vous soyez modestes et prudents, et non présomptueux et irréfléchis. Outre que vous recevez les directives nécessaires du Comité central, vous devez, de votre propre jugement, analyser la situation, résoudre vos problèmes, surmonter les difficultés, vous maintenir et étendre vos forces. Et lorsque le Kuomintang ne pourra plus rien contre vous, il est possible qu’il se voie contraint, dans les négociations entre les deux partis, de reconnaître votre force et d’accepter des arrangements avantageux pour les deux côtés. Mais vous ne devez absolument pas compter sur les négociations, ni attendre de la bienveillance du Kuomintang, car il ne sera jamais bienveillant. Vous devez compter sur la force dont vous disposez, sur la conduite correcte de vos activités, sur l’unité fraternelle au sein du Parti et sur les bons rapports avec le peuple. Vous appuyez fermement sur le peuple, voilà le moyen de vous en sortir.
En résumé, notre Parti se trouve devant de nombreuses difficultés dont il faut tenir compte et auxquelles tous les camarades doivent avoir l’esprit bien préparé. Mais l’orientation générale de la situation à l’extérieur et à l’intérieur du pays est favorable à notre Parti et au peuple. Tant que tout le Parti restera étroitement uni, nous saurons vaincre pas à pas toutes nos difficultés.